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LE MONUMENT AUX BANDEIRAS: UNE REPRÉSENTATION ENCOMBRANTE DU GÉNIE NATIONAL (DU CENTENAIRE AU BICENTENAIRE DE L’INDÉPENDANCE) 1 1 En raison de la pandémie, cet article a été élaboré loin de São Paulo, à partir des ressources numériques et des bibliothèques parisiennes, dont l’accès était lui-même limité par les restrictions sanitaires. J’adresse des remerciements tout particuliers à Fernanda Pitta, curatrice à la Pinacothèque de São Paulo, pour ses conseils, et à Denílson Baniwa pour sa généreuse disponibilité.

O MONUMENTO ÀS BANDEIRAS: UMA REPRESENTAÇÃO INCÔMODA DO GÊNIO NACIONAL (DESDE O CENTENÁRIO ATÉ O BICENTENÁRIO DA INDEPENDÊNCIA)

Résumé

Le monument aux expéditions (bandeiras), « carte postale » de la ville de São Paulo, est une des rares représentations de la nation brésilienne sur une place publique. S’il a été longtemps un motif de fierté en tant qu’œuvre d’art due au sculpteur moderniste Victor Brecheret et aussi en raison de sa signification, le monument, comme les bandeiras et les bandeirantes auxquels il rend hommage, fait actuellement l’objet de contestations virulentes. Des protestataires dénoncent la glorification de leurs exactions et de leurs crimes principalement perpétrés contre les indigènes, à travers l’héroïsation des paulistas de la période coloniale.

Cet article revient sur le message politique du monument et sur l’idéologie du bandeirismo, formulée au XXe siècle par l’aile droitière du modernisme pauliste et qui imprègne l’œuvre de Brecheret. Selon cette interprétation du Brésil, développée en particulier par Cassiano Ricardo, la «bandeira» est érigée à la fois en creuset de la société brésilienne et en essence du génie national. Elle remplace même l’Indépendance de 1822 comme moment fondateur du Brésil et offre un programme pour l’avenir : l’achèvement de la colonisation du territoire. Le bandeirismo échoue cependant à s’imposer comme récit dominant de l’histoire du Brésil et reste identifié au régionalisme pauliste. Paradoxalement, le fait que le monument aux expéditions soit devenu la cible des colères antiracistes et décoloniales lui redonne une portée beaucoup plus générale. La déconstruction du bandeirismo et son rejet en l’espace de deux décennies témoigne du caractère périssable et embarrassant de certaines propositions identitaires.

Mots clés:
Bicentenaire de l’indépendance; monument; culture matérielle

Resumo

O monumento às Bandeiras, « cartão postal » da cidade de São Paulo, é uma das poucas representações da nação brasileira numa praça pública. Embora tenha sido uma fonte de orgulho como obra de arte do escultor modernista Victor Brecheret, e também devido ao seu significado, o grupo esculpido, tal como as bandeiras e os bandeirantes a quem presta homenagem, tem sido recentemente o alvo de protestos virulentos. Os protestos denunciam a glorificação de suas exações e crimes perpetrados principalmente contra os indígenas, através da heroização dos paulistas do período colonial.

Este artigo examina a mensagem política do monumento e a ideologia do bandeirismo, que permeia a obra de Brecheret e foi formulada no século XX pela ala conservador e ultranacionalista do modernismo paulista. De acordo com esta interpretação do Brasil, desenvolvida em particular por Cassiano Ricardo, a «bandeira» é erguida tanto como o cadinho da sociedade brasileira como a essência do génio nacional. Substitui mesmo a Independência de 1822 como momento fundador do Brasil e oferece um programa para o futuro: a conclusão da colonização do território. No entanto, o bandeirismo não se estabeleceu como a narrativa dominante da história brasileira e permaneceu identificado com o regionalismo paulista. Paradoxalmente, o facto de o monumento às expedições se ter tornado o alvo da raiva anti-racista e decolonial deu-lhe um alcance muito mais geral. A desconstrução do bandeirismo e a sua rejeição no espaço de duas décadas atesta o carácter perecível e embaraçoso de certas propostas de identidade.

Palavras-chave
Bicentenário da Independência; monumento; cultura material

En juillet 2020, un phénomène étrange a troublé le paysage de São Paulo. Certains soirs, l’une des principales « cartes postales » de la ville, selon l’expression consacrée, le monument aux bandeiras4 4 « Expédition » est la moins mauvaise traduction en français de bandeira dans ce contexte. , s’évanouissait dans la nuit d’hiver. Les deux cavaliers et leur cortège de granit, sculptés par Victor Brecheret (1894-1955), étaient progressivement avalées par l’obscurité et finissaient par disparaître de la vue. À la place de l’équipée des bandeirantes, le spectateur pouvait assister au naufrage d’une caravelle portugaise, prise dans une tempête et engloutie sous les eaux et une forêt luxuriante. Une série de pétroglyphes lumineux faisaient ensuite apparaître des langues et des civilisations étrangères au monde des envahisseurs, tandis que, finalement, s’affichait une réappropriation : « Brésil, terre indigène »5 5 https://www.prefeitura.sp.gov.br/cidade/secretarias/subprefeituras/vila_prudente/noticias/?p=106794 (consulté en janvier 2021) et Denílson Baniwa, “Brasil, Terra indígena », https://youtu.be/Wg34UtQxM1g (consulté en mai 2021). .

L’auteur de cette métamorphose est l’artiste amazonien et militant de la cause indigène, Denílson Baniwa, qui intervenait dans le cadre de la manifestation «Vozes contra o racismo» organisé en 2020 par le Secrétariat municipal à la culture de São Paulo. La performance de Denílson Baniwa décolonialise l’œuvre de Victor Brecheret en proposant un contre-récit visuel de l’histoire du Brésil. Les projections annulent ainsi la conquête, escamotent les colonisateurs et rendent visibles ce qui a toujours été occulté. L’art contemporain surimpose son récit aux statues de pierre avec sa nouvelle grammaire technologique. L’avant-garde artistique du XXIe siècle renvoie au musée celle du siècle précédent ; les attentes sociales des années 2020 remettent en question une vision du génie collectif qui était largement célébrée il y a encore quelques décennies et trouvent toujours, à droite et à l’extrême droite de l’échiquier politique quelques fervents défenseurs.

