Acessibilidade / Reportar erro

La Presse Francophone au Pérou au XIXe Siècle: une Histoire en pointillé

A imprensa francófona no Peru no século XIX: uma história descontínua

RÉSUMÉ

Bien que les sources disponibles soient extrêmement lacunaires, il est possible de reconstituer au moins partiellement l’histoire de la presse francophone au Pérou au XIXe siècle. Cette histoire semble s’écrire avec des pointillés, dans la mesure où les rares titres identifiés ont tous eu une durée de vie très courte et ont fait leur apparition en l’espace de quelques décennies, avec parfois un hiatus de temps considérable entre eux. Ce constat nous amène à supposer que la communauté française du Pérou n’a jamais éprouvé un vif besoin de s’impliquer et de se reconnaître dans une presse qui lui soit propre.

Mots-clés
Pérou; Lima; XIXe siècle; presse francophone; émigrants français

RESUMO

Embora as fontes disponíveis sejam extremamente incompletas, é possivel reconstituir mesmo que parcialmente a história da imprensa francófona no Peru no século XIX. Esta história parece se escrever de maneira lacunar, na medida em que os raros títulos identificados tiveram todos um tempo de vida bastante curto e apareceram no espaço de algumas décadas, muitas vezes com um hiato de tempo considerável entre eles. Esta constatação nos leva a supor que a comunidade francesa no Peru nunca sentiu necessidade de se envolver e de se reconhecer em uma imprensa que lhe fosse própria.

Palavras-chave
Peru; Lima; Século XIX; imprensa francófona; emigrantes franceses

Consacrer un article aux origines de la presse francophone au Pérou peut paraître une gageure, dans la mesure où la présence française dans ce pays n’a jamais été numériquement très importante et, par conséquent, n’offrait pas un terrain particulièrement propice à l’éclosion d’une presse périodique destinée à un public francophone. Néanmoins les sources, pour éparses et lacunaires qu’elles soient, permettent de révéler l’existence d’une poignée de titres ayant vu le jour dans la seconde moitié du XIXe siècle. Comment expliquer l’émergence de ces journaux ? Étaient-ils une illustration de la volonté d’une partie des résidents français du Pérou de s’affirmer en tant que communauté à part entière ? Répondaient-ils à des objectifs politiques particuliers ? On évoquera dans un premier temps l’évolution du contexte migratoire français au Pérou et l’apparition fugace d’un premier journal, avant de décrire l’apogée de la presse francophone sur place, puis son déclin à la fin du siècle.

Origine et développement de la presse au Pérou jusqu’à la fin du XIXe siècle

Les premiers périodiques publiés au Pérou (bien entendu tous en langue espagnole) apparurent au XVIIIe siècle, dans les dernières décennies de la domination coloniale espagnole. Le plus ancien d’entre eux, la Gaceta de Lima, fut apparemment publié en continu de 1743 à 17671 1 La chronologie qu’en donne Cornejo Quesada n’est toutefois pas très claire: il fait aussi allusion à une reprise de cette publication en 1793 et 1794 (CORNEJO QUESADA, 2012, p. 64-71). (mais imprimé sur différentes presses, selon les circonstances); il reprenait des nouvelles d’Europe - et évidemment particulièrement d’Espagne -, mais aussi des informations locales (administratives, politiques, culturelles ou celles que l’on pourrait qualifier de culturelles - en osant cet anachronisme, puisque l’on se situe alors au XVIIIe siècle). D’autres périodiques lui suivirent à la fin du siècle, notamment El Diario de Lima et El Mercurio Peruano, illustrant la volonté d’une partie des élites créoles péruviennes d’affirmer leurs spécificités vis-à-vis de la Métropole espagnole2 2 Sur ces deux revues voir CORNEJO QUESADA, 2012 et CLEMENT, 1979. . La déclaration de l’indépendance du Pérou en 1821 et les années qui suivirent virent l’émergence d’un grand nombre de titres périodiques - le plus souvent d’une durée de vie très limitée. Paradoxalement, la grande instabilité du pays dans les décennies suivantes ne devait pas nuire à la production journalistique : bien au contraire, durant les périodes de conflits (internes ou bien transnationaux) chaque faction était soutenue par ses propres journaux3 3 Des journaux aux titres souvent fantaisistes, tels que Bota Fuego, El Periquito ou El Zancudo Preguntón. Sur le rôle des périodiques dans la vie politique péruvienne au XIXe siècle voir GLAVE, 2004, notamment le chapitre « Los periódicos y la lectura » (p. 23-29). . Autre indice de la grande vitalité de la presse péruvienne au XIXe siècle : le très grand nombre de périodiques publiés localement, notamment autour des grands centres administratifs, politiques, économiques et intellectuels que représentaient les capitales régionales telles que Trujillo, Arequipa et Cusco4 4 La connaissance que l’on a de cette presse régionale est cependant très variable, selon les sources disponibles ; il est alors à souligner la grande richesse du fonds de périodiques conservé aux archives départementales de Cusco. Sur la presse de Cusco, voir GLAVE, 1999. . Mais c’est évidemment à Lima que furent publiés les titres les plus marquants et les plus influents au niveau national, tant par leur qualité - pour certains d’entre eux tout au moins - que par leur réseau de diffusion. Le principal quotidien, El Comercio, né en 1839 est toujours actif aujourd’hui (LOPEZ MARTINEZ, 1989LÓPEZ MARTÍNEZ, Héctor. Los 150 años de “El Comercio”. Lima, Edición de El Comercio, 1989.). S’ils mettaient bien sûr l’accent sur les nouvelles locales (de la capitale et de la province), ces journaux puisaient également leur information à l’étranger, par le biais de la presse internationale reçue de façon régulière. Dans la seconde moitié du XIXe siècle se succédèrent également quelques importantes revues à vocation culturelle et patrimoniale, telles que la Revista de Lima (1859-1863), El Correo del Perú (1871-1878) et El Perú ilustrado (1887-1892); comme son titre l’indique, cette dernière publication, s’inspirant de ses consœurs européennes, avait mis l’accent sur les gravures agrémentant ses articles et donnant ainsi à voir la diversité et le développement économique en devenir du territoire national (TAUZIN, 2003). Compte tenu de la très forte proportion d’illettrés au sein de la population péruvienne, le lectorat potentiel de l’ensemble de ces périodiques demeura assez limité jusque dans les premières décennies du XXe siècle : seules les élites éduquées de la capitale et des grandes ou moyennes villes provinciales pouvaient constituer leur public habituel ; celui-ci se trouvait en outre complété par une proportion non négligeable de résidents étrangers. C’est également à l’attention de ces derniers que divers périodiques allophones virent le jour, plus ou moins ponctuellement au cours du XIXe siècle : des journaux en langue anglaise, allemande, italienne5 5 Dans son étude sur la présence italienne au Pérou, Giovanni Bonfiglio mentionne plusieurs titres de journaux publiés à l’attention de cette communauté italophone: Corriere del Pacifico (1870); La Patria (1872-1873); L’Italiano (1877-1879); La Voce d’Italia (1887-1943); L’Araldo (1894-1895). D’autres titres sont mentionnés pour le XXe siècle (BONFIGLIO, 1994, p. 213-214). ou française.

