Le programme harmonie: evaluation de l'impact d'un programme d'enrichissement familial sur des meres ayant un jeune enfant

The harmonie program: impact evaluation of a program of family enrichment for mothers with an young child

Le programme harmonie: evaluation de l'impact d'un programme d'enrichissement familial sur des meres ayant un jeune enfant^*

The harmonie program : impact evaluation of a program of family enrichment for mothers with an young child

Carl Lachanté; Michel Daigneault

UQTR

^{Endereço para correspondência}

RÉSUMÉ

La présente recherche vise à évaluer un programme d'enrichissement familial qui s'adresse à des familles ayant un enfant d'âge préscolaire. Ce programme, appelé HARMONIE, se présente sous la forme d'une activité intensive de fin de semaine dans une base de plein-air impliquant les parents et l'enfant. 11 vise trois objectifs: ( 1 )accroître le sentiment de compétence parentale; (2) diminuer le degré de stress parental et en particulier le stress associé à la perception de difficultés chez l'enfant-cible; (3) assurer un partage équitable de la responsabilité párentale entre les conjoints. L'échantillon est composé d'un groupe expérimental constitué de 17 mères ayant participé avec leur conjoint et leur enfant au programme Harmonie et d'un groupe contrôle de 18 mères. Les effets de l'intervention ont été examinés 3 mois après et 6 mois après le programme sur le plan du stress parental, du sentiment de compétence et du partage des responsabilités parentales. Les résultats indiquent que le progmmme Harmonie a un impact significatif sur la réduction du stress parental et l'augmentation du sentiment de compétence parentale.

Mots clés: famille, compétence parentale, préscolaire.

ABSTRACT

The purpose of this study is to evaluate the effects of a enrichment program for families with preschooler. This program, entitled HARMONIE, consists of an intensive week-end session with parents and children in an outdoor setting. The goals of the program are: 1) to increase the perception of parental sense of competence ; 2) to promote a fair division of household and child caring responsabilities between the mother and her main support figure; 3) to reduce the degree of parental stress in general and of stress associated to child dificulties in particular. The sample is composed of an experimental group of 17 families and a control group of 18 families. The effects of the program are assessed 3, and 6 months after the intensive week-end session. Target variables are: parental stress, sense of parental competence, and division of household and child caring responsabilities. Results support the effectiveness of the program particularly in term of a reduction of parental stress and an increase of parental sense of competence.

Key words: family, parental competence, child, preschool..

La formation parentale est une «action éducative de sensibilisation, d'apprentissage, d'entraînement ou d'élucidation relative aux valeurs, aux attitudes et aux pratiques parentales d'éducation» (Boutin & Durning, 1994, p. 8). Elle est utile pour réduire, à travers l'acquisition de pratiques parentales adéquates, plusieurs types de problèmes chez l'enfant, en particulier les problèmes liés à la discipline et aux comportements dérangeants (problèmes externalisés); pour améliorer le sentiment d'efficacité personnelle et augmenter la satisfaction que le parent tire de son rôle parental; pour diminuer l'état de stress et de contrainte que le parent ressent dans l'exercice de son rôle parental.

La formation parentale peut viser différents objectifs spécifiques et prendre des formes variées (Fine & Henry, 1989). Une de ces formes est l'acquisition de connaissances sur le développement de l'enfant. Ces connaissances peuvent étre d'ordre général et toucher ce qui est commun à l'ensemble des étapes que les enfants traversent (de la naissance à l'adolescence) ou d'ordre spécifique et se pencher ainsi plus particulièrement sur les enjeux associés à une période développementale précise (par exemple, la période préscolaire).

