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Réflexions sur l’état d’urgence

Reflections on the state of emergency

Résumé

La réaction du législateur et des juges français face aux évènements tragiques de janvier (attentat de Charlie Hebdo) et novembre (attentat du Bataclan) survenus à Paris en 2015, l’indignation, l’émotion et l’inquiétude de l’opinion publique appelaient une réponse rapide et appropriée. Elle prit la forme de la remise en vigueur du régime dit de « l’état d’urgence », né en 1955 et dont on renforçait les contraintes. Cette réaction énergique mise au service de la sécurité reçut l’adhésion quasi unanime de l’opinion publique et de l’ensemble des courants politiques. Mais la mise en œuvre des nouvelles mesures ne manqua pas de susciter la réaction de certains intellectuels, philosophes et juristes qui firent valoir les risques d’atteinte aux libertés traditionnelles. On ne s’attachera pas à la dimension politique de la controverse mais on cherchera à montrer combien cette crise a été le révélateur de débats et conflits juridiques, portant notamment sur la qualification de la police exercée, le choix de la juridiction compétente, l’adaptation et la proportionnalité des mesures, questions toujours en débat.

Mots-clés:
état d’urgence; régime d’exception; securité; liberté; France

Abstract

The reaction from French parliamentarians and judges facing the tragic events occurred in Paris in January (Charlie Hebdo attack) and November (the Bataclan attack) 2015, the indignation, the emotion and the worry of public opinion required a fast and appropriate response. It took the form of reinstatement of the so-called regime of “state of emergency”, born in 1955, which reinforced constraints to freedoms. This energetic reaction to the development security service received almost unanimous support of public opinion and of all political currents. But the implementation of the new measures also provoked the reaction of some intellectuals, philosophers and jurists who denounced the risks of damage to traditional freedoms. This paper will not focus on the political dimension of the controversy but it will try to show how this crisis was the developer of legal debates and conflicts, focused specially on the qualification of the police used, the choice of competent jurisdiction, the adaptation and proportionality of the measures, issues still under debate.

Keywords:
state of emergency; exceptional regime; security; freedom; France

Les attentats terroristes revendiqués par l’état islamique et d’autres factions du monde arabe ont lourdement frappé la France et bien d’autres pays. Le terrorisme s’inscrit, certes, dans une tradition historique et s’observe dans presque tous les endroits de la planète, variant selon les lieux et les époques. Caractérisé par sa violence et mené par des « minorités agissantes » on le retrouve sous la « Terreur » durant la Révolution française - par ailleurs temps fort de la proclamation des droits de l’homme - et, de nos jours, en l’Europe: Irlande du Nord, pays basque, brigades rouges italiennes, bande à Bader en Allemagne… Il a désormais une dimension internationale, une dimension géopolitique difficile à cerner, des méthodes nouvelles liées à la transformation des moyens de communication ce qui lui donne une singularité et une ampleur particulières. La globalité du phénomène, sa gravité et sa complexité conduisent les pays menacés à prétendre qu’ils sont « en état de guerre » et qu’il faut répondre à cette provocation meurtrière par l’unité nationale, européenne et internationale. Le terrorisme est d’abord un problème politique.

C’est aussi un problème juridique qui remet en question la réponse à donner à la délicate conciliation entre sécurité (un réflexe « animal » selon Jean Carbonnier dans son célèbre « Flexible droit ») et liberté. La réaction du législateur et des juges français face aux évènements tragiques de janvier (attentat de Charlie Hebdo) et novembre 2015 (attentat du Bataclan) survenus à Paris en 2015, l’indignation, l’émotion et l’inquiétude de l’opinion publique appelaient une réponse rapide et appropriée. À menace exceptionnelle devait répondre un régime d’exception.

Elle prit la forme de la remise en vigueur du régime dit de « l’état d’urgence », né en 1955 et dont on renforçait les contraintes. Cette réaction énergique mise au service de la sécurité reçut l’adhésion quasi unanime de l’opinion publique et de l’ensemble des courants politiques. Mais la mise en œuvre des nouvelles mesures ne manqua pas de susciter la réaction de certains intellectuels, philosophes et juristes qui firent valoir les risques d’atteinte aux libertés traditionnelles. On ne s’attachera pas à la dimension politique de la controverse mais on cherchera à montrer combien cette crise a été le révélateur de débats et conflits juridiques, portant notamment sur la qualification de la police exercée, le choix de la juridiction compétente, l’adaptation et la proportionnalité des mesures, questions toujours en débat.

La première loi contemporaine antiterroriste remonte à 1986. De 1986 à 2015 une trentaine de réformes répressives sont intervenues, le rythme s’étant accéléré entre 2001 et 2015. Ainsi de la loi du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne qui renforce les contrôles d’identité, les délits de financement et la confiscation des biens, de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité qui renforce le recours aux écoutes téléphoniques et aux infiltrations, de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme qui prolonge le délai de garde à vue de 6 jours, de la loi du 14 mars 2011 sur la programmation de la sécurité intérieure qui met au point un système de « cyberpatrouilles » et de captation des données informatiques, qui sera renforcée par la loi du 21 décembre 2012 et par la loi du 13 novembre 2014 qui interdit aux candidats au Djihad la sortie du territoire, de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Ces lois étaient portées par le ministre de l’Intérieur et non par la ministre de la Justice.