Émergence de la communauté française du Pérou et première tentative journalistique

Si on la compare avec d’autres pays latino-américains (le Mexique, l’Argentine, l’Uruguay, le Brésil, ou le Chili), l’histoire des mouvements migratoires français au Pérou demeure un phénomène très marginal. En 1825 cette communauté était estimée à seulement 300 individus, concentrés dans la capitale et quelques villes de province. Puis le développement des activités exportatrices du Pérou (minerais, guano, nitrates) généra de grandes rentrées d’argent qui devaient permettre aux gouvernements successifs de s’engager dans une série de projets de modernisation des infrastructures nationales. Ces nouvelles activités motivèrent le recrutement de divers spécialistes (ingénieurs, architectes, agronomes, enseignants) mais aussi attirèrent un certain nombre d’émigrants français travaillant dans le commerce (les fameuses « nouveautés de Paris »), l’artisanat ou les services (hôtellerie, restauration, cuisine, personnel de maison). On peut considérer que le pic de la présence française se situe entre 1850 et 1880. Les chiffres dont on dispose ne sont jamais très sûrs mais ils nous donnent au moins une tendance. Un recensement fait pour Lima en 1857 dénombre 2693 Français dans la seule capitale (sur un total de 21557 étrangers répertoriés). Les évaluations faites dans la décennie 1870 tournaient autour de 2500 individus sur l’ensemble du territoire mais on s’accorde à penser qu’elles étaient sous-évaluées et l’on peut plutôt considérer que la communauté française s’élevait à un nombre oscillant entre 3000 et 4000 individus. Les recensements faits par la suite tendent à indiquer une baisse numérique de cette communauté française, notamment du fait de la guerre contre le Chili en 1879, puis de l’instabilité politique et économique qui en résulta6 6 Pour une évocation globale de l’histoire de la communauté française au Pérou voir RIVIALE, 2008. . Elle n’était donc pas numériquement très importante, mais socialement et culturellement elle tenait une place assez notable, ne serait-ce que par l’aura particulière dont elle bénéficiait dans l’imaginaire collectif, notamment au sein des élites péruviennes qui voyaient en la France un modèle de progrès, de raffinement, etc. Cette communauté a vraiment commencé à s’organiser formellement dans la seconde moitié du XIXe siècle. Jusqu’alors elle avait plutôt eu tendance à se fondre dans la population locale, mais sa progression numérique et son poids social croissant l’encouragea probablement à souhaiter marquer sa distinction et son identité. Le fait de créer diverses associations nationales visait à lui conférer une certaine consistance vis-à-vis des autres communautés, ainsi qu’une représentation visible de l’identité nationale tant auprès des Français du Pérou que des Péruviens. En 1860 était fondée la société française de bienfaisance, puis en 1866 une Société de secours mutuels7 7 Probablement établie en réaction à ce qui était considérée comme une main mise sur la société de bienfaisance par une élite franco-péruvienne. . Cette même année 1866 allait voir le jour une compagnie française de pompiers ; vers 1870 apparut une loge maçonnique « La Vallée de France » ; enfin, en 1874 l’orphéon français et la société française de tir à la cible, etc. Autant d’associations qui firent partie intégrante - jusqu’au début du XXe siècle - de la vie sociale de la capitale péruvienne8 8 Il est à signaler que l’on ne connaît aucune organisation française équivalente dans le reste du pays, à l’exception d’une société française de bienfaisance à Tacna et Arica. Ces villes, situées sur la côte sud du pays, étaient très florissantes notamment grâce aux activités d’extraction des nitrates et avaient attiré une très importante communauté étrangère. En 1866 les résidents français de cette région s’organisèrent en association caritative afin de protéger les plus démunis et, peut-être aussi, afin de marquer ainsi leur spécificité. . C’est probablement seulement dans ce contexte d’organisation formelle que des journaux francophones ont pu voir le jour.

En comparaison avec les études de cas et les analyses globales menées sur la presse francophone dans d’autres pays d’Amérique du Sud9 9 Pour prendre seulement deux exemples, il y aurait eu une cinquantaine de journaux et au moins vingt-huit revues francophones publiés en Argentine au XIXe siècle et probablement autant au Brésil durant la même période. Voir https://www.culturaargentina.org.ar/archivos/COLECTIVIDADES/Francesa.pdf et le dossier « La presse francophone du Brésil » sous la direction de Valéria Guimarães (http://www.medias19.org/index.php?id=23741) (consultés en décembre 2018). , la situation péruvienne paraît tout à fait marginale. En effet, jusqu’à présent seuls cinq périodiques francophones ont pu y être clairement identifiés. Même si dans un courrier adressé en 1874 au journal L’Étoile du Sud un abonné faisait référence à “une douzaine” d’initiatives similaires, rien ne permet de confirmer cette assertion en l’état actuel des sources disponibles. On peut comprendre que le lectorat potentiel étant assez restreint, les projets de journaux francophones n’aient pas été légion. Il convient d’ailleurs de souligner que sur le plan socio-professionnel, cette communauté française était en réalité composée dans une large proportion de petits commerçants et de petits artisans disposant souvent d’un capital culturel assez limité : il est par conséquent difficile de déterminer combien d’entre eux savaient vraiment lire, ou maniaient suffisamment bien le français écrit10 10 Sans pour autant en tirer des conclusions définitives, il est intéressant de se reporter au journal intime de Théodore Ber dans lequel il évoque quelques-uns de ses amis qui ne savaient pas lire ou bien parlaient mal le français du fait de leurs origines régionales (des Corses, des Provençaux, des gens du Sud-ouest de la France, où l’on parlait encore couramment en patois local, voire en langue vernaculaire). Le journal intime de ce personnage a été retrouvé il y a quelques années dans les greniers de la municipalité de Figeac ; nous en avons fait une édition partielle (RIVIALE; GALINON, 2013). pour constituer un public conséquent. Pour contrebalancer ce faible lectorat français, les journaux francophones pouvaient néanmoins compter parmi leur public potentiel une partie des élites péruviennes (souvent francophones), ainsi que des résidents étrangers appartenant à d’autres communautés européennes (bien évidemment les Suisses et les Belges francophones, mais aussi des Italiens, des Britanniques, des Allemands, etc.). La communauté française du Pérou comptait également dans ses rangs un nombre non négligeable de professionnels du livre et de l’édition : libraires, imprimeurs, graveurs (Midroit, Audefroy, Hébert, Contour), lithographes (Dédé, Ducasse, Fenouil, Prugue, Poumaroux). Plusieurs d’entre eux sont d’ailleurs associés à des ouvrages importants dans l’histoire de l’édition au Pérou: notamment Charles Prince, éditeur à Lima de plusieurs livres destinés à célébrer la littérature et le patrimoine traditionnel péruvien; André Auguste Bonnaffé, directeur d’un album de lithographies resté célèbre, intitulé Recuerdos de Lima; Jean Dédé, auteur d’une série de lithographies “costumbristas” inspirées de dessins de l’artiste péruvien Pancho Fierro (RIVIALE, 2011RIVIALE, Pascal. « Entre lo pintoresco, el costumbrismo y la etnografía : relaciones e influencias recíprocas en las artes gráficas peruanas y francesas en el siglo XIX », Histoire(s) de l’Amérique latine, 2011, vol. 6, article n. 1. <http://www.hisal.org/revue/article/Riviale2011-6-1>
http://www.hisal.org/revue/article/Rivia...
). Cependant, hormis Charles Prince dans le cas de L’Étoile du Sud, on ne dispose d’aucun élément permettant de déterminer la part prise par certains de ces artisans dans la fabrication des journaux francophones de Lima.