L’œuvre de l’artiste baniwa se place dans la longue suite des contestations du monument emblématique de São Paulo, qui s’amorcent à partir de la dernière phase de la dictature militaire et de l’abrogation de l’AI-5 et se multiplient au cours de la décennie 20106 6 VALVERDE, Rodrigo. O sentido político do Monumento às Bandeiras, São Paulo: condições e oportunidades para a multiplicação de narrativas a partir da transformação do espaço público. PatryTer - Revista Latinoamericana e Caribenha de Geografia e Humanidades, 1 (2), 2018, p. 29-40. . Le meurtre de George Floyd par le policier Derek Chauvin à Minneapolis (Minnesota) aux États-Unis en mai 2029 a accéléré une vague de protestations, dont les statues associées à l’esclavage et à la colonisation ont fait les frais de par le monde. À São Paulo même, les représentations des bandeirantes dans l’espace public cristallisent la dénonciation du passé et ses effets supposés sur les structures encore coloniales de la société brésilienne actuelle. En juin 2020, le site Guia Negro, qui diffuse toutes sortes d’informations à destination de la communauté noire, dresse une liste des « huit monuments les plus racistes » susceptibles d’être démolis, dont presque la moitié concernent des hommages aux bandeirantes7 7 https://guianegro.com.br/oito-monumentos-racistas-em-sao-paulo/ (consulté en mai 2021). . En octobre 2020, le « Grupo de ação », qui s’autodéfinit comme « une alliance suprapartisane et anticapitaliste », entreprend de démystifier et re-signifier ces représentations historiques en déposant de gigantesques têtes-de-mort aux pieds de l’expédition sculptée par Victor Brecheret, de la statue de Manuel Borba Gato (1963) à Santo Amaro, de celle d’Anhangüera (1924) avenue Pauliste (mais aussi celle de Pedro Álvares Cabral)8 8 https://g1.globo.com/sp/sao-paulo/noticia/2020/10/27/cranios-sao-colocados-ao-lado-de-monumentos-de-bandeirantes-para-ressignificar-historia-de-sp.ghtml ; https://www1.folha.uol.com.br/cotidiano/2020/10/cranios-visitam-estatuas-para-marcar-historia-violenta-em-sp.shtml (consulté en janvier 2021). . À côté des crânes, des cartels énoncent les crimes commis par les héros statufiés.

Dans les procès faits aux statues, le monument dû à Victor Brecheret occupe une place particulière dans la mesure où il s’agit d’une des plus ambitieuses allégories de la société brésilienne jamais représentée sur une place publique. Celle-ci a été principalement inspirée par Cassiano Ricardo (1895-1974) dans les années 1930. Si Afonso Taunay est l’historien des bandeiras9 9 ANHEZINI, Karina. Um metódico à brasileira: A História da historiografia de Afonso de Taunay (1911-1939). São Paulo, Editora UNESP, 2011. , Cassiano Ricardo en est sans conteste le principal idéologue, ainsi que l’élément de continuité d’un projet dont la réalisation s’étale sur plus d’une génération. Entre l’idée initiale qui surgit en 1920 et l’inauguration de l’œuvre en 1953, l’histoire des bandeirantes s’est changée en « interprétation » du Brésil, en récit qui prétend rendre compte d’une identité et d’un destin. Celle-ci s’affirme au milieu des années 1930, à une époque où sont publiés plusieurs essais -dont le plus célèbre reste Casa Grande & Senzala-, qui s’interrogent sur la formation de la société brésilienne et les caractéristiques nationales. Dans la foulée, le « banderisme » devient une idéologie politique quand Cassiano Ricardo réunit intellectuels et politiciens autour du Movimento Bandeira en 193510 10 COELHO, George Leonardo, « O Martim Cererê em marcha : os “novos bandeirantes” em defesa das fronteiras espirituais da Nação», MONÇÕES. Revista de História da UFMS/CPCX v. 1, n 1. Setembro de 2014, p.56-71. .

L’œuvre de Brecheret met en relief le rôle des bandeiras comme mythe nationaliste des origines du Brésil, qui se substitue notamment à l’indépendance de 1822, met en scène une société racialement hiérarchisée et pose le problème d’une approche régionale de l’identité nationale.

Des Bandeiras au bandeirismo: le moment Cassiano Ricardo

L’histoire du monument, de sa gestation et de sa construction est bien connue11 11 BATISTA, Marta Rossetti Batista (org.), Bandeiras de Brecheret. História de um Monumento (1920-1953), São Paulo, Departamento do Patrimônio Histórico, 1985. . De nombreuses publications, tant touristiques que savantes, ont véhiculé les principales anecdotes relatives au projet et à sa réalisation mouvementée12 12 BATISTA, Marta Rossetti Batista (org.), Bandeiras de Brecheret…op.cit.; Cassiano Ricardo est l’auteur d’une brochure illustrée, disponible en plusieurs langues, datant du tout début des années 1970 et rééditée par la Fundação Victor Brecheret, Ce qu’est le monument des « bandeiras », São Paulo, Fundação Victor Brecheret, 2006. Voir aussi la procédure de classement au patrimoine de la ville de São Paulo http://www.infopatrimonio.org/wp-content/uploads/2018/02/COND_023074_1984.pdf (consulté en juillet 2021). . L’idée de consacrer un monument aux bandeirantes est attribuée à Paulo Menotti del Picchia (1892-1988), en 1920, dans l’effervescence du modernisme naissant et des préparatifs du centenaire de l’indépendance. Le sculpteur Victor Brecheret est choisi parce qu’on le considère comme authentiquement brésilien13 13 MARINS, Paulo César Garcez. (1999). O Parque do Ibirapuera e a construção da identidade paulista.Anais do Museu Paulista: História e Cultura Material,6-7(1), p.13.. https://dx.doi.org/10.1590/S0101-47141999000100002 par opposition aux artistes étrangers qui remportent généralement les appels d’offres internationaux, et parce qu’il propose un traitement esthétique en rupture avec la manière classique. Une maquette est exposée, mais le projet de monument célébrant les bandeiras est abandonné dans le courant de la décennie.

L’hommage redevient d’actualité dans un contexte bien différent pour le Brésil et l’État de São Paulo. Dans les années 1920 et 1930, le « malaise dans la civilisation » provoqué par la Première Guerre mondiale, pour reprendre les termes de Sigmund Freud, prolonge ses effets qui irradient jusqu’en Amérique du Sud. Pendant une vingtaine d’années, du début des années 1920 à celui des années 1940, les crises sociales, politiques, économiques, culturelles…, s’emboîtent et se succèdent au Brésil14 14 FERREIRA, Marieta de Moraes & PINTO, Surama Conde Sá, « A crise dos anos 1920 e a Revolução de 1930 » et VELLOSO, Mônica Pimenta, « O modernismo e a questão nacional », dans FERREIRA, Jorge & DELGADO, Lucília de Almeida Neves (dir.), O Brasil Republicano. Vol.I. O tempo do liberalismo excludente da Proclamação da República à Revolução de 1930, Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 2003. , sur fond de remise en cause de la démocratie libérale représentative dans le monde, de montée en puissance des pensées antilibérales et des totalitarismes. Ce grand moment de retour sur soi, d’introspection nationale et de politisation de l’identité nationale, est loin d’être spécifiquement brésilien, mais il prend à São Paulo, en raison des défaites subies en 1930 et en 193215 15 L’État de São Paulo est l’un des rares endroits du Brésil où ce que l’historiographie et l’usage courant ont consacré comme « la Révolution de 1930 » est communément désigné comme le « coup d’État de 1930 ». , une coloration propre à laquelle Cassiano Ricardo apporte une contribution déterminante.