Les attentats du 13 novembre appelaient le recours à un régime plus global et on commença par exclure trois régimes d’exception inscrits dans le droit français pour gérer les situations de crise. Le vieux régime de l’état de siège, dont les origines remontent à la révolution de 1848 et qui reste prévu à l’article 36 de la Constitution a pour effet de transférer les pouvoirs de police des autorités civiles aux autorités militaires, ce qui n’était pas envisageable ; les pouvoirs exceptionnels que l’article 16 de la Constitution donne au Président de la République lorsque le Parlement n’est plus en mesure de légiférer n’ont été mis en œuvre qu’une seule fois et n’étaient guère adaptés ; la théorie des circonstances exceptionnelles, développée par le juge administratif et d’usage peu fréquent, ne convenait pas non plus à une situation aussi grave. Le gouvernement songea donc au régime de « l’état d’urgence » qui donne au pouvoir exécutif des pouvoirs renforcés dans deux hypothèses: en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public- ce qui est le cas ici- et en cas d’évènements présentant par leur nature et leur gravité, le caractère de calamités publiques.

Après avoir rappelé les contraintes apportées aux libertés par la proclamation de l’état d’urgence au nom de la sécurité (1) ainsi que les contrôles exercés sur ces atteintes au nom de la garantie des droits et principes fondamentaux (2), la réflexion portera sur la résurgence du conflit entre les ordres de juridictions, le juge judiciaire revendiquant les compétences données au juge administratif dans le contentieux de l’état d’urgence (3).

1. UN RÉGIME D’EXCEPTION: AU NOM DE LA SÉCURITÉ

L’état d’urgence a pour origine les « évènements » d’Algérie et elle fut mise en œuvre à deux reprises sous la IVème République (en 1955 et 1958) et une fois sous la Vème République (en 1961). Il s’appliquait à l’ensemble du territoire métropolitain. Il fut par la suite mis en œuvre en 1985 (limité à la Nouvelle Calédonie), en 1986 et 1987 (limité à la Polynésie française) et en 2005 dans certaines banlieues de la région d’Ile-de-France.

1.1. La proclamation de l’état d’urgence

En 2015, la déclaration de l’état d’urgence est intervenue le lendemain des attentats de novembre par un décret en conseil des ministres, du 4 novembre 2015, plusieurs décrets et circulaires apportant des précisions les jours suivants. Vu la gravité de la situation, le régime s’étend à l’ensemble du territoire métropolitain et à la majeure partie des collectivités ultra-marines. Le Conseil d’Etat a précisé que le décret n’est pas un acte de gouvernement et peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir le juge exerçant un contrôle restreint mais il n’y eut pas de recours

La loi de 1955 ayant prévu que la prorogation de l’état d’urgence au-delà de 12 jours doit être autorisée par la loi, un projet de loi demandant une prorogation de 3 mois à compter du 26 novembre 2015 fut déposé et adopté à la quasi unanimité par les deux Chambres le 20 novembre 2015 selon une procédure accélérée. La loi modifiait certaines dispositions de la loi de 1955 pour en renforcer les contraintes. Une nouvelle loi de prorogation a été adoptée le 19 février 2016 prorogeant l’état d’urgence pour 3 nouveaux mois jusqu’au 26 mai 2016. Ces prorogations n’ont rien d’exceptionnel et s’observent dans le passé1 1 Lors des évènements d’Algérie, l’état d’urgence a duré 25 mois, d’avril 1961 à mai 1963 .

L’état d’urgence peut s’appuyer sur trois textes majeurs de droit international qui ont prévu des dispositions reconnaissant la possibilité de régimes d’exception. Il peut se réclamer de la Convention européenne des droits de l’homme, adoptée par les membres du Conseil de l’Europe le 4 novembre 1950, qui prévoit dans son article 15: « En cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la Nation, toute partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente convention »2 2 La CEDH exige « une situation de crise ou de danger exceptionnel et imminent qui affecte l’ensemble de la population et constitue une menace pour la vie organisée de la communauté composant l’Etat »: CEDH 1er juillet 1961, « Lawless c/ Irlande » . Dans un arrêt du 24 mars 2006, « Rolin », le Conseil d’Etat a déclaré l’état d’urgence conforme aux stipulations de l’article 15.

Il est conforme aussi aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution du 16 décembre 1966 ainsi qu’à la Convention américaine relative aux droits de l’homme, dite Pacte de San José, adoptée le 22 novembre 1969 autorisant la « suspension des garanties… en cas de guerre, de danger public ou dans toute autre situation de crise qui menace l’indépendance ou la sécurité d’un Etat partie ».

Les mesures prises dans le cadre de ce régime d’exception pourront faire l’objet d’un recours devant la Cour de Luxembourg ou de San José qui examineront si les mesures prises ont respecté les principes de légalité, nécessité, proportionnalité et compatibilité.