Le premier périodique documenté s’intitulait Le Corsaire de Lima. On ne connaît qu’un seul numéro de ce journal, daté du 20 août 1866. Il était imprimé sur quatre pages ; on n’y voit aucune mention de responsable de la publication, de rédacteurs, ou d’adresse. Le titre choisi pour ce périodique est assez intrigant : il donne une image plutôt provocatrice et peu en phase avec un organe de presse voulant représenter la colonie française de Lima. Les journaux péruviens publiés dans la première moitié du XIXe siècle avaient volontiers des titres fantaisistes, voire provocateurs, car ils se voulaient polémiques et avaient une dimension politique très marquée ; les fondateurs de ce journal avaient-ils ainsi voulu se situer dans cette même tradition ? Ou bien le titre s’inscrivait-il dans le contexte du conflit entre le Pérou et l’Espagne qui venait de s’achever quelques mois auparavant avec une série d’escarmouches navales puis l’échec de l’attaque du port du Callao par la marine espagnole?11 11 À la suite d’une longue crise diplomatique entre l’Espagne, le Pérou et le Chili, la Couronne d’Espagne envoya sur les côtes pacifiques de l’Amérique du Sud une escadre armée qui finit par bombarder les ports de Valparaiso (31 mars 1866) et du Callao (2 mai 1866). Cet épisode fut l’occasion pour la communauté française du Pérou d’affirmer sa solidarité avec son pays d’accueil (par exemple avec la création de sa propre compagnie de pompiers en avril 1866). On saisit mal l’objectif de ce journal dont le contenu est assez généraliste et pas particulièrement axé sur le Pérou ou sur les Français du Pérou : il donne des informations locales très anecdotiques, d’autres de portée très générale sur la France et synthétise des articles vraisemblablement repris de journaux reçus de France12 12 Pour donner une idée du grand écart opéré par ce journal dans son information, on y trouvait une chronique relatant le passage à Lima de l’ancien général sudiste Gustave Toutan de Beauregard (un Français originaire de la Nouvelle-Orléans), et le résumé d’un article relatif à une découverte archéologique faite par le préhistorien Garrigou vraisemblablement lu dans un journal français reçu à Lima. . On en ignore la périodicité annoncée, mais ce journal a dû avoir une durée de vie très courte; il est d’autant plus mal documenté que l’on n’en connaît qu’un seul numéro. C’est en fait un écueil concernant aussi les titres qui l’ont suivi et pour lesquels on ne dispose que de quelques rares exemplaires. En effet la Bibliothèque nationale du Pérou a été victime en 1943 d’un terrible incendie qui a détruit une partie importante de son fonds ancien de périodiques : seuls subsistent pour certains titres quelques épaves de ce qui avait pu constituer les collections de cette institution.

Fig. 01
Journal du Pérou, n. 4, 19/7/1872

1872-1874 : l’apogée de la presse francophone?

C’est en fait dans la décennie de 1870 que la presse francophone allait se faire nettement plus présente. L’un de ces périodiques s’intitulait Le Journal du Pérou, un hebdomadaire fondé par un certain Mejer ; son premier numéro est daté du 16 juillet 1872. En fait ce journal fut annoncé dès le mois de février dans le quotidien péruvien El Comercio: on y rapportait que la presse anglaise et chilienne s’était déjà fait l’écho avec enthousiasme de ce journal à venir et l’on précisait qu’une équipe de rédacteurs devait arriver de France en mars. L’information se concluait ainsi : « espérons qu’ils puissent populariser dans notre pays le journalisme tel qu’il a brillé en France avec les Carrel, les Girardin et autres princes de la presse »13 13 « Le Journal du Pérou », El Comercio, 22 février 1872. . Cette manière excessivement enthousiaste d’annoncer la naissance de ce nouveau périodique semble peu naturelle, et l’on serait tenté de supposer que cet entrefilet était une commande du directeur du Journal du Pérou. Détail intéressant quant à son contenu prévu : on indiquait qu’une rubrique du journal serait ouverte aux étudiants de l’université de Lima afin qu’ils puissent y publier des contributions littéraires ou scientifiques. Le journal disposait d’agents dans quelques grandes villes du pays, ainsi qu’à l’étranger (Chili, Amérique centrale, États-Unis, France), ce qui laisse supposer qu’il était distribué auprès de ces agents. Avant même le démarrage de sa publication le journal entendait clairement incarner les préoccupations de la communauté française de Lima et participait de sa sociabilité. Ainsi apprend-on, encore par la voix du Comercio, qu’un concert organisé au bénéfice de la souscription pour la libération du territoire national s’était tenu dans les locaux flambants neufs du Journal du Pérou14 14 « Concierto », El Comercio, 1er mai 1872. Après la défaite de 1870 l’Allemagne avait imposé un lourd tribut de « réparation », en prenant comme gage l’occupation d’une partie du territoire français ; en conséquence, un peu partout dans le monde les communautés de résidents français s’étaient organisées pour réunir de l’argent destiné à payer cet impôt de guerre. . Initialement le journal était prévu pour être bi-hebdomadaire, mais on sait par un autre article publié dans El Comercio que le directeur espérait pouvoir accroître le capital pour en faire un quotidien15 15 « Le Journal du Pérou », El Comercio, 21 mai 1872. Le capital du journal était alors de 30.000 soles, les actionnaires estimaient qu’il fallait le faire passer à 60.000 pour envisager une édition quotidienne. , ce à quoi il parvint effectivement (malgré quelques accrocs à cette régularité). Au moment où était publié cet entrefilet, Mejer, le directeur du périodique affirmait avoir déjà six cents souscripteurs « en dehors de Lima ». Le premier numéro vit donc le jour le mardi 16 juillet 1872. Le journal était rédigé pour moitié en français et pour moitié en espagnol et comptait quatre pages16 16 Sous le titre on pouvait lire : « Politique, littérature, arts, sciences, industrie, commerce, tribunaux », définissant ainsi les domaines que se proposait d’aborder le journal. Ses bureaux étaient situés calle del Palacio, n°26 (donc à deux pas de la place d’Armes où se trouvait le palais présidentiel). Le montant de l’abonnement était de 6 soles par trimestre ou 20 par an. . On y donnait des informations sur l’actualité locale : par exemple une série d’articles sur la grande exposition nationale organisée en 1872 à Lima, mais aussi plus prosaïquement la liste des marchandises importées et passées à la douane du port du Callao (ce qui devait intéresser négociants et consommateurs de produits importés). La part belle était bien entendu donnée à la communauté française de Lima, avec de nombreuses annonces commerciales publiées par des maisons françaises (boutiques, hôtels, restaurants, ateliers d’artisans). Le journal reprenait aussi des nouvelles relatives à la politique internationale et publiait des chroniques concernant la mère patrie : ainsi trouve-t-on dans le premier numéro une tribune intitulée « L’existence de la république en France », dans laquelle l’auteur affirmait sa confiance dans l’avènement durable de ce système gouvernemental - finalement nouveau pour les citoyens français. Signe du ton adopté par le périodique, on révélait dans ce même premier numéro l’hostilité que sa publication avait déclenchée de la part de certains de ses confrères :

L’apparition d’un nouveau journal provoque toujours une polémique entre le nouveau-né et les barbons vénérables de la presse. Toutefois, je l’avoue, je ne m’attendais pas à des attaques d’un goût si relevé. La Sociedad nous déclare franchement, loyalement - et c’est là une grande qualité - qu’elle nous fera la guerre. Nous acceptons le défi, nous relevons le gant, nous sommes prêts pour la polémique.17 17 Le Journal du Pérou, 16 juillet 1872.

