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Femmes dans un lien conjugal violent. Passivité-détresse dans les liens premiers et entraves de la subjectivation

Mulheres numa relação conjugal violenta. Passividade-angústia nas principais ligações e obstáculos à subjetivação

Women in a violent marital relationship. Passivity-distress in the first links and barriers to subjectivation

Mujeres en un vinculo conyugal violento. Pasividad-angustia en los vinculos primarios y obstáculos de la subjectivación

Les violences à l’égard des femmes commises par un partenaire intime actuel ou ancien constituent encore un grave problème humain en dépit des mesures de prévention et de traitement adoptées. Notre objectif est d’approfondir, à partir de vignettes cliniques, la compréhension des enjeux subjectifs dans le lien à l’autre. Nous avons mené une analyse de discours de 36 entretiens cliniques avec des femmes durablement victimes de diverses formes de violences physiques de la part de leurs ex-conjoints. Hormis le constat fréquent de phénomènes d’emprise dans ces liens conjugaux, nous observons, dans un cas sur deux, une difficulté majeure à subjectiver ce qui leur est arrivé. Au-delà des effets des traumatismes vécus, certaines de ces femmes semblent aliénées à des scénarios infantiles douloureux qu’elles répètent dans le lien de couple afin de les rejouer différemment ou de les résoudre.

Mots clés:
Violence conjugale; lien; enjeux infantiles; subjectivation


Resumos

A violência contra as mulheres cometida por um parceiro íntimo, atual ou antigo, ainda é um problema grave, apesar das medidas de prevenção e tratamento adotadas. O nosso objetivo é aprofundar a compreensão dos interesses subjetivos na ligação ao outro, com base em vinhetas clínicas. Realizamos uma análise discursiva de 36 entrevistas clínicas com mulheres que foram vítimas a longo prazo de várias formas de violência física por parte dos seus ex-cônjuges. Para além da observação frequente dos fenômenos de controle nestas relações conjugais, observamos, num caso em cada dois, uma grande dificuldade em subjetivar o que lhes aconteceu. Para além dos efeitos resultantes dos traumas que viveram, algumas destas mulheres parecem estar presas aos dolorosos cenários da infância que se repetem na relação de casal, a fim de os reproduzir de forma diferente ou de os resolver.

Palavras-chave:
Violência doméstica; ligação; questões do infantil; subjetivação

Despite preventive and curative measures, violence against women by a current or former intimate partner remains a serious social issue. Based on clinical vignettes, this paper seeks to deepen the understanding of the subjective issues in the relationship with the other. A total of 36 clinical interviews with women victims of various forms of physical violence by their ex-partners were investigated by speech analysis. Besides the frequent phenomena of control in these marital bonds, we observed, in one case out of two, a great difficult in subjectivize what happen to them. Beyond the effects of the traumas they have experienced, some of these women seem to be caught in the repetition of deeply painful childhood scenarios that they repeat in their marital relationships to either reproduce them differently or solve them.

Key words:
Domestic violence; link; childhood issues; subjectivation


La violencia contra la mujer por parte de su pareja actual o anterior sigue siendo un grave problema humano, a pesar de las medidas de prevención y tratamiento adoptadas. Nuestro objetivo es profundizar, a partir de viñetas clínicas, la comprensión de las cuestiones subjetivas en el vínculo con el otro. Realizamos un análisis de discursos de 36 entrevistas clínicas con mujeres que han sido víctimas de diversas formas de violencia física por parte de sus ex-cónyuges. Aparte de los frecuentes fenómenos de dominación en estos vínculos conyugales, en uno de cada dos casos se observa una dificultad importante para subjetivar lo que les ha sucedido. Más allá de los efectos de los traumas sufridos, algunas de esas mujeres parecen alienadas a escenarios infantiles dolorosos que repiten en el vínculo de pareja para jugarlos de otra manera o resolverlos.

Palabras clave:
Violencia conyugal; vínculo; cuestiones infantiles; subjetivación


Introduction

Depuis plus d’une dizaine d’années, les violences conjugales, par leur ampleur et leur gravité, préoccupent les pouvoirs publics et l’opinion, sans toutefois que l’on puisse réellement repérer une régression du phénomène (Granet-Lambrechts et al., 2016Granet-Lambrechts F., Airiau, M., Czerny, E., Jouanneau, S., Mattéoli, A., & Metz C. & al. (2016). Les violences conjugales. Bilan des dispositifs et propositions d'amélioration [Rapport de recherche] 13.31. Université de Strasbourg Mission de recherche Droit et Justice. Available from: <halshs-01311843>)., Hamel et al. 2016Hamel, C., Debauche, A., Brown, E., Lebugle, A., Lejbowicz, T., Mazuy, M., ... & Dupuis, J. (2016). Viols et agressions sexuelles en France: premiers résultats de l’enquête Virage. Population Sociétés, 10, 1-4.; MIPROF, 2019MIPROF, 2019. Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Available from:<https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2013/04/Rapport-dactivites-MIPROF_2017-.pdf>.
https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.f...
). Selon un rapport de World Health Organization (2017)World Health Organization (2017). Violence against women. Intimate partner and sexual violence against women. Retrieved from: <https://www.who.int/en/news-room/fact-sheets/detail/violence-against-women>.
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sur les violences à l’égard des femmes, “La plupart de ces violences sont le fait de partenaires intimes. Dans le monde, près d’un tiers (30 %) des femmes ayant vécu une relation déclarent avoir subi une forme de violence physique et/ou sexuelle de la part de leur partenaire intime au cours de leur vie”.1 1 Texte original : "Most of this violence is intimate partner violence. Worldwide, almost one third (30%) of women who have been in a relationship report that they have experienced some form of physical and/or sexual violence by their intimate partner in their lifetime." Dans de nombreux pays, dont la France, des mesures de protection des victimes, qui restent majoritairement des femmes, ont été prises toutefois leur mise en œuvre nécessite que ces victimes puissent s’en saisir. En effet différentes études2 2 Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France (Jaspard, 2001, 2003, 2007, 2011) dirigée par Jaspard auprès d’un échantillon représentatif de 6970 âgées de 20 à 59 ans., Violence et Rapport de Genre (menée par Hamel et al., 2014) auprès d’un échantillon d’environ 16000 femmes et 12000 hommes. relèvent qu’une grande proportion3 3 Les sources sont les résultats statistiques de l’enquête Enveff comme les constats en provenance des diverses institutions d’accueil des femmes victimes de violences conjugales. de femmes ne porte pas plainte pour diverses raisons. Pour Stein (2014)Stein, A (2014). Cupid’s Knife: Women’s Anger and Agency in Violent Relationships. [Bookshelf Online]. Available from:<https://online.vitalsource.com/#/books/9781317963769>.
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“La passivité des femmes était largement soutenue par la famille, la communauté, l’église, la loi et la médecine, des institutions culturelles qui promeuvent et maintiennent les rôles binaires des sexes”4 4 Texte original: “Women’s passivity was largely supported by family, community, church, law, and medicine, cultural institutions that promote and police binary gender roles.” (chap. 1, o.c.). De plus, même lorsque les conditions matérielles, juridiques, économiques leur sont favorables “de très nombreuses femmes qui subissent des violences physiques et sexuelles dans leur couple ne s’en libèrent pas et le lien avec le partenaire violent subsiste en dépit des sévices souvent majeurs” (Grihom, 2015, p. 72Grihom, M. J. (2015). Pourquoi le silence des femmes? Violence sexuelle et lien de couple. Dialogue, 208, 71-84.) ainsi que le révèlent les données quantitatives et qualitatives (MIPROF, 2019MIPROF, 2019. Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Available from:<https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2013/04/Rapport-dactivites-MIPROF_2017-.pdf>.
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). De même Stein (2014, chap. 1Stein, A (2014). Cupid’s Knife: Women’s Anger and Agency in Violent Relationships. [Bookshelf Online]. Available from:<https://online.vitalsource.com/#/books/9781317963769>.
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, o.c.) souligne: “le paradoxe des femmes adultes qui, malgré la brutalité de leurs partenaires, étaient souvent incapables de s’arracher à des relations corrosives”.5 5 Texte original: “the paradox of adult women who, despite the brutality of their partners, were often unable to tear themselves away from corrosive relationships”.