L’état d’urgence s’est aussi vu délivrer un brevet de constitutionnalité lorsque le Conseil constitutionnel, dans une décision du 25 janvier 1985 a estimé que la Constitution de 1958 bien qu’elle ne le mentionne pas expressément n’a pas eu pour effet d’abroger la loi sur l’état d’urgence. Depuis la révision constitutionnelle qui a introduit la question prioritaire de constitutionnalité, il apparait que les mesures prises à l’occasion de l’état d’urgence donneront lieu à des saisines du Conseil constitutionnel qui sera conduit à apporter les précisions nécessaires sur les contraintes retenues par la loi (cf. infra).

1.2. Les contraintes pesant sur les libertés

On présentera rapidement les principales restrictions apportées aux libertés par la proclamation de l’état d’urgence.

La loi de 1955 donne la faculté au ministre de l’Intérieur et aux préfets dans les départements d’interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans des lieux et aux heures précisées par arrêté (couvre feu) ;d’instituer des zones de protection ou de sécurité dans lesquelles le séjour des personnes est réglementé ; d’interdire le séjour dans tout ou partie d’un département des personnes cherchant à entraver l’action des pouvoirs publics, de procéder à des réquisitions de biens et de personnes. Le contrôle de la presse, des émissions radiophoniques, des représentations cinématographiques ou théâtrales a été supprimé en 2015, les nouveaux modes d’information et de renseignement ayant rendu désuet ce contrôle.

La loi du 20 novembre 2015, vu la gravité de la situation, ajoute des restrictions supplémentaires à la liberté de réunion et de manifestation: possibilité de fermeture provisoire de salles de spectacles, débits de boisson et autres lieux de réunion et possibilité d’interdire des rassemblements même accidentels, ainsi qu’à la liberté d’association: possibilité de dissoudre une association facilitant ou incitant à commettre des « actes portant une atteinte grave à l’ordre public ».

Deux mesures complémentaires renforcées sont à l’origine de débat: l’assignation à résidence qui peut s’étendre à tout le territoire métropolitain et les perquisitions. L’article 6 permet au ministre de l’Intérieur et à lui seul de prononcer l’assignation à résidence dans une circonscription territoriale ou une localité déterminée de toute personne dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre public. L’article 11 permet au ministre de l’Intérieur et au préfet dans son département d’ordonner des perquisitions à domicile de jour comme de nuit.

A la différence des précédentes mises en œuvre de l’état d’urgence, le recours à ces deux dernières mesures entre la mi novembre 2015 et la fin février 2016 a été de grande ampleur. Durant la première semaine on ne compte pas moins de 562 perquisitions administratives et 157 assignations à résidence. Le rythme se ralentit par la suite et le bilan le 26 février, à la fin des 3 premiers mois, est de 3397 perquisitions qui n’ont donné lieu qu’à 5 procédures lancées par le Parquet et 274 assignations à résidence. Après un certain ralentissement, les attentats de Bruxelles,le 20 mars 2016, et leurs liens avec ceux de novembre à Paris ont relancé la mise en œuvre de ces mesures.

La fébrilité des premières semaines s’étant apaisée et après le constat de quelques excès dus notamment à la préparation de la COP 21 et la réunion à Paris des principaux chefs d’Etat de la planète qui donna lieu à l’assignation à résidence de quelques adeptes de la hard ecology, un débat s’engagea sur les dérives possibles dans la mise en œuvre des mesures et sur la prudence avec laquelle il conviendrait de péréniser certaine d’entre elles lorsque l’on sortirait de l’état d’urgence. Les contraintes du régime d’exception appelaient un renforcement des garanties et plusieurs contrôles ont été prévus afin d’assurer le respect des droits fondamentaux et des libertés publiques et individuelles.

2. LES GARANTIES ET LES CONTRÔLES: AU NOM DE LA LIBERTÉ

2.1. Les libertés en question

Un débat s’engagea entre les différents courants politiques, philosophiques, sociologiques, opposant les partisans de la rigueur et de la sévérité, et ceux favorables à une application mesurée des contraintes.

S’agissant des querelles juridiques elles se fixèrent autour des principes traditionnels du droit pénal. Il fut soutenu qu’une procédure pénale « bis » s’installait s’écartant du droit commun et de ses garanties au prétexte qu’elle concernait des délinquants particulièrement dangereux, qu’on assistait à un glissement vers de nouvelles incriminations dont la preuve était rapportée en amont de la commission de l’acte, à un abandon de la présomption d’innocence en criminalisant une intention sans qu’il y ait eu commencement d’exécution, à une nouvelle conception du droit pénal fondée sur la dangerosité supposée d’un individu et non sur la matérialité d’un acte délictueux. On a été jusqu’à invoquer un excès de précaution, la revendication d’un risque zéro qui n’existe pas.3 3 Voir notamment Christine Lazergues, professeur de droit pénal et présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans son article « Le nouveau droit pénal se construit sur des sables mouvants « Le Monde », 5 mars 2016.