Lors de la scission du modernisme en deux courants principaux en 1928-1929, Cassiano Ricardo devient l’un des fondateurs et principaux animateurs du groupe Verde Amarelo qui se démarque du groupe réuni derrière Oswald de Andrade autour d’une conception « anthropophagique » de la culture brésilienne. Là où les tenants du groupe « anthropophage » voit dans la dynamique de la culture nationale la recombinaison et la « digestion » d’influences locales et étrangères, le groupe Verde Amarelo imagine la culture brésilienne comme un territoire autour duquel il s’agit d’ériger d’hermétiques frontières spirituelles. L’une des productions les plus marquantes de ce groupe demeure l’œuvre poétique de Cassiano Ricardo, Martim Cererê (O Brasil dos meninos, dos poetas e dos heróis), publiée pour la première fois en 1928 et périodiquement rééditée au cours des décennies suivantes. Ce recueil de fables et de comptines est un manuel poétique d’éducation civique. Cassiano Ricardo y aborde les thèmes qu’il affinera et systématisera ensuite dans son œuvre en prose et ses essais politiques16 16 MOREIRA, Luiza Franco. “All Silent... Only One Singing”: Contradictions in the Brazil of Cassiano Ricardo’s Martim Cererê.” Cultural Critique, no. 38 (1997): 107-35. Consulté en juin 2021. doi:10.2307/1354380. .

L’enfant Martim Cererê, un petit sauvage enlevé par un esclave noir et éduqué par un maître d’école blanc, donne son nom à l’ouvrage et sa vie est une métaphore du Brésil et de son histoire. Aux trois races évoquées précédemment, Cassiano Ricardo ajoute une « race nouvelle » celle des « géants » et des « héros », nés de la rencontre de la « terra de tanga » (l’Indienne) et du «dia marítimo» (le marin portugais) : la « race » des bandeirantes17 17 RICARDO, Cassiano. Martim Cererê, São Paulo, São Paulo Editora, 1928, p. 36. https://digital.bbm.usp.br/view/?45000023968#page/42/mode/2up (consulté juin 2021). . Quand il s’agit de passer franchement de la poésie à la politique, le groupe Verde Amarelo se scinde. Plínio Salgado, dont une citation en épigraphe orne les premières éditions de Martim Cererê, formule sa doctrine politique, l’intégralisme, une sorte de synthèse du « nationalisme intégral » de Charles Maurras et de l’Action française, de leurs avatars portugais et des expériences fascistes italiennes18 18 GONÇALVES, Leandro Pereira. Plínio Salgado. Um católico integralista entre Portugal e o Brasil (1895-1975), Rio de Janeiro, FGV Editora, p.69. . Plínio Salgado dote en 1932 le national-catholicisme brésilien du premier parti de masses qu’ait connu le Brésil, l’Ação Integralista Brasileira.

Cassiano Ricardo reste à l’écart de l’intégralisme pour suivre une voie, tout aussi anticommuniste et conservatrice, voire tout aussi réactionnaire, que celle de Plínio Salgado, mais distincte sur de nombreux points. De l’histoire des bandeiras, il tire une doctrine politique, ainsi qu’une conception de l’identité nationale, qu’il exprime notamment dans O Brasil no original (1935). La même année 1935, Cassiano Ricardo crée le Movimento Bandeira, une organisation politico-culturelle qui a pour organe les revues São Paulo et Anhangüera, se veut supra-partisane, vise à transcender la polarisation croissante entre communisme et fascisme, d’importation étrangère, et entend organiser le Brésil selon des principes authentiquement nationaux. Autour de cette plateforme, Cassiano Ricardo parvient à enrôler des artistes et des intellectuels de renom, comme Paulo Menotti Del Picchia, Mário de Andrade ou Paulo Prado, parmi les «novos bandeirantes». Si, à la manière de Plínio Salgado, Cassiano Ricardo révère l’idée d’un chef, contrairement à ce dernier, il ne prétend pas incarner un quelconque leader, mais s’épanouit plutôt comme conseiller et intellectuel organique19 19 COELHO, George Leonardo, « O Martim Cererê em marcha...”, art. cit., p.60. . C’est le rôle qu’il tient auprès de l’interventor (1933-1935) puis gouverneur de São Paulo (1935-1936), Armando de Salles Oliveira, qui relance l’idée du monument confié à Victor Brecheret.

Le monument de Brecheret ou celui du mouvement Bandeira?

L’arrivée au pouvoir à São Paulo d’Armando Salles permet de commencer, à l’échelle locale, la transformation culturelle et le redressement national (qui passe par celui de São Paulo) que se proposent les «novos bandeirantes». Dans son message adressé à l’Assemblée législative de São Paulo en 1936, le gouverneur se félicite du succès rencontré par les bandeirantes, une « corporation patriotique » sur le modèle du scoutisme introduite dans les écoles professionnelles de l’État à la fin de 193520 20 Assembléia Legislativa de São Paulo. Mensagem apresentada pelo Governador Armando de Salles Oliveira (SP) - 1936 a 1960. http://memoria.bn.br/DocReader/DocReader.aspx?bib=800945&Pesq=Ubatuba&pagfis=119 (acessado março de 2021). . L’organisation de jeunesse est censée éveiller la vocation pour la carrière militaire et former des techniciens spécialisés. Les filles, quant à elles, deviendront infirmières ou seront vouées à des tâches administratives. À la fin de son message, Armando Salles annonce la volonté de redonner vie au projet conçu par Victor Brecheret en l’honneur des bandeirantes. Il sera érigé sur une place nouvelle qui portera leur nom, située à l’intersection du parc Ibirapuera, de l’avenue Brasil et de la rue Manuel da Nóbrega, dont Armando Salles souligne l’heureuse et significative conjonction. Dans la brochure explicative du monument, Cassiano Ricardo insiste sur le « paysage » dans lequel il s’inscrit. D’après Armando Salles, qui nourrit des ambitions nationales, le monument sera la contribution des Paulistes pour éveiller et entretenir l’idée de Patrie parmi leurs concitoyens. Une description, longuement citée ici, où il est impossible de ne pas reconnaître l’inspiration de Cassiano Ricardo, précise le sens de l’œuvre et sa morale politique:

“ Não há quem desconheçam a concepção de Brecheret. É uma arrancada de Bandeirantes, para a conquista da Terra Virgem. É um instantâneo da vida de uma Bandeira, apanhado com uma impressionante felicidade. Tudo, ali, é força, movimento e ação. Os homens, surpreendidos numa subida, caminham para o alto : é o idealismo paulista em ação. Alguns homens, ajudando com um braço a puxar o batelão, com outros sustentem companheiros desfalecidos de fadiga ou de febre : é a solidariedade, indispensável para o triunfo. Dois bandeirantes, os chefes, vão na frente a cavalo: é o princípio da autoridade, o principal esteio da civilização que o comunismo tenta destruir. As figuras decrescem de tamanho : é a hierarquia, inseparável da disciplina, e um dos mais belos princípios da organização social, porque permite ao que está no ponto mais baixo ascender por si mesmo à posição mais alta. Na frente do grupo a grande figura de mulher que representa a terra virgem, em cuja conquista os bandeirantes partem, mostra que eles sabem o que querem e para onde vão: é o pensamento dominando a ação” 21 21 OLIVEIRA, Armando de Salles de, Mensagem à assembléia legislativa, 9 de Julho de 1936. .

