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Le feuilleton en tant que matrice du Patriote Français (Montevideo, 1843-1850)

O folhetim enquanto matriz do Patriote Français (Montevidéu, 1843-1850)

RÉSUMÉ

Le Patriote Français est un journal dont la fondation à Montevideo, le 2 février 1843, est liée à des circonstances politiques, voire militaires, à savoir, le siège mis à cette ville-port par une coalition uruguayo-argentine. La lecture de sa première année de parution permet de voir comment s'articulent des conditions d'existence aussi singulières - un journal dont le projet éditorial est étroitement lié aux partis pris militaires, idéologiques et commerciaux d'un ensemble de Français émigrés au Rio de la Plata - et une matrice littéraire. La matrice littéraire de la presse du XIXe siècle a été brillamment posée par la recherche spécialisée (notamment, Dominique Kalifa et al. La civilisation du journal. Paris : Nouveau Monde, 2011). Dans les pages qui suivent, qui ne sont qu'une première approche d'une recherche en cours, nous essayerons de montrer un fonctionnement franchement littéraire de cette écriture, subsumée sous la forme « feuilleton », et cela de manière quasi systématique, c'est-à-dire indépendamment de la matière traitée.

Mots-clés
presse en français; Montevideo; feuilleton

RESUMO

O Patriote Français é um jornal cuja fundação em Montevidéu, em 2 de fevereiro de 1843, está ligada a circunstâncias políticas, possivelmente militares, a saber, a sede colocada nesta cidade-porto por uma aliança uruguaio-argentina. A leitura de seu primeiro ano de publicação permite ver como se articularam condições de existência tão singulares - um jornal cujo projeto editorial está estreitamente ligado aos princípios militares, ideológicos e comerciais de um conjunto de franceses imigrados no Rio da Prata - e uma matriz literária. A matriz literária da imprensa do século XIX foi brilhantemente analisada em pesquisas especializadas (particularmente, Dominique Kalifa et al. La civilisation du journal. Paris: Nouveau Monde, 2011). Nas páginas que seguem, que se resumem uma primeira abordagem de uma pesquisa em curso, tentamos mostrar um funcionamento abertamente literário desta escrita, incluida na forma do folhetim de maneira quase sistemática e independente da matéria tratada.

Palavras-chave
imprensa francesa; Montevidéu; folhetim

Le Patriote Français est un journal dont la fondation à Montevideo, le 2 février 1843, est liée à des circonstances politiques, voire militaires, à savoir, le siège mis à cette ville-port par une coalition uruguayo-argentine ; en fait son premier numéro voit le jour le lendemain même du début du siège. Son existence est donc étroitement liée à cet épisode majeur de « la Guerra Grande » (1839-1851), conflit qui a opposé une pluralité de forces, les rives du Rio de la Plata étant devenues le théâtre d’un jeu sophistiqué mené, entre autres, par les populations criollas installées dans le bassin platense, les immigrés récemment arrivés d’horizons divers, les États européens monarchiques, les forces libérales et bonapartistes qui s’y opposent, l’Église, les cercles éclairés anticléricaux et, bien entendu, les États américains qui sont en passe d’être créés.

D’une manière explicite, dès son premier numéro, Le Patriote Français déclare sa volonté d’accompagner cette circonstance guerrière ; tout particulièrement, le journal se veut mû par le « dévouement désintéressé », ce qui ne l’empêche pas d’exprimer son irritation face à « la gêne horrible qu’éprouvent le commerce et l’industrie et l’état violent où se trouve une république amie ». En fait, Le Patriote se posera comme le défenseur de la population française installée à Montevideo, lésée par une guerre prolongée qui ne cesse pas d’entraver leurs activités commerciales. D’ailleurs, la reprise de ces activités commerciales était menacée - ou l’on la disait être menacée - par le contrôle de la navigation du bassin platense prôné par le président argentin Juan Manuel de Rosas, allié des forces uruguayennes qui assiégeaient Montevideo. Bientôt, Le Patriote devient très actif dans l’organisation de la Légion des Volontaires Français, citoyens de l’hexagone habitant Montevideo et décidés en prenant les armes à prêter main forte au gouvernement de la Défense de la ville-port et, pour cela même, en conflit aigu avec leurs autorités consulaires, qui souhaitaient se tenir en retrait, ne voulant pas prendre part à la guerre du Río de la Plata.

Pareillement, tout en déclarant son choix d’accompagner les circonstances liées à la guerre et tout particulièrement au siège de Montevideo, Le Patriote Français exprime son souhait cohérent d’avoir une vie brève. Finalement, ce périodique aura une vie aussi longue que la ville assiégée - huit années -, puisqu’il ne s’arrêtera que lorsque la guerre approchera à sa fin, et cela après 2645 numéros. Avec quelques interruptions, il aura vécu du 2 février 1843 au 15 décembre 1850. La lecture de sa première année de parution permet de voir comment s’articulent des conditions d’existence aussi singulières - un journal dont le projet éditorial est étroitement lié aux partis pris militaires, idéologiques et commerciaux d’un ensemble de Français émigrés au Rio de la Plata - et une matrice littéraire. La matrice littéraire de la presse du XIXe siècle a été brillamment posée par la recherche spécialisée (notamment, Kalifa et al., 2011KALIFA, Dominique et al. La civilisation du journal, Paris : Nouveau Monde, 2011.).

Dans les pages qui suivent, qui ne sont qu’une première approche d’une recherche en cours1, nous essayerons de montrer un fonctionnement franchement littéraire de cette écriture, subsumée sous la forme « feuilleton », et cela de manière quasi systématique, c’est-à-dire indépendamment de la matière traitée.

La presse invente la vie en tranches

Au début des années quarante du XIXe siècle, lorsque Le Patriote Français voit le jour à Montevideo, la presse en France n’avait pas encore atteint les tirages qu’elle aura pendant le Second Empire, bien que la tendance à la croissance soit déjà bien amorcée. Depuis la fin des années 1830, la formule journalistique, commerciale et politique imaginée par Émile de Girardin pour développer ce qu’il appelait « l’industrie du journalisme » était en train de s’imposer partout. Cela signifie que, outre la publicité, le feuilleton gagnait du terrain.

Juste pour mémoire, je rappellerai que depuis le début du XIXe siècle, le « feuilleton » ne désignait qu’un espace physique, la partie inférieure de la une du journal, ce rez-de-chaussée (« rodapé » en portugais, « planta baja » en espagnol) de la première page où prenait place un ensemble de rubriques non directement liées à l’actualité politique traitée ailleurs par le même journal, rubriques parmi lesquelles la critique de spectacles théâtrales est la principale. À présent, à la fin des années 1830, ce rez-de-chaussée a été pris d’assaut par le roman-feuilleton, c’est-à-dire par des narrations romanesques dans lesquelles la fiction s’épanchait généreuse mais tranchée et dosée, puisque le journal offrait ces récits, au jour le jour, dans le but de fidéliser ses lecteurs au fur et à mesure qu’ils s’intéressaient dans la « suite » toujours renouvelé.