L’auteur de l’article reconnaissait toutefois que tous les journaux péruviens n’avaient pas réagi de façon aussi agressive : « El Heraldo a été si gracieux à notre égard que je ne sais comment le remercier (…). C’est une grande qualité que de ne pas être envieux et de faciliter à ses collègues le chemin qu’ils ont à parcourir »18 18 Ibid. Ce texte est signé d’une certain Blaux de Bichebois. . Autre manifestation d’hostilité de la presse péruvienne à l’égard du périodique français : on trouve dans l’édition du 1er août 1872 du quotidien El Nacional une appréciation très négative du contenu du journal. Le chroniqueur écrivait que jusqu’ici la rédaction de son journal n’avait pas souhaité réagir aux « articles remplis d’erreurs contre la doctrine catholique et d’injures contre l’Église », mais que l’article de la veille dépassait les limites de la bienséance, dès lors le quotidien péruvien annonçait qu’il rompait toutes relations avec Le Journal du Pérou. Il est possible que les fanfaronnades et le républicanisme anticlérical peut-être affiché par ce dernier ait déplu à une presse nationale souvent sur la défensive vis-à-vis des opinions venant de l’étranger. La Bibliothèque nationale du Pérou conserve une série continue de soixante-deux numéros du 16 juillet au 5 octobre. La série est-elle complète ? Nous l’ignorons. Il est en tout état de cause probable que ce périodique n’ait pas continué bien longtemps, car le 1er juillet 1873 plusieurs quotidiens péruviens publiaient une annonce signalant la vente de l’ensemble du matériel de l’imprimerie du Journal du Pérou.

En cette même année 1872 apparut un autre périodique francophone : l’hebdomadaire L’Union nationale. Le titre lui-même soulignait cette idée de cohésion nécessaire pour reconstruire la nation après la chute du Second Empire et faire face à l’adversité : la honte de la défaite, la perte d’une partie du territoire, la dette due à l’Allemagne. On comprendra l’état d’esprit de ce périodique avec ce passage tiré du journal intime de l’un de ses collaborateurs :

J’avais une rancune rentrée contre les Allemands, l’occasion s’offrit de donner un cours à ma bile, je me fis volontaire dans la rédaction d’un journal français qui venait d’être fondé par un M. Uriel ; je collaborais à L’Union Nationale tout le temps qu’elle vécut sous divers pseudonymes (…). J’étais au comble de la joie : je servais mon pays en combattant l’influence allemande au Pérou. Le journal ne vécut qu’un an, je regrettai vivement sa fin prématurée.19 19 L’auteur de ces souvenirs - Théodore Ber - venait de participer à la Commune de Paris : à son retour au Pérou sa mauvaise réputation l’avait mis au ban de la bonne société, dès lors il utilisait des pseudonymes pour publier ses articles dans les journaux de Lima. (RIVIALE; GALINON, 2013, p. 104-105RIVIALE, Pascal et Christophe Galinon. Une vie dans les Andes. Le journal de Théodore Ber (1864-1896). Paris, Ginkgo Éditeur-Ville de Figeac, 2013.)

Quel est donc ce collaborateur ? Il s’agit d’un certain Théodore Ber, qui a connu un itinéraire intéressant. Cet individu, né en 1820, avait reçu une formation de tailleur et travaillait dans divers ateliers en fonction de ses pérégrinations en France. Il se lia à divers groupes socialistes et révolutionnaires. Lorsqu’il s’installa à Paris il collabora en 1841 au journal L’Humanitaire. Puis en 1845 il apparaissait comme gérant du journal La Fraternité, un autre périodique ayant pour vocation de propager les idées socialistes. En 1860 il émigra au Chili, puis en 1863 s’installa au Pérou où il devint professeur de français.

Fig. 02
« Correspondance de Lima », L’Union nationale, 18/10/1872

Dès ses premières années péruviennes, Ber semble avoir donné quelques articles à publier dans les journaux de la capitale, puis en 1868 il complétait son salaire d’enseignant en travaillant comme pigiste au quotidien péruvien El Nacional: il traduisait des nouvelles reçues de l’étranger et écrivait de petites chroniques locales. En 1870, en apprenant la défaite de la France face à la Prusse, il crut possible l’avènement de la république en France et décida sur un coup de tête de rentrer en France. Il séjourna dans plusieurs villes de France puis, après quelques mois d’observation de la situation, pénétra en avril 1871 dans un Paris insurrectionnel. Il proposa ses services à Charles Delescluze (le délégué à la guerre de la Commune) et lui servit de secrétaire durant quelques semaines. Insatisfait de la tournure chaotique prise par la gestion politique du mouvement, il parvint à quitter Paris avant l’entrée des troupes versaillaises et à retourner au Pérou. Mais la rumeur de sa participation à la Commune de Paris s’était déjà répandue et il fut mis au ban de la société française de Lima. Malgré la réprobation dont il était l’objet, Ber multiplia les activités en se focalisant sur l’idée selon laquelle la reconstruction de la nation française passait par l’éducation. C’est ainsi qu’il ouvrit à Lima avec quelques compatriotes une école professionnelle pour adultes, puis il collabora à ce nouveau journal L’Union Nationale, dont l’idée aurait été lancée en juin 1871. Le premier numéro parut le 2 mars 187220 20 C’est en fait le seul exemplaire qui subsiste à la Bibliothèque nationale du Pérou. Une annotation à la main sur cet exemplaire précise néanmoins que ce journal aurait fonctionné jusqu’en juin 1874. Le directeur général en était Théodore Thiele, un journaliste parisien arrivé à Lima en 1871. D’après les informations données en première page on sait que le périodique avait établi ses bureaux rue Ucayali, n°54, que ses ateliers typographiques étaient au n°138 de la rue del Cuzco, et que le prix de l’abonnement était de 2 soles par trimestre. . Le titre complet était L’Union Nationale. Journal franco-péruvien; il comptait quatre pages. Il est un peu hasardeux de décrire le contenu d’un journal d’après un seul exemplaire. Tout ce que l’on peut en dire c’est que l’on y trouvait des informations sur les activités de la communauté française de Lima (entre autres le règlement de la Société française de bienfaisance et celui de la compagnie française de pompiers), de nombreuses publicités pour des commerces français de la ville, et des contributions faites par des membres de la colonie, par exemple ici un article sur le typhus et la fièvre jaune par Charles Tasset, un médecin parisien installé à Lima depuis plus de trente ans. Dans l’un des volumes du manuscrit de Théodore Ber on trouve diverses coupures de journaux correspondant très certainement à ses propres contributions à ce journal: par exemple, un article écrit sous forme de fable pour évoquer la question du territoire national français face à la Prusse ; un article sur l’immigration au Pérou, et le récit d’une promenade à Ancón, une petite station balnéaire située à quelques kilomètres au nord de Lima. Voilà tout ce que l’on peut dire de cet hebdomadaire. Les souvenirs laissés par Théodore Ber nous permettent par contre d’en savoir plus sur les suites données à ce journal en 1874. Reprenons son récit:

Après cela j’entrepris de donner un successeur à L’Union Nationale et je fondai seul, sans appui L’Étoile du Sud ; je plaçais mon entreprise sous la signature d’un administrateur et avec le crédit que m’ouvrit [Charles] Prince l’imprimeur, je me mis à l’œuvre comme un furieux, le jour je donnais mes leçons et la nuit je fabriquais mon journal ; (…). Le petit journal marchait bien, comme mon nom n’y figurait pas les compatriotes s’y abonnèrent facilement, l’annonce donnait et cependant je ne voyais jamais d’argent. Mon administrateur était un chevalier d’industrie qui passait son temps au jeu ; je le contraignis à se démettre de ses fonctions, il lui en coûtait car il passait pour le rédacteur du journal, je l’avais autorisé à le dire pour dissimuler mon concours (RIVIALE; GALINON, 2013, p. 109RIVIALE, Pascal et Christophe Galinon. Une vie dans les Andes. Le journal de Théodore Ber (1864-1896). Paris, Ginkgo Éditeur-Ville de Figeac, 2013.).