Une fois encore, les vicissitudes politiques des années 1930 et 1940 suspendent la concrétisation de ce projet dont la construction ne commence véritablement qu’en 1946. Pourtant, la description qu’en donne Armando Salles en 1936 rend compte assez précisément de l’œuvre érigée sur la place qui porte désormais son nom. Quelques éléments furent abandonnés et l’allégorie féminine de la terre vierge, le portique composé de deux statues d’Indiens, les gradins, sont absents de la version actuellement visible. Quant à l’exégèse qu’en fait le gouverneur, elle est en tout point fidèle aux thèmes que développe Cassiano Ricardo dans ses théorisations ultérieures, de la « Bandeira ». Marcha para o Oeste. A influência da « Bandeira » na formação do Brasil, publié pour la première fois en 1940 et révisé lors des trois éditions suivantes, 1942, 1959 et 1970. Pequeno ensaio de bandeirologia est diffusé sous l’égide du Ministério da Educação e da Cultura en 1956. Le petit guide illustré O que é o monumento às bandeiras, publié sous le gouvernement Abreu Sodré (1967-1971), est conforme à la même vision politique. Toutes ces publications sont très répétitives et martèlent inlassablement les mêmes préceptes.

De l’histoire à l’esprit de la « Bandeira »

Le monument de Brecheret tranche avec la statuaire et l’iconographie traditionnelles des bandeirantes, indissociables de l’action muséographique et pédagogique d’Afonso Taunay au Museu Paulista, comme l’ont montré Eduardo Morettin et Ana Claudia Fonseca Brefe22 22 BREFE Ana Cláudia Fonseca. Um lugar de memória para a nação: o museu paulista reinventado por Afonso d’Escragnolle Taunay (1917-1945), tese de doutorado, Universidade estadual de Campinas, 1999 ; MORETTIN Eduardo Victorio, « Quadros em movimento: O uso das fontes iconográficas no filme Os Bandeirantes (1940), de Humberto Mauro”. Revista Brasileira de História [online]. 1998, v. 18, n. 35 [Acessado 15 Julho 2021], pp. 105-131. Disponível em: <https://doi.org/10.1590/S0102-01881998000100005>. Epub 04 Dez 1998. ISSN 1806-9347. https://doi.org/10.1590/S0102-01881998000100005 . Faute de portraits ou d’images anciennes et contemporaines des bandeiras, l’historien a tenté de figurer les principaux leaders des expéditions paulistes, à partir de détails relevés dans les sources, complétés par son imagination. À la manière d’un Michelet, il a procédé à une sorte de résurrection des temps anciens et a forgé l’imagerie des Paulistas, barbus, bottés et vêtus d’un gibão. Les ouvrages de Taunay, les aménagements du Museu Paulista sous sa direction, en particulier ceux du péristyle et de l’escalier, le film éducatif de 1940 d’Humberto Mauro23 23 Bandeirantes (1940). Film de Humberto Mauro. Conseillers scientifiques : Afonso Taunay et Edgar Roquette-Pinto. https://youtu.be/s4wvDSw5D9Y , où il intervient comme conseiller historique, associent des héros individualisés à des territoires et à des fleuves et à une phase thématique (les « cycles ») : cycle de l’exploration (desbravamento) incarné par Antônio Raposo Tavares et cycle des émeraudes et de l’or lié à Fernando Dias Paes.

On ne trouve rien de tout cela dans le monument de Brecheret. Ce dernier récuse toute anecdote et toute historicité pour matérialiser « l’idéalisme pauliste en action ». Cassiano Ricardo garantit cependant avec force l’exactitude historique de la représentation et s’est trouvé mêlé à plusieurs controverses. Ainsi, la présence des chevaux, nécessaire à la figuration des chefs, est, selon lui, attestée dans quelques expéditions. Plus polémique, la participation des noirs aux bandeiras, contestée par Alfredo Ellis Júnior et affirmée par Cassiano Ricardo, est indispensable à la dimension nationale de la fable racontée par le monument. Comment penser et peindre le Brésil en excluant les Afro-descendants du tableau?

L’œuvre de Brecheret constitue moins un hommage au passé qu’une célébration de l’action au présent et une direction pour le futur. Selon les mots d’Armando Salles et de Cassiano Ricardo, il ne représente pas une expédition en particulier, mais l’« esprit » de ce grand mouvement. Les personnages sont nus, les visages et les corps sont réduits à des types raciaux. La seule figure reconnaissable demeure celle du sculpteur lui-même qui s’est représenté pour incorporer les immigrants dans le génie national. Les chefs célèbres sont symboliquement évoqués par l’idée qu’ils incarnent. Ainsi l’homme malade, soutenu par ses compagnons, exprime la solidarité et fait allusion aux fièvres qui affaiblirent Fernando Dias Paes24 24 Cassiano Ricardo est l’auteur d’une brochure illustrée, disponible en plusieurs langues, datant du tout début des années 1970 et rééditée par la Fundação Victor Brecheret, Ce qu’est le monument des « bandeiras », São Paulo, Fundação Victor Brecheret, 2006. .

Une « démocratie » autoritaire, patriarcale et racialement hiérarchisée

Le monument exprime l’expansion territoriale, idée centrale dans les études et la pensée d’Afonso Taunay. La carte des conquêtes élaborée par l’historien est insérée devant les cavaliers de tête et la prouesse du dépassement du méridien de Tordesillas est rappelée par les citations de Guilherme de Almeida et de Cassiano Ricardo lui-même gravées de part et d’autre, mais le message principal porté par les sculptures est celui de la dynamique d’un peuple et d’une société coloniale, d’une organisation sociale et raciale qui naît de la bandeira. Les femmes, associées à la maternité et au métissage, font ainsi partie du groupe de sculpture.