Il arrive alors que les romans, avant d’être des livres tels quels nous les connaissons aujourd’hui, aient été des doses quotidiennes ou hebdomadaires de fiction que la presse offre à des lecteurs toujours en attente, toujours avides de connaître la suite des péripéties dont le dénouement était resté en suspens. Il s’agit donc pour l’écrivain qui vend ses histoires et pour le patron de presse qui vend ses journaux de produire un lectorat désirant toujours davantage de récits ou de fictions. Des kyrielles de péripéties, c’est-à-dire des changements incessants dans le sort des uns et des autres, des ribambelles de personnages, de mystères et d’anagnorisis (de révélations), étant donné que se masquer est le geste caractéristique des personnages du roman-feuilleton, voilà leur façon d’essayer de garder le lecteur captif de la plume de l’auteur.

Certes, bien que ces traits caractérisent le roman-feuilleton, ils ne l’épuisent pas ; semblablement, tout roman publié sous la forme feuilleton (en tant que « feuilleton ») n’a pas à obéir à ces caractéristiques. En 1836, Balzac publie son premier roman-feuilleton, La vieille fille, dans le journal La Presse propriété d’Emile de Girardin, patron de presse accusé plus tard d’avoir été grassement payé pour mener campagne contre les Français de Montevideo2 2 Par exemple, cf. Le Patriote Français du 4 juillet 1849: “cette cause d’honneur et d’humanité qui n’a plus aujourd’hui qu’un seul adversaire, le journal La Presse, ou plutôt, E. de Girardin, qui comme on le sait, est bien payé pour cela”. ; pareillement, pendant ces années-là, Dumas publie La comtesse de Salisbury.

Les années 1840 verront la consolidation de cette modalité qui matérialise un rapport si particulier - suspensif et accélérant - au temps. Cette décennie durant on publie Les trois mousquetaires (1844), Le comte de Monte-Cristo (1844), Splendeurs et misères des courtisanes (1844) ; en 1843, lorsque le premier numéro du journal franco-montévidéen Le Patriote français vient de sortir, le Journal des Débats entame sa seconde année de publication des Mystères de Paris, le très célèbre roman-feuilleton d’Eugène Sue.

Un Le Patriote Français déjà patriote et déjà français

Lorsque le 2 février 1843 démarre le siège de la ville de Montevideo et le premier numéro de Le Patriote Français voit le jour, ce nom choisi est loin d’être une nouveauté, puisqu’il y a déjà eu un Le Patriote Français, « pièce maîtresse de l’histoire de la Révolution » selon le mot d’Albert Soboul3. La date de parution du Patriote Français français est aussi chargée de sens que celle du Patriote Français montevideen, puisque le journal français apparaît le 28 juillet 1789, c’est-à-dire deux semaines après la prise de la Bastille. En fait, pour des raisons de censure, cette publication avait pris quatre mois de retard : lorsque le 16 mars 1789 son prospectus annonça sa parution pour le mois d’avril (ainsi que les idées qu’on comptait prôner), la censure a immédiatement agit en empêchant sa sortie. Ce n’est que deux semaines après le 14 juillet que Le Patriote Français peut voir le jour, sous la signature d’une « Société de Citoyens » et dirigé par Jacques-Pierre Brissot.

Jacques-Pierre Brissot, par la suite chef de file des Girondins, avait séjourné en tant que secrétaire de Louis-Philippe d’Orléans en 1788 aux États-Unis, pays qu’il était allé visiter au nom de la Société des amis des Noirs qu’il avait contribué à fonder, dans le but d’étudier les moyens d’émancipation des populations qu’on aurait voulu rendre libres. Plus tard, entre juillet 89 et juin 93, Le Patriote Français sort 1388 numéros, toujours sous la même épigraphe : « Une gazette libre est une sentinelle qui veille sans cesse sur le peuple ». D’ailleurs, aussi bien le prospectus de mars 1789 où l’on avait écrit - « Nous nous proposons de publier un journal politique, national, libre, indépendant de la censure et de toutes pièces d’influence » - que le sous-titre du journal « Le Patriote Français ou Journal libre, impartial et national », tous les deux appuyaient sur la liberté en tant que valeur inaliénable. Bien que Le Patriote Français se consacre surtout à publier les débats de l’Assemblée et de la Convention, on y trouve aussi des comptes rendus de livres et des essais, par exemple, des réflexions et des sentences autour de ce que cela signifie d’être patriote : « Un patriote aime, pratique, prêche la philosophie ».

À partir de 1792, à l’encontre des montagnards, Le Patriote Français défendra la déclaration de guerre lancée contre les puissances de l’Europe et deviendra un critique acharné de Danton, Robespierre, Marat, etc. Le numéro du 11 mars 1793 annonce l’interdiction qui est venue frapper le directeur Brissot : « Avis : Les droits de l`homme ne sont plus, toutes les lois naturelles sont foulées aux pieds, une nuit a renversé l’ouvrage de quatre ans, la liberté individuelle, la liberté de la presse. Une faction qui veut régner, au milieu des ténèbres, a défendu à des députés philosophes d’éclairer leurs concitoyens. La loi, car il y a encore des lois pour les hommes vertueux, la loi ne permet plus à Brissot de travailler à la rédaction de ce journal. Je le rédigerai seul, j’appelle sur ma tête toute la responsabilité, sur mon cœur tous les poignards »4 4 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k49500b/f422.item .

Ce brave texte dans lequel la figure du philosophe patriote revient en force - cf. faction/ténèbres/régner versus philosophes/éclairer/concitoyens - est signé par J. M. Girey (Joseph-Marie Girey-Dupré), jeune journaliste qui prend le relais de la direction du Patriote Français jusqu’au moment où il est à son tour emprisonné et le journal doit s’arrêter, en juin 93. Brissot et Girey seront tous les deux guillotinés quelques mois plus tard. En choisissant comme titre Le Patriote Français, les Français installés à Montevideo étaient-ils déterminés à s’identifier au vieux journal girondin ? Étaient-ils décidés à se donner à travers ce nom des ancêtres aussi identifiables ? Claude-Marie Braconnay, qui cent ans plus tard a raconté la création de la Légion Française et son lien avec Le Patriote Français, laisse posée la question quant au rapport de ce titre avec le journal dirigé par le girondin Brissot5 5 Claudio María Braconnay , La Legión Francesa en la defensa de Montevideo, Montevideo, Claudio García, 1943, p. 36. .

Il n’est pas facile de connaître le degré de conscience et de délibération qui a pu animer les Français de Montevideo à préférer ce nom. La colonne éditoriale du premier numéro du Patriote Français montévidéen a pour titre « Coup d’œil nécessaire sur le passé » et même si le passé auquel on fait référence est un passé assez proche et a trait à une autre publication montévidéenne en français, Le Messager Français, ainsi qu’aux circonstances politiques du Rio de la Plata, il ne demeure pas moins une certaine ambiguïté quant à l’extension du « passé » qui est objet de ce « coup d’œil nécessaire ». En effet, Le Messager Français invoqué par le naissant Patriote Français avait été, jusqu’au mois précédent, un journal montévidéén dont le directeur, Eugène Tandonnet, était un phalanstérien, ami et disciple aimant de Charles Fourier, au point de garder quelques reliques du maître (des pantoufles trouées, une mèche de cheveux, sa plume) mais qui professait alors une peu opportune sympathie pour Juan Manuel de Rosas, allié des assiégeants de Montevideo. Eugène Tandonnet avait lancé à Montevideo, en 1840, Le Messager Français, en le présentant comme un « Journal Commercial, Littéraire et Politique » dont la doctrine était synthétisée dans sa manchette quotidienne : « Amélioration sociale, sans révolution. Réalisation pacifique de l’Ordre, de la Justice et de la Liberté ». À la fin de décembre 1842, un mois donc avant le début du siège, Le Messager Français doit fermer ses portes, car sa proximité du gouvernement de Juan Manuel de Rosas devient intolérable pour le gouvernement de Montevideo. En tout, Eugène Tandonnet aura publié 217 numéros du Messager Français. Il rentrera en France en 1845 et il partagera sa traversée maritime de l’Atlantique avec Domingo Faustino Sarmiento, à qui il fait connaître à cette occasion l’œuvre de Fourier6 6 Alberto Palcos, apud Claudio María Braconnay, op.cit. p.25 ; ces données coïncident avec celles fournies par Jacques Duprey dans Vogage aux origines françaises de l’Uruguay, Montevideo, Instituto histórico y geográfico del Uruguay (Paris, Nouvelles Éditions Latines), 1952, p. 171. .