Dans ces couples, le lien semble résister à tout et comme l’affirment Goldner et al. (1990)Goldner, V. , Penn, P., Sheinberg, M., & Walker, G. (1990). Love and violence: Gender paradoxes in volatile attachments. Family process, 29(4), 343-364. “La force de ce lien a le potentiel de vaincre le plus persuasif des programmes d’hébergement ou de lutte contre les violences; plus les forces extérieures tentent de séparer le couple, plus le lien les unit”6 6 Texte original: “The strength of this bond has the potential to defeat the most persuasive shelter or antibattering program; the more outside forces try to separate the couple the more the bond binds them together.” (p. 359). En effet lors d’une étude pluridisciplinaire sur les dispositifs de prise en charge des femmes victimes de violences conjugales (Granet-Lambrechts et al., 2016Granet-Lambrechts F., Airiau, M., Czerny, E., Jouanneau, S., Mattéoli, A., & Metz C. & al. (2016). Les violences conjugales. Bilan des dispositifs et propositions d'amélioration [Rapport de recherche] 13.31. Université de Strasbourg Mission de recherche Droit et Justice. Available from: <halshs-01311843>).) il ressort que nombre de professionnels se disent impuissants à protéger ces femmes qui seraient sous l’emprise de leur partenaire et dans l’incapacité de lui échapper. Ce rapport d’emprise entre l’auteur des violences et sa conjointe est en efet souvent présent et confirmé par d’autres travaux (Metz & Razon, 2015Metz, C., & Razon (2015). Violences conjugales et transmission trangénérationnelle. Que devient l’enfant témoin? L'Évolution psychiatrique, 80, 515-523.; Metz et al., 2018Metz, C., Chevalerias, M. C., Marianne, C., Thevenot, A. (2018), Accompagnement des enfants exposés aux violences conjugales et soutien à la relation mère-enfant) et dans de nombreuses publications dont celle de Korf-Sausse (2003)Korff-Sausse, S. (2003). La femme du pervers narcissique. Revue Française de psychanalyse, 67, 925-942. et de Eigüer (1989/2012, 2017) décrivant le profl psychologique du “pervers narcissique”. Cependant ce rapport d’emprise et la dynamique du lien à l’œuvre dans le couple restent à élucider. Comprendre cette dynamique nécessite d’explorer les enjeux psychiques conscients et inconscients qui ont présidé au choix amoureux demeurant presque toujours ancrés dans l’histoire infantile comme la littérature sur la question le montre. Ainsi Bécar (2009)Bécar, F. (2009). Remaniement psychique du couple et répétition traumatique [Psychic revision within the couple and traumatic repetition]. Le Divan familial, 2, 45-58. postule que “les traumatismes conservés en négatif par chacun des partenaires entrent en résonance et se répondent” (p. 47). Du fait de ces résonances, “le but du lien est le lien lui-même. Il doit être conservé, car il donne à chacun les moyens de réaliser les buts inconscients que seul il ne pourrait atteindre” (Bécar, 2009, pp. 79-80Bécar, F. (2009). Remaniement psychique du couple et répétition traumatique [Psychic revision within the couple and traumatic repetition]. Le Divan familial, 2, 45-58.). Alors, lorsque la violence s’exprime dans le lien, elle “ne vient pas en sus dans le lien intersubjectif mais elle y est contenue” (Ibid.). D’un certain point de vue, cette conception est confirmée par plusieurs travaux anglosaxons (Clulow, 2012Clulow, C. (2012). Adult attachment and couple psychotherapy: The “secure base” in practice and research. Brunner-Routledge.; Welldon, 2011Welldon, E. V. (2011). Perverse transference and the malignant bonding. In Playing with dynamite: A personal approach to the psychoanalytic und erstanding of perversions, violence and criminality (pp. 50-59). Karnac Books.; Ferraty-Giacardi, 2017Ferraty-Giacardi, C., & Delbreil, A. (2017). “Caractéristiques du fonctionnement psychique des auteurs de violences conjugales. L’abandon en question”, Perspectives Psy, 56, 372-378.) qui établissent une relation entre la qualité insécure du lien d’attachement et les abus et dysfonctionnements vécus dans la relation d’intimité à l’âge adulte.

En appui sur le corpus psychanalytique et le travail analytique, l’écoute clinique de femmes qui ont été aux prises avec un partenaire violent, permet donc de discerner diférents enjeux inconscients. Nous nous intéressons en particulier à une double aliénation pour celles-ci: l’aliénation à l’autre violent se révèle être le fruit de l’aliénation à leur propre inconscient et toutes deux fonctionnent de pair (Grihom, 2015, p. 72Grihom, M. J. (2015). Pourquoi le silence des femmes? Violence sexuelle et lien de couple. Dialogue, 208, 71-84.). L’objectif est ici de prendre appui sur les paroles de quelques femmes, afin d’éclairer ce qui se passe pour elles de ce point de vue. Il sera possible à partir de là de proposer une hypothèse psychanalytique qui puisse rendre compte de la durée et de la répétition qui caractérisent certaines des violences conjugales. Dans cette intention seront étudiés: le processus de subjectivation, les éléments inconscients, fantasmatiques et traumatiques pris dans la répétition, enfin les enjeux pulsionnels à l’œuvre dans le lien.

Méthode de recherche

Dans le cadre de la recherche que nous avons menée en 2014-2016 (Metz & Thevernot, 2015Metz, C., & Razon (2015). Violences conjugales et transmission trangénérationnelle. Que devient l’enfant témoin? L'Évolution psychiatrique, 80, 515-523.; Metz et al., 2017Metz, C., Chevalerias, M. P., & Thevenot, A. (2017). Les violences dans le couple au risque d’en mourir: paroles de femmes. Annales Medico- Psychologiques, 8(175), 692-697.), après avoir sollicité leur consentement éclairé de participer à la recherche, nous avons recueilli 36 témoignages de femmes ayant été victimes de violences conjugales de la part de leurs conjoints: 18 femmes ont été rencontrées dans des foyers d’hébergement d’urgence, 13 autres ont été contactées par voies d’affichage ou par les réseaux sociaux, et correspondent à une population tout-venant, 5 ont été rencontrées par le biais d’une association qui vient en aide aux femmes originaires de Turquie. Voici quelques éléments descriptifs de notre échantillon: 1/3 sont d’origine française, 2 autres tiers sont venues en France pour se marier, 20% de ces femmes n’ont jamais travaillé en France; 1 tiers sont en activité professionnelle. Toutes sont séparées de leur conjoint. Elles sont âgées de 21 à 60 ans, les durées de vie commune s’échelonnent de 4 à 27 ans marquées par des violences conjugales, toutes ont subi des agressions corporelles. Conformément à la loi française en vigueur au moment de l’étude une information claire et précise leur a été donnée afin d’obtenir leur consentement. Aucune compensation financière n’a été proposée.