Pour le « bandeirologue » autoproclamé, les expéditions paulistes sont de petites sociétés ambulantes, dont les principes sont mentionnés dans le message d’Armando Salles de 1936 : « solidarité », « autorité », « hiérarchie », « discipline ». Selon Cassiano Ricardo, la bandeira est plus le creuset de la société brésilienne que la Casa Grande pernamboucaine. Comme Gilberto Freire et tant d’auteurs, Cassiano Ricardo décline le thème des races fondatrices, hérité de la dissertation de Karl von Martius dans les années 1840 et de ses interprétations romantiques et indianistes. Martim Cererê l’atteste. Aux trois races initiales symbolisant la rencontre de trois continents, la version pauliste en a ajouté une quatrième, celle des mamelucos, issus du métissage des Européens avec des Indiennes et placés sur un pied d’égalité avec les blancs. C’est aux mamelucos qu’est attribuée l’origine du mouvement vers l’intérieur25 25 RICARDO, Cassiano. Pequeno ensaio de bandeirologia, Ministério da Educação e Cultura, Serviço de Documentação, « Os cadernos da Cultura », 1956. . La hiérarchie, « um dos mais belos princípios da organização social »26 26 OLIVEIRA, Armando de Salles de, Mensagem à assembléia legislativa…, op. cit. , est calquée sur la division raciale des rôles sociaux, en fonction des « aptitudes » supposées de chaque race. Contrairement à Freire, Cassiano Ricardo continue à valoriser l’élément indigène et à le juger supérieur aux noirs en ce qui concerne leur apport à la civilisation brésilienne. Il défend que le terme même de bandeira serait une réinterprétation brésilienne d’un mot portugais et désignerait la pratique amérindienne de «bandeirar», c’est-à-dire d’errer. L’indigène est «l’homo primitivus migratorius» qui permet de s’avancer à l’intérieur des sertões27 27 RICARDO Cassiano. Ibid., p.14. . Au blanc et au mameluco appartiennent le commandement et la pensée, comme le symbolisent les deux cavaliers qui guident la colonne. À l’autre extrémité du monument et tout en bas de l’échelle sociale, le noir, « sédentaire » et obéissant, et l’Amérindien « nomade », sont la force brute qui tire et pousse l’embarcation de l’expédition. Le monument exprime le métissage selon Cassiano Ricardo, moins un mélange (à l’exception des mamelucos) que la coexistence hiérarchisée des « races ».

Le caractère démocratique de la bandeira s’oppose point par point au monde féodal de la casa grande, simple excroissance du Portugal. « A casa grande é o poder conservador, de onde saíram os barões, para o sustentáculo da coroa, ao passo que a bandeira é a revolução, de onde saíria a sociedade brasileira para a democracia e para a independência », écrit-il en 195628 28 Ibid., p.24. . La bandeira, comme la « Frontière » de Frederick Jackson Turner, est « démocratique » parce qu’il s’y fabrique un peuple nouveau, à partir d’éléments disparates et, pour certains, marginaux, et que la mobilité sociale y est possible. Ce qui fait la « démocratie » et la « révolution », c’est la rupture avec le Portugal dès l’époque coloniale. Le bandeirismo vise à escamoter les Portugais et leur héritage de la nation et de la civilisation brésiliennes. À ses yeux, l’histoire du Brésil se sépare définitivement de celle du Portugal, dès la fin du XVIe siècle et les premières reconnaissances des sertões.

Les Bandeirantes, véritables pères de l’Indépendance

L’idée d’un hommage des Bandeirantes en place publique a surgi dans le contexte de la célébration du premier centenaire de l’indépendance. L’approche de l’événement suscite, en effet, de l’intérêt envers différents épisodes du passé national, mais celui des bandeiras finit par éclipser tous les autres à São Paulo29 29 FERREIRA Antonio Celso. A epopeia bandeirante: letrados, instituições, invenção histórica (1870-1940). São Paulo, Editora UNESP, 2002, p.271. et rivalise avec l’Indépendance de 1822 comme moment fondateur du Brésil. La réorganisation du Museu Paulista, sous la direction d’Afonso Taunay depuis 1917, lie de manière intrinsèque ces deux chapitres de l’histoire à la fois locale et nationale sur le lieu même où D. Pedro a proclamé l’indépendance30 30 BREFE Ana Cláudia Fonseca. Um lugar de memória para a nação…, op.cit., p.216 et sq.; FERREIRA Antonio Celso. A epopeia bandeirante: letrados, instituições, invenção histórica (1870-1940). São Paulo, Editora UNESP, 2002, p.271; ANHEZINI Karina. Um metódico à brasileira… op.cit. ; OLIVEIRA Cecília Helena de Salles (org.). O museu Paulista e a gestão de Afonso Taunay: Escrita da história e historiografia, séculos XIX e XX, São Paulo, MP/USP, 2017. . L’aménagement du péristyle et de l’escalier monumental en est la plus parfaite expression. Les statues colossales d’Antonio Raposo Tavares et de Fernão Dias Paes, d’une taille conforme à la « race de géants » à laquelle ils ont été promus et par Afonso Taunay, ouvrent le parcours civique. Dans l’escalier, les autres chefs bandeirantes, associés chacun à un fleuve du Brésil et à une amphore de bronze et de verre contenant de l’eau de celui-ci, entourent la statue du premier empereur. La leçon est limpide. L’indépendance n’est que la conséquence naturelle de l’existence d’un territoire appelé Brésil qui a été assemblé par les expéditions parties de São Paulo. La fabrication de l’espace national, du corps de la nation, par les bandeirantes se substitue à l’autre mythe des origines, celui de la naissance du Brésil lors de la première messe célébrée sur la terre de la Vraie Croix, amplement célébrée et popularisée par le tableau de Vítor Meirelles et ses multiples reproductions. Le thème de la « conquête du Brésil par les Brésiliens », formulé et illustré par Afonso Taunay31 31 ANHEZINI Karina. Um metódico à brasileira… op.cit, p.77. , expulse les Portugais hors de l’histoire nationale et flatte le patriotisme intransigeant des jeunes modernistes.

Aussi, quand la communauté portugaise de São Paulo se dispose en 1920 à rendre hommage aux bandeirantes, l’initiative suscite-t-elle la réaction nationaliste, voire xénophobe, de Paulo Menotti Del Picchia dans A Gazeta du 28 juin 1920. Dans l’histoire du Brésil, explique l’écrivain, il faut faire le partage entre le mérite de la découverte qui revient au colonisateur et l’œuvre accomplie par les « fils du Brésil », car ces derniers « eram tão brasileiros, na colônia lusitana, como o são hoje na República. Não há, pois, ilusões : o Brasil foi feito pelos brasileiros » 32 32 « Dois monumentos. Os Paulistas e os Portuguezes renderão um homenagem a São Paulo », http://memoria.bn.br/DocReader/docreader.aspx?bib=763900&pasta=ano%20192&pesq=Dois%20monumentos&pagfis=12845 (consulté le 15 février 2021) . L’adage de Taunay est poussé ultérieurement à l’extrême par Cassiano Ricardo qui vide de toute substance les événements de septembre 1822.