Une autre forme est l'acquisition de connaissances sur les pratiques parentales efficaces. L'efficacité des pratiques parentales se définit différemment selon que l'on se situe à l'intérieur d'un modèle théorique ou d'un autre. Certains modèles théoriques (par exemple, celui de Gordon ou d'Adler) vont mettre l'accent sur le développement d'une plus grande sensibilité parentale c'est-à-dire l'amélioration de la réponse du parent aux besoins de l'enfant. Dans cette perspective, on tente d'aider le parent à mieux détecter les signaux de l'enfant, à les interpréter correctement et à modifier son propre comportement pour répondre de façon adaptée au besoin sous-jacent de l'enfant. D'autres modèles théoriques (par exemple, celui de Patterson) vont plutôt mettre l'accent sur le développement d'un meilleur contrôle parental c'est-à-dire l'amélioration de la qualité de l'influence que le parent exerce sur l'enfant. Dans cette perspective, les pratiques parentales efficaces sont définies en termes de la capacité du parent à établir un cadre qui favorise la «gestion» (management) du comportement de l'enfant (établissement de règles, contingences dans les renforcements positifs et négatifs, résolution de problèmes, etc.).

Une troisième forme de formation parentale est l'entraînement aux habiletés parentales. En plus de l'acquisition de connaissances sur la conduite parentale, ce type de formation parentale vise également le développement d'attitudes et de comportements parentaux. La participation du parent y est plus active (jeux de rôles, mises en situation, utilisation de modèles filmés, etc.). La présence de l'enfant lors des activités de formation est parfois exploitée afin de pouvoir instruire directement le parent sur ses comportements actuels et sur les modifications qu'il pourrait apporter à ces comportements. Le contenu de l'entraînement est évidemment influencé par le type de modèle théorique utilisée.

Enfin, la formation parentale peut également se présenter sous la forme de groupe de soutien parental ayant pour objet de favoriser le partage d'expériences communes et l'exploration de diverses stratégies de résolution de problèmes. Le soutien que les parents se donnent peut être de nature informative (par exemple, le nom d'une clinique pédiatrique, trucs pour contrôler les crises de colère de l'enfant), instrumentale (par exemple, cuisine collective, échange-gardiennage), sociale (par exemple, activités de loisir ensemble) ou émotive (par exemple, écoute, encouragement). Le rôle des intervenants ne se situe plus dans leur expertise du développement de l'enfant et des conduites parentales mais plutôt dans leur capacité à faciliter l'aide naturelle que les parents eux-mêmes peuvent s'apporter.

L'évaluation de l'efficacité des programmes d'éducation familiale a été, à maintes reprises qualifiée d'incomplète (Dembo, Sweitzer, & Lauritzen, 1985; Fine, 1980; Harmon & Brim, 1980). Les principaux résultats indiquent tout de même que les parents apprécient ce type d'activités et qu'ils rapportent avoir été aidés par ces programmes.

L'évaluation rigoureuse et systématique de ces interventions préventives et/ou promotionnelles touchant la compétence parentale s'est faite de façon inconsistante. Certains programmes (Levant & Doyle, 1983; Patterson, Chamberlain & Reid, 1983; Summerlin & Ward, 1981) ont démontré leur efficacité à modifier à court terme les conduites parentales. Peu de programmes (Adesso & Lipson, 1981 ; Martin 1977; Webster-Stratton, 1982) ont cependant vérifié la stabilité des acquisitions sur des périodes allant au-delà de deux ou trois mois. La présence de cette stabilité des acquisitions est pourtant un indice important de la présence de capacités d'adaptation du parent aux besoins changeants de l'enfant qui se développe et aux modifications de l'environnement familial.

De plus, plusieurs programmes enseignent aux parents des notions et des habiletés à l'intérieur d'un contexte - le groupe de parents - qui doivent étre transférées à l'intérieur d'un second contexte - la famille. Ces programmes ont comme unité d'intervention le parent plutôt que la famille. Cet aspect place l'entière responsabilité du transferf de notions et d'habiletés d'un contexte à l'autre sur le parent. Dans un tel cadre, peu de support est directement offert au parent pour qu' il puisse expérimenter à l'intérieur de sa famille ses nouvelles acquisitions.

Enfin, la plupart des programmes exigent des parents qu'ils acquièrent de nouvelles habiletés tout en conservant intactes leurs dépenses d'énergie afin de maintenir les autres aspects de leur quotidien (les routines liées au travail, à l'école, aux tâches domestiques, etc.). Cette situation fait en sorte que la disponibilité des membres de la famille à expérimenter de nouvelles conduites est considérablement réduite.