La France se serait installée « dans l’ère des suspects », les preuves reposant sur des apparences et sur les « notes blanches » imprécises et lacunaires des services du ministère de l’Intérieur.

2.2. Le renforcement des contrôles

A mesures exceptionnelles, contrôle exceptionnel. Interviennent cumulativement un contrôle parlementaire, l’intervention de commissions consultatives et les recours juridictionnels.

2.2.1. Contrôle parlementaire

Un nouvel article (nº4-1) a été inséré dans la loi de 1955 qui dispose que « l’Assemblée nationale et le Sénat, considérés comme des vigies de l’action du gouvernement sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence. Ils peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures ». Par ailleurs, la loi de 1955 prévoit la cessation automatique de l’Etat d’urgence en cas de démission du gouvernement ou de dissolution des assemblées.

La commission devra évaluer quantitativement et qualitativement la pertinence des moyens mobilisés et signaler les problèmes et abus éventuels. Des tableaux de bord thématiques sont mis à jour chaque semaine et, pour mener à bien ce travail de contrôle, la Commission est dotée des prérogatives attribuées habituellement aux commissions d’enquête parlementaires (pouvoir de contrainte pour auditionner des personnes, pouvoirs d’enquête, pouvoirs de contrôle sur pièce et sur place…). La Commission peut formuler des recommandations à l’attention du Gouvernement afin de conforter l’efficacité du dispositif et d’améliorer les garanties des libertés individuelles.

2.2.2. Contrôle du Défenseur des droits et de la Commission de contrôle des droits de l’homme

A l’expiration de la première période de trois mois, le Défenseur des droits4 4 Prévu à l’article 71-1 de la Constitution et qualifié d »’autorité constitutionnelle indépendante », il a remplacé en 2011 le Médiateur, le Défenseur des enfants, la Haute Autorité de lutte contre la discrimination et la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Il peut être saisi directement par tout citoyen qui s’estime lésé « dans ses droits et libertés »et peut se saisir d’office. Il exerce un pouvoir de collecte des informations, de médiation et de recommandation. En 2014, il a reçu plus de 100 000 demandes d’intervention et de conseil,77% des demandes sont traitées par les 400 délégués territoriaux et 80% ont reçu un règlement amiable. a présenté le bilan des réclamations qu’il a reçu dans le cadre de l’état d’urgence. 73 saisines ont été enregistrées depuis le 29 novembre, la plupart (32) concernaient des perquisitions dont la plupart n’avaient eu aucune suite.

Dans le cadre de sa mission d’ alerte le bilan évoque « l’effet délétère des mesures fondées sur l’état d’urgence », relève la difficulté d’apprécier la dangerosité d’un individu, l’éventualité de dénonciations anonymes malveillantes et le risque d’ « un climat de suspicion et de méfiance, susceptible de remettre en cause la cohésion sociale ». Il demande que les modalités des perquisitions soient adaptées et préconise la mise en place de mécanismes exceptionnels d’indemnisation.

Par ailleurs, il met en avant les dangers d’une réforme constitutionnelle visant à inscrire l’état d’urgence dans la Constitution qui pourrait conduire à de nouvelles mesures restrictives de libertés et « donner un fondement incontestable aux pouvoirs de police administrative au détriment de l’article 66 de la Constitution ».5 5 Le projet de révision constitutionnelle qui avait divisé les parlementaires a été retiré par le président de la République le 30 mars 2016.

La Commission nationale des droits de l’homme6 6 Créée en 1947, elle est assimilée à une autorité administrative indépendante. Elle assiste le Premier ministre et les ministres intéressés par ses avis sur toutes les questions de portée générale relevant de son champ de compétence tant sur le plan national qu’international. Elle peut, de sa propre initiative, appeler publiquement l’attention du Parlement et du Gouvernement sur les mesures qui lui paraissent de nature à favoriser la protection et la promotion des droits de l’homme. fut saisie par le Parlement fin 2015 et déposa un premier rapport qui souligne que l’état d’urgence est un état d’exception qui doit demeurer circonscrit dans le temps, encadré et contrôlé strictement. Le tribut que l’état d’urgence fait subir à la Nation et à ses citoyens est lourd, le respect de l’état de droit est un horizon non négociable.

Elle critique les perquisitions menées de nuit, sans prendre en compte la présence au domicile de personnes vulnérables -dont des enfants -, et cause de dégâts matériels, ainsi que les assignations à résidence par nature attentatoires à la liberté d’aller et de venir et qui désorganisent la vie familiale et professionnelle. Décidées par la seule autorité administrative (ministre de l’Intérieur, préfets), les mesures de l’état d’urgence échappent totalement au contrôle a priori du juge judicaire. En outre, s’agissant du juge administratif, si les conditions d’un contrôle a posteriori se sont progressivement mises en place, leur efficacité est trop souvent entravée par la pauvreté des pièces (notes blanches) soumises au juge pour qu’il fonde son opinion.

