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Les almanachs francophones dans les Amériques: transferts, structures, évolutions

Os almanaques francófonos nas Américas: transferências, estruturas, evoluções

RÉSUMÉ

Le genre éditorial de l’almanach fit son entrée en Amérique avec la colonisation. Introduits en 1777 en Nouvelle France, avec l’Almanach Encyclopédique (Montréal) à la fin du XVIIIe siècle, en Louisiane au début du XIXe siècle, en Haiti et dans les Antilles françaises, puis en Nouvelle-Angleterre, en Californie et dans l’Ouest du Canada à partir du milieu du XIXe siècle, les almanachs francophones sont issus de processus de transferts culturels qui transformèrent successivement ce genre aux facettes multiples. Constituant le genre imprimé le plus répandu dans les sociétés des XVIIe au XIXe siècles, l’almanach revêtit des formes et des fonctions très diverses: les almanachs de large circulation comme le Guide du cultivateur (1830-1830) ou l’Almanach du peuple (1856) au Québec représentaient à l’époque souvent le seul imprimé diffusé parmi les couches populaires, à côté d’écrits religieux, tandis que l’Almanach des Dames (Nouvelle Orléans, XIXe siècle) ou l’Almanach Royal d’Haiti (1810-1815), par exemple, remplirent des fonctions spécifiques destinées à des publics élitistes. Le but de cet article est de dresser un tableau d’ensemble des formes, des fonctions sociales et de l’évolution de ce genre de première importance que représenta l’almanach dans les cultures médiatiques francophones dans les Amériques jusque dans les années 1920.

Mots-clés
almanachs; presse; transferts culturels; médias populaires

RESUMO

O gênero editorial de almanaque surge na América com a colonização. Introduzidos em 1777 na Nova França, com o Almanach Encyclopédique (Montréal) no fim do século XVIII, na Luisiana no início do século XIX, no Haiti e nas Antilhas francesas, posteriormente na Nova-Inglaterra, na Califórnia e no oeste do Canadá a partir do meio do século XIX, os almanaques francófonos são provenientes de processos de transferências culturais que transformaram sucessivamente este gênero com múltiplas facetas. Constituindo o gênero impresso mais difundido nas sociedades dos séculos XVII ao XVIII, o almanaque revestido de formas e de funções bastante diversas: no Québec, os almanaques de grande circulação como o Guide du cultivateur (1830-1830) ou o Almanach du peuple (1856) frequentemente representavam na época o único impresso difundido entre as camadas populares ao lado de escritos religiosos, enquanto que o Almanach des Dames (Nova Orleans, século XIX) ou o Almanach Royal d’Haiti (1810-15) por exemplo, preenchiam as funções específicas destinadas a públicos elitistas. O objetivo deste artigo é elaborar um quadro do conjunto das formas, das funções sociais e da evolução deste gênero de primeira importância que representou o almanaque nas culturas midiáticas francófonas nas Américas até os anos 1920.

Palavras-chave
almanaques; imprensa; transferências culturais; mídias populares

L’almanach - genèse et structure d’un genre éditorial de large circulation

L’almanach fut, pendant plus de quatre siècles, depuis la fin du XVe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle, et dans certaines sociétés et cultures comme le Québec jusque dans les années 1920, le genre éditorial de loin le plus répandu au sein de ce qu’on appelle la « presse »: c’est-à-dire des imprimés caractérisés par une parution régulière, une large diffusion publique et une focalisation sur l’actualité. Le genre éditorial de l’almanach, faisant ainsi partie intégrante du champ de production et de diffusion de la presse dans les sociétés de l’époque moderne (XVe-XIXe siècles), fut, en effet, dès son apparition à la fin du XVe siècle, caractérisé d’abord par une parution régulière, en l’occurrence annuelle, puis généralement par trois types de contenus: premièrement une partie calendaire, formant une sorte de « guide à travers le temps » de l’année, comportant généralement aussi les saisons, les jours de fête et les signes du zodiaque; deuxièmement une partie « éphémérides » (ou « relation historique »), retraçant les événements essentiels de l’année écoulée; et, enfin, troisièmement, une partie thématique variant fortement en fonction des objectifs et des publics de l’almanach. Dans les almanachs généralistes, visant un très large public, cette partie thématique comportait, outre de brefs récits, des proverbes et des anecdotes, souvent humoristiques, puis tout un ensemble de savoirs pratiques, tels des conseils pour l’hygiène du corps, des recettes de cuisine et des informations sur de nouvelles inventions, par exemple dans le domaine agricole ou industriel. Dans des almanachs spécialisés, par contre, comme les almanachs de cour, cette partie thématique renfermait des informations plus spécifiques, en l’occurrence sur l’étiquette de la cour, des anecdotes et récits sur des personnalités princières ou encore des nouvelles sur des événements sociaux, littéraires et culturels susceptibles de pouvoir intéresser un public aristocratique.

Probablement dérivé du mot arabe « al manâkh » , qui signifie « compter » et que l’on trouve à partir du XIIIe siècle, pour la première fois chez le mathématicien et astrologue marocain Ibn el Bannâ de Marrakech avec la signification de « tableau composé d’éphémérides du soleil et de la lune »1 1 H. P. J. Renaud, L’origine du mot « Almanach » Dans : Isis. International Review devoted to the history of science, XXXVII, n° 107-108, 1947, p. 44-46, ici p. 44, 45; voir aussi Auguste Denis: recherches bibliographiques et historiques sur les almanachs de la Champagne et de la Brie, précédées d’un essai sur l’histoire de l’almanach en général, compost, calendriers, etc. Châlons-sur-Marne, Chez l’Auteur, 1880, p. 1. , et se référant également au mot arabe « almanaha » qui signifie « Etrennes’2 2 Voir Genevève Bollème: Les almanachs populaires aux XVII e et XVIII e siècles. Essai d’histoire sociale. Paris / La Haye, Mouton, 1969, p.11. , le genre de l’almanach se trouva étroitement lié à la naissance et à l’évolution de l’imprimé en Occident dès la seconde moitié du XVe siècle. Le genre éditorial du calendrier, qui allait constituer un élément central de l’almanach, est, par contre, beaucoup plus ancien et fut diffusé, sous forme de manuscrit, dans de nombreuses cultures depuis l’antiquité. Sous sa forme imprimée, l’almanach se situe à la charnière entre l’oralité et l’écriture et pouvait être compris, selon le postulat de Geneviève Bollème, « sans savoir lire »: « composé de signes typographiques mais aussi de signes astrologiques, de figures, d’images; il est un livre que l’on peut interpréter et déchiffrer en sachant peu lire. »3 3 Ibid., p. 11.