C'est dans la perspective de corriger ces trois lacunes d'absence de contexte familial, de manque de disponibilité des parents et du peu d'importance accordé à la stabilité des acquisitions que le projet Harmonie a été conçu.

Description du programme Harmonie¹

Harmonie propose à des groupes de parents un programme-cadre de stimulation à l'efficacité parentale. Ce programme est basé principalement sur une connaissance du développement de l'enfant (Erikson, 1972,1982), associée à une conduite parentale modulée en fonction de l'exercice d'un leadership situationnel (Hersey & Blanchard, 1978). Ce programme se présente sous la forme d'une activité intensive de fin de semaine impliquant les parents et l'enfant. Chaque famille participante est jumelée à une paire de psychoéducateurs qui ont comme tâche d'adapter la présentation des informations concernant le développement de l'enfant et les conduites parentales et de façonner des interventions s'adressant spécifiquement au vécu de chaque famille. Le programme Harmonie vise les trois objectifs suivants:

(1) accroître le sentiment de compétence parentale;

(2) assurer un partage équitable de la responsabilité parentale entre les conjoints ;

(3) diminuer le degré de stress parental et, en particulier, le stress associé à la perception de difficultés chez l'enfant-cible;

À partir du principe que l'exercice du rôle de parent est une forme de leadership, en ce sens que le parent s'engage dans un processus d'influence sur le comportement de son enfant, Hersey et Blanchard ( 1978) font la distinction entre une action parentale réussie versus une approche parentale effective. Dans une action parentale réussie, l'enfant fait ce que le parent veut, et l'action est reliée uniquement au comportement de l'enfant. L'action parentale devient effective si, en plus d'étre reliée au comportement de l'enfant, elle rend compte également des attitudes et des sentiments de l'enfant.

Le projet Harmonie intégre plusieurs éléments: systéme de tutorat, approche familiale expérientielle, groupe d'entraide, professionnels sur place, formule intensive, séjour dans un centre de vacances familiales.

Le tableau 1 décrit le contenu du programme Harmonie pour chacune des étapes à travers lesquelles passent les familles participantes. Le programme Harmonie est essentiellement divisé en deux phases: le contact et la rencontre pré-week-end et le week-end intensif.

Les intervenants proposent à la famille qui leur était assignée une rencontre à domicile environ un mois après le week-end intensif. Cette rencontre a comme objectif de répondre aux questions ayant surgi suite à l'application des apprentissages, de soutenir l'évolution des acquisitions ou plus simplement d'échanger sur le vécu familial. Après cette première rencontre, les intervenants en proposent une deuxième, deux mois plus tard, toujours sur une base volontaire et visant les mêmes objectifs.

Objectif de recherche

La présente recherche vise à évaluer un programme d'enrichissement familial qui s'adresse à des familles ayant un enfant d'àge préscolaire. Elle tente d'évaluer l'atteinte de ces objectifs chez un groupe de mères et de comparer leur évolution à celle d'un groupe de mères n'ayant pas participé à l'intervention. Limpact de l'intervention est examiné en fonction de trois dimension qui sont reliées aux objectifs d'intervention du programme: le sentiment de compétence parentale et, en parficulier, le sentiment d'efficacité parentale; le stress parental et, en parficulier, le stress associé à la perception de difficultés chez l'enfant; et la perception de la répartition des responsabilités touchant les soins à l'enfant.

Méthodologie

Echantillon

Le groupe expérimental est constitué de 8 familles monoparentales et de 9 familles biparentales ayant un enfant unique, 10 garçons et 7 filles, âgé entre 35 et 69 mois, pour un âge moyen de 44.8 mois. Ces familles sont réparties à l'intérieur de deux groupes de niveau socio-économique (N.S.E.) déterminés en fonction du revenu annuel de la famille. Ainsi, 8 familles, dont le revenu annuel global est inférieur à 29,999$, appartiennent au N.S.E moyen-inférieur et 9 familles, dont le revenu annuel global est supérieur à 30,000$, forment le N.S.E moyen.supérieur. Chaque enfant du groupe fréquente soit une garderie (41,1%), soit un service de garde en milieu familial, soit une classe de prématernelle, et ce, à raison d'une moyenne de 4,2 jours par semaine.

