Acessibilidade / Reportar erro

DURKHEIM ET BOURDIEU : À PROPOS DU FORMALISME

DURKHEIM AND BOURDIEU: ON FORMALISM

DURKHEIM E BOURDIEU: SOBRE O FORMALISMO

RÉSUMÉ

Comparer Durkheim et Bourdieu est l’occasion de révéler des différences importantes de choix théoriques et empiriques : alors que les considérations de Durkheim sur le formalisme portent essentiellement sur l’éducation, celles de Bourdieu concernent bien d’autres domaines. Le formalisme est considéré par le premier comme une sorte d’adversaire emblématique, indissociablement intellectuel et moral. Pour le second, le formalisme est, bien au-delà de l’éducation, à envisager pour ce qu’il est, une donnée, un fait social qui constitue un défi pour la sociologie dans la mesure où il semble suspendre les déterminations sociales, que ce soit dans les univers de la science, de la littérature, de l’art ou d’autres.

Mot-clés
Formalisme; Éducation; Classes sociales

ABSTRACT

Comparing Durkheim and Bourdieu reveals significant differences in theoretical and empirical choices: while Durkheim’s considerations on formalism are essentially concerned with education, Bourdieu’s concern many other fields. Durkheim sees formalism as some sort of emblematic adversary, inseparably intellectual and moral. For the second, formalism is, well beyond education, to be considered for what it is, a given, a social fact which constitutes a challenge for sociology insofar as it seems to suspend the social determinations whether in the universes of science, literature, art or others.

Keywords
Formalism; Education; Social classes

RESUMO

Comparar Durkheim e Bourdieu revela importantes diferenças nas escolhas teóricas e empíricas: enquanto as considerações de Durkheim sobre o formalismo concernem essencialmente a educação, as de Bourdieu concernem muitos outros campos. Durkheim vê o formalismo como um tipo de adversário emblemático, inseparavelmente intelectual e moral. Para o segundo, formalismo é para ser considerado, muito além da educação, por aquilo que ele é, um dado, um fato social que constitui um desafio para a sociologia na medida que parece suspender as determinações, seja no universo da ciência, literatura, artes e outros.

Palavras-chave
Formalismo; Educação; Classes sociais

Introduction

Comparer Durkheim et Bourdieu n’est pas un exercice purement académique… et formaliste. C’est l’occasion, je crois, de révéler des différences importantes de choix théoriques et empiriques qui tiennent d’abord à ceci : alors que les considérations de Durkheim sur ce point portent essentiellement sur l’éducation, celles de Bourdieu concernent bien d’autres domaines. Elles tiennent, en second lieu, à ce que le point de vue durkheimien est normatif, ce qui, bien entendu, ne nuit pas nécessairement à la portée de ses analyses : le formalisme est considéré par le sociologue comme une sorte d’adversaire emblématique, indissociablement intellectuel et moral. Pour Bourdieu, le formalisme est, bien au-delà de l’éducation, à envisager pour ce qu’il est, une donnée, un fait social qui enferme un défi scientifique : si le formalisme semble suspendre les déterminations sociales, que ce soit dans les univers de la science, de la littérature ou de la philosophie, comment l’analyser sans tomber dans le réductionnisme ?

Est-il besoin, pour commencer, de souligner à quel point les affinités entre Durkheim et Bourdieu sont grandes? Ce point a été développé dans PINTO, (2012)PINTO, L. Pierre Bourdieu et la sociologie d’Émile Durkheim In: MAUGER, G.; LEBARON, F. (orgs.). Lectures de Bourdieu. Paris: Ellipses, 2012.. Il est sûr qu’ils ont en commun un ensemble de valeurs intellectuelles, un rejet de la rhétorique, des abstractions et des généralités : l’article sur l’agrégation de philosophie où Durkheim, prend pour objet les fondements scolaires de l’habitus philosophique national (DURKHEIM, 1895DURKHEIM, E. L’enseignement philosophique et l’agrégation de philosophie. Revue Philosophique, Paris, v. 39, p. 121-147, 1895.), annonce le style des analyses consacrées par Bourdieu aux philosophes (Heidegger et ses lecteurs français). De tels présupposés théoriques entretiennent des affinités évidentes avec la conception du rôle de l’éducation et de la socialisation. En outre, les deux sociologues partagent une même croyance dans les pouvoirs de la démarche rationnelle, de la science et de ses vertus formatrices. Ils sont rationalistes et réalistes. Pour l’un et l’autre, la sociologie est une manière de lutter contre la dénégation du réel social en ses différentes formes (psychologisme, économisme, métaphysique, etc.). Enfin, leur historicisme radical n’est jamais complaisant envers le relativisme, dans sa version pragmatiste, pour l’un, et dans sa version postmoderne, pour l’autre.