Le tout premier calendrier (ou almanach) imprimé, portant le titre « Eine Mahnung der Christenheit wider die Türken » (« Une admonition de la chrétienté contre les Turcs ») et se terminant par la phrase « Eyn gut selig nuwe Jar » (« Une bonne et bénie nouvelle année »), conservé à la Bibliothèque de Munich, date de 1455 et fut très probablement imprimé dans les ateliers de Johannes Gutenberg à Mayence.4 4 Stephan Füssel: Johannes Gutenberg. Hamburg, Rowohlt, 2000, p. 55-60. C’était un imprimé de propagande incitant l’Empereur et les États de l’Empire Germanique à la croisade contre les Turcs, et utilisant à cette fin la forme du calendrier divisé en douze mois. Le Grand calendrier ou Compost des bergers, almanach de large diffusion publié dès 1491, peut être considéré comme un autre modèle du genre, puisqu’il combinait la partie calendaire avec des informations utiles aux agriculteurs et liées au changement des saisons, ainsi que des récits et sentences morales, et connut des éditions régulières jusqu’au XVIIIe siècle, notamment à Troyes et à Rouen, chez les mêmes éditeurs qui publièrent, à partir du début du XVIIe siècle, les livrets de la Bibliothèque Bleue. Une vingtaine d’éditions en français de cet almanach peut être relevée déjà au tournant du XVe siècle et pendant les premières décennies du XVIe siècle, auxquelles s’ajoutent des traductions, notamment en anglais, dès 1503, sous le titre The Kalendar of the Shepherdes. Bernhard Capp considère ce calendrier comme une sorte d’archétype du genre: « the archetypal French almanac Le Grand Calendrier Compost des Bergers» matched this pattern admirably. It contained a calendar which linked useful seasonal information with the unfolding stages of human life, and stressed the related themes of moral and physical well-being. This indeed became the care of the French almanac: « Le plus grand secret de ce Livre/ Est pour bien mourir de bien vivre. »5 5 Bernhard Capp: English Almanacs, 1500-1800. Astrology and the Popular Press. Ithaca, N.Y., Cornell University Press, 1979, p. 271.

Depuis la fin du XVe siècle, l’almanach étant l’organe de presse de loin le plus répandu et le plus populaire, connut un développement remarquable dans toutes les sociétés européennes. John Grand-Carteret ne dénombre, dans sa bibliographie de référence, pas moins de 3633 titres d’almanachs parus en France entre 1600 et 1865 qui s’avère néanmoins encore assez incomplète, surtout en ce qui concerne les séries populaires des almanachs, comme les Messagers boiteux, dont ne subsistent souvent que peu d’exemplaires.6 6 John Grand-Carteret: Les Almanachs français. Bibliographie - iconographie, 1600-1895. Paris, J. Alisle et &, 1896. Le genre éditorial de l’almanach recouvre, en effet, un très vaste ensemble, extrêmement varié, comportant de multiples sous-genres: ces derniers comprennent des almanachs populaires comme les multiples séries du Mathieu Laensbergh, ou Almanach de Liège ou du Messager Boiteux, parus également dans plusieurs langues (français, allemand, italien) et constituant souvent, à côté d’écrits religieux, le seul imprimé présent dans les foyers des paysans ou des artisans; mais aussi des almanachs de luxe, richement illustrés et élégamment reliés, comme la plupart des almanachs de cour, certains almanachs littéraires et les almanachs des dames.

Plusieurs colloques et publications collectives, liés à ces projets de recherche, en partie internationaux, réunissant notamment des historiens et des littéraires et à orientation interdisciplinaire7 7 Voir sur la nécessité et les enjeux d’une approche interdisciplinaire dans le domaine de l’étude des almanachs : Claire Gaspard : « L’interdisciplinarité à l’épreuve des almanachs de la fin du siècle. » Dans : Dix-Huitième Siècle, n°30, 1998, p. 165-177. , ont contribué à explorer pendant ces dernières décennies de manière systématique le vaste champ de production et de diffusion des almanachs à l’époque moderne, en parvenant à mettre en lumière aussi leurs multiples formes de circulation et d’adaptation notamment dans l’espace européen: tout d’abord le colloque Colportage et lectures populaires. Imprimés de large circulation en Europe, 16-19 e siècles organisé par Roger Chartier et Hans-Jürgen Lüsebrink en 1993 à la Bibliothèque de Wolfenbüttel en Allemagne8 8 Roger Chartier, Hans-Jürgen Lüsebrink (éds.) : Colportage et lectures populaires. Imprimés de large circulation en Europe, 16-19e siècles). Paris. IMEC Éditions, 1996. ; puis le colloque organisé en 1999 par Jean-Yves Mollier, Patricia Sorel et Hans-Jürgen Lüsebrink sur Les lectures du peuple en Europe et dans les Amériques (XVI e -XX e siècles) réunissant des études sur les almanachs de large circulation publiés dans une dizaine de pays d’Europe ainsi qu’au Brésil, au Canada et aux États-Unis9 9 Hans-Jürgen Lüsebrink, Jean-Yves Mollier, Patricia Sorel (éds.) : Les lectures du peuple em Europe et dans les Amériques (XVI e -XX e siècles). Paris, Éditions Complexe, 2003. ; et, enfin, les actes du colloque de São Paulo consacré en particulier aux almanachs sud-américains organisé par Marlyse Meyer en 1999 et publié en 2001.10 10 Marlyse Meyer (éd.): Do Almanak aos Almanaques. São Paulo: Ateliê Editorial, 2001. Les recherches, notamment celles de Geneviève Bollème en France ainsi que celles de York-Gothart Mix et de Susanne Greilich en Allemagne, focalisées sur les almanachs populaires en langue française11 11 Geneviève Bollème : Les almanachs populaires au XVII e et XVIII e siècles. Essai d’histoire sociale. Paris / La Haye, Mouton, 1969. Susanne Greilich : Französischsprachige Volksalmanache des 18. Und 19. Jahrhunderts. Strukturen, Wandlungen, intertextuelle Bezüge. Heidelberg, Winter Universitätsverlag, 2004; Susanne Greilich, York-Gothart Mix (éds.) : Populäre Kalender im vorindustriellen Europa : der « Hinkende Bote »/’Messager Boiteux ». Kulturwissenschaftliche Analysen und bibliographisches Repertorium. Ein Handbuch. Berlin, New York, De Gruyter, 2006. , d’une part, et sur les almanachs en langue allemande en Europe et aux États-Unis,12 12 York-Gothart Mix: Kalender ? Ey, wie viel Kalender ! [Texte imprimé] : literarische Almanache zwischen Rokoko und Klassizismus. Ausstellung im Zeughaus der Herzog August Bibliothek Wolfenbüttel vom 15. Juni bis 5. November 1986. Katalog und Austellung, Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, 1986; York-Gothart Mix, en coll. avec Bianca Weyers et Gabriele Krieg (éds.) : Der Kalender als Fibel des Alltagswissens. Tübingen, Niemeyer, 2005 ; York-Gothart Mix : Deutsch-amerikanische Kalender des 18. Und 19. Jahrhunderts/ German-American Almanacs of the 18th and 19th centuries. Bibliographie und Kommentar/ Bibliography and Commentary. Berlin, New York, De Gruyter, 2012, 2 vols. d’autre part, ont établi des typologies précises concernant les grandes formes d’almanachs, ceux de large circulation (« populaires ») et ceux de diffusion plus restreinte, tout en fournissant des instruments bibliographiques précieux pour de futures recherches. Elles ont également montré le caractère foncièrement transnational et tranculturel du genre de l’almanach à l’époque moderne: de nombreux formats éditoriaux d’almanachs comme les « Messager Boiteux » et les « Mathieu Laensbergh », en ce qui concerne les almanachs de large circulation, mais aussi des almanachs s’adressant aux élites sociales, comme les almanachs des Muses, étaient présents dans de multiples champs linguistiques et culturels en Europe et furent transférés d’une aire culturelle à une autre à travers des processus de traduction, mais aussi d’imitation et d’adaptation; nombre d’almanachs en langue française ne furent pas publiés, entre la fin du XVIIe et le début du XIXe siècle, en France, mais dans d’autres pays européens, comme la Hollande, la Suisse, dans les principautés d’Allemagne, en Russie et en Pologne; et certains almanachs destinés aux élites comme l’Almanach de Gotha connurent, de même que d’autres formes de la presse propres aux XVIIe et XVIIIe siècle comme les « gazettes » et les « correspondances littéraires », une diffusion à l’échelle européenne, de Milan à Saint-Pétersbourg, en passant par Paris, Amsterdam et Berlin.13 13 Hans-Jürgen Lüsebrink, York-Gothart Mix, en coll. avec Jan Fickert et Bianca Weyers (éds.) : Französische Almanachkultur im deutschen Sprachraum (1700-1815). Göttingen, V&R Unipress, 2013.