Étant donné que l'échantillon regroupe deux structures familiales distinctes (monoparentale et biparentale), nous nous sommes assurés d'obtenir la parficipation d'au moins deux personnes agissant comme figure significative auprès de l'enfant dans chacune des familles (dyade parentale). Ainsi, la mère biologique est présente dans toutes les dyades parentales; la moyenne d'âge des mères du groupe expérimental est de 31,6 ans. Elle est accompagnée de l'un ou l'autre des trois types de figure parentale suivants: le père biologique de l'enfant dans 11 familles, une figure féminine de soutien pour la mère dans 2 familles (par exemple, grand-mère maternelle) et une figure masculine de soutien pour la mère dans 4 familles (par exemple, grand-père maternel, conjoint de la mère); l'âge moyen des figures de soutien aux mères de ce groupe est de 38,6 ans. Les deux derniers types de figure de soutien (féminine et masculine) sont présents dans six des familles monoparentales.

Le groupe témoin a été constitué en fonction des critères suivants: la structure familiale (monoparentalité, biparentalité), le N.S.E. (moyen-inférieur, moyen-supérieur) , l'âge et le sexe de l'enfant ainsi que le type de dyade parentale. 11 regroupe 8 familles monoparentales et 10 familles biparentales ayant un enfant unique, 10 garçons et 8 filles dont l'âge varie entre 35 et 63 mois, l'âge moyen étant de 49,3 mois. Chacun des enfants fréquente au moins un des services de garde déjà mentionnés et ce, à raison d'en moyenne 3,6 jours par semaine.

Nous retrouvons 10 familles à l'intérieur du N.S.E. moyen-inférieur et 8 familles dans le N.S.E. moyen-supérieur. La mère biologique est présente dans chacune des dyades parentales et la moyenne d'âge est identique à celle du groupe expérimental (31,6 ans). Le père biologique se retrouve dans 12 familles, une figure féminine de soutien à la mère dans 2 familles et une figure masculine de soutien à la mère dans 4 familles; la moyenne d'âge des figures de soutien aux mères est de 37,3 ans. À l'instar du groupe expérimental, les deux derniers types de figure de soutien aux mères se retrouvent à l'intérieur de familles monoparentales.

La comparaison des variables sociodémographiques entre le groupe expérimental et le groupe témoin démontre l'absence de différence significative entre les groupes au niveau de l'âge de l'enfant (F=2,10, p > 0,05), du sexe de l'enfant (Chi2 = 0,04, p > 0,05), du type de service de garde fréquenté par l'enfant (Chi2 = 1,91, p > 0,05), du nombre de jours de fréquentation de ces services par l'enfant à chaque semaine (F = 1,38, p > 0,05), de la structure familiale (Chi2 = 0,24, p > 0,05), du N.S.E de la famille (Chi2 = 0,25, p > 0,05), du type de figure parentale à l'intérieur des dyades (Chi2 = 0,01, p > 0,05), de l'âge de la mére (F = 0,00, p > 0,05) et enfin, de l'âge des figures de soutien à la mére dans chacune des familles (F = 0,17, p > 0,05). Ces résultats indiquent la présence d'une très forte homogénéité entre les deux groupes de l'étude (voir tableau 1).

Instruments

Index de Stress Parental/Forme Brève (Abidin, 1990a)

L'instrument est une version abrégée du Parental Stress Index (PSI) (Abidin, 1990b; Loyd & Abidin, 1985) qui permet de mesurer le niveau de stress à l'intérieur du système parent-enfant. 11 consiste en un questionnaire comprenant 36 items ou éléments stresseurs provenant tous, sans exception, de la version originale du PSI qui a été traduite en français et validée auprès de parents québécois ayant un enfant d'âge préscolaire (Lachanté, Ethier, & Piché, 1993). Les items sont répartis également à l'intérieur de trois sous-échelles correspondant chacune à un facteur susceptible d'influencer le niveau de stress vécu par le parent dans la relation avec son enfant. La première sous-échelle identifiant le facteur «Détresse parentale» permet de mesurer la détresse ressentie par le parent dans l'exercice de son rôle. La seconde sous-échelle identifiant le facteur «Dysfonctionnement de la relation parent-enfant» permet de mesurer le niveau d'insatisfaction perçu par le parent dans la relation avec son enfant. La troisième sous-échelle «Difficultés de l'enfant» mesure le degré de difficulté rencontré par le parent lorsqu'il est confronté au comportement de l'enfant. À l'échelle totale, les scores peuvent varier de 36 à 180 et, au sous-échelles, de 12 à 60.