Du point de vue méthodologique la recherche s’est fondée sur une approche qualitative à partir d’entretiens semi-directifs. Comme le souligne Blanchet (2007)Blanchet, A. (2007). L’enquête et ses méthodes: l’entretien. Armand Colin., l’orientation non directive des entretiens permet d’accéder à la manière dont se construit pour chacune son histoire infantile et conjugale afin de formuler de nouvelles hypothèses. Ainsi, nos questions ont porté à la fois sur leurs vécus de femmes maltraitées et violentées par leurs partenaires, mais aussi sur leur enfance. Les entretiens ont été enregistrés puis décryptés en préservant l’anonymat de nos interlocutrices. Les matériaux textuels ainsi obtenus ont permis de réaliser une analyse qualitative des contenus des verbatims selon les méthodes d’analyse de contenu (Jeammet, 1995Jeammet, N. (1995), L’entretien clinique et son analyse singulière et/ou comparée. In O. Bourguignon,& M. Bydlowski, La recherche clinique en psychopathologie. Perspectives cliniques. PUF.) et du discours (Azoulay & Emmanuelli, 2000Azoulay, C., & Emmanuelli, M. (2000). La feuille de dépouillement du TAT: nouvelle formule, nouveaux procédés [The collection and analysis sheet for TAT results: a new formula, new procedures]. Psychologie clinique et projective, 6(1), 305-327.; Maingueneau & Angermüller, 2007Maingueneau, D., & Angermüller, J. (2007). Discourse analysis in France: A conversation, Forum: Qualitative Social Research, 8(2).) puis d’entreprendre une analyse des processus psychiques empêchant ou rendant la séparation et/ou le réaménagement du lien de couple difficile voire impossible.

Résultats généraux

Certes les affects et conduites sont puissamment ancrés dans l’histoire infantile, cependant cet ancrage ne se réduit pas au cas de répétition de violences physiques vues ou subies dans l’enfance, ce facteur étant depuis longtemps identifé (Henrion, 2001Henrion, R. (dir.) (2001). Les Femmes victimes de violences conjugales, le rôle des professionnels de santé: rapport au ministre chargé de la santé. Available from: <http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/014000292/index.shtml>.
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). Ce qui opère dans le choix du conjoint et le maintien du lien dans le couple révèle bien d’autres aspects, déterminés par les modalités relationnelles potentiellement traumatiques rencontrées dans l’enfance et toujours singulières.7 7 Voir à ce propos les travaux de Piera Aulagnier (1975/1991) sur la subjectivation traumatique de l’enfant confronté aux violences conjugales et aux effets sur la subjectivation de toute forme d’excès de la violence de l’interprétation qui constituent autant d’attaques de l’activité de penser de l’enfant et viennent hypothéquer le plaisir dans ses destins respectifs que sont l’aliénation, l’amour et la passion (1979). Nous renvoyons également à nos propres réflexions sur la passion originaire (2010 ainsi qu’à M.-E. Arreguy (2008) quant à la défusion pulsionnelle (Aulagnier, 1979), pour comprendre l’acceptation et la répétition de la violence chez certaines femmes. Nous souhaitons en premier lieu mettre en exergue deux de ces aspects:

  • Nous avons noté une absence d’affects lors de la narration des violences subies, d’importantes difficultés à énoncer une parole en leur nom propre et une centration sur le partenaire dans leur narration. Les aspects factuels mis en récit l’emportent sur les aspects narratifs d’une part, compréhensifs et réflexifs d’autre part. Ainsi la moitié des femmes rencontrées narrent les scènes de violence de manière descriptive, sans affect et sans les questionner. Cette forme de narrativité caractéristique du traumatisme psychique est-elle principalement défensive ou aussi liée à une difficulté, voire à une impossibilité de mettre en sens ce qui leur arrive et de l’élaborer?

  • Dans un quart des cas, nous avons relevé de manière précise des scénarios issus de la vie infantile (Ortigues, E., & Ortigues, M. C., 2002Ortigues, M.e-C., & Ortigues, E. (2002). “Les répétitions”. In Que cherche l’enfant dans les psychothérapies? (pp. 127-146). Érès.) se répétant dans la vie de la femme avec son conjoint, scénarios inconscients et agissant puissamment tout en restant à l’insu des femmes elles-mêmes. Par exemple il peut s’agir de sauver l’autre, de le changer ou de le réparer tout comme elles l’ont désiré autrefois pour leur mère et/ou leur père. Nos résultats montrent que ces traumatismes liés à l’enfance suscitent alors chez ces femmes des fantasmes intenses et résistants de réparation de leur propre histoire, ce qui pèse lourdement sur leur possibilité à fuir le conjoint violent. Propres à chaque femme, liés à la singularité de son histoire de vie, ces scénarios restent en soufrance tant qu’ils ne sont pas élucidés et dénoués. La longévité de ces couples indique que c’est souvent toute une dynamique familiale (intrafamiliale et intergénérationnelle) qui est en cause (Houel, 2017).

Nous avons choisi de montrer comment ces éléments prennent sens au travers d’histoires singulières, ici celles de Catherine et de Claire.

Répétition et subjectivation, le rôle des scénarios infantiles

Catherine

Catherine a trois enfants dont Jason un garçon de sept ans, placé en foyer car il fuguait. Mise à la porte à 16 ans par sa mère, Catherine a rencontré successivement deux conjoints violents dont le père de ses deux premiers enfants, qui a exercé sur elle des sévices graves. Elle et son dernier conjoint se sont rencontrés en foyer. Le rapport à l’autre est jalonné de violences, de la part des trois conjoints mais aussi du fils placé Jason “il [le père] me tapait dessus tout le temps c’est peut-être pour ça aussi que Jason est comme ça maintenant il tape… Au bout de trois semaines quand même il m’a tapée déjà”. Elle énumère après ce constat une série d’actes violents “pour rien” où elle risque plusieurs fois sa vie, comme si frôler la mort pouvait permettre de trouver un désir de vivre, fragile depuis longtemps: elle a fait plusieurs tentatives de suicide au début de l’adolescence. Peut-être s’agit-il d’une sorte de conduite ordalique au sens de Le Breton (2002)Le Breton, D. (2002). Les conduites à risque des jeunes. Agora débats/jeunesses, 27, 34-45. Available from: <https://www.persee.fr/doc/agora_1268-5666_2002_num_27_1_1995>.
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: “Ces conduites sont une manière de jouer son existence contre la mort pour donner sens et valeur à sa vie” (p. 43).