Transferts transatlantiques

Le genre de l’almanach connut, dans le sillage de l’expansion coloniale européenne outre-mer, une implantation dans toutes les cultures coloniales, avec des rythmes et des intensités très différents liés à la présence inégale de l’imprimerie. On vit ainsi apparaître, au XVIIe siècle dès les années 1630, les premiers almanachs créés sur des modèles européens en Nouvelle-Angleterre. En 1638 parut aux États-Unis le tout premier almanach, inspiré en l’occurrence des modèles britanniques, intitulé Almanack for 1639, publié par William Pierce chez l’éditeur Stephen Day à Cambridge, dans le Massachusetts14 14 Milton Drake, Almanacs of the United States, New York, The Scarecrow Press, 1962, vol. 1, p. 271. . Dès la fin du XVIIIe siècle parurent les premiers almanachs en langue espagnole en Amérique Latine, à Lima et à Mexico.

Les colonies françaises dans les Amériques virent les premiers almanachs apparaître seulement à partir des années soixante-dix du XVIIIe siècle, à cause de l’interdiction imposée par le pouvoir royal français d’établir des imprimeries et des maisons d’édition dans les colonies. Paradoxalement, ce fut donc la fin du régime colonial français suite à la conquête britannique ou, dans le cas d’Haiti, la Révolution Française et l’Indépendance de l’ancienne colonie de Saint-Domingue, qui rendirent possible l’émergence et la production, à côté d’autres imprimés et organes de presse, de séries d’almanachs francophones dans les Amériques. À la fin de l’année 1777 fut ainsi publié par Fleury Mesplet, un imprimeur d’origine française qui avait travaillé avec Benjamin Franklin à Philadelphie avant d’aller s’installer à Montréal, le premier almanach-canadien-français, l’Almanach Encyclopédique, portant le sous-titre: Chronologie des faits les plus remarquables de l’histoire universelle, depuis Jésus-Christ; avec des anecdotes utiles et intéressantes, qui fut rapidement suivi par d’autres titres d’almanachs en français ou en version bilingue français-anglais, tel l’Almanach de Québec / The Quebeck Almanack publié à partir de 1780 (jusqu’en 1840) par l’éditeur Guillaume Brown à Québec.15 15 Montréal, chez Fleury Mesplet et Charles Berger, 1777. Voir sur ce sujet : Hans-Jürgen Lüsebrink : „Le livre aimé du peuple« . Les almanachs québécois de 1777 à nos jours. Québec Les Presses de l’Université Laval, 2014. Voir sur l’Almanach de Québec aussi : P. Penigault-Duhet : „ Colonialisme et sentiment national : L’Almanach de Québec de 1780 à 1815.« Dans : Études Canadiennes, n°9, 1980, p. 23-30.

En ce qui concerne la production d’almanachs en langue française aux États-Unis, elle débute à partir de la fin du XVIIIe siècle, d’abord en Nouvelle-Angleterre, notamment au Massachusetts, dans l’état de Rhode-Island et à New York, puis en Louisiane. On trouve également, de manière plus éphémère, des almanachs de langue française dans d’autres états, notamment en Pennsylvanie au début du XIXe siècle et en Californie à la fin des années 1840, à l’époque de la ruée vers l’or. Y parurent en particulier au milieu du XIXe siècle l’Almanach Franco-Californien. Petit Journal « Directory » des Français de la Côte du Pacifique16 16 San Francisco, L. Grégoire et Cie., 1876 suiv. , l’Almanach californien indiquant les meilleurs moyens d’aller s’enrichir en Californie publié autour de 185017 17 Un exemplaire pour l’année 1850 se trouve à la Bibl. Nationale de France sous la cote 8°-V-529 (26). et, dans les années 1920, l’Almanach des Français en Californie édité à San Francisco.18 18 San Francisco, George Lanson, 1920-25.

Le premier almanach en langue française aux États-Unis est l’almanach portant le titre Étrennes historiques et intéressantes contenant l’Abrégé géographique du royaume de France, avec un mélange curieux d’anecdotes, d’événements remarquables, &c. &c. pour l’année de grâce 1786, qui parut à Boston en 1786.19 19 Étrennes historiques et intéressantes contenant l’Abrégé géographique du royaume de France, avec un mélange curieux d’anecdotes, d’événements remarquables, &c. &c. pour l’année de grâce 1786. Boston, chez l’imprimeur des États-Unis d’Amérique, 1786, 36 feuilles in-32°. Bibl. Nationale de France RES 8°Z.Adler 722. Mises à part l’indication de son lieu de parution (Boston), la précision publié par « l’imprimeur des États-Unis » et une brève rubrique de deux pages sur les nouvelles d’Amérique20 20 Ibid., feuille 26 recto et verso. , cet almanach ne comporte presque pas de références au Nouveau-Monde. Son contenu se limite essentiellement, outre à la partie calendaire, à des aperçus sur l’histoire de France et sa géographie, à des informations sur le régime monarchique français et la maison de France, à des statistiques ainsi qu’à des éphémérides concernant les événements arrivés en France et en Europe pendant l’année précédente.