Donc, comme nous avons anticipé, la parution du Patriote Français montevidéén est étroitement liée à une situation géopolitique très précise, à savoir une guerre dans laquelle une partie de la population de l’Uruguay était alliée à une partie de la population de l’Argentine et en guerre contre une autre alliance argentino-uruguayenne. Ce conflit régional était suivi de très près par le gouvernement de Rio de Janeiro alors que la diplomatie et l’armée françaises, tout comme les anglaises, participaient très activement dans cette guerre où il était surtout question de la « liberté de commerce », c’est-à-dire de la liberté pour les bateaux européens de circuler sans entraves tout au long et à travers du bassin du Rio de la Plata. Le port de Montevideo, assiégé huit ans durant par une armée uruguayenne et argentine, aura le soutien, pour sa défense, d’une légion de volontaires italiens commandée par Giuseppe Garibaldi, d’une légion de volontaires basques et d’une légion de volontaires français. Le Patriote Français sera l’organe de liaison de cette légion, aux prises avec les agents diplomatiques français qui voudraient surtout empêcher leurs concitoyens de se mêler à cette guerre, et qu’ils appellent donc à une sorte de neutralité que la légion de volontaires refuse sans hésiter. Également, la légion de volontaires français se querellait souvent avec son allié, le gouvernement de la Défense de Montevideo, à cause de la situation matérielle de ces soldats improvisés, de ces volontaires pieds-nus, affamés, etc.

Le lien avec le passé sinon girondin du moins napoléonien de cette légion est visible chez plusieurs de ses protagonistes. Ainsi par exemple, Jean-Chrysostome Thiébaut (Marseille 1790 - Montevideo 1851) ; le colonel Thiébaut, chef des volontaires français, est un vieux de la vieille, c’est-à-dire un ancien de la Grande armée, qui avait participé à Waterloo, avait été condamné à mort, s’était exilé à Londres, avait été non gracié par Charles X, et à nouveau s’était exilé à Rio et finalement à Montevideo. Son contemporain et biographe, Joseph Lefèvre, illustre sa biographie avec un portrait dont la gravure est attribuée à J. A. Bernheim, un Alsacien de Buenos-Aires, alors exilé à Montevideo et plus tard fondateur du journal élaboré à Buenos-Aires, mais aussi distribué à Montevideo, Le Courrier de la Plata, paru pendant presque quatre-vingts ans (1865-1946). Le biographe Lefèvre écrit que Thiébaut jusqu’alors n’avait « connu d’autres passions que la gloire, comme presque tous les jeunes gens de cette époque »7 7 Joseph Lefèvre, Biographie de J.E. Thiébaut. Colonel de la Légion Française par un volontaire français, Montevideo, Imprimerie Française, 1851. . Pareillement, on a pu dire que ses ordres et ordonnances étaient un calque des harangues de l’Empereur, de « Napoléon le Grand »8 8 Claudio María Braconnay, op.cit. p.45. .

Quant à José Lefèvre ou Joseph Lefèvre (il signe des deux façons) auteur donc de la biographie du colonel Thiébaut, il a aussi publié par la suite une chronique de la première année du siège. Dans ce récit d’un passé assez récent puisqu’il vient de s’écouler moins de dix ans, Lefèvre évoque cette « œuvre de dévouement et d’abnégation que s’intitule avec raison Le Patriote Français »9 9 Joseph Lefèbre, Légion Française. Première année du siège de Montevideo. Extrait des souvenirs d’un volontaire par Jh. Lefèbre, Montevideo, Imprimerie du « Patriote Français », 1852, p. 33. . Par ailleurs, il écrira que lors de la fondation du Patriote Français, il était question « non seulement de créer un organe, mais encore un lien entre tous les Français quelles que fussent d’ailleurs leurs opinions politiques », car « il fallait établir une solidarité mutuelle, entre tous les gens de bien qui voudraient faire tête à la tempête qui nous menaçait »10 10 Joseph Lefèbvre, Biographie de J.E. Thiébaut. Colonel de la Légion Française par un volontaire français, Montevideo, Imprimerie Française, 1851. . José Lefèvre, qui aimait bien signer ses ouvrages « ouvrier ferblantier », lors des journées de 1830 avait combattu sur les barricades et treize ans plus tard se retrouvait encore sur le pied de guerre. En 1851, il tient toujours à poser les valeurs impérissables attachées à l’épopée, et c’est ainsi qu’il célèbre la gloire dans l’épigraphe de sa biographie du colonel Thiébaut : « La gloire véritable est bien différente de la popularité qui brille et passe comme éclair »11 11 Joseph Lefèbvre, Biographie de J.E. Thiébaut. Colonel de la Légion Française par un volontaire français, Montevideo, Imprimerie Française, 1851. . Si « la popularité » est liée au moment, donc éphémère, « la gloire véritable » est liée à une histoire grosse de la parole chantée et mise par écrit.

En ce qui concerne le premier directeur du Patriote Français montevidéen, Adolphe Delacour, il quitte la rédaction du journal au bout de six mois, en septembre 1843, en déclarant que « le temps ne [lui] paraît pas propice pour publier un nouveau journal » et qu’il laisse donc « la tâche à des plus habiles ou à des plus heureux »12 12 Le Patriote Français, 1er septembre 1843. , ce qui ne l’empêchera pas de signer par la suite quelques publications postérieures en tant qu’ « ancien rédacteur du Patriote Français de Montevideo ». J’ignore la date à laquelle Delacour quitte Montevideo et rentre en France, pour toujours, probablement. En tout cas, en juillet-août 1845 il ne se trouve plus à Montevideo. À cette époque, il publie à Paris un livre sur « Le Rίo de la Plata - Buenos Aires et Montevideo », « avec un portrait du colonel Thiébaut de la Légion Française » annoncé sur la couverture. Dans la même année 1845, cet ouvrage avait préalablement vu le jour dans la Revue Indépendante, publication fondée en 1841 par George Sand et Pierre Leroux ; il contenait une présentation assez détaillée des deux villes principales du Plata et du conflit qui les opposait. Sur la quatrième de couverture du livre, on indiquait qu’une deuxième édition se trouvait « sous presse » et on annonçait également « un volume de poésie » du même auteur. En fait, cette même année 1845, Adolphe Delacour publie également dans la Revue Indépendante un assez long compte rendu d’un ouvrage de poésie - Les Bretons de M.A. Brizeux ; cette fois-ci il n’accompagne pas sa signature de la précision « ancien rédacteur du Patriote Français de Montevideo »13 13 Adolphe Delacour, « Les Bretons, par M.A. Brizeux. La poésie nouvelle », Revue Indépendante, le 10/10/1845. .