Questionnaire d'auto-évaluation de la compétence éducative parentale (QAECEP)

Développé par Gibaud-Wallston ( 1977) et traduit par Terrisse et Trudelle (1988: voir Trudelle, 1991), le QAECEP permet de mesurer la perception du parent à l'égard de sa compétence dans l'exercice de son rôle parental. Le questionnaire est composé de 16 items qui sont distribués à l'intérieur de deux sous-échelles (Efficacité et Satisfaction). Ainsi, 7 items évaluent le sentiment d'efficacité du parent tandis que les 9 autres items mesurent son sentiment de satisfaction; la somme des scores obtenus à ces deux sous-échelles mesure le sentiment global de compétence perçu par le parent. La fidélité du QAECEP a été démontrée par Johnston et Mash (1989) au moyen de coefficients de consistance interne de 0,76 à la sous- échelle d'efficacité, de 0,75 à la sous-échelle de satisfaction et de 0,79 à l'échelle globale tandis que Bellemare ( 1993) obtenait des coefficients respectifs de 0,80,0,78 et 0,86 obtenus à partir d'un échantillon de mères québécoises

Inventaire de participation à la vie familiale (IPVF)

L'instrument a été développé par Barnett et Baruch (1987) et adapté à une population québécoise par Lacharité ( 1992). 11 permet d'évaluer la proportion du partage des responsabilités entre chaque parent de jeunes enfants et ce, à l'égard de différentes activités régulières à effectuer au sein de la famille. L'inventaire est composé de 20 items répartis à l'intérieur de 3 sous-échelles. La première sous-échelle «Soins à l'enfant» regroupe 11 items qui décrivent les activités reliées à des soins à donner à l'enfant; les 9 autres items décrivent des activités associées à des tâches domestiques dont 4 forment la sous-échelle «Tâches féminines» en référence à des tâches associées à un stéréotype féminin tandis que 3 items forment la sous-échelle «Tâches masculines» en référence à des tâches associées à un stéréotype masculin. Seulement l'échelle «Soins à l'enfant» est utilisée dans la présente étude.

Le parent répond aux items de I'IPVF à l'aide d'une échelle de type Lickert à 7 niveaux, ce qui lui permet d'indiquer sa perception du partage de responsabilité avec son (sa) conjoint(te). Lacharité (1992) présente quelques caractéristiques psychométriques de I'IPVF. Il rapporte des coefficients de consistance interne de 0,86 pour la sous-échelle Soins à l'enfant.

Déroulement

Dans un premier temps et tel que mentionné précédemment, de nombreux organismes ont collaboré au recrutement en nous référant des familles susceptibles de répondre aux critères de sélection de notre population cible2 (p. 31).

Pour vérifier l'impact à long terme du programme d'intervention, la formule test-retest avec groupe témoin a été utilisée. Ainsi, trois évaluations (prétest, premier post-test, second post-test) ont été réalisées pour chacun des groupes de l'échantillon de recherche. Pour le groupe expérimental, il s'est écoulé en moyenne 16,1 jours entre le prétest et l'intervention, 100,4 jours entre le prétest et le premier post-test et 205,5 jours entre le prétest et le deuxième post-test. Pour le groupe témoin, il y a eu en moyenne 101,9 jours entre le prétest et le premier post-test et 198,6 jours entre le prétest et le second post-test. Ces données démontrent que, d'une part, le prétest a été fait dans un intervalle de temps rapproché de l'intervention et que, d'autre part, les délais entre les trois périodes d'évaluation des deux groupes sont presque similaires.