Les conditions sui generis de l’émancipation brésilienne et surtout l’interprétation dominante donnée à celle-ci, gommant la rupture et les affrontements internes au profit d’une vision irénique et conservatrice de la fondation de l’empire du Brésil, n’étaient pas favorables au développement d’une mythologie patriotique, à la manière des républiques hispaniques voisines qui fondent leur « communauté imaginée » sur des guerres d’indépendance « libératrices ». L’absence de démarcation nette entre Portugais et Brésiliens et le postulat de la continuité dynastique, politique et culturelle, garante de l’unité et de la paix sociale, constituaient l’armature idéologique du Brésil impérial et celle-ci survit à la chute de la monarchie. Pour les patriotes modernistes, le centenaire de l’Indépendance ne fait que raviver le souvenir de la sujétion. L’exaltation des bandeiras permet, en revanche, de l’annuler.

Pour Cassiano Ricardo, la «bandeira» (en tant que mouvement historique) est le creuset d’une société fondamentalement distincte de la métropole, dirigé par un embryon d’État séculier et émancipé des jésuites, adapté aux conditions locales et doté de facto d’un «self-government»33 33 RICARDO Cassiano. Pequeno ensaio de bandeirologia…, op.cit., p.51. . À l’opposé de la société des habitations sucrières34 34 « habitation sucrière » ou « habitation à sucre » est l’expression qui correspond à engenho de açucar dans la Caraïbe française. du Pernambouc, simple réplique obéissante du Portugal, la société bandeirante est une formation originale, rebelle et d’ores et déjà autonome. Cassiano Ricardo ne perd jamais une occasion de souligner les caractères non portugais des blancs de São Paulo et la présence parmi eux d’autres Européens. L’importance du sang espagnol explique, selon lui, l’idéalisme chevaleresque, la quête d’un impossible rêve, en un mot, le don-quichottisme de cette épopée35 35 RICARDO Cassiano, Ibid., p.15. . Sur ce point encore, la « bandeirologie » prend une nouvelle fois le contre-pied de Gilberto Freire qui, dès la publication de Casa Grande & Senzala, réhabilitait le talent propre aux Portugais de faire surgir des mondes nouveaux sous les tropiques. En 1940, il développait le thème dans O mundo que o Português criou36 36 FREIRE Gilberto, O mundo que o Português criou, Rio de Janeiro, José Olímpio, 1940. et, au cours des décennies suivantes, en pleine période de décolonisation, il inventait le « lusotropicalisme » et prêtait son concours intellectuel à la défense de l’impérialisme colonial portugais et à la dictature salazariste.

Le colonialisme comme identité nationale

Jusqu’aux années 1950, le « génie colonisateur », auquel prétendaient les puissances impérialistes européennes jusqu’à la fin de leur domination (voire au-delà), constituait l’un des éléments de la rhétorique autolégitimatrice du colonialisme et l’une des composantes du nationalisme.

Conquérir et civiliser était considéré comme l’apanage des grandes nations. La « mission civilisatrice » permettait de travestir les entreprises les plus sordides en équipées humanitaires et auréolait les nouvelles métropoles d’un prestige digne de la Grèce et de la Rome antiques37 37 FREDJ Claire & SUREMAIN Marie-Albane de, « Un Prométhée colonial ? », in :SINGARAVÉLOU Pierre (coord.), Les empires coloniaux XIX e -XX e siècle, Paris, Points, 2013, p.257-299. . Dans la perspective nationaliste et modernisatrice qui est la sienne, il est logique que le « bandeirisme », dont l’essor est contemporain de l’apogée des empires coloniaux européens, intègre le colonialisme dans son répertoire, d’autant plus que l’intérieur du Brésil est encore, dans la première moitié du XXe siècle très largement une frontière coloniale et que des parties immenses du territoire échappent aux autorités.

La dimension d’ « autocolonisation » devient centrale à partir de l’Estado Novo et de son programme d’occupation de l’intérieur, lancée en 1939 sous le vocable conquérant de la « Marche vers l’Ouest ». Dans cette perspective, les bandeirantes trouvent un emploi symbolique de premier plan pour promouvoir la nationalisation du territoire, et Cassiano Ricardo, l’un des principaux intellectuels paulistes ralliés à la dictature de Vargas, fournit un argumentaire. En 1940, l’Instituto Nacional do Cinéma Educativo (INCE) lance le documentaire historique Bandeirantes, de Humberto Mauro, conseillé par Afonso Taunay et Edgar Roquette-Pinto, tandis que Cassiano Ricardo, de l’Académie brésilienne des lettres, publie Marcha para o Oeste, dans la prestigieuse collection « Documentos Brasileiros » de la librairie José Olímpio, qui prétend s’inscrire dans la lignée des nombreux essais interprétatifs sur le Brésil des années 1930 et 1940.

En ce sens, le monument de Brecheret est la parfaite synthèse des idées contenues dans A marcha para o Oeste, elles-mêmes condensées dans O Pequeno ensaio de bandeirologia. On y retrouve tous les clichés qui jalonnent les plaidoyers pro domo et les monuments produits par les peuples de colons, depuis les pionniers de la Conquête de l’Ouest américain jusqu’aux Afrikaners du grand Trek38 38 La construction du monument aux Voortrekkers à Pretoria, entre 1938 et 1949, est, par exemple, contemporaine du monument aux Bandeiras. et aux Européens d’Algérie : la mentalité aventurière qui résiste à la nature hostile et finit par la domestiquer, la volonté qui triomphe de la barbarie du milieu ambiant et de ses habitants, le virilisme, les postures guerrières, la racialisation des rapports de domination, la violence assumée et justifiée par les fins poursuivies, les résistances indigènes assimilées à des agressions et des invasions…

Au moment de l’inauguration du monument, la frontière coloniale est loin d’être fermée au Brésil et le mouvement d’occupation et d’intégration du territoire national se poursuit jusqu’à la fin du XXe siècle, ce qui explique en partie la longévité du mythe bandeirante et son assimilation dans certains milieux militaires impliqués dans les projets de développement de l’Amazonie. La montée en puissance des questions écologiques et de la préservation de l’environnement ont également précipité son déclin.

La « petite patrie » contient-elle la grande?