Dans son livre sur le conflit dans le Rio de la Plata, presque complètement dépourvu de références personnelles, Delacour nonobstant considère l’éventualité d’un jour retourner à Montevideo14 14 En train de blaguer, évoquant les nouvelles dispositions à l’égard du « cigarito » [sic], Delacour dit qu’il espère que, si un jour il retourne à Montevideo, monsieur Lapuerta, « acteur de talent (…) ne dira plus dans l’Œdipe de M. Martinez de la Rosa, un solennel et pathétique adieu à ses filles, en exhalant douloureusement la fumée de tabac noir » (op.cit. p. 81). Par ailleurs, Delacour exprime son admiration pour Melchor Pacheco y Obes (« jeune homme nourri de la lecture de l’histoire de notre révolution plein de courage et d’intentions droites, patriote jusqu’à l’exaltation » ; op.cit. p.83) et il se déclare l’ami d’Alejandro Magariños (« mon ami, dont les vingt ans promettent à sa patrie une poésie vigoureuse, élevée et nationales » ; op.cit. p. 98) à qui il dédie une longue suite de vers dans Le Patriote français du 28 mai 1843, tout comme il fait l’éloge de Francisco Acuña de Figueroa, « le Rouget de l’Isle de la Marseillaise montevidéenne » (op.cit. p. 99). D’ailleurs il fait mention de deux rédacteurs du Patriote français qui ont pris la suite après son départ : Vial et Lefèbvre. (Adolphe Delacour, Le Rίo de la Plata - Buenos Aires et Montevideo, Paris, Hevis, 1845, p. 98.) .

Ce premier rédacteur du Patriote Français montévidéen a été un personnage assez rapidement effacé des chroniques postérieures, alors qu’à mon avis il a contribué à imposer une marque très caractéristique - très littéraire - au Patriote Français, journal à travers lequel il disait avoir « vigoureusement aidé, autant qu’il dépendait de [lui], à la création et au maintien de la Légion française »15 15 Adolphe Delacour, op.cit. p. 98. .

V. Garcίa Calderόn y H.D. Barbagelata, qui citent son livre, font référence à Adolphe Delacour comme étant « un voyageur français »16 16 La literatura uruguaya (1757-1917), p. 427. , et Jacques-André Duprey ne garde trace du passage de Delacour par la rédaction du Patriote français. Par contre, Duprey cite une page du livre publié par Delacour à Paris, et cite également une strophe de l’une des compositions poétiques de celui-ci, à l’origine publiée dans Le Patriote Français, notamment les vers de remerciement de Delacour, présenté par Duprey comme « le poète Delacour »17 17 J.A. Duprey, Uruguay en el corazón de los franceses, V. I, Montevideo, Ediciones del Bichito, s/f, p.191. , à Bernardina Fragoso de Rivera (épouse du président, général et caudillo Fructuoso Rivera). Cette dame est venue offrir aux volontaires français un drapeau brodé de sa main ainsi que de la main d’autres dames patriciennes de Montevideo ; dans sa composition poétique de remerciement, Delacour fait parler un Napoléon qui reconnaît comme étant ses propres enfants ceux qui porteront le drapeau offert par Bernardina aux défenseurs français de la ville de Montevideo.

Assez curieusement, Joseph Lefèvre, biographe du colonel Thiébaut et chroniqueur de la première année du siège de Montevideo, ne fait aucune mention d’Adolphe Delacour en tant que premier directeur du Patriote Français, alors qu’il ne tarit pas d’éloges pour le suivant. Lefèvre, dans cette chronique, par contre reprend les vers dédiés « A Dona Bernardina de Rivera au nom des volontaires français » et les présente comme « un échantillon de la poésie d’un officier de la Légion, dont la muse, inspirée par la reconnaissance, voulut joindre son tribut aux hommages rendus à la vertu unie à la bienfaisance », et il les fait suivre de la signature « A. Delacour »18 18 Jh. Lefèvre, Extraits des souvenirs… p.66. . « Voyageur français » pour les uns (cf.supra), « poète » ou « officier de la Légion » pour les autres, Adolphe Delacour n’est pas resté dans les mémoires en tant que le premier rédacteur du Patriote Français, mais plutôt comme faiseur de vers.

Si au début de son existence, Le Patriote Français tient un discours épique-poétique très appuyé, comme plus loin je vais essayer de le montrer, huit ans plus tard lorsque la fin du siège et du journal approche, ce discours est devenu, notamment grâce à un autre personnage fondamental, j’entends parler d’Arsène Isabelle, un discours bien plus axé sur l’économie et sur le développement du pays. Il est néanmoins toujours difficile pour moi de cerner avec certitude le degré de délibération qui aurait poussé les patriotes français de Montevideo à se rallier, grâce au nom choisi, aux patriotes français qui entre 1789 et 1793, et après Thermidor, avaient prôné les idéaux girondins. Toutefois, il est difficile de ne pas voir dans la lutte des commerçants français installés à Montevideo, et s’exprimant dans Le Patriote Français pendant le siège, un air de famille partagé avec les girondins, partisans de garantir la liberté illimitée des propriétaires et des propriétés, et en cela ennemis jurés des montagnards.

Les patriotes français montevidéens

Ce qui est certain c’est que Le Patriote français montevidéen explicite très nettement ses propos et ses visées, étroitement liés à la situation du moment, au point de s’identifier comme étant un « journal créé pour les circonstances » et qui « va cesser avec celles-ci », raison pour laquelle Le Patriote Français se souhaite une très brève durée. Comme je l’ai déjà affirmé, ces circonstances évoquées, pour le dire en peu de mots, ont trait à la situation catastrophique du commerce provoquée par les blocus successifs du Rio de la Plata et du Rio Uruguay, ainsi que par le manque d’intérêt dont fait preuve le gouvernement français, peu disposé à venir en aide de ses concitoyens, lésés par les obstacles rencontrés dans leurs activités commerciales.

Pourtant, de ces raisons sonnantes et trébuchantes (surtout sonnantes), en 1843, Le Patriote Français saura en faire une épopée. Autrement dit, les circonstances militaires (le siège de la ville de Montevideo, le blocus de son port, les batailles ou les massacres qui ont lieu hors les murs qui entourent la ville) déclinées en formes poétiques en feront une épopée. Cette alliance entre la guerre et la poésie - même si la guerre fait le malheur des commerçants qui voient tarir leurs gains - est déclarée dans le sous-titre même du Patriote Français, sous-titre gardé tout au long de l’an 1843 et bien au-delà: « Journal Commercial, Littéraire et Politique ».

En fait, ce sous-titre sera modifié lors d’un changement de directeur, en mai 1850, à peine quelques mois avant l’arrêt définitif du journal. La modification est subtile, puisqu’on déplace « commercial » vers la troisième position et on pose « politique » à la première : « Journal Politique, Littéraire et Commercial », alors que « Littéraire » reste inchangé, au milieu de la triade. Grâce à des recours assez variés, la langue poétique et l’univers littéraire tissent les désirs de gloire et de bonnes affaires que le journal exprime, en faisant de celui-ci une espèce de machine de guerre.