Le premier numéro du journal vit le jour le 4 juillet 1874. Il s’adressait en premier lieu à la communauté française ; son sous-titre ne laissait d’ailleurs aucune ambiguïté à ce sujet : « Journal politique, commercial et industriel destiné à la défense des intérêts nationaux »21 21 L’adresse donnée pour les bureaux de l’administration du journal est en fait celle de l’imprimerie de l’Univers, école industrielle de San Pedro ; il s’agit de l’imprimerie de Charles Prince, un compatriote installé à Lima depuis 1850 et qui était l’un des imprimeurs les plus renommés de la capitale. . Dans une tribune intitulée « remerciement aux souscripteurs », Ber affirmait sa confiance dans le soutien de ses compatriotes pour cette nouvelle entreprise éditoriale :

Les nombreuses adhésions que nous avons reçues et que nous recevons chaque jour, constituent à nos yeux un fait des plus importants et de bon augure pour l’avenir de notre œuvre (…). Il y a cinq ans on n’aurait pas trouvé cinquante abonnements pour le plus parfait des journaux ; les hommes les plus influents de la colonie n’auraient pu en aucun cas réunir deux cents hommes, deux cents adhésions à la meilleure des entreprises. Aujourd’hui c’est différent. Le souvenir de nos désastres ; le désir de les réparer nous rapprochent, et il suffit que les plus petits d’entre nous signalent la nécessité d’un journal français à Lima pour qu’aussitôt on leur réponde : nous sommes là ! En avant !.

Fig. 03
L’Étoile du Sud, n. 25, 19/12/1874

Toutefois le rédacteur en chef - toujours sous le couvert de l’anonymat - avouait que la tâche allait s’avérer ardue:

L’Étoile du Sud est exclusivement l’œuvre de volontaires qui n’ont rien du journaliste de profession. Tout ce qu’il y avait ici l’an dernier de rédacteurs, de chroniqueurs, de publicistes, a disparu devant l’insuccès de leurs brillantes polémiques. De manière qu’aujourd’hui on ne saurait trouver sur place le moindre petit échantillon de ces intéressants bipèdes. Compositeurs, protes, correcteurs, tout a filé, et nous nous trouvons, on le comprend aux prises avec de graves difficultés22 22 On retrouve bien dans ce texte le ton mordant et sarcastique propre à Théodore Ber tel qu’on peut le lire dans son journal intime. Dans celui-ci il relate d’ailleurs sa rencontre à Puno quelques années plus tard (à la fin de l’année 1876) d’un certain Bussy, qui avait fait partie de l’équipe technique du Journal du Pérou, et qui prétendait vouloir fonder un nouveau journal dans cette ville - ce en quoi Ber ne le crut absolument pas. Journal de Théodore Ber, 1894-1896, archives municipales de Figeac, 1Z12. .

Un courrier adressé par un abonné nous donne en outre quelques informations intéressantes sur le passé chaotique de la presse francophone au Pérou :

J’apprends donc avec plaisir que vous vous occupez activement de donner un successeur à feue L’Union nationale, à laquelle je suis resté abonné jusqu’au dernier jour (…). Je suis vieux dans le pays, et peu s’en faut que je ne sois le doyen de la colonie. J’ai vu bien des choses, et entre autres, une douzaine au moins de tentatives du genre de la vôtre. Seule L’Union nationale a pu vivre un an ; non toutefois sans fatiguer ses lecteurs.

Donc, si l’on en croit ce correspondant il y aurait eu bien plus de tentatives que ne le laissent supposer les collections de la Bibliothèque nationale du Pérou23 23 Et il est à craindre que l’on n’en retrouve guère plus ailleurs, sauf à explorer les bibliothèques publiques et privées des pays voisins, où l’on pourrait espérer découvrir des exemplaires ayant été exportés. En tout cas, toutes nos recherches dans les fonds existant à Lima ont été vaines. . En revanche dans le cas de L’Étoile du Sud, la chance veut que Théodore Ber, son fondateur, ait eu le souci de préserver la mémoire de son travail éditorial : outre son journal intime, il avait pris soin de léguer à sa ville natale de Figeac un volume réunissant une collection complète de son journal24 24 Soit 26 numéros (du 4 juillet au 26 décembre 1874). Ce volume est, comme le reste du fonds Théodore Ber, conservé aux archives communales de Figeac (sous la cote 1Z14). . Grâce à cette prévoyance il est possible d’avoir une idée plus nette du contenu de cet hebdomadaire. On trouve bien sûr en premier lieu des informations concernant la colonie : l’adresse des principales institutions françaises (associations, maison de santé, écoles, église, loge maçonnique, etc.) ; l’élection du nouveau bureau de la société de secours mutuels ; les inévitables publicités pour les commerces et ateliers de compatriotes ; etc. On y trouve aussi des articles de fonds sur des sujets concernant le Pérou, comme cet article sur l’exploitation du salpêtre (activité qui faisait la richesse du Pérou depuis plusieurs années et à laquelle certains investissements et emprunts français étaient liés). On pouvait y lire aussi des tribunes sur des points d’actualité. Telle cette correspondance adressée depuis Tarma (une ville des Andes sur le chemin menant à la forêt amazonienne), relatant un raid mené par des colons péruviens et européens contre des Indiens vivant dans la forêt, aux abords de la vallée de Chanchamayo. Ber comptait des amis parmi ces colons. On comprend mieux dès lors comment il avait pu recevoir de telles informations. Il concluait cette communication par un commentaire s’insurgeant contre les mauvais traitements réservés aux “sauvages”25 25 Il se trouve au quelques années plus tard (entre 1879 et 1885) Ber alla s’installer dans cette colonie de la vallée de Chanchamayo. Ses propos sur les Indiens, notés dans son journal intime, se caractérisent par une certaine sympathie pour eux qui se démarque du mépris généralement affiché par les colons envers les Indiens de la forêt. . Enfin, l’on y trouvait aussi des articles plus surprenants dans le cadre de ce petit périodique francophone, telle cette série d’articles sur les ruines d’Angkor. Ce site archéologique cambodgien, si célèbre aujourd’hui, était alors encore très mystérieux et à peine connu du grand public. Une expédition d’exploration du cours du Mékong commandée par Doudart de Lagrée en 1866 avait révélé pour la première fois l’importance de ces vestiges, puis en 1873 Louis Delaporte (qui avait fait partie de cette équipe) était reparti sur place pour explorer plus en profondeur le site et en avait rapporté des estampages, des dessins et des photographies. Si rendre compte des recherches menées à Angkor dès 1874 semblait très innovant et original pour l’époque et dans le cadre d’une publication péruvienne, cette série d’articles était en réalité le reflet des centres d’intérêt de Théodore Ber à ce moment de sa vie. En effet, il avait commencé dans ces mêmes années à faire lui-même des fouilles archéologiques à Ancón, un site préhispanique à quelques kilomètres au nord de Lima, et avait envoyé en cette année 1874 le résultat de ses découvertes à la société d’Anthropologie de Paris. Dès lors on peut comprendre qu’il ait été particulièrement sensible à ces informations archéologiques mettant en lumière une civilisation ancienne jusqu’alors inconnue. En outre, on voit avec cet exemple que les informations provenant des quatre coins du monde circulaient déjà très bien grâce à la diffusion des journaux étrangers et sans doute déjà par le biais des agences spécialisées dans le domaine de l’information. Ainsi l’agence Havas, fondée à Paris en 1835, semble avoir eu une représentation à Lima au moins à partir de 187526 26 Les dépêches échangées entre l’agence Havas et son bureau à Lima de 1875 à 1887 sont conservées aux Archives nationales, à Pierrefitte-sur-Seine, sous la cote 5AR/57. Le premier représentant de l’agence enregistré au consulat de France à Lima était un certain Carette. . L’Étoile du Sud, cet hebdomadaire dont était si fier Théodore Ber, était pourtant bien lourd à porter sur ses seules épaules : il était en effet quasiment le seul rédacteur du journal, devait en vérifier la composition, assurer la distribution, etc. Son fondateur finit par s’épuiser, et le 26 décembre 1874 sortit l’ultime numéro du journal.