Bourdieu a joué un rôle essentiel dans le « retour à Durkheim » amorcé dès les années 1960 à travers des articles et grâce à la publication de trois volumes de Textes de Durkheim dans la collection « Le Sens commun » en 1975. Le mérite de Durkheim à ses yeux est, entre autres, d’avoir entrepris une sociologie historique de l’éducation fondée sur une vision ambitieuse et féconde : sa contribution porte sur l’analyse des fonctions d’intégration morale qui tendent à imposer une définition de l’accomplissement humain plus qu’à former des savants ou des spécialistes. En outre, Durkheim a esquissé une sociologie des intellectuels considérée comme inséparable d’une sociologie de l’École comme en témoigne son article essentiel, déjà cité, sur l’agrégation de philosophie où il analyse la production et la reproduction des habitus philosophiques en France. Pour Bourdieu, c’est, en effet, la sociologie de l’éducation qui, en prenant pour objet les entendements socialisés, procure à la sociologie de la connaissance les instruments d’objectivation les plus appropriés. L’inconscient social des lettrés est, pour une part, un inconscient scolaire ou académique caractérisé par des schèmes de pensée, d’évaluation et de mise en forme des problèmes. L’Évolution pédagogique de Durkheim qui contient notamment une description du culte scolaire du brillant a été tenue par Bourdieu pour un texte essentiel : l’ouvrage est en parfait accord avec des travaux tels que Homo Academicus et surtout La Noblesse d’Etat où sont étudiées les « catégories de l’entendement professoral ».

Bon nombre de différences qui séparent les univers intellectuels (…) pourraient être rattachées aux traditions universitaires des différentes nations et, plus précisément, à la relation que chaque créateur intellectuel entretient avec sa tradition académique nationale et qui est fonction, fondamentalement, de sa biographie scolaire.

(BOURDIEU, 1967BOURDIEU, P. Systèmes d’enseignement et systèmes de pensée. Revue Internationale des Sciences Sociales, Toulouse, v. XIX, n. 3, p. 367-388, 1967., p. 386)

Durkheim : Formalisme et Réalisme

Il n’y a pas, à ma connaissance, de définition durkheimienne explicite du formalisme. Durkheim touche à cette question dans le contexte de l’éducation. Il met en avant un clivage entre deux pédagogies, la formaliste et la réaliste, qui enferme une dualité des rapports fondamentaux au langage. Ce qui est en jeu est bien autre chose que la diversité des façons de s’exprimer : c’est le lien que l’on entend entretenir à la vérité. D’un côté, le langage apparaît comme sa propre fin, une sorte de jeu réglé, d’exercice où prime la manière de dire. « J’entends par là que, pendant tout ce temps, l’enseignement a toujours eu pour but non de donner à l’enfant des connaissances positives, des notions aussi adéquates que possible de choses déterminées, mais de susciter chez lui des habiletés toutes formalistes, ici l’art de discuter, là l’art de s’exprimer » (DURKHEIM, 1938DURKHEIM, E. L’Évolution pédagogique. Paris: PUF, 1938., p. 320). Ce qui est absent dans tous les cas, ce sont l’intérêt et la curiosité pour les « choses » (naturelles ou sociales).

Malgré ces réserves globales, le formalisme scolastique et le formalisme humaniste ne sont pas mis dans le même sac et Durkheim affiche clairement ses préférences :

Combien la scolastique, en dépit de ses abstractions, était animée d’un esprit plus pratique, plus réaliste et social ! La dialectique, en effet, répondait à des besoins réels. Le conflit des esprits, la concurrence des idées constitue un élément et un élément important de la vie. D’ailleurs, la force, la nervosité acquise par la pensée, grâce à cette forte gymnastique, étaient susceptibles d’être utilisées dans bien des emplois sociaux. Aussi, il faut se garder de croire que les écoles médiévales n’aient servi qu’à faire des songeurs, des abstracteurs de quintessence, d’inutiles ergoteurs.

(DURKHEIM, 1938DURKHEIM, E. L’Évolution pédagogique. Paris: PUF, 1938., p. 239)

Les travaux récents des médiévistes vont dans la direction indiquée par Durkheim, comme ceux en particulier d’Elsa Marmursztejn (2007)MARMURSZTEJN, E. L’Autorité des maîtres: Scolastique, normes et société au XIIIème siècle. Paris: Les Belles Lettres, 2007. qui étudie notamment le cas de juristes.

Il y a bien un rationalisme scolastique mais celui-ci fonctionne à vide : « ce rationalisme superbe, ce rationalisme qui ne s’appuie que sur une illusion - l’illusion que le complexe n’est qu’une apparence - ce rationalisme n’est que la forme inférieure du rationalisme » (DURKHEIM, 1938DURKHEIM, E. L’Évolution pédagogique. Paris: PUF, 1938., p. 317). C’est certes un rationalisme, mais de type spéculatif, dialectique, verbal, métaphysique (termes quasi-équivalents pour Durkheim), bref un rationalisme non réaliste.