Ainsi par exemple, la une du premier numéro, porteuse d’une éphéméride qui rappelle des faits de guerre arrivés en Hollande à différents moments du XVIIIe siècle. Peu importe ici l’histoire - la chronologie et les sens - dans laquelle ces événements avaient été pris et peu importe l’histoire à laquelle ils avaient appartenu, car dans cet almanach guerrier on ne tient compte que du nom de l’action militaire - la chute, l’invasion, la conquête, la prise - et de ses circonstances immédiates (à tel endroit, par tel général). Pendant cette année 1843, aucune des éphémérides quasiment quotidiennes qu’on peut lire à la une du Patriote Français ne renvoie à des faits d’armes régionaux ou américains. En revanche, en avril 1850, lorsque Jh. Reynaud, le propriétaire et gérant du journal depuis 1843, décide de prendre en main Le Patriote Français car « sa rédaction a manqué d’unité et quelque fois même de tempérance » et de le placer sous la direction d’Arsène Isabelle, « négociant, ancien chancelier du consulat général de France et auteur de plusieurs écrits sur Buenos-Ayres et Montevideo », le nouveau directeur annonce la reprise de la rubrique « Ephémérides », mais cette fois-ci sous la forme de « récits abrégés des événements les plus remarquables de cette époque mémorable »19 19 Le Patriote Français, 21 avril 1850. .

Il en sera ainsi, et bientôt des événements militaires ayant eu lieu dans le mois précédant le début du siège (et du journal), c’est-à-dire en janvier 1843, deviennent matière historique : les éphémérides accomplissent ce renvoi à un temps révolu. Egalement, dans le changement de la devise adoptée en février 1843, on retrouve cette tentative d’adapter le journal à la paix qui se profile ; dorénavant la devise ne sera plus « Honneur et Patrie », mais « Liberté, Egalité, Fraternité ». Bien entendu, ce changement tient compte de la situation politique en France - on y est sous la deuxième république - mais aussi constitue l’abandon d’une devise marquée par le passé napoléonien gros de gloire martiale, puisque, comme l’on sait, « Honneur et Patrie » est la devise de la Légion d’honneur instaurée par Napoléon en 1802. Cette volonté de tourner le dos au discours épique et d’aller vers le discours de l’économie est aussi perceptible dans les deux mots - « Immigration », « Colonisation » - qu’Arsène Isabelle place en tête du Patriote Français, à gauche et à droite de la une, cadrant la page.

Ce projet d’adaptation du Patriote aux temps nouveaux où l’économie devra reprendre le dessus va bientôt échouer ; à partir du 29 septembre 1850, Arsène Isabelle et ses mots d’ordre « Immigration » et « Colonisation » disparaissent du journal (sans pour autant revenir à « Honneur et Patrie ») et le 15 décembre le journal s’arrêtera définitivement. Comme si sa matrice littéraire - épique mais aussi littéraire au sens pris par ce mot au XIXe siècle - empêchait un devenir autre. Car cette matrice est, depuis le début de la parution de ce journal, très puissante. Revenons à la une du premier numéro, celui du 2 février 1843 et à son rez-de-chaussée, c’est-à-dire à son feuilleton. Le titre en est « Journal précis de l’attaque de Lille, du 24 septembre au 8 octobre 1792, l’an I de la République française, rédigé sous les yeux du conseil de guerre ». Il saute aux yeux que, depuis l’espace du feuilleton, on évoque un autre siège militaire, celui de la ville de Lille pendant la Révolution, en même temps qu’on le présente en tant que récit - « journal précis » - , comme dans un miroir dans lequel vient s’abîmer le « journal » où il est question du « journal précis». L’effet de miroir est accentué par le corps même du texte : « La confiance naturelle où l’on devait être que l’ennemi n’oserait tenter une entreprise aussi hardie que l’attaque de Lille n’avait point ralenti l’activité des mesures défensives (…) vigoureuse résistance (…) ». Comme dans une mise en abîme, dans le rez-de chaussée du journal, le lecteur trouve un autre « Journal », qui parle d’un autre siège à une autre ville, un siège aussi inconcevable que prévu, aussi bien l’un que l’autre.

Tout au long de l’an 1843, sous la rubrique « Feuilleton », on peut lire des histoires d’autres sièges militaires à d’autres villes. Ainsi, en septembre, on trouve une sorte d’esquisse anecdotique du siège de Saint-Jean d’Acre et ce texte est pourvu d’un incipit parfaitement littéraire à propos de cette défaite de Napoléon : « Un dimanche du mois d’octobre 1809, le soleil colorait de ses rayons le dôme splendide de l’hôtel des Invalides… ». À peine quelques lignes au-dessus, en dehors de l’espace du rez-de-chaussée, un article porte le titre suivant : « De l’importance de l’armement des français de Montevideo considéré dans ses rapports avec la politique commerciale de la France ». Ainsi, entre le haut et le bas de la page, on retrouve un dialogue serré, dans la mesure où tout le journal est un journal de circonstances et ces circonstances sont constituées par la guerre, ce qui fait que, sauf quelques tentatives de quitter ce sujet, c’est-à-dire, sauf quelques peu nombreuses tentatives d’évoquer un monde où il arrive des choses autres que la guerre, tout tourne autour de celle-ci.

Il s’agit de galvaniser le nerf de la guerre et comme souvent cette opération sur la sensibilité des lecteurs revient à la langue littéraire, aussi bien celle qui, jusqu’à présent, avait constitué « la poésie » et « les belles-lettres », que celle qui, à partir du XIXe siècle, commence à incarner la langue poétique, désormais identifiée à la « littérature ». Parmi la première, j’entends parler des compositions en vers, des hymnes, des poèmes et des chansons - dès les premiers jours d’avril 1843 Le Patriote Français annonce l’édition et la mise en vente des paroles de « La Marseillaise », « Le Chant du Départ », « Veillons au salut de l’Empire » et « La Parisienne » - explicitement patriotiques et exaltantes. Parmi la seconde, id est la langue littéraire qui à partir du XIXe siècle commence à destituer les anciennes hiérarchies aristotéliennes de la langue poétique en instituant un nouveau partage du sensible, on trouve dans Le Patriote Français des formes en prose dans lesquelles les histoires des gens sans histoire commencent à être racontées. Les deux régimes d’écriture, pour continuer à le dire dans les termes de Jacques Rancière, celui de la vieille poésie et celui de la nouvelle littérature, se retrouvent dans Le Patriote Français, tissés dans les arguments développés et dans les propos que le journal défend. Je ne m’arrêterai pas sur cette riche matière qui demande une étude minutieuse. Par contre, je vais considérer ce qu’on pourrait appeler le devenir feuilleton de ce journal, sa « feuilletonisation », (« folletinizaciόn ») systématique.

Le feuilleton en tant que forme générale

Il va de soi qu’un journal, soit quotidien, hebdomadaire, mensuel ou bien annuel entretient, ainsi que tous ces noms l’indiquent, un rapport privilégié au temps : un certain rythme, une série réglée de parutions et de suspensions. Tout à fait poussé à l’extrême, on retrouve au XXe siècle ce rapport privilégié au temps dans les chaînes et les radiodiffuseurs d’information en continu (depuis la très ancienne Radio Reloj cubaine jusqu’à la CNN des États-Unis), qui cherchent à annuler cette suspension de l’émission de la nouvelle : en accélérant elles cherchent à éliminer le temps en suspens, le temps mort, le temps de l’attente. Néanmoins, il suffit d’écouter ou de regarder ces chaînes pour vérifier que même dans la continuité des informations, si ce n’est davantage grâce à celle-ci, on produit un très fort effet suspensif, un effet d’expectation de la reprise, d’attente du retour. Par ailleurs, cet effet suspensif et d’attente de la reprise, caractéristique du roman-feuilleton, on peut le retrouver dans la presse écrite indépendamment de la rubrique en question. Néanmoins, cette fois-ci, je souhaiterais considérer d’autres formes de suspension temporelle qu’on trouve dans Le Patriote Français et qui font du feuilleton une sorte de forme générale, indépendamment de ce qu’on publie sous cette rubrique au rez-de-chaussée de chaque numéro.