L’invention des bandeirantes par les historiens paulistes est concomitante, à la fin du XIXe siècle, de l’émergence de la puissance de São Paulo et de l’implantation du fédéralisme, dont les républicains de la province ont été les fers de lance. Dès les origines se pose la question de la signification, régionale ou nationale, du mythe et des rapports entre São Paulo et l’ensemble de la Fédération39 39 WEINSTEIN Barbara. The Color of Modernity. São Paulo and the Making of Race and Nation in Brazil, Durham and London, Durham University Press, 2015. . Dans la perspective des années 1930, le bandeirante est le brésilien par excellence, celui qui a fabriqué le pays et continue à en être la « locomotive ». Il a vocation à être une figure nationale et non simplement régionale selon Cassiano Ricardo. La « petite patrie » englobe la grande. Ainsi que le justifie le gouverneur Armando Salles en 1936, le monument aux bandeiras sera l’expression de la foi des Paulistes dans le Brésil, foi qui motive leur activité et leur dynamisme, et entraînera le reste du pays40 40 Assembléia Legislativa de São Paulo. Mensagem apresentada pelo Governador Armando de Salles Oliveira (SP) - 1936 a 1960. http://memoria.bn.br/DocReader/DocReader.aspx?bib=800945&Pesq=Ubatuba&pagfis=119 (acessado março de 2021). . Sans doute le bandeirismo est-il un mouvement à usage interne, destiné à guérir São Paulo de l’hégémonie perdue en 1930 et des blessures de 1932, mais le monument, conçu aussi comme une attraction touristique, insufflera aux visiteurs le sentiment de la patrie et de sa grandeur et peut transformer la ville en une sorte de capitale fédérale spirituelle.

Sous l’Estado Novo, les bandeirantes connaissent une forme de succès national et viennent à l’appui de la colonisation de l’Ouest. L’œuvre d’Alcântara Machado, Vida e morte do bandeirante (1927) est régulièrement citée dans la revue intellectuelle de la dictature, Cultura Política41 41 GOMES Ângela de Castro. História e Historiadores. A política cultural do Estado Novo, Rio de Janeiro, FGV, 1996, p.188. (1941-1945), mais au milieu d’autres expressions littéraires venues des quatre coins du Brésil et dont la réunion traduit les différentes facettes de l’identité nationale. Sur ce point, comme sur d’autres aspects, la vulgate nationaliste de l’Estado Novo n’est guère originale et insère les régionalismes comme autant de détails qui compose l’aquarela do Brasil. Bien qu’il ait un rôle important dans le quotidien A Manhã, véhicule de la propagande du régime, Cassiano Ricardo n’occupe qu’une position secondaire par rapport aux auteurs consacrés par Cultura Políticacomme Euclídes da Cunha, Oliveira Vianna ou, surtout, Gilberto Freire42 42 Ibid. .

Même si les bandeirantes ont connu leur moment de gloire, le bandeirismo a échoué à s’imposer comme doctrine nationale dominante. Cassiano Ricardo n’a jamais bénéficié d’une reconnaissance intellectuelle comparable à celle du maître d’Apipucos. Plus São Paulo devenait « l’État bandeirante», plus la mythologie bandeirante perdait sa dimension nationale. La célébration du IVe centenaire de la fondation de la ville, sous la présidence de Getúlio Vargas, si peu apprécié des élites paulistes, marqua un temps fort de l’identification paulistana aux bandeiras. Victor Brecheret, âgé et malade, n’avait pas voulu attendre 1954 pour dévoiler -enfin- son chef-d’œuvre. L’inauguration eut lieu en grande pompe lors du 399e anniversaire de la ville, le 25 janvier 1953 et bénéficia d’une nouvelle cérémonie, le 25 janvier 195443 43 BATISTA, Marta Rossetti Batista (org.), Bandeiras de Brecheret…op.cit., p.93 et sq. .

Le monument aux bandeiras s’intégrait dans un programme d’urbanisme et dotait la ville d’un lieu de prestige, mais ce dernier finit au cours du temps par se fondre familièrement dans le décor et à tomber dans un relatif oubli, à peine troublé par des expositions et le classement au patrimoine municipal, 30 ans après son inauguration. L’essor des études historiques universitaires au Brésil, la désacralisation historiographique des bandeiras, opérée par de nombreux historiens dont le regretté John Manuel Monteiro44 44 MONTEIRO John Manuel. Negros da Terra. Índios e bandeirantes nas origens de São Paulo, São Paulo, Cia Das Letras, 1994. , et le renouveau des mouvements sociaux ont cependant redonné peu à peu aux bandeirantes une actualité brûlante.

Les héros glorifiés dans la première moitié du XXe siècle sont devenus des « assassins » et des « voleurs », comme les accusent divers graffitis. C’est ce qu’écrivent sur le monument des militants de la cause indigène bandeiras en protestation contre la PEC 215 en octobre 2013. Les attaques contre la « carte postale » se répètent à plusieurs reprises, de même que se multiplient les déprédations contre d’autres statues. L’incendie de celle de Manuel Borba Gato à Santo Amaro, le 24 juillet 2021, revendiqué par le groupuscule Revolução periférica, a eu des répercussions nationales.

En incarnant à la fois les maux de l’esclavage, du racisme et de la colonisation, les bandeirantes débordent de fait de leur cadre régional et interrogent toute l’histoire du Brésil. En 2019, le G.R.E.S. Estação Primeira Mangueira transforme les héros de la place Armando Salles en monstres sur l’avenue Marquês de Sapucaí. Le char allégorique qui s’appelait « O sangue retinto por trás dos heróis emoldurados » montrait les « géants » de Brecheret tout en dorure, mais faisant jaillir le sang et semant la mort et la désolation sur leur parcours. Mangueira fit chavirer le sambódromo avec son enredo décolonial « História Pra Ninar Gente Grande » et gagna haut la main le carnaval 2019. L’allégorie de Brecheret, hommage emphatique à « l’esprit » des bandeiras, est devenue l’allégorie mortifère de toutes les spoliations et toutes les oppressions.

Conclusion: démolir? Re-signifier

Le retrait ou la démolition du monument de Brecheret est quasiment inenvisageable. Ses centaines de tonnes de granit en font une sorte de petit mont Rushmore45 45 La sculpture du Mont Rushmore aux États-Unis a été entreprise entre 1927 et 1941. difficile à dynamiter. Même si son esthétique est discutable, l’œuvre tient une place importante dans l’histoire de l’art brésilien et fait partie du patrimoine. L’attachement à la « carte postale » provoquerait sans doute les plus vives résistances. Il n’en reste pas moins que le monument véhicule un discours odieux, qui insulte des segments entiers de la société brésilienne et est en complet décalage avec les aspirations à une société moins inégalitaire, moins injuste et moins violente46 46 La politisation du monument n’est pas systématique. Le 12 juin 2021, à l’issue de sa motociata pauliste, le président Jair Bolsonaro a pris la parole pendant une demi-heure, place Armando Salles depuis un camion situé face au monument de Brecheret. À aucun moment, il n’a fait la moindre allusion à l’œuvre ou à la signification de celle-ci, comme si les bandeirantes étaient transparents ou inexistants. L’endroit n’était qu’un emplacement commode pour un meeting improvisé. Jair Bolsonaro ne s’est pas embarrassé de références au passé national et s’est contenté de citations de l’Ancien et du Nouveau Testament. . Peut-être faut-il faire, dans ce cas précis, un espace où la protestation aurait libre cours, où des interventions artistiques questionneraient et re-signifieraient cette expression idéologique du siècle passé et s’intégreraient à leur tour au patrimoine culturel47 47 Le procès et le sort des statues, les changements de toponymes et des noms de rues appellent des diagnostics nuancés. Certains peuvent disparaître sans conséquence, d’autres méritent d’être remisées dans des musées ou contextualisées, d’autres sont des lieux du débat public. .