Le débat se poursuivait en même temps dans la presse et les medias. Les attentats à Bruxelles en mars 2016 et la recherche de réseaux franco-belges ont à nouveau fait pencher la balance en faveur d’un renforcement des mesures de sécurité souhaité par la grande majorité des citoyens, le ministre de l’Intérieur faisant valoir que l’état d’urgence n’était pas le contraire de l’Etat de droit mais, quand la situation l’exige, son « bouclier ».

2.2.3. Contrôle des juges

Les juges constitutionnel, administratif et judiciaire eurent à s’exprimer.

2.2.3.1. Conseil constitutionnel

Trois décisions retiendront l’attention. La première est antérieure à l’état d’urgence et concerne la constitutionnalité de la loi de juillet 2015 sur le renseignement qui remplaçait l’ancien système dit des « écoutes ». Considéré comme une opération de police judiciaire, celui-ci était placé sous le contrôle du procureur de la République. Le Conseil constitutionnel estime que l’atteinte portée aux libertés par le nouveau statut du renseignement n’est pas disproportionnée, qu’il s’agit police administrative et que d’une opération de l’intervention du juge judiciaire pour autoriser et contrôler les mesures prises n’est pas indispensable (CC 25 juillet 2015).

Peu de temps après les attentats de novembre 2015, le Conseil constitutionnel fut saisi par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité à propos de l’article 6 de la loi du 20 novembre 2015 sur les assignations à résidence. Il précise qu’il s’agit de mesures de police administrative qui ne portent atteinte ni à l’article 66 de la Constitution sur la liberté individuelle et les détentions arbitraires, ni à la liberté d’aller et venir, ni au droit au respect de la vie privée et à une vie familiale normale (CC 22 décembre 2015).

Dans une décision du 19 février 2016, le Conseil constitutionnel retient la constitutionnalité des articles 8 et 11 de la loi sur l’état d’urgence, le premier concerne la fermeture des salles de spectacles, le second les perquisitions à titre préventif. La question la plus controversée était celle du fondement donné à cette mesure: il suffit d’ « une raison sérieuse de penser que le lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public ». Comment apprécier la « raison sérieuse » ?

2.2.3.2. Conseil d’Etat et juridictions administratives

Le juge administratif est en première ligne dans le contentieux de la légalité des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence et qualifiées de mesures de police administrative. Le Conseil d’Etat quant à lui a été conduit à prendre position dans le cadre de ses pouvoirs de conseil, lorsqu’il s’est prononcé sur les décrets et les projets de loi.

En tant que donneur d’avis, la Haute Assemblée a rendu les 17 novembre 2015 et 2 février 2016 des avis - qui ont été rendus publics - sur les projets de loi de prorogation. Il relève que les mesures « sont proportionnées aux circonstances » et que les modifications apportées à la loi de 1955 ne relèvent pas « d’une rigueur non nécessaire » et apportent des « garanties suffisantes ». S’agissant des perquisitions, il estime qu’elles sont suffisamment encadrées « pour assurer une conciliation non déséquilibrée… entre la sauvegarde de l’ordre public et le respect de la vie privée. Le recours à la tournure négative convient bien à au dosage recherché dans la proportionnalité.7 7 Les expressions « rigueur non nécessaire », « garanties suffisantes », et « conciliation équilibrée » sont aussi celles utilisées par le Conseil constitutionnel.

Intervenant au contentieux, le Conseil d’Etat avait eu l’occasion de préciser l’étendue des garanties à apporter lors de la mise en œuvre de la loi de 1955. Il avait étendu son contrôle passant de celui d’un contrôle restreint, à celui de l’erreur manifeste et enfin à un contrôle normal. S’agissant de la prorogation de l’état d’urgence, il admet sa nécessité eu égard à la « persistance de la menace (CE, Ord du 27 janvier 2016, « Ligue des droits de l’homme »).

Un premier bilan a été communiqué, la plupart des décisions étant intervenues par ordonnance en référé-liberté.8 8 Entre le 14 novembre 2015 et le 25 février 2016 les tribunaux administratifs ont rendu 24 décisions au fond et 116 ordonnances en référé (120 concernaient les assignations à résidence). 65% des demandes de suspension ont été rejetées et 17 non lieu prononcés la mesure ayant été entre temps abrogée. La question de l’indemnisation des préjudices subis lors des perquisitions devrait être jugée en priorité.

2.2.3.3. Juge judiciaire

A la différence du juge administratif, il n’a guère l’occasion d’intervenir car il n’est saisi que des infractions qui sont commises par les particuliers lorsqu’ils ne respectent pas les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence: cf. non respect d’une assignation à résidence, violation d’une interdiction de circuler ou de séjour. Ces infractions sont peu nombreuses.

Cette « mise à l’écart » du juge judiciaire a réveillé la tension récurrente qui existe entre les deux ordres de juridiction et qui trouve ici l’occasion d’un débat subtil.

3. LE MEILLEUR JUGE: AU NOM DE L’EFFICACITÉ

Deux questions seront ici abordées, celle du caractère de la police exercée dans le cadre de l’état d’urgence et celle qui lui est étroitement liée de l’ordre de juridiction compétent.