Un déclin irrépressible

Bien plus tard Ber collabora à un autre journal français, le dernier dont nous ayons actuellement connaissance : L’Écho du Pérou. Dans son journal intime Ber nous renseigne encore une fois sur le contexte de création de ce périodique. En 1886, un Français du nom de Giroud était arrivé au Pérou, se prétendant détenteur d’importants fonds qu’il souhaitait investir au Pérou:

Dans son projet il offrait d’acheter au comptant une vaste étendue du territoire péruvien pour y établir trois mille familles françaises qui n’attendaient qu’un mot de lui pour venir s’établir au Pérou. Je ne donnais pas dans le piège et sans avoir vu l’individu je le qualifiais de chevalier d’industrie. Il fit cependant quelque bruit, les journaux le citèrent parmi les régénérateurs du pays, il eut ses entrées auprès du Président et des ministres et on fut à la veille de mettre à sa disposition un navire de l’État pour le conduire dans le Nord à la recherche des terrains de la future colonie. En fait de capitaux notre homme n’avait pas le sou, mais en échange il avait du toupet (…). Quelques mois plus tard on l’entendait parler d’un journal français qu’il allait fonder et qu’il fonda en effet de la façon la plus étrange, car ce journal français était rédigé par des Péruviens. L’Écho du Pérou serait mort à son premier numéro s’il n’avait compté pour le soutenir que sur l’appui de la colonie qui ne voulut en aucune façon se rendre complice des impardonnables atteintes à la langue française que se permettaient les rédacteurs péruviens de ce journal. M. Giraud ne s’était pas frotté impunément aux médiocrités qui gouvernent le pays : roué, vulgaire mais roué, il avait su démontrer à ces bonnes gens que son journal répandu dans les cinq parties du monde amènerait au Pérou ce qui lui manque, des capitaux, et il obtint une subvention mensuelle de 500 francs (ou 100 soles). Le journal en était à son dixième numéro lorsque pour des raisons que je ne connais pas les rédacteurs péruviens se retirèrent. Notre Giraud ne saurait écrire deux lignes en français, il vint me trouver un matin et me supplier de l’aider (…). Je ne prêtais aucune confiance à ses balivernes, mais j’ai toujours été désireux de voir un journal français à Lima. De plus j’ai la manie d’écrivasser ; il m’en coûte si peu de remplir quelques colonnes que je n’hésitais pas à lui prêter mon concours. C’était ma première rencontre avec ce monsieur. Son bavardage était loin de me séduire mais ce qui me surprit ce fut son opiniâtreté, son insistance à me prouver que son journal avait un avenir assuré. J’en vins à me dire qu’avec une volonté comme la sienne il n’était peut-être pas impossible de faire ce que je ne pourrais faire.27 27 En 1880 il écrivait d’ailleurs ceci dans son journal intime : « Je trouvais cependant bien de mon goût la profession de journaliste, je m’y trouvais si à mon aise qu’il me vint à l’idée que c’était ma vocation ; depuis, j’ai travaillé à la création d’un petit journal en langue espagnole El Obrero et toujours gratis prodeo; aujourd’hui même je voudrais encore recommencer la même tâche sans plus de rémunération, c’est pour moi un besoin continuel que de noircir du papier au courant de la plume ». Journal manuscrit de Théodore Ber, Archives municipales de Figeac, 1Z7.

Fig. 04
Coupure de presse de L’Écho du Pérou, 1887

Théodore Ber aurait donc collaboré un mois à cet hebdomadaire - en réalité il semblerait qu’il en ait été quasiment le seul rédacteur durant cette courte période -, puis lui aussi aurait claqué la porte, car n’étant pas rétribué. C’est donc Giroud qui continua seul quelques temps encore (en reprenant des informations d’autres journaux28 28 On ne connaît ce journal que par l’entremise des coupures de presse collées dans le manuscrit de Ber (là aussi sans doute il s’agit d’articles écrits par Ber lui-même). Dans une de ces coupures on voit qu’il est fait référence à des nouvelles reçues par les Échos du Pacifique (journal publié au Chili?) en 1886. Ibidem, 1Z11. ) avant que le journal finisse par s’éteindre, faute de soutien. En effet, le témoignage de Ber est très clair sur ce point: la communauté française de Lima se détourna très vite de lui du fait de son attitude jugée suspecte, l’assimilant plus à un aventurier qu’à un éditeur de journal. En revanche, il est intéressant de souligner, hormis la crédulité de certains membres du gouvernement, la confiance que ceux-ci accordaient à la presse transnationale considérée comme un médium utile pour attirer les investisseurs étrangers sur le sol péruvien.

On ne dispose à l’heure actuelle d’aucune autre source permettant d’identifier d’autres périodiques français publiés au Pérou au XIXe siècle. Il est possible que le mouvement se soit progressivement étiolé, faute d’un lectorat suffisant. En effet après sa défaite face au Chili lors de la guerre du pacifique (1879-1883) le Pérou s’enfonça dans une longue crise politique et économique qui poussa de nombreux résidents français à quitter le pays, départs qui ne furent pas comblés par les nouvelles arrivées moins nombreuses du fait de la situation locale. Des recherches resteraient à faire sur le XXe siècle afin de déterminer les publications périodiques francophones qui ont pu être produites au Pérou29 29 Une demande d’information auprès de l’ambassade de France au Pérou n’a malheureusement apporté aucune réponse ; on aurait toutefois pu penser que son centre de documentation dispose de quelques données sur le sujet. . Nous nous trouvons donc ici face à une histoire en pointillé, dans la mesure où les quelques journaux identifiés pour le XIXe siècle ont vraisemblablement eu une durée de vie très courte et où ces titres ont été séparés les uns des autres par un hiatus parfois très important. En outre les grandes lacunes des sources nous empêchent de vraiment préciser cette histoire de la presse francophone. Ces différents titres n’ont que rarement une filiation commune, si ce n’est la participation notable de ce Théodore Ber qui a maintenu une notable activité journalistique durant une grande partie de sa vie au Pérou. La création de certains de ces journaux (Le Journal du Pérou, L’Union nationale et L’Étoile du Sud) semble liée à l’émergence de la IIIe République en France et, par conséquent, à une probable volonté de diffuser les idées républicaines auprès de la communauté française du Pérou. En revanche, concernant le dernier exemple cité (L’Écho du Pérou), il s’agissait plus d’une affaire lancée par un aventurier afin de soutirer de l’argent au gouvernement péruvien, que d’une véritable tentative journalistique. Comment expliquer cette apparente ténuité de la presse francophone au Pérou ? Peut-être par manque de public ; peut-être aussi par une volonté collective plus ou moins inconsciente de ne pas se démarquer de la société péruvienne dans laquelle ces émigrants avaient décidé de s’intégrer ? Cette marginalité ne paraît cependant pas une exception française : si quelques indices permettent de savoir qu’il existait bien au Pérou une presse allophone touchant également d’autres communautés étrangères30 30 Nous avons cité quelques titres italiens au début de cet article ; un journal en langue anglaise que nous avons pu repérer s’intitulait The South Pacific Times (publié au Callao à partir de 1872 et au moins jusqu’en 1874), cependant nous n’avons malheureusement jamais pu en trouver un seul exemplaire dans les bibliothèques péruviennes. À titre de comparaison, Christophe Pollet (archéologue français travaillant au Chili) nous a tout récemment déclaré avoir pu consulter une dizaine de titres de périodiques en langue anglaise publiés à cette même époque au Chili. Giovanni Bonfiglio souligne lui aussi les très importantes lacunes observées dans les fonds des bibliothèques et des archives concernant la presse italienne du Pérou (BONFIGLIO, 1994, p. 213-214). , il ne semble pas que ces périodiques aient occupé une grande place dans le paysage journalistique péruvien. Si nos sondages systématiques pratiqués dans la presse péruvienne de Lima et de Cusco du XIXe siècle nous ont permis de repérer un nombre important d’associations françaises, italiennes, britanniques ou allemandes, qui étaient régulièrement évoquées dans les rubriques d’informations locales, c’est nettement moins souvent le cas pour les journaux allophones. En dépit de la concurrence qui pouvait régner entre périodiques, l’apparition d’un nouveau titre était généralement saluée par la presse locale, or nous en trouvons rarement mention, indice selon nous de la rareté des journaux allophones ayant vu le jour à Lima - ou bien alors de leur extrême discrétion et de leur diffusion à toute petite échelle.