Cet almanach, très vraisembablement éphémère, fut suivi en 1799 par l’Almanach Américain de Philadelphie, un almanach plus spécifiquement destiné à un public de lectrices et renouant avec la tradition européenne des almanachs littéraires. Il contient, en effet, principalement des gravures représentant des costumes à la mode, et des textes portant sur le luxe et le vêtement. La production d’almanachs francophones aux États-Unis fut ensuite dominée par les almanachs louisianais, comme l’Annuaire Louisianais publié dès le début du XIXe siècle ou l’Almanach, annonces de la librairie publiés chez l’éditeur Jaquet à la Nouvelle-Orléans dans les années 1870.21 21 Un exemplaire de cet almanach pour l’année 1870 est conservé à la Bibl. Nationale de France sous la cote 8-Q-10. Des almanachs littéraires dont l’Almanach de la Louisiane et l’Almanach de la Renaissance, parus tous deux à la Nouvelle-Orléans entre les années 1850 et la fin du siècle, témoignent d’une riche et vivante culture de langue française en Louisiane, qui ne commença à décliner qu’à partir de la fin de la Guerre de Sécession. L’Almanach de la Renaissance, le dernier almanach en langue française qui connut une large diffusion en Louisiane, se présenta en 1868 comme le périodique de la « grande famille franco-louisianaise » contenant un « choix de matières variées, intéressantes, et parmi lesquels l’élément local a une large part. 22 22 « Préface » . Dans: Almanach de la Renaissance, pour 1869 (Nouvelle Orléans, 1868), s.p. Après le recul et l’effacement de la production d’almanachs francophones en Louisiane au début du XXe siècle, la Nouvelle-Angleterre, qui connut à partir des années 1880 une forte immigration canadienne-française, demeura le dernier bastion, jusque dans les années 1930, d’une importante presse en langue française aux États-Unis, dont les almanachs formaient le noyau le plus populaire et pendant longtemps le mieux diffusé.

Les premiers almanachs parus en Guyane et dans l’espace culturel antillais furent publiés à partir de la fin du XVIIIe siècle, dans le sillage de la Révolution Française qui créa un nouvel espace public et médiatique. En 1790 parut l’Almanach de Cayenne pour l’année 179023 23 L’almanach porte le titre complet: l’Almanach de Cayenne pour l’année 1790, dans lequel on trouve l’heure de la haute mer, matin & soir, pour tous les jours de l’Année, la force qu’auront les marées, des nouvelles & des pleines Lune, & une instruction nautique pour les Navigateurs qui veulent atterrir sur les côtes de la Guiane Française. Cayenne, Imprimerie du Roi, [1789], 60 p. , qui fut suivi, dans les petites Antilles françaises, par l’Almanach de la Martinique24 24 Fort-Royal, puis Fort-de-France, 1837 suiv. L’almanach fut remplacé en 1860 par l’Annuaire de la Martinique. publié à partir de 1837 et l’Almanach de la Guadeloupe et Dépendances25 25 Basse-Terre, 1844 suiv. publié à partir de 1845, tous calqués sur le modèle des almanachs administratifs départementaux introduits en France métropolitaine pendant la Révolution Française et l’Empire. Les premiers almanachs haïtiens en langue française furent publiés à partir de 1817, parallèlement dans le Royaume d’Henri Christophe dans le nord de l’île, qui utilisa son Almanach Royal d’Hayti pour la légitimation de son pouvoir, et dans la République d’Haïti au sud de l’île, où parut à la même époque l’Almanach Républicain d’Haïti.26 26 Voir aussi sur ce sujet Hans-Jürgen Lüsebrink: « Transferts culturels et légitimation postcoloniale du pouvoir - l’émergence de la presse et de la littérature haïtienne pendant le règne du Roi Christophe en Haïti. » Dans: Ottmar Ette/ Gesine Müller (éds.): Caleidoscopios coloniales. Transferencias culturales en el Caribe del siglo XIX. Kaléidoscopes coloniaux. Transferts culturels dans les Caraïbes au XIX e siècle. Madrid / Frankfurt M., Iberoamericana / Vervuert, 2010, p. 305-325 Alors que l’almanach commandé par le Roi Christophe était calqué sur la tradition de l’Almanach Royal de France publié à partir de 1700 à la cour de Louis XIV, l’Almanach Républicain d’Haïti prit, lui, comme modèle des almanachs de la Révolution française, en utilisant une stratégie de légitimation et de construction identitaire dirigée non pas - comme en France - contre les ennemis de la République, mais contre l’ancienne puissance coloniale qui ne reconnut l’indépendance d’Haiti qu’en 1826:

Les Français pensent avoir des droits sur nous: droits qui, certainement, ne sont pas ceux de la nature. Ils veulent nous ravir notre liberté, cette liberté pour laquelle ils ont combattu l’Europe entière, mais en vain, durant 25 années. Qu’est Hayti dans l’état présent des choses? Est-elle une possession de la France ou ne l’est-elle point? C’est une grande question, une question si importante, si délicate, qu’on paraît craindre d’y toucher, même dans un traité définitif entre les grandes Puissances de l’Europe. Puisque nous n’avons point d’Avocat pour plaider notre cause, nous la plaidrons seuls au Tribunal de la conscience des hommes de tous les pays et de toutes les couleurs.27 27 Almanach Républicain d« Haiti (Port-au-Prince, 1818, p. 28.

Jean-Baptiste Wallez, comparant les deux almanachs publiés simultanément dans l’ancienne colonie française, constata, dans son Précis Historique des négociations entre la France et Saint-Domingue paru en 1826, que l’Almanach Républicain, rédigé par l’écrivain et journaliste haïtien François Desrivières Chanlatte28 28 Le Censeur européen, ou Examen de diverses questions du droit public, et de divers ouvrages littéraires et scientifiques, considérés dans leurs rapports avec les progrès de la civilisation, par MM. Comte et Dunoyer. Paris, Bureau du Censeur Européen, 1818, p. 317. , présente un « contraste frappant avec l’almanach royal de Christophe »:

Après les détails ordinaires sur le calendrier, on trouve ici la liste des souverains de l’Europe, que précèdent immédiatement les deux chefs des républiques américaines, reconnues, à cette époque, dans les relations diplomatiques: Alexandre Pétion, né le 2 avril 1770, élu président d’Haïti en mars 1807, réélu en mars 1811, en mars 1815 et élu président à vie le 9 octobre 1816; - États-Unis: Jamers Monroe, élu président le 15 mars 1817. On ne parle point du roi voisin, Christophe ou Henri 1er. Suivent quelques détails sur l’île d’Haïti.29 29 (Jean-Baptiste G.) Wallez : Précis historique des négociations entre la France et Saint-Domingue, suivi de pièces justificatives et d’une notice biographique sur le général Boyer, président de la République d’Haiti. Paris, Ponthieu, Peytieux, Treuttel&Würtz, 1826, p. 344.