3.1. Police administrative et police judiciaire

En théorie, la police administrative a pour objet d’éviter que l’ordre public soit troublé: elle est préventive. La police judiciaire a pour mission de « constater les infractions à la loi pénale, en rassembler les preuves et en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte»: elle est répressive. Le contentieux de la première appartient à la juridiction administrative, celui de la seconde relève des tribunaux judiciaires, cette exclusivité étant rattachée par le Conseil constitutionnel au principe de la séparation des pouvoirs: CC, 19 janvier 2006.

En pratique, la distinction entre les deux polices n’est pas toujours aisée. La jurisprudence retient un critère finaliste se référant à l’objet de l’opération et à l’intention dans laquelle les autorités ou personnels de police ont agi: il y a police judiciaire lorsque les décisions ou les opérations sont en relation avec une infraction pénale, qu’elle soit réelle ou seulement éventuelle et présumée. Certaines opérations de police ont un caractère polyvalent c’est le cas des contrôles d’identité souvent réalisés en vue de la recherche d’auteurs d’infraction, mais qui peuvent aussi s’exercer à titre préventif. Le contentieux de ces contrôles avait été unifié au profit des tribunaux judiciaires (loi du 10 août 1993). L’identité de toute personne pouvant être contrôlée « pour prévenir une atteinte à l’ordre public », les débats qui eurent lieu alors portaient sur les risques d’abus dans la mise en œuvre de ces contrôles et s’étendirent pas au caractère de la police et la compétence du juge judiciaire.

Il en est autrement en 2015. Priés de se prononcer sur le caractère des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat ont adopté une position très claire: il s’agit d’opérations de police administrative. Il est vrai que la situation a beaucoup évolué ces dernières années avec la conception nouvelle de ce qu’il est convenu d’appeler le « renseignement » qui a remplacé les anciennes « écoutes ». Traditionnellement, celles-ci étaient essentiellement des opérations de police judiciaire, autorisées par le code de procédure pénale sous l’autorité du procureur de la République car entraînant nécessairement des atteintes à la vie privée.

Mais l’évolution des objectifs et des missions de la police du renseignement placée sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, assisté du ministre des Transports et de la Défense, tend à renforcer le caractère administratif de cette fonction.9 9 Le caractère de police administrative du renseignement apparaît aussi dans la volonté de renforcer la déontologie dans la mise en oeuvre des mesures. Le Code de sécurité intérieure consacre un chapitre entier à « la déontologie de la sécurité intérieure » et une autorité administrative indépendante, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, a été mise en place. On met en valeur le caractère préventif de la collecte de renseignements en un minimum de temps dans le but d’éviter que des infractions soient commises, autant d’éléments qui plaident en faveur du caractère administratif de cette police laquelle eu égard à la singularité des interventions et des autorités compétentes s’apparenterait à une police administrative spéciale.

Saisi de la constitutionnalité de la loi sur le renseignement du 25 juillet 2015, le Conseil constitutionnel confirme cette position: « le recueil de renseignements… au moyen de techniques définies par le Code de sécurité intérieure par les service spécialisés pour l’exercice de leurs missions respectives relève de la seule police administrative » (CC 23 juillet 2015).

Quelques mois plus tard, le Conseil constitutionnel élargit le domaine de la police administrative aux mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence et notamment aux perquisitions et justifie la compétence du juge administratif par les garanties de leur mise en œuvre.10 10 « Considérant que la décision ordonnant une perquisition sur le fondement des dispositions contestées en précise le lieu et le moment ; que le procureur de la République est informé sans délai de cette décision ; que la perquisition est conduite en présence d'un officier de police judiciaire ; qu'elle ne peut se dérouler qu'en présence de l'occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins ; qu'elle donne lieu à l'établissement d'un compte rendu communiqué sans délai au procureur de la République… que le juge administratif est chargé de s'assurer que cette mesure qui doit être motivée est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit ». Même si cette position trouve des justifications, elle n’en a pas moins soulevé la réaction d’un grand nombre de juristes en particulier celle des magistrats des juridictions judiciaires, au plus haut niveau.

3.2. Juge administratif ou juge judiciaire?

Le dualisme juridictionnel a des origines anciennes11 11 Voir la célèbre loi des 6 et 24 août 1790. Sous l’Ancien Régime, l’Edit de Saint Germain de 1032 interdisait aux magistrats des Parlements de connaître des affaires publique et cet héritage est solidement installé en France. Selon la Constitution, chaque ordre de juridiction dispose d’un champ de compétence clairement délimité: « Il n’appartient qu’à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l’annulation ou à la réformation des décisions prises par l’administration dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique » et certaines matières relèvent « par nature » de la compétence du juge judiciaire: l’état des personnes, le droit de propriété et les atteintes à la liberté individuelle.12 12 L’article 66 de la Constitution fait de « l’autorité judiciaire, la gardienne de la liberté individuelle ». Cette ligne de partage n’est cependant pas aisée à tracer et le Tribunal des conflits, arbitre des compétences, s’évertue au consensualisme sans parvenir toutefois à éviter la complexité des compromis.