Résultats

Analyses descriptives

Le tableau 3 présente les moyennes et écart-types des scores obtenus par les mères des deux groupes au pré-test. Les tableaux 4 et 5 présentent les mêmes informations pour les deux post-tests. Les résultats du premier et du second post-tests sont présentés ici à titre indicatif, ils seront abordés plus en détail dans la section touchant l'effet de l'intervention. Les données descriptives pour les deux groupes au pré-test font cependant l'objet ici d'une présentation plus détaillée.

Au pré-test, les mères du groupe expérimental obtiennent des résultats équivalents à ceux des mères du groupe contrôle. Les analyses statistiques n'indiquent aucune différence significative entre les groupes.

D'un point de vue descriptif, l'échantillon de la présente rechèrche est composé de familles à l'intérieur desquelles les mères se perçoivent comme les principales responsables des soins apportés à l'enfant, le partage perçu des responsabilités à ce niveau correspond à ce qu'on retrouve dans d'autres familles ayant un enfant d'âge préscolaire. Par contre, le présent échantillon est composé de mères qui manifestent un degré de stress et de contrainte dans leur rôle parental plus élevé que la norme. Les mères des deux groupes rapportent la présence d'un certain nombre de sources de tension dans la relation avec leur enfant et dans le comportement de ce dernier. Les mères des deux groupes rapportent également se sentir moins compétentes dans leur rôle parental que d'autres parents ayant un enfant d'âge préscolaire.

Les prochaines sections présentent les résultats permettant d'évaluer l'effet de l'intervention sur les variables dépendantes. La méthode d'analyse utilisée est la régression multiple hiérarchique (Cohen &Cohen, 1983) qui vise à estimer la contribution spécifique de la participation à l'intervention sur chaque variables dépendantes. Lors de la première étape de l'analyse de régression, le score au pré-test est entré. Une variable de type dichotomique permettant d'identifier l'appartenance au groupe expérimental ou contrôle est entrée dans une seconde étape.

Cohen et Cohen (1983) indique que la méthode statistique la plus appropriée pour analyser les changements est l'analyse de régression des scores du post-test en fonction des scores du prétest et de l'appartenance (ou non) au groupe expérimental. Cette procédure, tout comme l'analyse de variance à mesures répétées, permet de vérifier si l'exposition à une intervention produit un effet significatif sur une variable donnée, mais elle permet également de répondre à la question «Quelle quantité de variance dans les scores d'une variable au post-test est spécifiquement expliquée par l'intervention, et ce après avoir contrôlé la contribution des scores au prétest de cette même variable?»

Effet de l'Intervention sur le stress parental

Le tableau 6 présente les résultats pour la dimension du stress parental (score total et scores au sous-échelles). L'intervention n'a eu aucun effet à court terme sur le stress parental. Cependant, un effet significatif est observé lors du second post-test (F( 1,32) = 5,1, p < 0,05). Cet effet de l'interventión sur le stress parental semble surtout se faire sentir sur le plan de la perception que la mère a des difficultés chez son enfant (F( 1,32) = 6,8, p < 0,05). La participation au programme d'intervention explique 5% de la variance du score total de stress parental et 6% de la variance du score de «Difficultés chez l'enfant». Ces effets se font dans la direction d'une diminution du stress parental suite à l'intervention (beta = -0,23 et beta = -0,26).

Il est possible de constater que les mères du groupe expérimental manifestent une diminution continue de leur niveau de stress parental. Elles passent d'un niveau de stress parental les situant environ au 84e percentile (Abidin, 1990) à un niveau les situant environ au 58e percentile. Abidin ( 1990) suggère qu'un score se situant au 75e percentile ou plus constitue un indice de problème. Les scores du groupe contrôle demeurent dans cette zone aux les trois temps.