Ces almanachs de cour haïtiens furent suivis au milieu du siècle par l’Almanach impérial d’Haïti édité sur ordre de l’Empereur haïtien Faustin Soulouque (1849-1859) s’inspirant, comme pour l’étiquette extravagante imposée à sa cour, des cours impériales de Napoléon Ier et de Napoléon III30 30 Voir sur ce sujet Carl Hermann Middelanis : Imperiale Gegenwelten. Haiti in den französischen Text - und Bildmedien (1848-1870). Frankfurt / Main, Vervuert, 1996; John E. Baur : « Faustin Soulouque, Emperor of Haiti. His Character and His Reign. » Dans : The Americas, vol. 6, n°2, october 1949, p. 131-166. . Cet almanach prit comme modèle l«Almanach Impérial de France édité sous le Premier Empire entre 1805 et 1814, révélant ainsi des processus de transferts culturels qui ont marqué l’ensemble des almanachs francophones depuis leurs origines.

Si l’implantation de l’almanach en tant que genre éditorial fait, dans son ensemble, partie du transfert de la culture imprimée européenne vers les espaces coloniaux outre-mer, qui étaient en grande partie des cultures orales, ou marquées par des systèmes de communication picturaux, l’émergence des différents genres d’almanachs était, pour sa part, souvent liée à des filiations de transferts précis. L’Almanach encyclopédique publié par Fleury Mesplet à partir de 1777 à Montréal avait ainsi pour modèle les almanachs savants français, comme l’Almanach littéraire de Nancy, que Mesplet avait connus lors de ses années comme apprenti imprimeur à Lyon.31 31 Voir sur Fleury Mesplet: Jean-Paul De Lagrave: Fleury Mesplet (1734-1794). Diffuseur des Lumières au Québec. Montréal: Patenaude, 1968; réedition sous le titre: L’Époque de Voltaire au Canada. Biographie politique de Fleury Mesplet (1734-1794). Montréal: L’Étincelle Éditeur, 1993. Les deux almanachs des dames publiés quasi simultanément autour de 1800 à la Nouvelle-Orléans (1809) et à Québec (1807) étaient pour leur part directement calqués sur le modèle des almanachs des dames européens parus d’abord en France à partir de 1764, puis ensuite, sous le titre de Damenalmanache, dans les pays de langue allemande. Ils connurent, avec la série de l’Almanach des Dames publiée par les éditeurs Cotta à Tübingen en Allemagne et Treuttel & Würtz à Strasbourg et à Paris un large succès pendant toute la première moitié du XIXe siècle.32 32 Voir sur cet almanach : Hans-Jürgen Lüsebrink, Annika Haß : « L’Almanach des Dames (1801-1840) als Medium weiblicher Geschmacksbildung und Forum ‚feministischer Debatten ». » Dans: Hans-Jürgen Lüsebrink/ York-Gothart Mix, en collaboration avec Jan Fickert und Bianca Weyers (éds.): Französische Almanachkultur im deutschen Sprachraum (1700-1815). Gattungsstrukturen, komparatistische Aspekte, Diskursformen. Göttingen, V & R unipress, 2013 (Coll. « Deutschland und Frankreich im wissenschaftlichen Dialog / Le dialogue scientifique franco-allemand » , vol. 3), p. 279-307

L’almanach Le Guide du Cultivateur, ou Almanac de la Température publié à Montréal entre 1830 et 1837 par l’imprimeur et journaliste Ludger Duvernay est issu d’un réseau de filiations très complexe et met en lumière certaines formes d’appropriation créative - que l’on peut aussi définir comme « réception productive » - particulièrement significatives.33 33 Voir sur cette l’approche des transferts culturels et la terminologie utilisée, l’article cité de Lüsebrink, « Transferts culturels » (2014). L’indication, sur la page de titre, « D’après les Almanachs allemands », se réfère, en effet, à deux matrices-modèles. D’une part il s’agit de la série des Messager Boiteux, un genre d’almanachs populaires paru parallèlement en langue allemande et en langue française, et très répandu d’abord dans l’espace rhénan, puis plus largement dans les aires linguistiques et culturelles francophone et germanophone entre le milieu du XVIIe et le milieu du XIXe siècle. Ce type d’almanach populaire fut également à l’origine du premier almanach en langue allemande publié au Canada, le Neu-Schottländischer Kalender (« Calendrier de la Nouvelle-Écosse ») paru à Luneburg en Nouvelle Ecosse à partir de 1788. 34 34 Voir sur cet almanach : Anne Dondermann : Anthony Henry, « « Lilius », and the Nova-Scotia Calendar. » Dans : Papers of the Bibliographical Society of Canada, vol. 29,2, automne 1991, p. 32-50. Ludger Duvernay reprit de ce type d’almanach - directement ou par l’intermédiaire du Neu-Schottländischer Kalender - le format in-quarto, la disposition des pages et certains éléments de la structure du contenu (notamment les éphémérides et les prédictions) ainsi que le dispositif typographique.

Le second type d’almanach auquel le Guide du Cultivateur fait explicitement référence, est la série des almanachs de Mathieu Laensbergh, également appelé « almanachs de Liège », éditée à partir du milieu du XVIIe siècle d’abord à Liège, puis dans de nombreuses autres villes en Wallonie et en France.35 35 Voir sur ce type d’almanach la thèse en co-tutelle (Montréal-Saarbrücken, soutenance en 2017, en voie de publication) de Simon Dagenais: L’Almanach de « Mathieu Laensbergh» : l’émergence d’une marque. L’almanach de Liège renouait avec la tradition des prophéties de Nostradamus publiées dès le XVIe siècle et faisait prononcer par l’intermédiaire de Mathieu Laensberg, figure de mathématicien se présentant en même temps comme narrateur, éditeur et rédacteur de l’almanach, non seulement des commentaires sur les événements d’actualité, mais également des prophéties sur l’avenir. Ludger Duvernay, qui évoque explicitement la figure de Mathieu Laensberg dans son propre almanach, mit dans sa bouche des « prédictions » non pas énigmatiques, se prêtant à de multiples interprétations (comme c’était le cas pour les prophéties de Nostradamus et du Mathieu Laensberg dans les almanachs européens), mais au contraire des propos foncièrement politiques se référant à la situation du Bas-Canada des années 1830 et à la veille de la révolte des Patriotes de 1837-38.