De l’autre côté, du côté réaliste, ce qui importe est la dimension référentielle, la façon dont, pour reprendre la terminologie de Searle, le langage « s’ajuste » (fit) au réel, c’est-à-dire contient des assertions susceptibles d’être tenues pour vraies (SEARLE, 2010SEARLE, J. Making the Social World: The structure of human civilization. Oxford: Oxford University Press, 2010.). C’est l’idée que le réel n’est pas soluble dans nos mots, n’est pas un « texte », l’idée, tout simplement, qu’on ne peut pas dire n’importe quoi car nos énoncés sont tenus de se mesurer à quelque chose qui les précède et les excède. Ce réalisme (ou anti-idéalisme) de Durkheim doit être compris à la lumière de sa théorie du concept : le réel est toujours perçu d’une façon que l’on dirait aujourd’hui « aspectuelle », c’est-à-dire sous un certain rapport et grâce à des instruments collectivement accumulés et perfectibles dont, selon lui, la science constitue la forme éminente (PINTO, 2009PINTO, L. Le Collectif et l’individuel: Considérations durkheimiennes. Paris: Raisons d’agir, 2009., p. 105).

Quel remède au formalisme, y compris en la version simili-rationaliste de la scolastique, peut-on envisager ? Il n’est d’autre issue que de sortir du langage cristallin et autoréférentiel et de se confronter au réel opaque :

Il faut que nous cessions de prendre de simples combinaisons conceptuelles pour la réalité ; il faut que nous sentions davantage la richesse infinie du réel, que nous comprenions que nous ne pouvons arriver à le penser que lentement, progressivement, et toujours imparfaitement.

(DURKHEIM, 1938DURKHEIM, E. L’Évolution pédagogique. Paris: PUF, 1938., p. 399)

C’est la science qui propose le modèle incontournable de toute pédagogie réaliste. L’« empirisme rationaliste » (l’expression est de Taine) est un rationalisme réaliste selon lequel le réel n’est pas transparent car il est extérieur aux mots et aux esprits ; s’il est accessible à l’intelligence c’est au prix d’une confrontation laborieuse.

C’est en mettant l’intelligence en face de la réalité qu’elle doit réfléchir qu’il est possible de lui montrer comment elle doit s’y prendre, pour s’en faire des notions justes. L’objet est donc un facteur essentiel de l’éducation intellectuelle ; il est impossible de cultiver l’esprit par des exercices purement formels

(DURKHEIM, 1938DURKHEIM, E. L’Évolution pédagogique. Paris: PUF, 1938., p. 365).

Durkheim défend un réalisme triple -scientifique, philosophique et pédagogique- qui se comprend en grande partie par rapport au contexte historique des années 1900. La République a encore des adversaires, il faut gagner les esprits. Dans le domaine de l’École, les effectifs du secondaire sont stables et limités tandis que le supérieur bénéficie d’une relative croissance qui accompagne l’essor de nouvelles spécialités comme la pédagogie et la sociologie. Il s’agit, pour Durkheim et pour d’autres figures de la « Sorbonne nouvelle », d’élaborer des outils intellectuels et moraux au service de l’École de la République et de l’Université en construction. Partie prenante de ce combat, la sociologie de Durkheim et de ses élèves se définit comme rationaliste et réaliste face à une série d’adversaires bien identifiés -le cléricalisme, la philosophie spiritualiste, la métaphysique- mais aussi contre leur substrat pédagogique, la tradition humaniste et les Belles lettres qui se sont trouvées engagées dans le camp opposé lors de ce moment révélateur qu’a été l’Affaire Dreyfus (PINTO, 1984PINTO, L. La vocation de l’universel. La formation de la représentation de l’intellectuel vers 1900. Actes de la Recherche en Sciences Sociales, Paris, v. 55, p. 23-32, 1984./1955).

La question pratique qui se pose est celle de savoir ce que pourrait être une pédagogie démocratique et progressiste. Le modèle de la science est évidemment jugé essentiel par Durkheim : il s’agit de lutter pour la bonne cause du réalisme contre les ténèbres ou les brumes des traditions formalistes en vue de la faire exister dans de jeunes esprits (socialement indéfinis). La cause est entendue : face aux conservateurs qui se plaisent dans l’abstraction, l’intemporalité et ne font que se payer de mots, il y a un modèle alternatif, celui de la leçon de choses qui ouvre sur le monde et sur le présent. Comment s’en servir pour refonder l’enseignement des humanités grâce à une science de l’homme ? Quelques indications concrètes sont données en conclusion de L’Évolution pédagogique (sur l’enseignement des langues, l’histoire...). Sociologue et historien de l’éducation, Durkheim se trouve directement engagé dans une lutte politique et intellectuelle contemporaine qu’il situe dans la longue durée :

Ainsi s’explique une loi sur laquelle j’ai souvent appelé votre attention et qui domine, en effet, toute notre évolution scolaire. C’est que, depuis le VIII° siècle, nous allons de formalisme pédagogique en formalisme pédagogique sans parvenir à en sortir. Suivant les temps, le formalisme a été successivement grammatical, logique ou dialectique, puis littéraire ; mais, sous des formes diverses, c’est toujours le formalisme qui a triomphé.