Dans son histoire familiale, Catherine est l’objet d’un rejet par sa mère “ma mère m’a foutue dehors quand j’avais seize ans… Donc je suis allée habiter chez sa sœur [du père des enfants], et je pense que c’est ça en fait qui m’a fait euh… rester parce que je n’avais pas peut-être pas d’endroit où aller”, elle se retrouve alors dans un monde dépourvu de place pour elle. Tout se passe comme si elle se vivait, dans cette actualisation du passé, comme un objet voire un déchet “elle m’a jetée dehors” répète-t-elle sous l’efet d’une sorte de bannissement “plus personne ne veut rien savoir de toi”. Outre le rejet maternel, elle a vécu l’abandon par son propre père qu’elle n’a pas connu. Elle y voit la racine de son désir de rester avec le père des enfants, pour éviter un nouvel abandon par ‘un’ père. Ainsi les pères se confondent-ils. “Je n’ai pas connu vraiment mon vrai père donc je n’ai pas envie que mes enfants … Voyez ce que je veux dire — ne connaissent pas leur père non plus” elle reste donc pour la petite: “pour qu’elle ait son père”. Catherine est hantée par l’idée de ne pas priver ses enfants de père, ce dont elle-même a soufert, et là s’enracine semble-t-il une part du scénario infantile qui rendrait compte de la difficulté à quitter le conjoint violent.

D’autre part, assignée dès son plus jeune âge à la place d’objet-déchet par son père puis sa mère, n’ayant pas une vraie place dans le monde, elle ne cesse d’être en danger de mort auprès de ses partenaires. Comme si elle demeurait en peine de trouver sa propre valeur, elle court ainsi

le risque de [tuer?] son corps pour retrouver sa place dans le tissu du monde, dans un échange symbolique avec la mort: (elle) ofre sa vie au risque de la mort, mais (elle) attend aussi, si (elle) s’en sort, qu’elle lui donne en échange ce sentiment d’assurance qui manque à son existence. (Le Breton, 2002, p. 43Le Breton, D. (2002). Les conduites à risque des jeunes. Agora débats/jeunesses, 27, 34-45. Available from: <https://www.persee.fr/doc/agora_1268-5666_2002_num_27_1_1995>.
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)

L’autre n’est pas diférencié au sens où il n’est que support d’une possible valorisation, elle-même, se vivant comme dépourvue de valeur propre, peine à effectuer une construction subjective où soi et l’autre seraient diférenciés. Elle tente pourtant d’élaborer ses liens mais achoppe dans ses essais tant les scénarios infantiles d’abandon et de rejet sont chargés de destruction et de destitution subjective. Quelle fonction remplissent ses répétitions? Permettent-elles une élaboration ou sont-elles une tentative pour faire se réaliser ce fantasme d’être rien selon le vœu de mort de sa mère?

Claire ou les fantasmes du même

Claire a grandi avec ses parents, alors que son père avait une liaison avec une autre femme dont il a eu plusieurs enfants, au grand désespoir de son épouse. Claire a partagé la vie d’un conjoint violent durant six ans, subissant des violences physiques dont elle s’est échappée en dernière instance sous la menace de mort. Jusque-là elle ne pouvait rompre ni cette vie commune ni ce lien. L’histoire de Claire dévoile à travers son propre questionnement, un mécanisme enraciné dans l’enfance qui a cimenté son lien à l’autre.

Lors de l’entretien elle identife chez elle lors de ces années de vie commune une certaine passivité qu’elle ne s’explique pas: “je n’ai pas osé même, je n’ai même pas dit: allez va-t’en, dehors, va chercher ailleurs! J’étais gentille, je ne pouvais pas crier. Je n’arrive pas à crier après un homme”. Cette impossibilité à se défendre par la parole ou par les gestes reste énigmatique pour elle: “je ne sais pas pourquoi je n’arrive pas, pourquoi je n’ai pas mis les mots comme il faut à ce moment-là. Je me pose des questions maintenant: mais pourquoi je ne l’ai pas frappé moi aussi alors que je suis quand même quelqu’un qui est costaud et qui pouvait quand même répondre?”. Seule, la proximité de la mort la fait réagir. “Il m’a frappée à mort et je suis partie. Ah oui ce jour-là dès qu’il était parti dans le salon, j’ai ouvert la fenêtre et j’ai sauté par la fenêtre”. Voir la mort en face lui donne le sursaut nécessaire pour se sentir sufsamment vivante pour échapper à cet homme et au danger qu’il représente.

Explorant le passé, elle reconnaît chez elle un même sentiment de pitié pour son conjoint que pour sa mère trahie par son père “ma mère elle a beaucoup soufert et en même temps j’ai soufert aussi, en même temps que ma mère. Quand ma mère elle pleure, moi je me cache pour pleurer aussi, je me cache dans le drap et je pleure aussi et… C’était toujours comme ça quand j’étais petite, c’est pour ça peut-être que j’ai cette pitié qui est tout le temps en moi aussi”. L’identification à la mère, dont elle parle encore au présent, précipite cette disposition à la pitié qui domine ensuite sa vie en particulier avec son conjoint: “je n’arrive pas à trier les gens bien et les gens qui ne sont pas bien parce que c’est à cause de cette histoire de pitié et de cette envie d’aider les gens. Je me suis dit que je pourrais aider cet homme à changer, et bon je suis croyante”. Enracinée dans la pitié, la croyance dans le changement de cet homme scelle dès lors le lien, à la vie à la mort “malgré tout ça, même si je l’ai quitté, tout ce que j’avais envie de faire c’est de retourner là-bas!”

Claire est ainsi prise dans un fantasme de non-diférenciation où mère et conjoint ne se distinguent pas, ce qu’elle nomme pitié s’adresse aux deux confondus. Elle ne peut concevoir dès lors que son conjoint est cet homme ultra-violent qui a failli la tuer, dominée qu’elle est par l’idée d’un changement possible. Le rapport à l’autre est de l’ordre de la croyance, soit l’“assentiment que donne l’esprit, sans réflexion personnelle et sans examen approfondi” (CNRTL8 8 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. ), révélant l’inhibition d’une pensée à soi, et par là le défaut de subjectivation souligné par Metz et al. (2017)Metz, C., Chevalerias, M. P., & Thevenot, A. (2017). Les violences dans le couple au risque d’en mourir: paroles de femmes. Annales Medico- Psychologiques, 8(175), 692-697.. C’est bien tout à la fois l’altérité au sens de la reconnaissance de l’autre dans sa diférence selon l’expression de (Chevalier & Grihom, 2013, p. 99Chevalier, C., & Grihom, M.-J. (2013). Injonction de soins et populisme pénal. La tension entre mêmeté et altérité pour l’agresseur sexuel et sa victime. Topique, 122, 93-106. DOI 10.3917/top.122.0093.
https://doi.org/10.3917/top.122.0093...
) et la subjectivation qui peinent ici à se construire car “ces pratiques de la mêmeté ne forment pas de sujets” (Christ, 2011, p. 105Christ, J. (2011). Une critique de la mêmeté: Sur le rapport pratique entre la culture et l’individu dans la Théorie d’Adorno. Réseaux, 166, 99-124.). Le lien au conjoint violent devient alors difficile voire impossible à rompre, et la séparation ne suscite que nostalgie. En efet ce lien “ne possède pas les caractéristiques d’un lien social au sens freudien: intériorisation de la limite dans le rapport avec l’autre, du fait de l’existence de l’altérité, et association avec l’autre dans le lien, du fait du manque dont chacun est porteur (Christ, 2011Christ, J. (2011). Une critique de la mêmeté: Sur le rapport pratique entre la culture et l’individu dans la Théorie d’Adorno. Réseaux, 166, 99-124.). Ainsi ce lien semble reposer sur le fantasme d’une réparation de l’autre, qui suscite avant tout la pitié, quels que soient ses actes, l’autre n’étant alors qu’un avatar de la mère en pleurs.