Le genre discursif de la prophétie, très présent dans les almanachs populaires européens des XVIIe et XVIIIe siècles, se transforma ainsi dans le Guide du Cultivateur en un acte de langage incitant les lecteurs à une prise de conscience politique et à l’action, voire à l’insurrection. Les lecteurs de l’almanach canadien-français pouvaient ainsi lire dans l’édition pour l’année 1836, un an avant l’irruption violente de la révolte des patriotes qui allait embraser le Bas-Canada et durablement changer les rapports entre populations francophones et anglophones au Canada, sur le plan politique, mais aussi sur le plan social et culturel, une très politique « Prédiction de Mathieu Laensbergh. » Cette prédiction, qui est également empreinte d’une dimension utopique certaine, fut placée, au sein de l’almanach de Ludger Duvernay, dans la partie calendaire, précédant les « éphémérides », c’est-à-dire la relation chronologique des événements de l’actualité immédiate, celle de l’année écoulée:

Peuples, debout! Lisez au livre de l’avenir et instruisez-vous; la liberté se prépare à ses fiançailles, elle invite à un banquet toutes les nations du monde, les voilà, elles se parent comme des jeunes filles, elles ont débarrassé leurs fortes épaules des haillons de la tyrannie. Mais les hommes rois, et ceux qui se vautrent dans les plaisirs de leurs semblables, ont rué sur les peuples des hordes de soldats, mais en vain. La hache américaine bâtira des villes à ses nombreux habitants, à l’ombre de ses forêts l’industrie par ses merveilleuses découvertes, ouvrira au travail de l’homme des routes inconnues; de nouvelles Républiques surgissent du désert, car les lumières et le patriotisme forment les nations, les peuples vertueux n’ont pas besoin de roi! Des colonies deviendront indépendantes, presque sans combats, la lutte sera courte, le pouvoir des circonstances opérera ce grand changement. (...). La liberté fera le tour du monde. Peuples, levez-vous, marchez vers le progrès!36 36 « Prédictions de Mathieu Laensbergh pour 1836. » Dans: Le Guide du Cultivateur pour 1836. Montréal, Ludger Duvernay, [1835], s.p. [p. 2]. Nous avons respecté l’orthographe du texte original qui indique « ont rué sur » à la place de « se sont rués sur. »

La reprise à la fois de la formule éditoriale des almanachs populaires européens de type « Messager Boiteux » et « Almanach de Liège », ainsi que celle de la figure de Mathieu Laensbergh, à la fois narrateur de l’almanach et prophète de l’avenir, constitue une forme significative et radicale de transfert culturel que l’on pourrait définir comme une réception (ou appropriation) « productive.’37 37 Nous suivons ici la terminologie développée dans Hans-Jürgen Lüsebrink: « Les transferts culturels: théorie, méthodes d’approche, questionnements. » Dans: Pascal Gin, Nicolas Goyer, Walter Moser (éds.): Transfert: exploration d’un champ conceptuel. Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2014 (Coll. « Transferts culturels »), p. 25-48. D’autres processus de transfert de formats d’almanachs d’Europe vers les Amériques francophones pourraient plutôt être caractérisés comme des processus d’imitation ou d’adaptation interculturelles. Les deux almanachs des dames parus à la même époque, autour de 1800, à la Nouvelle-Orléans et à Québec, suivirent par exemple de près les modèles des almanachs des dames européens, tout en intégrant des textes et des informations relatifs à l’Amérique du Nord et en témoignant d’une fascination certaine de la part de territoires appartenant à une périphérie lointaine et coloniale pour les raffinements, la mode et le goût du luxe qui caractérisent la métropole parisienne post-révolutionnaire et napoléonienne.

Pour ce qui concerne le très éphémère Almanach des Dames pour l’année 1807, son auteur Louis Plamondon, avocat de profession et plus tard secrétaire de la Société Littéraire de Québec, a sans conteste « plagié en bonne partie des ouvrages similaires en France »38 38 John Hare, Jean-Pierre Wallott: Les imprimés dans le Bas-Canada, 1801-1840. Bibliographie analytique. Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1967, t. 1, 1801-1810, p. 98. , comme par exemple l’Almanach des Dames édité par Cotta et Treuttel & Würtz. On trouve dans l’almanach de Plamondon des textes de Félicité de Genlis et de Fontenelle, des idylles et des éclogues ainsi que des chansons comme celle intitulée « Confession de Bonaparte » qui reflètent le désir d’imiter en Nouvelle-France une culture littéraire à la fois mondaine et classique. Seul le long poème publié au début de l’almanach, intitulé « Epître consolatrice à Mr. L... qui se plaignait que ses talens & ses vues n’étaient pas récompensés par le Gouvernement » fait référence à la situation au Canada francophone: à savoir la fragilité et le manque de reconnaissance frappant des écrivains dans le nouveau champ littéraire émergeant dans une Nouvelle-France devenue colonie anglaise en 1763. L’auteur resté anonyme du poème, très probablement Louis Plamondon lui-même, se plaint amèrement de l’indifférence de la société et des responsables politiques pour les talents des hommes de lettres, en invoquant même, comme contre-modèle, l’attitude, exemplaire à cet égard, des Amérindiens:

Tu te tues à rimer, personne n’en tient compte? O temps! Ô moeurs! Ô honte! Eh que dirons de nous l’Algonquin, l’Iroquois ou le Topuinam- bous. Chez eux, l’homme d’esprit hardiment peut paraître Quiconque a du talent au moins se fait connaître, Et ne se rendent-ils pas des hommages di- vins Aux Jongleurs, aux Sorciers, Astrolo- Gues ou Divins! Parcours tout l’univers, de l’Inde en Italie Tu verras que partout on fête le génie; Mais ici, point du tout: l’ingrat Canadien Aux talens de l’esprit n’accorde jamais Rien.39 39 « Epître consolatrice à Mr. L... qui se plaignait que ses talens & ses vues n’étaient pas récompensés par le Gouvernement. » Dans: Almanach des Dames pour l’année 1807. Par un jeune Canadien. Québec, Imprimé à la Nouvelle-Imprimerie, [1806], 64 pages, ici p. 20-32, ici p. 23-24.

Introduisant ainsi, au sein d’un almanach dans l’ensemble peu original, dans lequel domine une tonalité badine avec quelques accents lyriques, une dimension propre, un discours défendant les poètes et écrivains canadiens-français et revendiquant la place qui leur revient dans la société, Plamondon affiche clairement sa différence par rapport au discours dominant de la métropole française. En même temps il s’adresse, dans un « Avertissement » placé au début de l’almanach, à ses lecteurs qui « voudront bien l’enrichir de leur productions » en leur demandant d’envoyer leurs manuscrits à l’adresse de Mr. Young, relieur à Québec. Cet almanach qui ne put paraître, malgré les espoirs et tout l’engagement de son rédacteur, que pendant une seule année, s’avère ainsi être, à y regarder de plus près, bien plus qu’une simple imitation insipide, mais au contraire, par certaines de ses composantes très révélatrices, comme une œuvre revendiquant son originalité et son autonomie par rapport aux modèles européens.