(DURKHEIM, 1938DURKHEIM, E. L’Évolution pédagogique. Paris: PUF, 1938., p. 320)

À pareil constat de permanence, on peut ajouter un pari : le moment est venu, l’esprit réaliste doit finir par l’emporter car il est dans le sens de l’évolution. La sociologie n’est pas le point de vue d’un observateur en surplomb : elle reflète la vérité d’une société qui non seulement se reconnaît dans les valeurs de la science, mais accepte aussi de se réfléchir grâce aux instruments qu’elle procure.

Les Trois Formalismes

Le contexte des années 1960 est bien différent : il est marqué par le problème, à la fois politique et sociologique, de la « démocratisation scolaire », conséquence de l’essor des effectifs scolarisés du secondaire et du supérieur. Il ne s’agit plus de savoir ce qu’est l’éducation réelle ou idéale pour une petite population, celle des lycéens, mais de comprendre les conséquences des transformations de l’accès à l’enseignement secondaire et supérieur : le constat majeur que l’on est conduit à faire porte sur les distorsions entre les propriétés d’un message pédagogique destiné à la formation générale de jeunes gens bien nés et les aptitudes socialement conditionnées d’une population désormais plus large et diversifiée. Ces distorsions permettent, par contraste, de révéler les conditions sociales de possibilité du fonctionnement de la transmission pédagogique qui prévalaient dans un état antérieur du système d’enseignement marqué par l’harmonie préétablie entre la parole des maîtres et les capacités de déchiffrement des élèves. Du fait même de sa crise, cet état du système scolaire porte au jour l’arbitraire constitutif de toute transmission. Derrière les pratiques officielles du travail pédagogique qui prétend livrer les moyens de sa pleine appropriation, il y a des conditions tacites, cachées sans lesquelles ce travail ne peut réussir, celles de la socialisation familiale : « tout enseignement, et plus particulièrement, tout enseignement de culture (même scientifique) présuppose implicitement un corps de savoir, de savoir-faire, et surtout de savoir-dire qui constitue le patrimoine des classes cultivées » (BOURDIEU, 1964BOURDIEU, P.; PASSERON, J.-C. Les Héritiers. Paris: Minuit, 1964., p. 36). Derrière l’explicite, il y a de l’implicite : le système d’enseignement français « exige uniformément de tous ceux qu’il accueille qu’ils aient ce qu’il ne donne pas, c’est-à-dire le rapport au langage que produit un mode d’inculcation particulier et celui-là seulement » (BOURDIEU ; PASSERON, 1970BOURDIEU, P.; PASSERON, J.-C. La Reproduction: Éléments pour une théorie du système d’enseignement. Paris: Minuit, 1970., p. 163). « Apprendre en détail le plan du Parthénon » est, pour ceux qui « ne sont jamais sortis de leur province » (BOURDIEU ; PASSERON, 1964BOURDIEU, P.; PASSERON, J.-C. Les Héritiers. Paris: Minuit, 1964., p. 36) un exercice aussi abstrait, artificiel que cruel puisqu’il est incapable de livrer par lui-même les raisons de le faire et les chances de s’en acquitter.

On s’abstiendra d’évoquer ici en détail la question de la « pédagogie rationnelle », de sa signification et de ses méthodes. Disons simplement que, pour Bourdieu, une étude socio-historique des conditions sociales de possibilité d’un système d’enseignement suppose de prendre en compte les propriétés des groupes sociaux et leur rapport au savoir. Ce point a été non pas ignoré mais seulement esquissé par Durkheim qui a tendance à voir dans le formalisme un artifice intellectuel hérité et à en méconnaître les fonctions sociales. Bourdieu reprend jusqu’à un certain point l’idée d’un formalisme comme « valorisation de la forme » (selon la « définition » proposée dans l’index de La Reproduction), mais ce qui l’intéresse est surtout la relation de complicité entre les classes supérieures et le système d’enseignement, relation elle-même fondée sur le lien assuré par ce système entre les fonctions de reproduction sociale dont bénéficient les dominants et la logique immanente d’autoreproduction institutionnelle qui rend possible la reproduction sociale du seul fait de reproduire les agents, les contenus et les méthodes.

Quoi qu’il en soit, Bourdieu évite l’un des écueils de la critique durkheimienne du formalisme. Il parle non de réalisme, de réalité mais plutôt d’irréalité : plus précisément, il évoque le « sentiment d’irréalité » des étudiants qu’il considère comme le produit de la discordance entre la position objective et l’ordre des possibles, entre les instruments effectifs d’appropriation de la culture scolaire et les conditions cachées, tacites d’appropriation. Le chapitre 2 des Héritiers est entièrement consacré à l’expérience que les individus font de l’École en fonction de leur origine sociale. L’irréalité n’a pas de signification univoque. En effet, sur fond d’un sentiment générique d’irréalité lié à la nature même du temps des études, temps suspendu hors des urgences du monde, il y a en fait deux modalités principales de l’expérience étudiante de cette irréalité. D’un côté, il y a des héritiers pour qui l’avenir est plus ou moins assuré derrière des apparences de brouillage et d’incertitude et qui, prenant au sérieux, à travers des vagabondages inspirés, ce temps suspendu contribuent d’autant mieux à faire advenir ce qui leur est d’emblée promis, sinon acquis1. D’un autre côté, on trouve des étudiants voués, du fait de leur origine basse, à vivre sur le mode du dépaysement un présent auquel ils sont désajustés et dans lequel ils ont peine à déchiffrer le futur le plus probable : il s’agit de « l’expérience d’irréalité que procure aux enfants des classes populaires l’acquisition scolaire d’un langage bien fait pour déréaliser tout ce dont il parle parce qu’il en fait toute la réalité » (BOURDIEU; PASSERON, 1970BOURDIEU, P.; PASSERON, J.-C. La Reproduction: Éléments pour une théorie du système d’enseignement. Paris: Minuit, 1970., p. 151).