Effet de l'Intervention sur le sentiment de compétence parentale

L'intervention ne semble avoir aucun effet à court terme (premier posttest) sur le sentiment de compétence parentale des mères (voir tableau 6). Cependant, un effet significatif au niveau du score total de compétence parentale est observé lors du second post-test (F /1,32/ = 9,0, p < 0,01). Cet effet de l'intervention sur le sentiment de compétence parentale se fait sentir, de façon plus précise, sur le plan de la satisfaction parentale (F/1,32/ = 7,0, p < 0,05). La participation au programme d'intervention explique 9% de la variance du score total de «Compétence parentale» et 11 % de la variance du score de «Satisfaction parentale». Ces effets se font dans la direction d'une augmentation de sentiment de compétence parentale suite à l'intervention (beta = 0,33 et beta = 0,31).

En prenant les données fournies par Trudelle (1992) comme échantillon de référence (161 parents ayant un enfant d'âge préscolaire), les résultats au pré-test pour le groupe expérimental se situent à 1,03 (sentiment de compétence) et 0,74 (satisfaction) écart-types en-dessous de la moyenne. Au second posttest, les résultats passent à 0,25 (sentiment de compétence) et 0,10 (satisfaction écart-types au-dessus de la moyenne. Le groupe contrôle quant à lui demeure stable avec des résultats au prétest et au second post-test variant entre 0,21 et 0,57 écart-types au-dessous de la norme de Trudelle (1982).

Effet de l'intervention sur le partage des responsabilités face aux soins à l'enfant

Le tableau 6 présente les résultats des analyses de régression multiple pour la variable «Soins à l'enfant». L'appartenance au groupe n'exerce aucune influence sur la façon dont le partage des responsabilités parentales est perçu. Le programme d'intervention n'a donc eu aucun effet à ce niveau.

Interrelations dans les changements au sein du stress parental et du sentiment de compétence parentale

Les gains au niveau du stress parental observés chez les mères du groupe expérimental sont spécifiquement dûs à des améliorations dans la perception qu'elles ont de leur enfant. Nous avons voulu explorer les liens entre les changements dans le comportement de l'enfant (tels que rapportés par la mère) et les changement dans l'expérience du rôle parental (sentiment de compétence). Pour l'échantillon total (n=35), nous avons examiné la corrélation entre, d'une part, l'écart entre le pré-test et le second post-test à l'échelle «Difficulté de l'enfant» et, d'autre part, l'écart entre le pré-test et le second post-test à l'échelle totale de sentiment de compétence. La corrélation entre ces deux écarts est de - 0,51 (p < 0,002) indiquant ainsi que plus le sentiment de compétence augmente chez les mères de notre échantillon, moins elles perçoivent leur enfant de façon négative.

Discussion et conclusion

Le but de cette étude était d'appliquer et d'évaluer les effets d'un programme d'enrichissement familial destiné aux familles ayant un enfant d'âge préscolaire. Le programme Harmonie a comme objectifs d'intervention: 1) accroître le sentiment de compétence parentale; 2) diminuer le degré de stress parental et, en particulier, le stress associé à la perception de difficultés chez l'enfant-cible; 3) assurer un partage équitable de la responsabilité parentale entre la mère et une figure de soutien. Le protocole d'évaluation des effets du programme a permis de montrer que les mères ayant participé obtiennent des gains principalement sur les plans de l'augmentation du sentiment de compétence parentale et de la réduction du stress parental.

La présente étude permet de démontrer la validité interne du programme Harmonie. L'expression «validité interne» fait référence au fait qu'un programme ou qu'une intervention produit les effets escomptés avec les sujets ayant été exposés à ce programme ou cette intervention. Les effets observés doivent étre distingués des effets dûs au simple passage du temps. La comparaison entre le groupe de mères ayant participé au programme Harmonie et un groupe de mères témoins permet d'affirmer que ce n'est pas le simple passage du temps qui explique les gains obtenus par les participantes.

Un autre aspect à considérer dans l'évaluation d'un programme de formation parentale est sa pertinence pour les parents eux-mêmes et leur degré de satisfaction. Le présent article n'a pas comme objectif de présenter les détails des données qualitatives recueillies par les membres de l'équipe d'intervention. Cependant il s'avère intéressant de souligner que les.commentaires des mères ayant parfïcipé au programme Harmonie sont évocateurs. Ces commentaires soulignent la pertinance des thèmes abordés et de l'approche utilisée. Ils indiquent également que les gains obtenus se situent dans des secteurs prioritaires du vécu parental: sentiment d'efficacité, relation entre les deux parents, sensibilité aux besoins de l'enfant, etc.