Les transferts culturels, dans le domaine des almanachs, entre les cultures anglophones et les cultures francophones ont également joué un rôle socio-politique que l’on ne saurait sous-estimer. L’impact importante du sous-genre des « almanachs-annuaires », caractéristique pour le format éditorial de l’almanach dans les cultures savantes - à côté du genre des « Farmer’s Almanacks » dans les cultures populaires - peut être mesuré en particulier parmi la production d’almanachs francophones en Nouvelle-Angleterre. Dans le sillage de l’émigration de près d’un million de Canadiens français en Nouvelle-Angleterre entre 1870 et 1930 naquirent plusieurs dizaines de séries d’almanachs francophones dont les plus diffusés reprirent, tout en l’adaptant, la formule éditoriale des « Directory » anglais et anglo-américains qui combinaient la forme de l’annuaire (« directory ») avec un calendrier en y ajoutant certaines composantes des almanachs de tradition française, comme des anecdotes et surtout des conseils pratiques. L’Almanach et Directorium Français des États-Unis, à l’usage des populations françaises de l’Amérique du Nord, publié à New York à partir de 1845 jusqu’à la fin du XIXe siècle, contient ainsi essentiellement un annuaire détaillé de la population francophone de New York, mais également des « Éphémérides de l’histoire américaine » s’étalant sur huit pages. L’Almanach Franco-Américain / French American Directory publié à New York, en version partiellement bilingue jusqu’à la fin des années 1920 et destiné aux Français (et non pas en premier lieu aux Canadiens-Français) immigrés ou séjournant occasionnellement aux États-Unis, comportait notamment une histoire de « La Colonie Française de New York »40 40 L’Almanach Franco-Américain / French American Directory, pour l’année 1928, New York, p. 321-325 ainsi qu’un tableau détaillé de la « Population de Langue Française aux États-Unis par régions géographiques, par États et par villes principales » qui comptait, selon l’édition de 1928 de l’almanach, 1,290,110 personnes. »41 41 ibid., p. 312-316, ici p. 312.

Les almanachs franco-américains répondaient également, comme leurs modèles européens et canadiens-français, à un besoin d’information pratique: on trouve ainsi dans l’almanach cité précédemment des statistiques, une carte des États-Unis, des indications sur les distances entre les différentes villes ainsi que sur les routes, les postes et les chemins de fer; des informations sur les institutions et les lois américaines ainsi que, à la fin de l’almanach, un volumineux « Directorium général des noms » comportant les villes, les noms et les professions des abonnés.42 42 Almanach et Directoire Français des États-Unis pour 1866 ,à l’usage des populations françaises de l’Amérique du Nord. New York, par le Docteur J.D.L. Zender [1864], p. 81. Dans certains almanachs, comme l’Almanach et Directorium Français des États-Unis de 1857, cette partie informative occupait la plus grande partie de la surface rédactionnelle, qui était elle-même divisée en deux grandes parties: le « Directorium des Affaires à New York » , traduit dans l’almanach par « Business Directory » , et le « Directorium Général des noms » , traduit par « Name’s Directory » et comportant une « Liste genérale des adresses des Français et autres nations répartis selon l’ordre des villes.43 43 Almanach et Directorium Français des États-Unis pour l’année 1857. À l’usage des populations françaises. New York, 1856, p. 119-124 et 124-147.

Les almanachs pharmaceutiques, associant publicité et information et liés à des entreprises pharmaceutiques qui connurent une large diffusion aux États-Unis, mais aussi au Brésil au XIXe et au début du XXe siècle44 44 Voir sur ce sujet: Margareth Brandini Park: Histórias e Leituras de Almanaques no Brasil. Campinas, SP, Mercado de Letras, 1999; Marlyse Meyer (éd.): Do Almanak aos Almanaques. São Paulo, Ateliê Editorial, 2001, p. 127-140 (« Almanaques de Farmácia »). , connurent également, aux États-Unis comme au Canada, des adaptations en langue française pour un public francophone. À partir des années 1850 parut ainsi à Lowell, dans l’État du Massachusetts, l’Almanach Américain, de Dr. Ayer, à l’usage des fermiers, planteurs, artisans, et des familles en général, la version française du Ayer’s American Almanach publié par la compagnie pharmaceutique J.C. Ayer que l’éditeur présenta comme suit:

Dans ce petit Manuel nous donnons au public un calendrier exact dans l’ordre des saisons, et aussi une information d’un intérêt vital pour la santé de tous. Ces remèdes que nous annonçons ont été composés pour guérir les principales maladies qui nous affligent dans ces latitudes des États Américains.45 45 « Note de l’éditeur. » Dans : l’Almanach Américain, de Dr. Ayer, à l’usage des fermiers, planteurs, artisans, et des familles en général. Lowell, Ayer and Company, 1858, p. 1.

Un des almanachs anglophones les plus répandus en Amérique du Nord, le Poor Richard’s Almanack de Benjamin Franklin publié à Philadelphie entre 1732 et 1757 et qui atteignit des tirages considérables atteignant plus de 10.000 exemplaires46 46 Antonio Pace : Benjamin Franklin and Italy. Philadelphia, American Philosophical Society, 1958, p. 209. , ne fut pas directement imité par des faiseurs d’almanachs francophones, mais il eut cependant un impact indirect non-négligeable. Les traductions en français de l’almanach qui parurent à partir des années 1770 furent aussi largement diffusées au Canada français. Franklin et le narrateur de son almanach, Richard Saunders surnommé « Bonhomme Richard », devinrent ainsi également des figures d’identification emblématiques dans les almanachs populaires québécois du XIXe siècle, comme l’Almanach du Peuple, qui publia par exemple en 1882 des extraits de l’almanach de Franklin sous le titre: « La Science du Bonhomme Richard ou le chemin de la fortune. Tel qu’il est très clairement indiqué dans le vieil almanach de Pennsylvanie intitulé: « L’Almanach du Bonhomme Richard. »47 47 Almanach du Peuple pour 1882 (Montréal, Beauchemin), p. 37-62, ici p. 37. . Franklin et son personnage Richard Saunders constituaient les références à un auteur les plus fréquentes dans l’ensemble des almanachs canadiens-français, suivies de celles à l’écrivain québécois Antoine Gérin-Lajoie, auteur des romans populaires Jean Rivard, l’économiste (1864) et Jean Rivard le défricheur (1874), qui apparaissaient fréquemment, notamment à travers des maximes et des proverbes, dans l’Almanach Agricole, commercial et artistique, l’Almanach des familles ou encore l’Almanach du Peuple.48 48 Hans-Jürgen Lüsebrink: „Transferts culturels transatlantiques et circulation des savoirs dans les cultures populaires - le cas des almanachs de Benjamin Franklin.« Dans: Tangence (Université du Québec à Rimouski), n° 72, été 2003, p. 27-40.

L’Almanach francophone, un vecteur identitaire essentiel - trois cas de figure

Les almanachs francophones des Amériques remplirent - les nombreux exemples cités le démontrent - de multiples fonctions: celle de servir de « guides » dans le temps et dans l’espace pour des lecteurs ne disposant souvent pas d’autres livres, en dehors d’imprimés religieux; celle d’informer un lectorat pour lequel les journaux et gazettes sur l’actualité politique étaient inaccessibles; celle aussi de conseiller les lecteurs dans des domaines pratiques, ce qui fit des almanachs de véritables petites « encyclopédies du peuple » que l’on conservait soigneusement pour les consulter occasionnellement; celle aussi d’amuser et de divertir, à travers les chansons, les anecdotes, les « bons mots » et les proverbes qui servaient de relais entre une culture de communication orale, dominante et toujours très vivace, et la nouvelle culture de l’imprimé; et celle, encore, de légitimer une position sociale caractérisée par des goûts littéraires et artistiques raffinés, comme ce fut le cas pour les almanachs des dames et les almanachs littéraires, tels ceux liés à l’Athénée de la Nouvelle-Orléans réunissant une élite sociale; ou celle, enfin, de légitimer un pouvoir politique comme ce fut le cas de l’Almanach Royal d’Hayti au début du XIXe siècle.