C’est bien le langage ou plutôt le système des rapports au langage qui est en cause car il reproduit le rapport à l’avenir inscrit dans les habitus. Les locuteurs ne sont pas simplement occupés à dire quelque chose, ils tendent, par leur manière de dire, à affirmer leur qualité sociale de locuteur, leur autorité, leur pouvoir symbolique : les discours ont, sur le marché scolaire, un cours non réductible à leur contenu. C’est ce qui fait que la communication pédagogique n’est pas transparente, et ne peut pas l’être parce qu’elle ne relie pas des esprits socialement neutres, indéfinis. On peut dire qu’elle est, de façon non accidentelle, chargée de malentendus : l’élève croit comprendre parce qu’il est reconnu comme auditeur légitime, et le maître croit être compris et croit être compréhensible parce qu’il est constitué en émetteur légitime par les auditeurs dont la soumission garantit leur propre légitimité de destinataires d’un message légitime. Le déni du malentendu pédagogique, sorte de pieux mensonge, entretient et justifie la complicité des maîtres et des élèves. L’élève qui ne comprend pas ce qui lui est dit n’est pas porté à le reconnaître et à se rebeller : il prend cette non-compréhension pour une faute qui rejaillit sur lui, et pour le maître, le silence vaut pour acquiescement, pour preuve de ce qu’il a été compris2 2 J’avais fait, dans mes jeunes années de professeur de philosophie, une expérimentation significative mais un peu cruelle en faisant cours, pendant une heure, sur une notion-bidon, avec ce qu’il fallait de références fictives mais sonnant plus ou moins « philo ». Personne alors dans l’assistance ne s’en était ému et certains s’étaient même risqués à « expliquer » à des condisciples un peu perdus ce que tout cela « voulait dire ». J’avais tenté dans l’heure suivante de tirer les enseignements de cette expérience, mais je m’étais heurté à de fortes résistances de la part d’élèves quelque peu interloqués. . Deux grandes modalités de déchiffrement de la parole magistrale en résultent : l’enfant des classes supérieures s’accommode d’un jeu qui est toute la réalité ; celui des classes populaires ressent toute l’indignité de ne pas parvenir à en maîtriser les règles. Entre ces cas opposés, il y a place pour les « laborieux » qui s’accrochent héroïquement avec des chances inégales et des modalités différentes de réussite.

Après La Reproduction, l’analyse du formalisme est poursuivie selon deux perspectives nouvelles. La première, qui prolonge les travaux antérieurs sur le rapport cultivé à la culture (L’Amour de l’art, Un Art moyen : essai sur les usages sociaux de la photographie) et à l’École, est celle d’une analyse des classes sociales qui trouve son accomplissement dans La Distinction. En effet, le rapport que les différentes classes entretiennent au monde social est caractérisé par le degré de distance à la nécessité. L’École ne fait que renforcer ces dispositions en consacrant la distance au présent, au réel, à l’immédiat. Dans les classes supérieures, on parle, on s’habille, on mange dans les formes, ce qui signifie que l’on tend à se détourner des usages utilitaires pour attribuer de la valeur à la finalité sans fin de la manière, du style, pour produire des écarts par rapport aux pures nécessités fonctionnelles rejetées dans la banalité, la trivialité : « l’opposition entre l’immédiat et le différé, le facile et le difficile, la substance ou la fonction et la forme (…) est au principe de toute une esthétisation des pratiques et de toute esthétique » (BOURDIEU, 1979BOURDIEU, P. La Distinction: Critique sociale du jugement. Paris: Minuit, 1979., p. 218).

Ce formalisme de classe trouve un renfort dans un autre formalisme, celui des champs, suivant l’hypothèse qu’il existe une relation d’affinité entre les classes supérieures et la logique immanente de ces champs. On le voit bien dans le cas des champs artistiques et de leur expression philosophique, l’esthétique kantienne qui tient pour universellement répandue la propension à neutraliser les contenus au profit de la forme et à éprouver une plaisir « désintéressé » pour des objets dépourvus de toute finalité pratique.