Si Claire, prise dans cette répétition inconsciente, ne comprend pas son absence de réaction ou sa ‘passivité’ — comme d’ailleurs la plupart des acteurs concernés par la prise en charge de ces femmes — comment la concevoir et quelle spécificité aurait-elle? Nous repérons dans ces deux vignettes une absence de subjectivation, la prévalence d’un scénario infantile, et des identifications aliénantes: chez Claire semble dominer l’identification à une mère victime alors que chez Catherine elle concerne la mère rejetante. Dans les deux cas, les logiques inconscientes privilégient la mêmeté (Ricœur, 1990Ricoeur, P. (1990). Approches de la personne. Esprit (1940-), 115-130.) tant dans la répétition du scénario infantile — d’abandon pour l’une et de réparation pour l’autre — que dans le choix identificatoire. La représentation de la violence du lien qu’elles vivent dans leur couple en est par conséquent empêchée de même que celle de leur soufrance propre. Comment comprendre cette apparente passivité y compris au niveau de leur propre représentation d’elles-mêmes? Nous avancerons sur ce point sans doute en déployant deux autres cas de femmes.

La passivation par l’autre

Christelle

Christelle, âgée de 37 ans, est rencontrée dans un foyer d’accueil en présence de son jeune fils. Elle a eu trois enfants de trois partenaires diférentes, les deux ainés ont été placés suite à des violences de leurs pères selon elle. Elle-même évoque à demi-mot les ‘choses’ qu’elle a alors vécues. Elle a fini par quitter le père du 3ème enfant du fait des coups et blessures reçus. Dès le début de l’entretien, elle évoque les violences de son fils à son égard et les relie aux encouragements antérieurs du père “parce que le papa quand il me battait il disait des fois Walter mais frappe ta mère”.

Une subjectivation délicate

Elle se plaint d’avoir été traitée comme une ‘moins que rien’ subissant injures, tromperies ouvertes et dénigrement aussi. Il semble que sa jalousie à l’égard d’une relation antérieure que fréquentait assidûment son ex-compagnon ait concouru à des scènes de ménage : “j’ai le droit d’avoir des doutes et lui ne comprend pas que j’aie des doutes… “ et à des violences au moins verbales de sa part la qualifant de folle “schizophrène”. À ces violences régulières (gifles et autres coups) s’ajoutaient celles de son frère et beau-frère. Elles semblent avoir commencé au moment de la grossesse et avoir été favorisées par l’alcoolisation et la pratique toxicomaniaque du compagnon seul ou avec ses amis au domicile: “je n’avais pas de vie intime”. Elle porte plainte à la suite d’un nouveau déchaînement de violence: “il m’a donné des coups de poing j’étais par terre…il y a du sang qui a même giclé sur la porte”.

Christelle décrit longuement et de manière détaillée les violences physiques, gifles, coup de poing, coup de boule, tentative d’étranglement, fracture: “j’ai le nez cassé, l’os ici a été enfoncé dedans” mais les affects et expressions de douleur sont absents — comme si dire la factualité des actes rendait compte de l’ensemble de ses éprouvés. Au cœur du traumatisme psychique, le sujet est comme séparé de ce corps, il est à la fois réduit à son corps organique et contraint à céder quelque chose de son corps. Le corps de Christelle est livré aux coups mais aussi aux baisers: “il me fait du chantage, il veut que je revienne, il dit qu’il m’aime alors des fois quand il m’embrasse je me laisse faire mais je le fais à contrecœur, j’ai peur de lui dire non”. Ainsi Christelle consent à se faire objet de la jouissance de son mari, “quelque chose du vivant du corps est comme capté, extorqué, arraché au sujet. Il ne parvient plus à se dégager” (Leguil, 2021, p. 113Leguil, C. (2021). Céder n’est pas consentir. PUF.). Sans qu’elle ne soit en mesure ni de se défendre ni de dire non, prise par la peur et l’impuissance à s’opposer. “Quand il me battait donc, du coup, je me mettais dans la coquille quoi, je me laissais faire. Quand il me mettait des gifles, j’étais là comme une statue, je pleurais, je pleurais et plus je pleurais plus il me donnait des gifles”. Elle était comme dessaisie de son corps propre ce qu’elle perçoit en partie quand elle se décrit comme une statue. Elle parle donc des violences et humiliations à son égard et de certaines interactions comme si elle était engluée tant dans le poids du réel qu’elle a vécu que dans sa difficulté propre à élaborer son expérience. Parler de ce qui a fait trauma s’apparente à une forme d’aveu car il s’agit de “tenter de dire quelque chose de ce qui a été éprouvé sans le consentement du sujet” (Leguil, 2021, p. 135Leguil, C. (2021). Céder n’est pas consentir. PUF.).

Un fantasme de passivation et de mort

Par exemple, elle évoque une dépression et un internement forcé par son premier mari. L’idée de forçage revient à plusieurs reprises: de la part du partenaire “il m’avait étranglée sur le lit il m’a dit ‘tu m’appartiens’”, sur le plan sexuel dans le couple ou de la part d’autres hommes (frère du compagnon, copain) lorsqu’elle évoque des tentatives de viol. Elle dit ainsi: “j’étais qu’un objet. Tout le monde pouvait presque me faire ce qu’il voulait”... Elle évoque pourtant des moments de refus de cette réalité contraignante où elle crie son opposition “je lui fais ouais mais hein tu me traites de folle et tout ça mais t’en as pas marre de me rabaisser j’en ai marre”. Ils paraissent vite abandonnés car chaque fois son compagnon redoublait de violence à son égard — y compris en présence de son propre frère. Elle peine à élaborer davantage l’expérience de la dépression, ainsi que les moments de défense et de refus de la situation qui lui est faite: “je veux plus j’ai trop vécu, j’ai trop accepté”. Un motif peut expliquer l’abandon de son affirmation subjective: sa tendance à mettre l’autre et son désir à l’avant plutôt qu’elle-même. Cela concerne autant son compagnon auquel elle obéit machinalement que son fils.

Les violences sur ce dernier — morsure à la joue, absence de soin, gifles — et le refus de cet enfant par l’ex-compagnon (il voulait qu’elle avorte) semblent avoir ainsi joué un rôle important dans sa décision de quitter cet homme. Toutefois elle ne parvient pas à rompre totalement la relation dont elle pâtit physiquement et psychiquement et accepte de croire sur parole l’autre: “quand il me dit qu’il m’aime encore… Je suis dans la faiblesse” ou “il m’a dit qu’il recommencerait plus” ou encore “il réussit encore tellement à me chambouler que je sais plus”. Sa volonté propre semble là aussi mise en difficulté par une place d’objet dans la relation à l’autre, qui lui est assignée et qu’elle accepte d’occuper pendant un temps. Cette apparente passivité pourrait-elle traduire la position subjective qui est la sienne dans le fantasme freudien “On bat un enfant”? “Si l’autre (le père, l’amant) bat c’est par équation inconsciente qu’il aime.”

Aimer le même, toujours

Comme les femmes évoquées ici, elle n’a pas pu partir pendant longtemps et elle pardonnait: “je disais bon je te pardonne, je te pardonne”, s’attachant là encore à épargner l’autre, à lui éviter la détresse, l’abandon. Pourtant elle subjective par moments quand elle repère une absence de réaction, une passivité chez elle comme nous l’avons vu: “ je me refermais sur moi-même donc je me laissais injurier hein accabler”.