Selon Jean Rivero, le dualisme pose une question majeure: la coexistence du juge judiciaire et du juge administratif est-il pour la protection des libertés bénéfique ou nuisible? À première vue, la réponse est en faveur des bienfaits du dialogue des juges- devenu actuellement un chœur à cinq voix car à celles du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation se sont jointes celles du Conseil constitutionnel, de la CJUE et de la CEDH. Ce dialogue permet aux jurisprudences de s’enrichir mutuellement, à condition cependant que les compétences soient clairement fixées.

Or, ces dernières années, à propos des droits fondamentaux, les lignes de partage se sont à la fois précisées et brouillées, les distinctions délicates entre libertés individuelles et fondamentales et entre libertés au pluriel et liberté au singulier ajoutant à la complexité.

Une volonté de simplification, afin d’éviter les lenteurs des procès dus aux renvois d’une juridiction à l’autre a été couronnée de succès13 13 C’est le cas de la volonté de réduire les questions préjudicielles, en limitant les cas de renvois du juge judiciaire vers le juge administratif: TC 17 octobre 2011, « SCEA du Chéneau ». mais lorsqu’elle a touché la délicate question des droits fondamentaux la querelle a commencé à s’installer. Le juge administratif a toujours su défendre les libertés, publiques et individuelles - n’avait-il pas,en avant-garde, construit praeter legem dans les années 1950 la théorie des « principes généraux du droit » opposables, même sans texte à l’administration? - et il a su habilement évoluer vers une conception non seulement objective mais aussi subjective du droit public. Il acceptait mal de se voir écarté du règlement des litiges concernant les atteintes portées aux libertés qui lorsqu’elles avaient le caractère de voie de fait étaient de la compétence du juge judiciaire.

Certains dénonçaient le fait que le juge judiciaire, saisi systématiquement par les avocats, avait tendance à trop fréquemment qualifier voie de fait un agissement administratif, étendant par là même son champ de compétence. La querelle gagna même le Tribunal des conflits d’ordinaire plus consensuel et provoqua la démission d’un de ses membres en 1997. Elle s’est apaisée depuis que le juge administratif peut adresser des injonctions à l’administration (loi du 8 février 1995) et surtout agir efficacement en référé-liberté (loi du 30 juin 2000), ce qui lui permet de mettre fin, aussi rapidement que le juge judiciaire, à des comportements inadmissibles. Constater et faire cesser une atteinte grave aux libertés lorsque l’administration s’est mise « hors du droit » n’est plus interdite au juge administratif qui dispose, avec le référé-liberté du moyen de la faire cesser en urgence (48 heures): TC 17 juin 2013, «Bergoend”.

La volonté de rapprochement entre les deux ordres de juridictions qui s’est manifestée il y a quelques années fait place depuis 2015 à un climat conflictuel attisé par l’état d’urgence. La question de savoir quel ordre de juridiction garantira le mieux l’exercice des libertés ne se pose pas. Au regard de l’efficacité, le juge administratif a perdu son handicap depuis qu’il peut intervenir en urgence et au regard de l’équité personne ne s’avisera de le mettre en cause. Mais la mise en œuvre de l’état d’urgence, la difficulté de distinguer libertés individuelles et libertés fondamentales et le quasi monopole donné au juge administratif dans le contentieux des mesures qualifiées de police administrative a soulevé un vent de protestations dans le monde judiciaire et les critiques ont rarement été aussi ouvertes et vives.

Le contentieux de l’utilisation des techniques de renseignement confié au juge administratif par la loi de 2015 avait déjà suscité la protestation de l’Union syndicale des magistrats contre le fait que « les atteintes les plus graves à la liberté individuelle impliquant à la fois la violation de la vie privée et celle du domicile ne soient pas soumises au juge judiciaire ». Le 18 décembre 2015, le premier Président de la Cour de cassation, sortant d’une traditionnelle réserve, déplorait la mise à l’écart de l’autorité judiciaire en des termes énergiques rappelant que « le principe de la séparation des pouvoirs veut que la justice soit rendue par une autorité distincte du pouvoir politique », constatant que « le périmètre de l’organisation du service public de la justice s’étend au détriment du fonctionnement proprement dit de l’autorité judiciaire » et allant jusqu’à demander que le Parlement se saisisse de la question de la promotion d’ « une justice au service du public et non une justice service public, simple rouage de l’administration générale de l’Etat sous l’autorité du pouvoir exécutif ».

Se voyait donc mis en cause ouvertement la démarche expansionniste du juge administratif, son habileté à recourir abusivement au caractère de service public de la justice qui l’ autorise à contrôler son organisation14 14 Même s’il est exercé « avec tact et mesure », le contrôle par le juge administratif de l’organisation des juridictions judiciaires (considérées comme un service public comme les autres) et qui l’entraîne à se prononcer sur le recrutement, la carrière des magistrats et les sanctions qui les frappent est de plus en plus mal supportées par elles. (mais pas son fonctionnement), et même la proximité du Conseil d’Etat avec le pouvoir exécutif. Avec la volonté d’afficher la serénité qui la caractérise, la haute juridiction administrative a répondu de manière oblique en déplaçant le débat sur sa tradition d’indépendance et d’impartialité dans sa défense des libertés, ce que personne ne saurait contester.15 15 Voir la mise au point du président de la section du contentieux le 20 janvier 2016.