Et c’est là la deuxième perspective ouverte par un ensemble de recherches sur les productions culturelles. Dès ses premiers travaux de sociologie de la littérature dans les années 1960, Bourdieu a tenté d’échapper aux impasses symétriques dans lesquelles étaient engagés deux de ses collègues à l’École pratique des hautes études, celle du court-circuit sociologique de Lucien Goldmann et celle du formalisme textuel a-sociologique de Roland Barthes : il s’agit de sociologiser ce qui se définit comme une dénégation du social, de rendre compte sociologiquement de textes qui sembleraient donner raison aux partisans d’analyses internes, jugés les plus respectueux de leur logique propre.

Les Cours au Collège de France proposent des réflexions expressément consacrées aux questions de forme et de formalisme. Tout champ autonome (scientifique, juridique, philosophique...) impose un travail spécifique de mise en forme qui tend à substituer des pratiques réglées et codifiées aux pratiques de sens commun fondées, y compris dans le cas des classes supérieures, sur des significations ordinaires, à substituer du rationnel, du général au vécu, au particulier. Cet aspect tient à la logique même de fonctionnement d’un champ et c’est pourquoi on peut, à juste titre, parler de bon formalisme, d’un formalisme de rationalisation - à l’œuvre dans les sciences dures et, peut-on l’espérer, dans les sciences de l’homme- comme d’un mauvais formalisme, un formalisme d’officialisation ou de transfiguration illustré par la mise en forme de l’idéologie révolutionnaire-conservatrice (völkisch) dans le discours heideggerien (BOURDIEU, 1988BOURDIEU, P. L’Ontologie politique de Martin Heidegger. Paris: Minuit, 1988.).

Si chaque champ est générateur de formalisme, c’est dire que le formalisme n’est pas assimilable à la seule violence symbolique, comme le montrent, au moins, les exemples des champs scientifiques. Il faudrait parler en fait au moins de trois types de formalismes : celui de classe, celui de champ et, à l’intérieur de celui-ci, d’une part, d’un formalisme socio-logiquement arbitraire qui contribue à la domination symbolique grâce à des procédures de transfiguration, de magie sociale et d’autre part, d’un formalisme rationnel qui exprime une quête immanente de cohérence et de systématicité. « Les formes sociales remplissent presque toujours deux fonctions, l’une logique et l’autre sociale (…) L’un des cas les plus pervers de la violence symbolique est le cas où les formes logiques servent de formes sociales » (BOURDIEU, 2016BOURDIEU, P. Sociologie générale: Cours au Collège de France (1983-1986). Tome 2. Paris: Seuil, 2016., p. 284). Dit autrement : « les formes sont, comme dans la langue d’Ésope, la meilleure ou la pire de choses » (BOURDIEU, 2016BOURDIEU, P. Sociologie générale: Cours au Collège de France (1983-1986). Tome 2. Paris: Seuil, 2016., p. 283). Poursuivi de façon conséquente, l’art pour l’art peut même aboutir à une démystification interne du formalisme qui n’est pas sans rappeler la démarche du sociologue — Manet, Mallarmé qui se risque au « démontage impie de la fiction » (BOURDIEU, 1994BOURDIEU, P. Raisons pratiques: Sur la théorie de l’action. Paris: Seuil, 1994., p. 380). La littérature et la sociologie peuvent se rejoindre… jusqu’à un certain point.

En matière de pédagogie, Bourdieu pose une autre question que celle de Durkheim : comment, dans une société divisée en classes, débarrasser la communication pédagogique de la part d’ « arbitraire culturel », de « violence symbolique » qui tient à la légitimation des pratiques discursives et intellectuelles des classes dominantes ? À cela s’ajoute un autre impératif : atténuer la distance, notamment pour les classes dominées, entre le registre des pratiques communes et les exigences immanentes des savoirs formels. Étant donné que l’abstraction immanente à certains contenus peut sembler aussi obscure, lointaine et gratuite que l’exercice de pure rhétorique où culmine la violence symbolique, comment tirer parti, sur le terrain pédagogique, de la distinction entre bon et mauvais formalisme sachant que, dans l’expérience ordinaire de bien des élèves, ils se trouvent plus ou moins entremêlés ?

Le pédagogue rationnel est celui qui s’efforce de vaincre la défiance et l’indifférence, par des dispositifs ingénieux et par une manière d’être et de parler, celui qui s’attache à dissiper les brumes entourant la parole magistrale et à montrer de façon exemplaire qu’elle peut servir à comprendre, connaître, maîtriser le monde, les autres, soi-même. Or il n’est pas sûr de réussir. Encore faut-il aussi -mais ce n’est plus un problème purement pédagogique- que ce type de pratiques puisse compter, du côté des destinataires de la parole magistrale, sur le sentiment d’avoir un minimum de chances raisonnables d’en tirer parti et par là, d’échapper à l’alternative de la passivité résignée et de l’effort sans espoir. Pour le pédagogue, la voie est étroite et sinueuse, elle est tout sauf royale tant la bonne volonté et la réflexivité professorales s’exposent à des démentis cruels — sur ce point, lire Bergounioux (2006)BERGOUNIOUX, P. École: mission accomplie. Paris: Les Prairies Ordinaires, 2006.. Les enseignants peuvent faire aussi bien que possible, mais leur pouvoir a des limites et certains objectifs sont hors de leur portée, dans la mesure où leur réalisation dépend de facteurs extrascolaires.