Il est certain que lorsque la presse suit une « nouvelle », par exemple l’instruction d’une affaire policière en train de s’élucider, elle produit chez son lectorat des effets de suspens et d’attente de la fin de celui-ci; même, de nos jours, par l’action des médias électroniques, on perçoit des effets d’addiction : des désirs de toujours vouloir savoir un peu plus, des désirs d’une sorte de perfusion informative qui abrège ou, encore mieux, annule l’attente et la nourrit, paradoxalement. Cela devient notoire lors des catastrophes médiatisées par des « live » en continu. Bien évidemment, rien de cette exaspération de l’attente n’est imaginable dans le Montevideo assiégé ; néanmoins, dans Le Patriote Français on voit apparaître des sujets dont le traitement reçu au long de plusieurs numéros produit un effet du suspens caractéristique du feuilleton. Voyons par exemple, l’affaire du chancelier du consulat français, Arsène Isabelle, futur directeur du journal et, à l’époque, ami de cette publication. (En 1845, Adolphe Delacour se souviendra de lui avec sympathie.) En 1843, Arsène Isabelle est accusé d’avoir détourné à son profit des fonds du consulat et il s’en défend en envoyant des lettres au Patriote Français. Pendant un certain temps, cela donne lieu à une sorte de roman épistolaire écrit à plusieurs voix, puisque les uns et les autres font parvenir leurs lettres au journal. Il arrive quelque chose de semblable pendant l’affaire Baena, un cas de trahison ou supposée telle à la patrie, auquel Le Patriote Français accorde beaucoup d’attention en traduisant et en publiant tout au long de plusieurs numéros des articles parus dans la presse ennemie (El Nacional).

Or, bien souvent, cet effet de suspens et d’attente de la suite concerne, dans Le Patriote Français, des événements qui ne sont pas en train de se développer - qui ne sont pas en train de s’effectuer - mais qui appartiennent au passé, un passé bien plus ancien que le passé des informations journalières, vu le décalage temporel du Patriote Français, majoritairement rempli d’articles pris dans une presse française qui a mis deux, trois ou parfois quatre mois pour parvenir à Montevideo. Car, bien que Le Patriote Français soit une écriture de circonstances et celles-ci soient le siège de Montevideo, les textes publiés, pour la plupart, ne procèdent pas de cet hic et nunc au service duquel le journal se trouve, mais de la presse française, notamment des journaux « amis », ainsi par exemple, Le Charivari, le Journal du Havre, Le Siècle, Le Corsaire, etc. (Depuis longtemps, depuis 1828, il existait une publication fondée par Émile de Girardin, et que Girardin avait baptisée Le Voleur, qui était une sorte de centon composé de passages ou d’articles empruntés à d’autres publications de presse.)

Indépendamment de la modalité d’écriture du feuilleton (nous avons tous en mémoire l’image de l’auteur courant porter son texte à l’atelier de composition typographique du journal, à la dernière minute avant la sortie) une convention fondamentale, déjà suggérée par la Poétique d’Aristote, stipule que le propre de la fiction se trouve dans son caractère clos, fermé (je pense à l’affirmation aristotélicienne selon laquelle toute œuvre poétique a un début, un milieu et une fin, ce qui fait d’elle une entité fermée, close. Par contre, le propre de la non-fiction est son caractère parfaitement ouvert, impossible de clore. (On se souviendra ici des remarques de Jorge Luis Borges à propos des retombées sur l’histoire américaine de la pitié éprouvée par Bartolomé de las Casas à l’égard des indiens qui s’exténuaient à travailler20 20 Jorge Luis Borges, « El atroz redentor Lazarus Morell”, Historia universal de la infamia [1954], O.C.I, Barcelona, Emecé, 1998, p.295. ; à mon avis, on peut considérer ces propos de Borges comme une réflexion portant sur l’actualité toujours ouverte de ce passé, en tant que non-fiction.)

Alors si ce qui est propre de la fiction c’est son caractère achevé, et le propre de la non-fiction c’est son ouverture incessante, le délai de publication de ce qui n’est plus l’actualité française - délai imposé par le trajet transatlantique - produit un effet littéraire - au sens de fictionnel -, un effet dans lequel les déictiques cessent de fonctionner selon leur cohérence attendue, et ils se mettent à fonctionner comme ils le font dans la fiction, lorsque le « je », par exemple, ne désigne pas un monsieur habitant Buenos Aires mais un Minotaure appelé Asterión, enfermé dans un labyrinthe21 21 Cf. Jorge Luis Borges, « La casa de Asterión », El Aleph [1949], ], O.C.I, Barcelona: Emecé, 1998, p. 569. .

Dans ce sens, on peut par exemple considérer, dans un journal daté du 4, une information sur « l’effroyable incendie qui a désolé Grenada le 20 de ce mois », information qu’on offre dépourvue des références concernant la date de la publication source22 22 Le Patriote Français, le 4 novembre 1843. ; ou bien la nouvelle sur une explosion dans une houillère dans le centre de la France : « Hier matin, les ouvriers étaient descendus dans les puits Saint-Charles (…) »23 23 Le Patriote Français, le 8 février 1843. . Avec des effets comparables, on peut lire le 11 juillet que « le Roi prendra le deuil le 2 mai prochain, pour onze jours, à l’occasion de la mort de S.A.R. le duc de Sussex ». Ce fonctionnement des déictiques qui fait que « hier » n’est pas le « hier » du lecteur (pas plus que « ce mois-ci » n’est le sien) produit un effet de fiction dans les nouvelles qui, se succédant à travers les jours, finissent par devenir une sorte de roman-feuilleton ayant perdu l’ancrage avec le hic et nunc du journal et du lecteur, comme il arrive dans la fiction.

Pareillement, en dehors de l’espace du rez-de-chaussée, on rapporte les débats qui ont eu lieu lors des séances de la chambre de députés, en France. Bien souvent, la parole de l’orateur est accompagnée par la notation des interruptions de l’auditoire, comme s’il s’agissait de didascalies, nombreuses et variées. Ainsi par exemple, tout au long de plusieurs numéros du mois de juin, on transcrit les discours de Guizot à la chambre, en ajoutant des exclamations proférées par d’autres députés ; on lit ainsi : « allons donc ! », « ah ! ah ! voyons ! », et puis aussi « murmures », « bruits », « interruption » , « agitation », « rires et interruptions aux extrémités », «bravos au centre », etc24 24 Le Patriote Français, le 5/6 juin 1843. . Certes, cette modalité dramatique - théâtrale - de rapporter les séances parlementaires parisiennes n’est pas l’apanage exclusif du Patriote Français, qui ne fait que reprendre les articles des journaux publiés en France ; néanmoins, ces discours parlementaires pourvus de didascalies selon la convention des textes dramatiques et lus à douze mille kilomètres de Paris dans le Montevideo assiégé devaient sans doute prendre une allure irréelle, pour ne pas dire fictionnelle, proche du roman-feuilleton avec son penchant pour les formes dialoguées.