Un autre passage de l’entretien est de ce point de vue intéressant lorsqu’elle mesure que la relation égalitaire au plan narcissique a disparu dans ce couple. “Au début on était sur le même piédestal, on était au même niveau et sans me rendre compte je me suis retrouvée tout à fait derrière lui, c’est-à-dire comme s’il me tirait avec une chaîne”. Ce moment de subjectivation s’accompagne de la reprise d’un projet identificatoire (autonomie, travail, vie seule) mais aussi de la prise en compte de sa propre difficulté à se protéger : “je ne suis jamais vraiment allée jusqu’au bout”. Comment rendre compte de cette réalité à laquelle la clinique nous confronte souvent d’une incapacité à se protéger soi-même au détriment des investissements narcissiques et corporels? Tournons-nous vers les processus d’identification et de diférenciation tels qu’ils peuvent s’analyser dans son récit.

Non seulement Christelle ne se présente pas mais elle peine à identifier l’autre. Ainsi son récit est souvent confus car elle passe du présent au passé sans crier gare et l’homme violent avec qui elle se décrit en relation de soumission n’est pas aisément identifable: “je me disais mais tu es quoi? Tu n’es qu’un objet!” Comme s’il y avait un processus de condensation entre ces diférents hommes. Son ex-compagnon désigné longtemps comme le “papa” de l’enfant ne sera d’ailleurs nommé qu’à la fin de l’entretien. L’autre violent peut être le conjoint, le frère, “mon frère aussi parfois il boit, il est méchant, il m’interdit de prendre une douche”, ou son fils Walter pourtant encore en bas âge “mon fils il me tient tête beaucoup, vu tout ce qu’il a vu. Il m’a déjà gifée 3 fois depuis que je suis ici”. Ainsi Walter est-il confondu avec l’image des hommes qui ‘tapent’. La tendance projective de Christelle à l’égard de son fils, perceptible dès le début de l’entretien, semble lui faire prendre des attaques banales de l’enfant, qui s’assure de la résistance de l’autre, pour une volonté destructrice. Lorsque soudain, dans un insight elle perçoit l’efet de son identification projective sur son fils: “c’est son père que j’ai vu en face, j’ai eu un fash, j’ai vu le père!”, elle se détermine à s’éloigner de cet homme. Ce moment de subjectivation ne l’empêche pas d’être en grand désarroi face aux agissements quotidiens de son fils ce qui la conduit à ne pouvoir y mettre fin autrement que par des coups: “tu tapes, je tape” dit-elle à Walter. Ainsi le rapport à l’autre semble marqué par une violence physique toujours présente qui peut venir d’elle aussi, à l’égard de Walter mais aussi de son ancien compagnon: “c’est lui qui avait cherché je n’ai pas voulu de ça j’ai fermé mon poing je lui ai mis un coup de poing mais c’est lui, il me dit mais hop vas-y, vas-y!”.

La mêmeté domine ainsi, tant dans le recouvrement par la violence des figures de l’autre indiférencié, que dans le scénario amoureux dont la répétition est manifeste. Le compagnon est à la fois maladivement jaloux, il manque de l’étrangler pour ce motif: “tu m’appartiens! Je ne veux pas que tu parles avec mon frère”, et autorise tout irrespect à son égard. Il ne supporte pas la séparation et tente encore de la faire revenir au domicile. Elle exprime alors sa réticence et sa peur et revient sur des moments paroxystiques de leur relation où sa vie est en jeu: “quand il me battait, il m’étranglait” sans en dégager vraiment les conséquences pour elle mais bien plutôt pour l’autre: pour l’embryon perdu sous les coups dans une première relation, pour son fils. Le lien intersubjectif ne peut donc être rompu ni par l’un ni par l’autre des membres du couple. Malgré les violences, même une fois la séparation accomplie, le lien reste présent apparemment indestructible et suscite une forme de regret. Comme si Christelle ne pouvant clairement se diférencier et s’individuer, déplaçait sur l’autre la sollicitude qu’elle devrait avoir pour elle-même.

Tout se passe comme si aimer c’était pour elle “tout faire pour l’homme” par amour, et pardonner dans la même logique. À l’origine, elle-même a été exposée aux violences conjugales de ses parents: “j’ai aussi vu la violence de mon père vis-à-vis de ma mère”. Ayant été privée de son père de ses sept à quatorze ans, selon elle du fait des obstacles mis par sa mère, elle ne veut surtout pas que ses enfants vivent la même histoire: “moi je ne veux pas ce que ma mère nous a fait, je ne veux pas reproduire… même si je laisse Walter le week-end pour l’instant, parce que moi, je sais ce que c’est, je ne veux pas le reproduire sur mon fils”.

Aux racines de cette extrême sollicitude pour l’autre pourrait se trouver un amour d’allure passionnelle qui amène à “tout faire” et “pardonner” pour être aimée. Cette dévotion à l’autre trouve sa source dans l’histoire familiale: “si je suis très aimante comme ça aussi c’est parce que j’ai toujours cherché de l’amour envers quelqu’un, parce que je n’ai pas eu assez d’amour de ma maman et ni de mon papa”. Le beau-père, “espèce de pervers” détesté, n’a pas non plus été une figure aimante. Se dessine cette place d’objet comme déjà préfigurée en famille, où Christelle est une enfant non voulue qui a survécu à une tentative d’avortement et a ensuite été rejetée: “ma maman elle ne m’a jamais vraiment protégée moi, ma sœur oui, mes frères oui, mais moi, j’étais toujours rejetée parce que moi… ma mère et mon père… j’étais pas voulue, l’avortement n’a pas marché avec moi, c’était trop tard”. La soumission à l’autre rejetant et violent semble trouver là son origine. “Ma mère m’a dit à six ans:si seulement l’avortement avait marché avec toi!. Ça m’a toujours marquée. J’ai toujours — bien que ma maman elle fût très, très, très sévère avec moi — je l’ai quand même aimée malgré tout, j’ai quand même pris soin d’elle, j’ai fait mon rôle de flle aînée malgré tout et elle était très, très méchante ma mère, elle me battait aussi”.

Le lien inaliénable au conjoint violent prend naissance pour Christelle dans une quête d’amour éperdue en premier lieu auprès d’une mère violente et rejetante, quête toujours inassouvie et donc toujours renouvelée. Cette “passion du lien originaire” (Grihom & Keller, 2010Grihom, M. J., & Keller, P. H. (2010). La passion: entre aliénation et création. Revue Française de Psychanalyse, T LXXIV, 1161-1175.) convoque tant les ancrages corporels de l’originaire au sens d’Aulagnier (1975/1991Aulagnier, P. (1991). La violence de l’interprétation. PUF. (Travail originale publiée dans 1975)., 1982Aulagnier, P. (1982). Condamné à investir. Nouvelle Revue de Psychanalyse, 25, 309-330.) que la pulsion de mort qui les a fondés. Ainsi: “la vie du corps est essentielle à la vie du psychisme: ‘Que peut-on entendre par vie psychique? Si on appelle ainsi toute forme d’activité psychique, elle n’exige que deux seules conditions: la survie du corps et, pour ce faire, la persistance d’un investissement libidinal résistant à une victoire définitive de la pulsion de mort’ ” (Aulagnier citée par Miller, 2001, p. 32Miller, P. (2001). Métabolisations psychiques du corps dans la théorie de Piera Aulagnier. Topique, 1(1), 29-42. Available from: <https://doi.org/10.3917/top.074.0029>.
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).