Le réalisme pédagogique de Durkheim correspond, sur le terrain de l’enseignement, au passage jugé souhaitable de l’âge métaphysique à l’âge positif. Faute de poser la question des conditions sociales de sa réussite, il semble voué, selon Bourdieu, à l’abstraction. Prendre la mesure des conditions concrètes du travail pédagogique ne conduit pas nécessairement au fatalisme. Il est possible, sur ce terrain, d’introduire de la rationalité, ce qui, pour l’essentiel, repose sur une activité d’explicitation, de mise en lumière des présupposés de pratiques pédagogiques qui ne sont pas réductibles à une pure fonction de transmission des savoirs.

Conclusion

Résumons-nous. Le formalisme selon Durkheim, c’est les mots contre les choses ; pour Bourdieu, c’est la posture scolastique, cultivée contre le sens pratique d’agents socialement définis. On voit que leurs questions sont différentes, mais on ne peut se contenter de dire qu’ils parlent de choses différentes. Ce qui les oppose est surtout une philosophie du langage et des productions symboliques.

Comme pour la religion, et pour des raisons semblables, Bourdieu décèle une relative (mais pas totale) cécité durkheimienne envers les relations entre l’institution scolaire et les différences de classes, c’est-à-dire envers les fonctions sociales d’un système d’enseignement qui ne se contente pas de remplir des fonctions d’intégration (morale ou intellectuelle) et de fonctionner selon sa logique immanente d’autoreproduction (voir PIERRE BOURDIEU; PASSERON, 1970BOURDIEU, P.; PASSERON, J.-C. La Reproduction: Éléments pour une théorie du système d’enseignement. Paris: Minuit, 1970., p. 231-236). Les traces d’élitisme que Durkheim croit apercevoir dans la période contemporaine, héritées d’une époque antérieure caractérisée par la rencontre entre la culture humaniste et les valeurs aristocratiques, sont pensées comme une sorte de survivance d’une époque révolue, ce qui le détourne de voir qu’elles peuvent se perpétuer pour autant qu’elles trouvent à se retraduire dans un état nouveau du système scolaire où elles servent d’autres groupes sociaux. De même, il ne semble pas soupçonner que la transmission de la culture scientifique elle-même puisse relever d’une logique semblable à celle de la culture humaniste (Sur ce point, voir SAINT-MARTIN, 1971SAINT-MARTIN, M. Les Fonctions sociales de l’enseignement scientifique. Paris: La Haye, Mouton, 1971.).

Sociologue de l’intégration, Durkheim a négligé l’analyse des rapports entre institution scolaire et classes sociales. Car, curieusement, il est passé à côté de la sociologie des systèmes de classement (renvoyés plutôt à la religion) et de leur reproduction. Tout en se situant dans la ligne durkheimienne, Bourdieu regrette que son devancier qui disposait de tous les instruments nécessaires n’ait pas été suffisamment conséquent, faute d’avoir pu élucider les relations entre les fonctions d’intégration intellectuelle attribuées à la religion et celles d’intégration morale attribuées à l’éducation :

N’est-il pas paradoxal que l’auteur des Formes primitives de classification et des Formes élémentaires de la vie religieuse ne se soit pas aperçu, dans ses écrits consacrés à l’éducation, que, à la façon de la religion dans les sociétés primitives, la culture scolaire dote les individus d’un corps commun de catégories de pensée qui rendent possible la communication ? (…) Il reste surprenant que, voyant dans l’apprentissage scolaire un des instruments les plus efficaces de l’intégration « morale » des sociétés différenciées, il ne s’aperçoive pas que l’École tend à assumer, de plus en plus complètement et exclusivement à mesure que les connaissances progressent, une fonction d’intégration logique.

(BOURDIEU, 1967BOURDIEU, P. Systèmes d’enseignement et systèmes de pensée. Revue Internationale des Sciences Sociales, Toulouse, v. XIX, n. 3, p. 367-388, 1967., p. 369)

Ce reproche peut prêter à discussion. Mais l’essentiel n’est peut-être pas là et concerne la conception des objectifs, des questions et des méthodes de la sociologie.

La cécité durkheimienne est, suivant Bourdieu, inséparable de cécités complémentaires, celles de Marx et de Weber, davantage portés à mettre en avant les fonctions sociales de reproduction des rapports de classes au détriment de ce qui est central dans la tradition kantienne poursuivie par Durkheim puis par Lévi-Strauss (BOURDIEU, 2001BOURDIEU, P. Langage et pouvoir symbolique. Paris: Seuil, 2001., p. 201-211) : la médiation des structures logiques et cognitives. Durkheim semble privilégier les fonctions de connaissance, de communication, d’information du langage : celui-ci est considéré par lui comme un bien commun favorisant l’intégration du groupe, mais qui est malheureusement parasité par des usages rhétoriques qui sont accessoires. Bourdieu considère le langage comme le reflet, sur un marché spécifique, des luttes entre groupes. Les rapports de force linguistiques sont la forme la plus méconnue de ces luttes. Parler de violence symbolique, c’est dire que l’incompréhension et sa dissimulation sont le fait premier, c’est la communication rationnelle qui est l’exception, et presque une utopie. Mais une utopie est loin d’être une chimère, comme en atteste le champ scientifique. Sur ce point, au moins, nos auteurs se rejoignent.