Le devenir feuilleton, au sens de la suspension et la reprise du fil du discours, concerne tous les genres, thèmes et types de textes qui sont publiés dans Le Patriote Français. Certes cette modalité est très fréquente au XIXe siècle, et des textes fondamentaux mais néanmoins peu pourvus en péripéties fictionnelles ont été connus sous une modalité en quelque sorte voisine - j’entends parler du fascicule, pareillement soumis à une temporalité particulière -, par exemple, Le Capital, mais aussi Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte25 25 Marlyse Meyer, dans son immense ouvrage sur le feuilleton, indique que la première traduction française de Das Kapital, vendue à la livraison, coutait deux sous chaque fascicule. , deux textes de Marx décisifs qu’on a ainsi publiés en livraisons. Pareillement, Le Patriote Français de 1789, celui de Brissot, publiait des textes distribués sur plusieurs jours.

Dans Le Patriote Français montevidéen il est frappant de constater la systématicité du recours, aussi bien dans le premier numéro du 2 février 1843 que dans le dernier du 15 décembre 1850, et cela dans des rubriques aussi inattendues que la colonne éditoriale où l’on déclare les principes que l’on entend adopter, déclaration très solennelle couronnée d’un «suite »26 26 Le Patriote Français, le 1er/2 février 1843. . À partir de ce commencement presque tous les textes seront soumis à cette suspension ; si, lorsqu’il s’agit de biographies, ce procédé est assez compréhensible, vu la matière quasi fictionnelle engagée (par exemple, les biographies des hommes célèbres : le général Rivera, le président Rosas, le maréchal Massena, etc.), dans d’autres cas cela devient moins évident. On publie ainsi, sur plusieurs numéros et en parallèle au rez-de-chaussée du « Feuilleton » : les Tables de Sang (rapport détaillé des crimes attribués ou commis par le président Rosas et ses partisans), des calculs financiers et économiques sur la valeur de la propriété, des procès-verbaux parlementaires, des articles d’analyse, des « silhouettes » sur « la femme », « l’étudiant », des bilans des exportations, des lettres d’Alphonse de Lamartine, etc.

En fait, bien souvent, le journal est constitué par une suite d’articles suspendus et promis à la reprise. On arrive même à annoncer la publication pour le lendemain du récit de plusieurs prouesses récentes accomplies par Garibaldi, exploits dont on avance les grandes lignes, comme s’il s’agissait du résumé que pourrait faire celui que connaît déjà la totalité de l’histoire qu’on va raconter, une histoire déjà achevé, déjà conclue. On excite ainsi la curiosité du lecteur avec la promesse d’un récit : « L’honorable colonel Garibaldi dont on ne peut plus énumérer les services, vient d’un rendre un nouveau à la République en s’emparant la nuit dernière d’une goélette à trois mâts chargée de provisions destinées à l’ennemi, ce navire était montée par un déserteur de l’armée Orientale. Nous publierons demain les détails de cette capture importante »27 27 Le Patriote Français, le 20-21 novembre 1843. .

Le lendemain, le journal ne tient pas cette promesse, mais l’effet roman-feuilleton - surtout ne ratez pas les prochaines aventures de Garibaldi ! - est déjà là. En plus des annonces publicitaires, répétées plusieurs d’entre elles tout au long des mois, il faut à mon avis signaler un recours nettement suspensif développé sur plusieurs numéros, à la une, et à une place très notoire. En effet, Le Patriote Français publie, défiant et moqueur, un compte à rebours du délai d’expiration de la menace - ou de la prétendue menace - lancée par Oribe, l’ennemi installé aux portes de la ville, qui a annoncé la date dans laquelle il rentrera dans la ville assiégée. Ainsi, Le Patriote Français commence à publier : « Il y a aujourd’hui NEUF jours qu’Oribe a assuré qu’il serai dans QUINZE jours à Montevideo ». Jour après jour on mène le compte à rebours, jusqu’à atteindre « Il y a aujourd’hui QUINZE jours qu’Oribe a assuré qu’il serait dans QUINZE jours à Montevideo », et finalement on dépasse la date fixée par l’ennemi pour l’attaque: « Il y a aujourd’hui DIX-SEPT jours qu’Oribe a assuré qu’il serait dans QUINZE jours à Montevideo »28 28 Le Patriote Français, juin/juillet 1843. .

Certes, rien de moins dépourvu de suspense qu’un compte à rebours, pourtant, dans ce cas, la répétition et la variation de la formule, qui soulignent la difficulté d’Oribe d’exécuter ses menaces, tendent et soutiennent l’attente jusqu’à la conclusion de l’irréversible fanfaronnade.

En guise de conclusion provisoire

Sans aucun doute, pendant cette première année du Patriote Français, on voit le feuilleton contribuant, grâce à ses sujets épiques, aventuriers et amoureux - présentés en clés poétiques et littéraires - , avec le sens général de cette publication, et on le retrouve à sa place au rez-de-chaussée, parvenant au lecteur en tranches quotidiennes fournies par des auteurs consacrés - des romanciers, des mémorialistes, des polygraphes, des explorateurs, des militaires, des historiens de l’empire colonial, des diplomates, des écrivains d’alors et, pour quelques uns, d’encore aujourd’hui. Alexandre Dumas, Joseph Mery, Émile Marco de Sainte-Hilaire, Marie Aycard, Eugène Guinot, Louis-Agathe Berthaud, Taxile Delced, Émile Souvestre, Gabriel de la Landelle, Edmond de Ginoux, Pluchonneau (ainé), B. Challante, Roger de Beauvoir, Élie Krettly , Amédée Gréhan, Suau de Varennes, Jacques Arago et bien d’autres se sont succédé dans le rez-de-chaussée du Patriote Français. Bien entendu, il y a ici un énorme terrain encore à défricher, lors d’un travail il s’agira de bien préciser et de bien situer les auteurs et les diverses sources journalistiques où s’est abreuvé Le Patriote Français.

Pourtant, ce que j’ai essayé de montrer dans ces pages c’est que des procédés et des effets temporels typiquement associés au « feuilleton » marquent l’existence du Patriote Français, journal désireux d’allumer et d’entretenir, avec la parole poétique, un esprit guerrier qui permettra à ces négociants et à ces commerçants au passé parfois républicain et/ou napoléonien, de marier la gloire et les affaires. Adolphe Delacour, son rédacteur pendant les six premiers mois d’existence du Patriote Français y aura été pour quelque chose.