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  • 1
    En raison de la pandémie, cet article a été élaboré loin de São Paulo, à partir des ressources numériques et des bibliothèques parisiennes, dont l’accès était lui-même limité par les restrictions sanitaires. J’adresse des remerciements tout particuliers à Fernanda Pitta, curatrice à la Pinacothèque de São Paulo, pour ses conseils, et à Denílson Baniwa pour sa généreuse disponibilité.
  • 4
    « Expédition » est la moins mauvaise traduction en français de bandeira dans ce contexte.
  • 5
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    L’État de São Paulo est l’un des rares endroits du Brésil où ce que l’historiographie et l’usage courant ont consacré comme « la Révolution de 1930 » est communément désigné comme le « coup d’État de 1930 ».
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    OLIVEIRA, Armando de Salles de, Mensagem à assembléia legislativa, 9 de Julho de 1936.
  • 22
    BREFE Ana Cláudia Fonseca. Um lugar de memória para a nação: o museu paulista reinventado por Afonso d’Escragnolle Taunay (1917-1945), tese de doutorado, Universidade estadual de Campinas, 1999 ; MORETTIN Eduardo Victorio, « Quadros em movimento: O uso das fontes iconográficas no filme Os Bandeirantes (1940), de Humberto Mauro”. Revista Brasileira de História [online]. 1998, v. 18, n. 35 [Acessado 15 Julho 2021], pp. 105-131. Disponível em: <https://doi.org/10.1590/S0102-01881998000100005>. Epub 04 Dez 1998. ISSN 1806-9347. https://doi.org/10.1590/S0102-01881998000100005
  • 23
    Bandeirantes (1940). Film de Humberto Mauro. Conseillers scientifiques : Afonso Taunay et Edgar Roquette-Pinto. https://youtu.be/s4wvDSw5D9Y
  • 24
    Cassiano Ricardo est l’auteur d’une brochure illustrée, disponible en plusieurs langues, datant du tout début des années 1970 et rééditée par la Fundação Victor Brecheret, Ce qu’est le monument des « bandeiras », São Paulo, Fundação Victor Brecheret, 2006.
  • 25
    RICARDO, Cassiano. Pequeno ensaio de bandeirologia, Ministério da Educação e Cultura, Serviço de Documentação, « Os cadernos da Cultura », 1956.
  • 26
    OLIVEIRA, Armando de Salles de, Mensagem à assembléia legislativa…, op. cit.
  • 27
    RICARDO Cassiano. Ibid., p.14.
  • 28
    Ibid., p.24.
  • 29
    FERREIRA Antonio Celso. A epopeia bandeirante: letrados, instituições, invenção histórica (1870-1940). São Paulo, Editora UNESP, 2002, p.271.
  • 30
    BREFE Ana Cláudia Fonseca. Um lugar de memória para a nação…, op.cit., p.216 et sq.; FERREIRA Antonio Celso. A epopeia bandeirante: letrados, instituições, invenção histórica (1870-1940). São Paulo, Editora UNESP, 2002, p.271; ANHEZINI Karina. Um metódico à brasileira… op.cit. ; OLIVEIRA Cecília Helena de Salles (org.). O museu Paulista e a gestão de Afonso Taunay: Escrita da história e historiografia, séculos XIX e XX, São Paulo, MP/USP, 2017.
  • 31
    ANHEZINI Karina. Um metódico à brasileira… op.cit, p.77.
  • 32
    « Dois monumentos. Os Paulistas e os Portuguezes renderão um homenagem a São Paulo », http://memoria.bn.br/DocReader/docreader.aspx?bib=763900&pasta=ano%20192&pesq=Dois%20monumentos&pagfis=12845 (consulté le 15 février 2021)
  • 33
    RICARDO Cassiano. Pequeno ensaio de bandeirologia…, op.cit., p.51.
  • 34
    « habitation sucrière » ou « habitation à sucre » est l’expression qui correspond à engenho de açucar dans la Caraïbe française.
  • 35
    RICARDO Cassiano, Ibid., p.15.
  • 36
    FREIRE Gilberto, O mundo que o Português criou, Rio de Janeiro, José Olímpio, 1940.
  • 37
    FREDJ Claire & SUREMAIN Marie-Albane de, « Un Prométhée colonial ? », in :SINGARAVÉLOU Pierre (coord.), Les empires coloniaux XIX e -XX e siècle, Paris, Points, 2013, p.257-299.
  • 38
    La construction du monument aux Voortrekkers à Pretoria, entre 1938 et 1949, est, par exemple, contemporaine du monument aux Bandeiras.
  • 39
    WEINSTEIN Barbara. The Color of Modernity. São Paulo and the Making of Race and Nation in Brazil, Durham and London, Durham University Press, 2015.
  • 40
    Assembléia Legislativa de São Paulo. Mensagem apresentada pelo Governador Armando de Salles Oliveira (SP) - 1936 a 1960. http://memoria.bn.br/DocReader/DocReader.aspx?bib=800945&Pesq=Ubatuba&pagfis=119 (acessado março de 2021).
  • 41
    GOMES Ângela de Castro. História e Historiadores. A política cultural do Estado Novo, Rio de Janeiro, FGV, 1996, p.188.
  • 42
    Ibid.
  • 43
    BATISTA, Marta Rossetti Batista (org.), Bandeiras de Brecheret…op.cit., p.93 et sq.
  • 44
    MONTEIRO John Manuel. Negros da Terra. Índios e bandeirantes nas origens de São Paulo, São Paulo, Cia Das Letras, 1994.
  • 45
    La sculpture du Mont Rushmore aux États-Unis a été entreprise entre 1927 et 1941.
  • 46
    La politisation du monument n’est pas systématique. Le 12 juin 2021, à l’issue de sa motociata pauliste, le président Jair Bolsonaro a pris la parole pendant une demi-heure, place Armando Salles depuis un camion situé face au monument de Brecheret. À aucun moment, il n’a fait la moindre allusion à l’œuvre ou à la signification de celle-ci, comme si les bandeirantes étaient transparents ou inexistants. L’endroit n’était qu’un emplacement commode pour un meeting improvisé. Jair Bolsonaro ne s’est pas embarrassé de références au passé national et s’est contenté de citations de l’Ancien et du Nouveau Testament.
  • 47
    Le procès et le sort des statues, les changements de toponymes et des noms de rues appellent des diagnostics nuancés. Certains peuvent disparaître sans conséquence, d’autres méritent d’être remisées dans des musées ou contextualisées, d’autres sont des lieux du débat public.

Publication Dates

  • Publication in this collection
    17 Dec 2021
  • Date of issue
    2021

History

  • Received
    29 Sept 2021
  • Accepted
    15 Oct 2021
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