La mort sous-tendue par la tentative d’avortement ratée est contenue dans ce lien maternel qui se rejoue avec le conjoint. Le corps est alors support de tous les sévices et de tentatives de meurtre. Il s’agira donc de “tout faire” et de “pardonner” dans l’espoir de conquérir cet amour. Dans cette hypothèse, la moindre parole d’amour agit comme la réalisation du fantasme, véritable philtre d’amour. L’autre n’est pas diférencié en ce sens, il n’est que le support possible de cette réalisation. Ainsi, la position subjective d’être battue par le père que met en scène le fantasme “un enfant est battu” (Freud, 1919/1995Freud, S. (1995).Un enfant est battu. Contribution à la connaissance de la genèse des perversions sexuelles. In OCFP (vol. XV). PUF. (Travail originale publiée dans 1919).) ne serait qu’un voile mis sur une relation mortifère originaire où c’est la reconnaissance même de la subjectivité de l’enfant qui est en jeu.

Discussion

En efet la subjectivation est susceptible de permettre de saisir, dans un rapport intra-subjectal, les enjeux subjectifs et les buts inconscients qui sont visés par le lien (Kaës, 2006Kaës, R. (2006). La matrice groupale de la subjectivation: les alliances inconscientes. In F. Richard, & S. Wainrib. (Eds.), La subjectivation (pp. 139-162). Dunod.). À cet égard, cette appropriation subjective doit pouvoir travailler le matériau psychique qui forme tant le rapport à soi-même qu’à l’autre et ce qui les unit dans le lien. Les fantasmes individuels et ceux qui organisent le lien intersubjectif y auraient une place majeure (Grihom, 2015, pp. 79-80Grihom, M. J. (2015). Pourquoi le silence des femmes? Violence sexuelle et lien de couple. Dialogue, 208, 71-84.).

Nous avons eu pour guide d’analyse des entretiens une première hypothèse concernant les fantasmes en jeu dans le processus de subjectivation du lien. D’une manière générale, la femme victime de violences (notamment corporelles dans notre échantillon) chercherait obstinément (inconsciemment) à rejouer un scénario infantile douloureux de manière à en modifer l’issue ou à élucider le sens de ce scénario (Ortigues et Ortigues, 2002Ortigues, M.e-C., & Ortigues, E. (2002). “Les répétitions”. In Que cherche l’enfant dans les psychothérapies? (pp. 127-146). Érès.). Cette répétition reste méconnue par le sujet dans le lien impensable qu’il entretient avec son partenaire. Ainsi un des enjeux subjectifs de la répétition de ces situations de maltraitance conjugale serait une tentative de symbolisation de ces expériences infantiles non subjectivées.

Intérêt de la recherche

Cette étude de la subjectivation du lien à soi et à l’autre chez des femmes durablement victimes de violences notamment physiques dans leur couple a permis de dégager certaines caractéristiques que nous résumerons ainsi:

  • leur lien intersubjectif au conjoint s’organise à partir d’un scénario fantasmatique infantile dont la répétition est patente et qui contient une figuration de la violence — par abandon, rejet, maltraitance, indiférence. Non seulement il est organisateur de la représentation de la réalité par ces femmes et leur fait tenir pour normales ou banales des violences illégitimes, mais de plus il participe de leur obstination à répéter ce scénario et va de pair avec une répétition de la mêmeté au travers d’identifications aliénantes à la mère le plus souvent, présentée tantôt comme bourreau, tantôt comme victime.

  • Si tout lien a pour visée de maintenir la méconnaissance de ce qu’il permet au sujet de réaliser pour son propre compte selon Kaës (2006)Kaës, R. (2006). La matrice groupale de la subjectivation: les alliances inconscientes. In F. Richard, & S. Wainrib. (Eds.), La subjectivation (pp. 139-162). Dunod., il faudrait alors envisager à titre d’hypothèse qu’il permettrait de rejouer la désubjectivation initiale autrement dit la part traumatique contenue dans les liens premiers. Dans cette perspective, ce qui apparaît comme de la passivité serait plutôt de la passivation au sens de Green (1999)Green, A. (1999). Passivité-passivation: jouissance et détresse. Revue française de psychanalyse, 3, 1587-1600. Available from: <https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-1999-3-page-1587.htm>.
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    : “La passivation, à la diférence de la passivité, est ce qui contraint à subir et non simplement un mode de jouissance recherchée” (p. 1587). Green distingue alors la passivité-détresse (ou passivation) de la passivité-jouissance. Cette passivation est apparue partagée par ces femmes et retrouvée au travers de l’état de déréliction auquel les confrontent les violences. Sans secours possible, obligées de se “mettre dans leur bulle” vivent-elles l’horreur pour parvenir à se dégager à terme de cette paralysie forcée?

La passivation n’empêche pas une forme d’activité. L’état passif qu’elles relèvent chacune, constitue une énigme pour elle. Celui-ci est cependant doublé d’une activité acharnée, souvent dans une quête d’amour incessante comme pour Christelle, ou la quête d’une réparation de l’autre, ou encore la quête d’une valorisation inaccessible comme pour Catherine. Chacune de ces situations renvoie à une douloureuse histoire infantile traversée par les abandons, les vœux de mort, les rejets. Dès lors, les états de détresse précoce repérés dans l’histoire infantile de ces femmes, peuvent les exposer à cette passivation sans représentation, conduisant à leur enfermement perpétuant la “contrainte à subir” forgée dans la prime enfance. L’activité ne cesse pas pour autant, toute leur énergie étant consacrée à obtenir la satisfaction de leur quête, quête d’amour, de valorisation ou de réparation.

Limites

Nous avons proposé l’hypothèse qu’un des enjeux de la répétition de ces situations de maltraitance conjugale serait une tentative de symbolisation de ces expériences infantiles non subjectivées. Celle-ci ne peut se vérifier qu’au travers d’un travail thérapeutique même si la valeur de cette hypothèse théorique d’une recherche de symbolisation comme auto-traitement du traumatique est depuis une dizaine d’années avancée par plusieurs spécialistes à propos des auteurs de violences afin de donner sens à leurs actes (Houel, Mercader & Sobota, 2008Houel, A., Mercarder, P., & Sobota, H. (2008). Psychosociologie du crime passionnel. PUF.; Houel, 2017bHouel, A. (2017b). L’homicide conjugal à l’aune de la différence des sexes [Conjugal murder and gender models]. Violences conjugales et justice pénale. Champ pénal [Penal Field], XIV, 1-18. Available from: <http://champpenal.revues.org>.
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par exemple). Peut-être là aussi parce que l’apparente position active des auteurs laisse dans l’ombre leur éventuelle détresse précoce propre. La quête de symbolisation s’avère pertinente pour rendre compte de la durée et de la répétition de relations conjugales violentes.