Références

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  • DELACOUR, Adolphe. Le Rίo de la Plata - Buenos Aires et Montevideo Paris : Hevis, 1845.
  • DORIGNY, Marcel. « Le Patriote français». Dictionnaire historique de la Révolution française, Albert Soboul (dir.). Paris: PUF, 1989.
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  • DUPREY, Jacques-André. Uruguay en el corazón de los franceses Montevideo: Ediciones del Bichito, s/d.
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  • LEFÈVRE, Joseph. Légion Française. Première année du siège de Montevideo. Extrait des souvenirs d’un volontaire Montevideo: Imprimerie du « Patriote Français », s/d.
  • MEYER, Marlyse. Folhetim. Uma história São Paulo: Companhia das Letras, 2005[1996].
  • SAMINADAYAR-PERRIN, Corinne. « Poétique de l’écriture de presse ». In: KALIFA, Dominique et al La civilisation du journal, Paris : Nouveau Monde , 2011.
  • THÉRENTY, Marie-Ève. « Pour une histoire littéraire de la presse au XIXe siècle » Revue d’histoire littéraire de la France, v. 103, 2003.
  • THÉRENTY, Marie-Ève. « Invention littéraire, créations esthétiques » In: KALIFA, Dominique et al La civilisation du journal, Paris : Nouveau Monde , 2011.
  • VAILLANT, Alain. « Métamorphoses littéraires ». In: KALIFA, Dominique et al La civilisation du journal, Paris : Nouveau Monde , 2011.

Notes

  • 1
    Jusqu’à présent, j’ai pu lire les numéros du Patriote Français correspondant aux années 1843, 1849 et 1850, autrement dit ceux du début et de la fin du journal.
  • 2
    Par exemple, cf. Le Patriote Français du 4 juillet 1849: “cette cause d’honneur et d’humanité qui n’a plus aujourd’hui qu’un seul adversaire, le journal La Presse, ou plutôt, E. de Girardin, qui comme on le sait, est bien payé pour cela”.
  • 3
    Marcel Dorigny, « Le Patriote français», Dictionnaire historique de la Révolution française, Albert Soboul (dir.), Paris, PUF, 1989DORIGNY, Marcel. « Le Patriote français». Dictionnaire historique de la Révolution française, Albert Soboul (dir.). Paris: PUF, 1989. , p. 826.
  • 4
    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k49500b/f422.item
  • 5
    Claudio María Braconnay , La Legión Francesa en la defensa de Montevideo, Montevideo, Claudio García, 1943BRACONNAY, Claudio María. La Legión Francesa en la defensa de Montevideo. Montevideo: Claudio García, 1943., p. 36.
  • 6
    Alberto Palcos, apud Claudio María Braconnay, op.cit. p.25 ; ces données coïncident avec celles fournies par Jacques Duprey dans Vogage aux origines françaises de l’Uruguay, Montevideo, Instituto histórico y geográfico del Uruguay (Paris, Nouvelles Éditions Latines), 1952, p. 171.
  • 7
    Joseph Lefèvre, Biographie de J.E. Thiébaut. Colonel de la Légion Française par un volontaire français, Montevideo, Imprimerie Française, 1851LEFÈVRE, Joseph. Biographie de J.E. Thiébaut. Colonel de la Légion Française par un volontaire français. Montevideo: Imprimerie Française, 1851..
  • 8
    Claudio María Braconnay, op.cit. p.45.
  • 9
    Joseph Lefèbre, Légion Française. Première année du siège de Montevideo. Extrait des souvenirs d’un volontaire par Jh. Lefèbre, Montevideo, Imprimerie du « Patriote Français », 1852, p. 33.
  • 10
    Joseph Lefèbvre, Biographie de J.E. Thiébaut. Colonel de la Légion Française par un volontaire français, Montevideo, Imprimerie Française, 1851LEFÈVRE, Joseph. Biographie de J.E. Thiébaut. Colonel de la Légion Française par un volontaire français. Montevideo: Imprimerie Française, 1851..
  • 11
    Joseph Lefèbvre, Biographie de J.E. Thiébaut. Colonel de la Légion Française par un volontaire français, Montevideo, Imprimerie Française, 1851LEFÈVRE, Joseph. Biographie de J.E. Thiébaut. Colonel de la Légion Française par un volontaire français. Montevideo: Imprimerie Française, 1851..
  • 12
    Le Patriote Français, 1er septembre 1843.
  • 13
    Adolphe Delacour, « Les Bretons, par M.A. Brizeux. La poésie nouvelle », Revue Indépendante, le 10/10/1845DELACOUR, Adolphe. Les Bretons, par M.A. Brizeux. La poésie nouvelle. Revue Indépendante, Paris, 10/10/1845..
  • 14
    En train de blaguer, évoquant les nouvelles dispositions à l’égard du « cigarito » [sic], Delacour dit qu’il espère que, si un jour il retourne à Montevideo, monsieur Lapuerta, « acteur de talent (…) ne dira plus dans l’Œdipe de M. Martinez de la Rosa, un solennel et pathétique adieu à ses filles, en exhalant douloureusement la fumée de tabac noir » (op.cit. p. 81). Par ailleurs, Delacour exprime son admiration pour Melchor Pacheco y Obes (« jeune homme nourri de la lecture de l’histoire de notre révolution plein de courage et d’intentions droites, patriote jusqu’à l’exaltation » ; op.cit. p.83) et il se déclare l’ami d’Alejandro Magariños (« mon ami, dont les vingt ans promettent à sa patrie une poésie vigoureuse, élevée et nationales » ; op.cit. p. 98) à qui il dédie une longue suite de vers dans Le Patriote français du 28 mai 1843, tout comme il fait l’éloge de Francisco Acuña de Figueroa, « le Rouget de l’Isle de la Marseillaise montevidéenne » (op.cit. p. 99). D’ailleurs il fait mention de deux rédacteurs du Patriote français qui ont pris la suite après son départ : Vial et Lefèbvre. (Adolphe Delacour, Le Rίo de la Plata - Buenos Aires et Montevideo, Paris, Hevis, 1845DELACOUR, Adolphe. Le Rίo de la Plata - Buenos Aires et Montevideo. Paris : Hevis, 1845., p. 98.)
  • 15
    Adolphe Delacour, op.cit. p. 98.
  • 16
    La literatura uruguaya (1757-1917), p. 427.
  • 17
    J.A. Duprey, Uruguay en el corazón de los franceses, V. I, Montevideo, Ediciones del Bichito, s/f, p.191.
  • 18
    Jh. Lefèvre, Extraits des souvenirs… p.66.
  • 19
    Le Patriote Français, 21 avril 1850.
  • 20
    Jorge Luis Borges, « El atroz redentor Lazarus Morell”, Historia universal de la infamia [1954], O.C.I, Barcelona, Emecé, 1998BORGES, Jorge Luis. « El atroz redentor Lazarus Morell”. Historia universal de la infamia. Barcelona: Emecé, 1998[1954]., p.295.
  • 21
    Cf. Jorge Luis Borges, « La casa de Asterión », El Aleph [1949], ], O.C.I, Barcelona: Emecé, 1998BORGES, Jorge Luis. « El atroz redentor Lazarus Morell”. Historia universal de la infamia. Barcelona: Emecé, 1998[1954]., p. 569.
  • 22
    Le Patriote Français, le 4 novembre 1843.
  • 23
    Le Patriote Français, le 8 février 1843.
  • 24
    Le Patriote Français, le 5/6 juin 1843.
  • 25
    Marlyse Meyer, dans son immense ouvrage sur le feuilleton, indique que la première traduction française de Das Kapital, vendue à la livraison, coutait deux sous chaque fascicule.
  • 26
    Le Patriote Français, le 1er/2 février 1843.
  • 27
    Le Patriote Français, le 20-21 novembre 1843.
  • 28
    Le Patriote Français, juin/juillet 1843.

Publication Dates

  • Publication in this collection
    9 Sept 2019
  • Date of issue
    2019

History

  • Received
    29 Oct 2018
  • Accepted
    19 Mar 2019
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