Notes

  • 1
    Dans Les Mots, Jean-Paul Sartre (1964, p. 39)SARTRE, J.-P. Les Mots. Paris: Gallimard, 1964., héritier précocement promis à un avenir de lettré, rapporte ainsi l’expérience de jeune lecteur qui était la sienna :

    Je trouvais à l’idée plus de réalité qu’à la chose, parce qu’elle se donnait à moi d’abord et parce qu’elle se donnait comme une chose. C’est dans les livres que j’ai rencontré l’univers : assimilé, classé, étiqueté, pensé, redoutable encore ; et j’ai confondu le désordre de mes expériences livresques avec le cours hasardeux des événements réels. De là vint cet idéalisme dont j’ai mis trente ans à me défaire.

  • 2
    J’avais fait, dans mes jeunes années de professeur de philosophie, une expérimentation significative mais un peu cruelle en faisant cours, pendant une heure, sur une notion-bidon, avec ce qu’il fallait de références fictives mais sonnant plus ou moins « philo ». Personne alors dans l’assistance ne s’en était ému et certains s’étaient même risqués à « expliquer » à des condisciples un peu perdus ce que tout cela « voulait dire ». J’avais tenté dans l’heure suivante de tirer les enseignements de cette expérience, mais je m’étais heurté à de fortes résistances de la part d’élèves quelque peu interloqués.

References

  • BERGOUNIOUX, P. École: mission accomplie. Paris: Les Prairies Ordinaires, 2006.
  • BOURDIEU, P. Systèmes d’enseignement et systèmes de pensée. Revue Internationale des Sciences Sociales, Toulouse, v. XIX, n. 3, p. 367-388, 1967.
  • BOURDIEU, P. La Distinction: Critique sociale du jugement. Paris: Minuit, 1979.
  • BOURDIEU, P. L’Ontologie politique de Martin Heidegger Paris: Minuit, 1988.
  • BOURDIEU, P. Raisons pratiques: Sur la théorie de l’action. Paris: Seuil, 1994.
  • BOURDIEU, P. Langage et pouvoir symbolique Paris: Seuil, 2001.
  • BOURDIEU, P. Sociologie générale: Cours au Collège de France (1983-1986). Tome 2. Paris: Seuil, 2016.
  • BOURDIEU, P.; PASSERON, J.-C. Les Héritiers Paris: Minuit, 1964.
  • BOURDIEU, P.; PASSERON, J.-C. La Reproduction: Éléments pour une théorie du système d’enseignement. Paris: Minuit, 1970.
  • DURKHEIM, E. L’enseignement philosophique et l’agrégation de philosophie. Revue Philosophique, Paris, v. 39, p. 121-147, 1895.
  • DURKHEIM, E. L’Évolution pédagogique Paris: PUF, 1938.
  • MARMURSZTEJN, E. L’Autorité des maîtres: Scolastique, normes et société au XIIIème siècle. Paris: Les Belles Lettres, 2007.
  • PINTO, L. La vocation de l’universel. La formation de la représentation de l’intellectuel vers 1900. Actes de la Recherche en Sciences Sociales, Paris, v. 55, p. 23-32, 1984.
  • PINTO, L. Le Collectif et l’individuel: Considérations durkheimiennes. Paris: Raisons d’agir, 2009.
  • PINTO, L. Pierre Bourdieu et la sociologie d’Émile Durkheim In: MAUGER, G.; LEBARON, F. (orgs.). Lectures de Bourdieu Paris: Ellipses, 2012.
  • SAINT-MARTIN, M. Les Fonctions sociales de l’enseignement scientifique Paris: La Haye, Mouton, 1971.
  • SARTRE, J.-P. Les Mots Paris: Gallimard, 1964.
  • SEARLE, J. Making the Social World: The structure of human civilization. Oxford: Oxford University Press, 2010.
Section Editor: Ana Maria F Almeida

Publication Dates

  • Publication in this collection
    16 Dec 2022
  • Date of issue
    2022

History

  • Received
    02 Oct 2022
  • Accepted
    18 Oct 2022
Centro de Estudos Educação e Sociedade - Cedes Av. Berttrand Russel, 801 - Fac. de Educação - Anexo II - 1 andar - sala 2, CEP: 13083-865, +55 12 99162 5609, Fone / Fax: + 55 19 3521-6710 / 6708 - Campinas - SP - Brazil
E-mail: revistas.cedes@linceu.com.br