Références

  • BONFIGLIO, Giovanni. Los italianos en la sociedad peruana 2.ed. Lima: Unión Latina y Asociación Italianos del Perú, 1994.
  • CLÉMENT, Jean-Pierre. « Indices del Mercurio Peruano, 1790-1795 », Fenix, Revista de la Biblioteca Nacional, 26-27, 1976/1977, p. 5-234.
  • CORNEJO QUESADA, Carlos. « Las Gacetas y El Semanario Crítico en el Perú colonial del Siglo XVIII », Cultura: Lima (Perú) , 26, 2012, p. 57-98.
  • GLAVE, Luis Miguel. Periódicos cuzqueños del Siglo XIX. Estudio y Catálogo del Fondo del Archivo Departamental del Cuzco Madrid, Fundación Histórica Tavera (Documetos Tavera, 9), 1999.
  • GLAVE, Luis Miguel. La Répública instalada. Formación nacional y prensa en el Cuzco, 1825-1839Lima, Instituto de Estudios Peruanos, 2004.
  • LÓPEZ MARTÍNEZ, Héctor. Los 150 años de “El Comercio” Lima, Edición de El Comercio, 1989.
  • RIVIALE, Pascal. Una historia de la presencia francesa en el Perú del Siglo de las Luces a los Años Locos Lima, Instituto Francés de Estudios Andinos-Instituto de Estudios Peruanos, 2008.
  • RIVIALE, Pascal. « Entre lo pintoresco, el costumbrismo y la etnografía : relaciones e influencias recíprocas en las artes gráficas peruanas y francesas en el siglo XIX », Histoire(s) de l’Amérique latine, 2011, vol. 6, article n. 1. <http://www.hisal.org/revue/article/Riviale2011-6-1>
    » http://www.hisal.org/revue/article/Riviale2011-6-1
  • RIVIALE, Pascal et Christophe Galinon. Une vie dans les Andes. Le journal de Théodore Ber (1864-1896) Paris, Ginkgo Éditeur-Ville de Figeac, 2013.
  • ROUILLON, Guillermo. « Indice de la Revista de Lima», Boletín de la Biblioteca Nacional, año VII, n. 13, Diciembre de 1950, p. 119-149.