La taille des effets de l'intervention est cependant restreinte: les gains au niveau du sentiment de compétence et du stress parental sont relativement petits. Les familles ayant parfïcipé au programme Harmonie sont des familles ne présentant pas de problèmes majeurs. Le niveau de compétence parentale et de stress parental des mères au début de l'intervention peuvent étre qualifiés de moyens. Ces mères inscrivaient leur famille dans un programme d'enrichissement familial et non pas dans un programme de traitement familial. Les effets attendus par le programme sont donc nécessairement mineurs lorsque la situation initiale de ces familles est considérée.

Une attente supplémentaire est que ces gains, quoique mineurs, aient une certaine stabilité dans le temps. Les programmes d'enrichissement et de prévention prennent toute leur signification sur ce plan. Les gains observés chez les mères ayant participé au programme Harmonie sont repérables au moins 6 mois après la participation au programme. Cela suggère que les acquisitions qu'elles ont faites lors du programme ont été intégrées à leur mode de fonctionnement habituel.

Cette étude présente des limites évidentes. La première a trait à la généralisation des résultats à d'autres familles que celles de notre échantillon. L'échantillon étant de taille restreinte, il n'est pas possible d'affirmer qu'il est représentatif des mères ayant un enfant d'âge préscolaire. La procédure de sélection de l'échantillon qui a mis l'accent sur le recrutement de familles avec un seul enfant vient renforcer cette situation. 11 est cependant possible de constater que les mères ayant participé obtiennent au pré-test des résultats aux différentes mesures qui les situent dans la moyenne relativement aux normes disponibles pour ces mesures. L'application du programme Harmonie à des familles autres que celles du présent échantillon est encouragée mais les attentes face à l'impact du programme devraient être établies avec beaucoup de prudence. L'application du programme à une autre clientèle peut exiger des modifications plus ou moins étendues afin de correspondre aux besoins de ces nouvelles familles.

Le fait que l'ensemble des données repose sur des résultats de questionnaires auto-rapportés suggère un cerfaine prudence dans l'interprétation des résultats.11 serait important que les résultats de cette recherche puissent être validés à l'aide de mesures plus objectives des conduites parentales.

II serait également important que des recherches puissent évaluer les effets directs du programme sur l'enfant lui-même et sur le partenaire des mères. L'évaluation de l'enfant n'a été abordé que de façon indirecte dans la présente étude: par le biais du stress parental spécifiquement associé au corportement de l'enfant. Quant au partenaire/figure de soutien des mères, des données sont disponibles sur ces personnes en prétest et en post-test; les résultats à ce niveau ont été présentés ailleurs sous forme de rapport de recherche inédit (Lacharité, Daigneault, & Caron, 1995).

Références Bibliographiques

2. II faut remercier les organismes suivants de leur collaboration au projet dont l'Agence de Services de Garde en Milieu Familial La Marelle de Victoriaville, l'Agence de Services de Garde en Milieu Familial Le Cert-Vlant de Trois-Rivières, le Centre de Services à l'Enfance de l'Université du Québec à Trois-Rivières, l'École Montessori de la Mauricie, le Club Parent-Enfant de Cap-de-la-Madeleine, le Club Mère-Enfant de Trois-Riviéres-Ouest et enfin les garderies suivantes situées à l'intérieur de la région métropolitaine de Trois-Riviéres: Entre Deux-Nuages Inc., La Maisonnée Inc., Le Coffre à Jouets, Le Petit Forgeron Inc., Margo La Lune Inc. et Saute-Monton.

* Artigo originalmente publicado na Revue Canadienne de Psycho-Éducation.

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Une description complete des fondements et des modalités d'intervention du programme Harmonie est présentée (Lacharité, Daigneault & Caron, 1995). Divers documents et outils d'accompagnement sont utilisés lors des sessions de formation qui s'éffectuent sous la responsabilité du second auteur.

Publication Dates

• Publication in this collection
  29 July 2009
• Date of issue
  Aug 1998