Une seconde limite de cette recherche tient à la possible généralisation des résultats obtenus concernant l’actualisation dans le lien conjugal d’éléments infantiles fantasmatiques où le sujet de l’action violente est l’autre. Dans nos entretiens, peu de femmes se sont construites dans des univers familiaux sans violence: qu’elles aient été elles-mêmes objets de maltraitances physiques ou psychologiques ou qu’elles aient eu à composer avec la violence d’un des parents à l’égard de l’autre. Nous ne pouvons généraliser qu’avec prudence les résultats des travaux évoqués plus haut sur le poids des violences familiales sur le psychisme de l’enfant (Metz & Razon, 2015Metz, C., & Razon (2015). Violences conjugales et transmission trangénérationnelle. Que devient l’enfant témoin? L'Évolution psychiatrique, 80, 515-523.; Metz & Thevenot, 2015Metz, C., & Thevenot, A. (2015). Le lien mère-enfant à l’épreuve des violences conjugales. Cliniques Méditerranéennes, 92, 173-187.). Il est possible en revanche d’envisager que l’actualisation dans le couple de ces scénarios traumatiques dépende d’un faisceau de facteurs: la complémentarité des fantasmes de chaque partenaire (De Neuter & Bastien, 2007De Neuter, P., & Bastien, D. (2007). Clinique du couple. Érès.), la qualité des organisateurs œdipiens de chacun (Kaës, 1993Kaës, R. (1993). Le groupe et le sujet du groupe: Eléments pour une théorie psychanalytique du groupe. Dunod., 2006Kaës, R. (2006). La matrice groupale de la subjectivation: les alliances inconscientes. In F. Richard, & S. Wainrib. (Eds.), La subjectivation (pp. 139-162). Dunod.); la force du scénario violent en jeu réactivé par le lien amoureux et donc la force de la passivation traumatique dans le lien avec un parent ou face à la violence dans le couple parental.

Conclusion

Les femmes à qui nous avons donné la parole ici ont toutes eu des impossibilités à penser leur place dans le lien violent qu’elles ont durablement connu comme à se penser elles-mêmes. Une pauvreté de leurs représentations de soi et de leur identité narrative est régulièrement retrouvée. Nous avons tenté de concevoir à quoi tenait une telle entrave à la subjectivation de soi, de l’autre, du lien intersubjectif. Il est apparu que leur difficulté à subjectiver trouve une de ses raisons dans une relative indiférenciation entre soi et l’autre; une autre dans le fantasme de mêmeté qui, en annulant toute diférence, empêche précisément une advenue représentative et idéique d’un savoir sur soi: son corps, ses affects, ses sensations douloureuses et d’un savoir sur l’autre: ses intentions en particulier. La représentation de la violence subie reste en efet factuelle — rare est la conscience du danger létal encouru comme nous l’avons vu.

Une dernière raison qui nous a semblé centrale tient à la passivation (Green, 1999Green, A. (1999). Passivité-passivation: jouissance et détresse. Revue française de psychanalyse, 3, 1587-1600. Available from: <https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-1999-3-page-1587.htm>.
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) connue dans l’enfance dont les ancrages originaires, non représentatifs, forment le fond traumatique qui s’actualise dans le lien et gouverne celui-ci. La violence subie est donc consubstantielle au lien et entrave les processus de symbolisation. Le lien de couple pathologique que chacune de ces femmes constitue avec son partenaire semble réitérer leur détresse initiale (Hilflosigkeit) sous la forme de la passivité-détresse ou passivation, ou encore contrainte à subir, modalité de leur subjectivation première (d’objet du mépris, de la honte ou du rejet de l’autre familial vraisemblablement). Leur survie tient à l’illusoire quête de reconnaissance et d’amour qu’elles placent dans le lien traumatogène et qui constitue une activité tant décevante qu’incessante. Ces nouvelles données à propos des enjeux pulsionnels dans le lien doivent être prises en compte: on ne peut leur demander de cesser d’être passivées sans leur demander par là-même de cesser d’être actives dans leur recherche de réparation d’une désubjectivation originaire. Cela devrait permettre d’une part d’avancer dans la prise en charge thérapeutique de ces femmes et de leur couple et d’autre part de les dégager de la pulsion de mort déliée de la pulsion de vie qui organise leur rapport intra-subjectif et intersubjectif.

  • 1
    Texte original : "Most of this violence is intimate partner violence. Worldwide, almost one third (30%) of women who have been in a relationship report that they have experienced some form of physical and/or sexual violence by their intimate partner in their lifetime."
  • 2
    Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France (Jaspard, 2001Jaspard, M., & Enveff Team (2001). Violence against women: The first French national survey. Population & Sociétés. Bulletin Mensuel d’information de L’Institut National D’Etudes Démographiques, 364, 1-4., 2003Jaspard, M. (2003). Les violences envers les femmes en France: une enquête nationale. La documentation française., 2007Jaspard, M. (2007). Au nom de l’amour: les violences dans le couple. Informations sociales, 8, 34-44., 2011Jaspard, M. (2011). Les violences contre les femmes. La découverte.) dirigée par Jaspard auprès d’un échantillon représentatif de 6970 âgées de 20 à 59 ans., Violence et Rapport de Genre (menée par Hamel et al., 2014Hamel, C. (2014). Violences et rapports de genre: Contextes et conséquences des violences subies par les femmes et les hommes: Enquête VIRAGE. Coll. Document de travail, 212, Paris: Ined éditions. Available from: <https://www.ined.fr/fr/publications/editions/document-travail/violences-rapports-genre/>.
    https://www.ined.fr/fr/publications/edit...
    ) auprès d’un échantillon d’environ 16000 femmes et 12000 hommes.
  • 3
    Les sources sont les résultats statistiques de l’enquête Enveff comme les constats en provenance des diverses institutions d’accueil des femmes victimes de violences conjugales.
  • 4
    Texte original: “Women’s passivity was largely supported by family, community, church, law, and medicine, cultural institutions that promote and police binary gender roles.”
  • 5
    Texte original: “the paradox of adult women who, despite the brutality of their partners, were often unable to tear themselves away from corrosive relationships”.
  • 6
    Texte original: “The strength of this bond has the potential to defeat the most persuasive shelter or antibattering program; the more outside forces try to separate the couple the more the bond binds them together.”
  • 7
    Voir à ce propos les travaux de Piera Aulagnier (1975/1991)Aulagnier, P. (1991). La violence de l’interprétation. PUF. (Travail originale publiée dans 1975). sur la subjectivation traumatique de l’enfant confronté aux violences conjugales et aux effets sur la subjectivation de toute forme d’excès de la violence de l’interprétation qui constituent autant d’attaques de l’activité de penser de l’enfant et viennent hypothéquer le plaisir dans ses destins respectifs que sont l’aliénation, l’amour et la passion (1979). Nous renvoyons également à nos propres réflexions sur la passion originaire (2010 ainsi qu’à M.-E. Arreguy (2008)Arreguy, M. E. (2008). Les crimes dans le triangle amoureux. Université de Lille: Atelier National de Reproduction de Thèses. quant à la défusion pulsionnelle (Aulagnier, 1979Aulagnier, P. (1979). Les destins du plaisir: Aliénation – amour – passion. PUF.), pour comprendre l’acceptation et la répétition de la violence chez certaines femmes.
  • 8
    Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.

Références

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Editor/Editor: Prof. Dr. Nelson da Silva Junior

Publication Dates

  • Publication in this collection
    05 Dec 2022
  • Date of issue
    Sept 2022

History

  • Received
    07 June 2022
  • Accepted
    13 July 2022
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