Notes

  • 1
    La chronologie qu’en donne Cornejo Quesada n’est toutefois pas très claire: il fait aussi allusion à une reprise de cette publication en 1793 et 1794 (CORNEJO QUESADA, 2012CORNEJO QUESADA, Carlos. « Las Gacetas y El Semanario Crítico en el Perú colonial del Siglo XVIII », Cultura: Lima (Perú) , 26, 2012, p. 57-98., p. 64-71).
  • 2
    Sur ces deux revues voir CORNEJO QUESADA, 2012CORNEJO QUESADA, Carlos. « Las Gacetas y El Semanario Crítico en el Perú colonial del Siglo XVIII », Cultura: Lima (Perú) , 26, 2012, p. 57-98. et CLEMENT, 1979.
  • 3
    Des journaux aux titres souvent fantaisistes, tels que Bota Fuego, El Periquito ou El Zancudo Preguntón. Sur le rôle des périodiques dans la vie politique péruvienne au XIXe siècle voir GLAVE, 2004GLAVE, Luis Miguel. La Répública instalada. Formación nacional y prensa en el Cuzco, 1825-1839.Lima, Instituto de Estudios Peruanos, 2004., notamment le chapitre « Los periódicos y la lectura » (p. 23-29).
  • 4
    La connaissance que l’on a de cette presse régionale est cependant très variable, selon les sources disponibles ; il est alors à souligner la grande richesse du fonds de périodiques conservé aux archives départementales de Cusco. Sur la presse de Cusco, voir GLAVE, 1999GLAVE, Luis Miguel. Periódicos cuzqueños del Siglo XIX. Estudio y Catálogo del Fondo del Archivo Departamental del Cuzco. Madrid, Fundación Histórica Tavera (Documetos Tavera, 9), 1999..
  • 5
    Dans son étude sur la présence italienne au Pérou, Giovanni Bonfiglio mentionne plusieurs titres de journaux publiés à l’attention de cette communauté italophone: Corriere del Pacifico (1870); La Patria (1872-1873); L’Italiano (1877-1879); La Voce d’Italia (1887-1943); L’Araldo (1894-1895). D’autres titres sont mentionnés pour le XXe siècle (BONFIGLIO, 1994BONFIGLIO, Giovanni. Los italianos en la sociedad peruana. 2.ed. Lima: Unión Latina y Asociación Italianos del Perú, 1994., p. 213-214).
  • 6
    Pour une évocation globale de l’histoire de la communauté française au Pérou voir RIVIALE, 2008RIVIALE, Pascal. Una historia de la presencia francesa en el Perú del Siglo de las Luces a los Años Locos. Lima, Instituto Francés de Estudios Andinos-Instituto de Estudios Peruanos, 2008..
  • 7
    Probablement établie en réaction à ce qui était considérée comme une main mise sur la société de bienfaisance par une élite franco-péruvienne.
  • 8
    Il est à signaler que l’on ne connaît aucune organisation française équivalente dans le reste du pays, à l’exception d’une société française de bienfaisance à Tacna et Arica. Ces villes, situées sur la côte sud du pays, étaient très florissantes notamment grâce aux activités d’extraction des nitrates et avaient attiré une très importante communauté étrangère. En 1866 les résidents français de cette région s’organisèrent en association caritative afin de protéger les plus démunis et, peut-être aussi, afin de marquer ainsi leur spécificité.
  • 9
    Pour prendre seulement deux exemples, il y aurait eu une cinquantaine de journaux et au moins vingt-huit revues francophones publiés en Argentine au XIXe siècle et probablement autant au Brésil durant la même période. Voir https://www.culturaargentina.org.ar/archivos/COLECTIVIDADES/Francesa.pdf et le dossier « La presse francophone du Brésil » sous la direction de Valéria Guimarães (http://www.medias19.org/index.php?id=23741) (consultés en décembre 2018).
  • 10
    Sans pour autant en tirer des conclusions définitives, il est intéressant de se reporter au journal intime de Théodore Ber dans lequel il évoque quelques-uns de ses amis qui ne savaient pas lire ou bien parlaient mal le français du fait de leurs origines régionales (des Corses, des Provençaux, des gens du Sud-ouest de la France, où l’on parlait encore couramment en patois local, voire en langue vernaculaire). Le journal intime de ce personnage a été retrouvé il y a quelques années dans les greniers de la municipalité de Figeac ; nous en avons fait une édition partielle (RIVIALE; GALINON, 2013).
  • 11
    À la suite d’une longue crise diplomatique entre l’Espagne, le Pérou et le Chili, la Couronne d’Espagne envoya sur les côtes pacifiques de l’Amérique du Sud une escadre armée qui finit par bombarder les ports de Valparaiso (31 mars 1866) et du Callao (2 mai 1866). Cet épisode fut l’occasion pour la communauté française du Pérou d’affirmer sa solidarité avec son pays d’accueil (par exemple avec la création de sa propre compagnie de pompiers en avril 1866).
  • 12
    Pour donner une idée du grand écart opéré par ce journal dans son information, on y trouvait une chronique relatant le passage à Lima de l’ancien général sudiste Gustave Toutan de Beauregard (un Français originaire de la Nouvelle-Orléans), et le résumé d’un article relatif à une découverte archéologique faite par le préhistorien Garrigou vraisemblablement lu dans un journal français reçu à Lima.
  • 13
    « Le Journal du Pérou », El Comercio, 22 février 1872.
  • 14
    « Concierto », El Comercio, 1er mai 1872. Après la défaite de 1870 l’Allemagne avait imposé un lourd tribut de « réparation », en prenant comme gage l’occupation d’une partie du territoire français ; en conséquence, un peu partout dans le monde les communautés de résidents français s’étaient organisées pour réunir de l’argent destiné à payer cet impôt de guerre.
  • 15
    « Le Journal du Pérou », El Comercio, 21 mai 1872. Le capital du journal était alors de 30.000 soles, les actionnaires estimaient qu’il fallait le faire passer à 60.000 pour envisager une édition quotidienne.
  • 16
    Sous le titre on pouvait lire : « Politique, littérature, arts, sciences, industrie, commerce, tribunaux », définissant ainsi les domaines que se proposait d’aborder le journal. Ses bureaux étaient situés calle del Palacio, n°26 (donc à deux pas de la place d’Armes où se trouvait le palais présidentiel). Le montant de l’abonnement était de 6 soles par trimestre ou 20 par an.
  • 17
    Le Journal du Pérou, 16 juillet 1872.
  • 18
    Ibid. Ce texte est signé d’une certain Blaux de Bichebois.
  • 19
    L’auteur de ces souvenirs - Théodore Ber - venait de participer à la Commune de Paris : à son retour au Pérou sa mauvaise réputation l’avait mis au ban de la bonne société, dès lors il utilisait des pseudonymes pour publier ses articles dans les journaux de Lima.
  • 20
    C’est en fait le seul exemplaire qui subsiste à la Bibliothèque nationale du Pérou. Une annotation à la main sur cet exemplaire précise néanmoins que ce journal aurait fonctionné jusqu’en juin 1874. Le directeur général en était Théodore Thiele, un journaliste parisien arrivé à Lima en 1871. D’après les informations données en première page on sait que le périodique avait établi ses bureaux rue Ucayali, n°54, que ses ateliers typographiques étaient au n°138 de la rue del Cuzco, et que le prix de l’abonnement était de 2 soles par trimestre.
  • 21
    L’adresse donnée pour les bureaux de l’administration du journal est en fait celle de l’imprimerie de l’Univers, école industrielle de San Pedro ; il s’agit de l’imprimerie de Charles Prince, un compatriote installé à Lima depuis 1850 et qui était l’un des imprimeurs les plus renommés de la capitale.
  • 22
    On retrouve bien dans ce texte le ton mordant et sarcastique propre à Théodore Ber tel qu’on peut le lire dans son journal intime. Dans celui-ci il relate d’ailleurs sa rencontre à Puno quelques années plus tard (à la fin de l’année 1876) d’un certain Bussy, qui avait fait partie de l’équipe technique du Journal du Pérou, et qui prétendait vouloir fonder un nouveau journal dans cette ville - ce en quoi Ber ne le crut absolument pas. Journal de Théodore Ber, 1894-1896, archives municipales de Figeac, 1Z12.
  • 23
    Et il est à craindre que l’on n’en retrouve guère plus ailleurs, sauf à explorer les bibliothèques publiques et privées des pays voisins, où l’on pourrait espérer découvrir des exemplaires ayant été exportés. En tout cas, toutes nos recherches dans les fonds existant à Lima ont été vaines.
  • 24
    Soit 26 numéros (du 4 juillet au 26 décembre 1874). Ce volume est, comme le reste du fonds Théodore Ber, conservé aux archives communales de Figeac (sous la cote 1Z14).
  • 25
    Il se trouve au quelques années plus tard (entre 1879 et 1885) Ber alla s’installer dans cette colonie de la vallée de Chanchamayo. Ses propos sur les Indiens, notés dans son journal intime, se caractérisent par une certaine sympathie pour eux qui se démarque du mépris généralement affiché par les colons envers les Indiens de la forêt.
  • 26
    Les dépêches échangées entre l’agence Havas et son bureau à Lima de 1875 à 1887 sont conservées aux Archives nationales, à Pierrefitte-sur-Seine, sous la cote 5AR/57. Le premier représentant de l’agence enregistré au consulat de France à Lima était un certain Carette.
  • 27
    En 1880 il écrivait d’ailleurs ceci dans son journal intime : « Je trouvais cependant bien de mon goût la profession de journaliste, je m’y trouvais si à mon aise qu’il me vint à l’idée que c’était ma vocation ; depuis, j’ai travaillé à la création d’un petit journal en langue espagnole El Obrero et toujours gratis prodeo; aujourd’hui même je voudrais encore recommencer la même tâche sans plus de rémunération, c’est pour moi un besoin continuel que de noircir du papier au courant de la plume ». Journal manuscrit de Théodore Ber, Archives municipales de Figeac, 1Z7.
  • 28
    On ne connaît ce journal que par l’entremise des coupures de presse collées dans le manuscrit de Ber (là aussi sans doute il s’agit d’articles écrits par Ber lui-même). Dans une de ces coupures on voit qu’il est fait référence à des nouvelles reçues par les Échos du Pacifique (journal publié au Chili?) en 1886. Ibidem, 1Z11.
  • 29
    Une demande d’information auprès de l’ambassade de France au Pérou n’a malheureusement apporté aucune réponse ; on aurait toutefois pu penser que son centre de documentation dispose de quelques données sur le sujet.
  • 30
    Nous avons cité quelques titres italiens au début de cet article ; un journal en langue anglaise que nous avons pu repérer s’intitulait The South Pacific Times (publié au Callao à partir de 1872 et au moins jusqu’en 1874), cependant nous n’avons malheureusement jamais pu en trouver un seul exemplaire dans les bibliothèques péruviennes. À titre de comparaison, Christophe Pollet (archéologue français travaillant au Chili) nous a tout récemment déclaré avoir pu consulter une dizaine de titres de périodiques en langue anglaise publiés à cette même époque au Chili. Giovanni Bonfiglio souligne lui aussi les très importantes lacunes observées dans les fonds des bibliothèques et des archives concernant la presse italienne du Pérou (BONFIGLIO, 1994BONFIGLIO, Giovanni. Los italianos en la sociedad peruana. 2.ed. Lima: Unión Latina y Asociación Italianos del Perú, 1994., p. 213-214).

Publication Dates

  • Publication in this collection
    9 Sept 2019
  • Date of issue
    2019

History

  • Received
    05 July 2018
  • Accepted
    19 Dec 2018
Universidade Estadual Paulista Julio de Mesquita Filho Faculdade de Ciências e Letras, UNESP, Campus de Assis, 19 806-900 - Assis - São Paulo - Brasil, Tel: (55 18) 3302-5861, Faculdade de Ciências Humanas e Sociais, UNESP, Campus de Franca, 14409-160 - Franca - São Paulo - Brasil, Tel: (55 16) 3706-8700 - Assis/Franca - SP - Brazil
E-mail: revistahistoria@unesp.br