Le temps et la fin, on l’espère prochaine, de l’état d’urgence apaiseront sans doute ces querelles et les Hautes juridictions sauront raison garder. La meilleure justification du dualisme juridictionnel est de favoriser une saine émulation, une courtoise compétition en faveur de l’excellence, chacun prenant à l’autre ce qui est le plus favorable au justiciable et à la progression harmonieuse du droit.

  • 1
    Lors des évènements d’Algérie, l’état d’urgence a duré 25 mois, d’avril 1961 à mai 1963
  • 2
    La CEDH exige « une situation de crise ou de danger exceptionnel et imminent qui affecte l’ensemble de la population et constitue une menace pour la vie organisée de la communauté composant l’Etat »: CEDH 1er juillet 1961, « Lawless c/ Irlande »
  • 3
    Voir notamment Christine Lazergues, professeur de droit pénal et présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans son article « Le nouveau droit pénal se construit sur des sables mouvants « Le Monde », 5 mars 2016.
  • 4
    Prévu à l’article 71-1 de la Constitution et qualifié d »’autorité constitutionnelle indépendante », il a remplacé en 2011 le Médiateur, le Défenseur des enfants, la Haute Autorité de lutte contre la discrimination et la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Il peut être saisi directement par tout citoyen qui s’estime lésé « dans ses droits et libertés »et peut se saisir d’office. Il exerce un pouvoir de collecte des informations, de médiation et de recommandation. En 2014, il a reçu plus de 100 000 demandes d’intervention et de conseil,77% des demandes sont traitées par les 400 délégués territoriaux et 80% ont reçu un règlement amiable.
  • 5
    Le projet de révision constitutionnelle qui avait divisé les parlementaires a été retiré par le président de la République le 30 mars 2016.
  • 6
    Créée en 1947, elle est assimilée à une autorité administrative indépendante. Elle assiste le Premier ministre et les ministres intéressés par ses avis sur toutes les questions de portée générale relevant de son champ de compétence tant sur le plan national qu’international. Elle peut, de sa propre initiative, appeler publiquement l’attention du Parlement et du Gouvernement sur les mesures qui lui paraissent de nature à favoriser la protection et la promotion des droits de l’homme.
  • 7
    Les expressions « rigueur non nécessaire », « garanties suffisantes », et « conciliation équilibrée » sont aussi celles utilisées par le Conseil constitutionnel.
  • 8
    Entre le 14 novembre 2015 et le 25 février 2016 les tribunaux administratifs ont rendu 24 décisions au fond et 116 ordonnances en référé (120 concernaient les assignations à résidence). 65% des demandes de suspension ont été rejetées et 17 non lieu prononcés la mesure ayant été entre temps abrogée. La question de l’indemnisation des préjudices subis lors des perquisitions devrait être jugée en priorité.
  • 9
    Le caractère de police administrative du renseignement apparaît aussi dans la volonté de renforcer la déontologie dans la mise en oeuvre des mesures. Le Code de sécurité intérieure consacre un chapitre entier à « la déontologie de la sécurité intérieure » et une autorité administrative indépendante, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, a été mise en place.
  • 10
    « Considérant que la décision ordonnant une perquisition sur le fondement des dispositions contestées en précise le lieu et le moment ; que le procureur de la République est informé sans délai de cette décision ; que la perquisition est conduite en présence d'un officier de police judiciaire ; qu'elle ne peut se dérouler qu'en présence de l'occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins ; qu'elle donne lieu à l'établissement d'un compte rendu communiqué sans délai au procureur de la République… que le juge administratif est chargé de s'assurer que cette mesure qui doit être motivée est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit ».
  • 11
    Voir la célèbre loi des 6 et 24 août 1790. Sous l’Ancien Régime, l’Edit de Saint Germain de 1032 interdisait aux magistrats des Parlements de connaître des affaires publique
  • 12
    L’article 66 de la Constitution fait de « l’autorité judiciaire, la gardienne de la liberté individuelle ».
  • 13
    C’est le cas de la volonté de réduire les questions préjudicielles, en limitant les cas de renvois du juge judiciaire vers le juge administratif: TC 17 octobre 2011, « SCEA du Chéneau ».
  • 14
    Même s’il est exercé « avec tact et mesure », le contrôle par le juge administratif de l’organisation des juridictions judiciaires (considérées comme un service public comme les autres) et qui l’entraîne à se prononcer sur le recrutement, la carrière des magistrats et les sanctions qui les frappent est de plus en plus mal supportées par elles.
  • 15
    Voir la mise au point du président de la section du contentieux le 20 janvier 2016.

Publication Dates

  • Publication in this collection
    15 Apr 2019
  • Date of issue
    May-Aug 2016

History

  • Received
    20 Mar 2016
  • Accepted
    17 May 2016
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