Les almanachs francophones de large circulation, que l’on pourrait appeler aussi « populaires », qui se développèrent dans plusieurs cultures francophones des Amériques à partir du milieu du XIXe siècle, occupaient aussi, et peut-être même essentiellement, une autre fonction, qui s’ajoutait aux fonctions évoquées, à savoir celle de servir de vecteur - ou plutôt de plateforme d’expression - identitaire à une communauté francophone, généralement périphérique et minoritaire par rapport à une majorité anglophone environnante. Trois exemples d’almanachs « populaires » peuvent permettre d’illustrer cette fonction identitaire, visant à mettre en lumière et aussi à cimenter la cohésion d’une communauté francophone à travers la présentation de sa mémoire historique, de sa langue, de ses valeurs, de ses traditions et ses coutumes, de sa culture et sa littérature ainsi que de ses institutions.

L’Almanach Français du Manitoba publié à partir de 1923 à Winnipeg se présente comme un petit livre broché de 144 pages in-quarto qui contient les rubriques habituelles du genre médiatique de l’almanach49 49 Voir sur cet almanach et son prédécesseur, l’Almanach français de la province ecclésiastique de Saint-Boniface (1912-14), le bref article d’Annette Saint-Pierre : « Almanach français du Manitoba. » Dans : Bulletin du Centre d’Études Canadiennes de l’Ouest, n. 15, octobre 1999, p. 18-19. : un calendrier avec les fêtes et les saisons; l’évocation des grands événements ayant marqué la communauté pendant l’année écoulée; puis une large partie intitulée « variétés » comportant quelques textes littéraires, comme le poème « Saint-Jean-Baptiste, fête nationale (24 juin) » du poète national canadien-français Octave Crémazie50 50 Octave Crémazie: « Saint-Jean-Baptiste, fête nationale (24 juin). » Dans : Almanach Français du Manitoba (Winnipeg, West Canada Publishing Co., 1923), p. 80. , le récit « La chambre nuptiale »51 51 Louis Veuillot: « La chambre nuptiale. » Dans: Almanach Français du Manitoba (Winnipeg, West Canada Publishing Co., 1923), p. 84-85. de l’écrivain français catholique Louis Veuillot et le récit de voyage du journaliste montréalais Henri Bourassa dans l’Ouest du Canada intitulé « Au pays du blé »52 52 Henri Bourassa: « Au pays du blé. » Dans: Almanach Français du Manitoba (Winnipeg, West Canada Publishing Co., 1923), p. 90-93. Voir l’introduction rédigée par la rédaction de l’almanach du récit : « En juin 1913 M. Henri Bourassa fit un voyage dans l’Ouest et à son retour publia dans son journal, Le Devoir, une série d’articles fort intéressants. Nous reproduisons ici deux de ses articles remplis de grands aperçus sur nos provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta. . Mais cette dernière partie comporte surtout de multiples conseils qui renvoient à la dimension pragmatique de l’almanach, celle de constituer également un « guide pratique dans la vie »: tel par exemple un long article détaillé sur la construction d’un silo de ferme complété par une série de « Renseignements utiles aux fermiers »; tels aussi des articles très pratiques sur le « soin des animaux à l’automne » ou sur la clôture des champs.53 53 « Combien vous faudra-t-il de fil de fer barbelé si vous voulez clôturer vos champs. » Dans: Almanach Français du Manitoba (Winnipeg, West Canada Publishing Co., 1923), p. 102. On trouve aussi des articles donnant des conseils moraux et religieux, comme celui intitulé « Les fréquentations: Aux parents qui ont des filles à marier. »54 54 Dans: Almanach Français du Manitoba (Winnipeg, West Canada Publishing Co., 1923), p. 105-106. L’almanach est complété par une partie consacrée aux institutions religieuses, étatiques et parlementaires - appelées explicitement « Nos institutions » - qui reprend, tout en l’amplifiant, la conception anglo-américaine du « Directory. » Tout en accordant une place dominante au clergé dans la partie « institutions » et aussi au sein de celle réservée aux conseils moraux, reflétant ainsi l’importance capitale de la religion catholique pour la communauté francophone du Manitoba, l’Almanach Français du Manitoba se veut résolument un livre de ralliement socio-culturel et le média de l’expression d’une identité communautaire: « Notre but, en publiant cet almanach », peut-on ainsi lire dans la préface adressée « À nos lecteurs », dans la première édition de l’almanach parue à la fin de l’année 1922, « c’est qu’il puisse, au cours de l’année, servir de livre de lecture et de références pour toutes nos familles françaises. Nous espérons qu’il sera gardé à portée de main afin de pouvoir facilement s’y référer. On s’épargnera ainsi beaucoup de recherches. »55 55 « A nos lecteurs » . Dans: Almanach Français du Manitoba (Winnipeg, West Canada Publishing Co., 1923), p. 1.

L’Almanach du Peuple, édité à partir de 1855 par la Maison Beauchemin à Montréal, fut l’almanach francophone de loin le plus diffusé dans les Amériques, atteignant au début du XXe siècle un tirage considérable pour l’époque dépassant de 100.000 exemplaires, et diffusé non seulement au Québec, mais aussi en Nouvelle-Angleterre, dans les provinces maritimes et dans l’ouest du Canada.56 56 Voir Lüsebrink, « Livre aimé du peuple », p. 32-33. L’Almanach du Peuple, à ses débuts un imprimé d’une soixantaine de pages seulement, avait atteint dans les années 1920 le volume d’un livre broché de près de 500 pages. Comportant, outre les grandes rubriques traditionnelles de l’almanach, une partie publicitaire importante (qui fit de l’almanach un vecteur capital de la société de consommation moderne au Québec), l’Almanach du Peuple se voulait un média essentiel pour articuler l’identité nationale canadienne-française au sein de la Confédération canadienne57 57 Dans « l’Avertissement » de l’Almanach du Peuple Beauchemin pour 1928 (Montréal, Beauchemin, 1927), p. 64, on pouvait ainsi lire à propos des fêtes de commémoration du soixantième anniversaire de la Confédération canadienne: « (…) nous prenons ici surtout grand plaisir à rappeler la part éminente prise par plusieurs des nôtres en ces divers événements, qui ont ajouté, durant l’année écoulée, un tel renom au Dominion du Canada. » , tout en restant ouvert aux changements de la modernité, tant sur le plan social que sur le technologique. L’avertissement de l’édition pour 1928 de l’Almanach du Peuple souligna ainsi l’introduction d’une nouvelle « section féminine » dans l’almanach, « à l’intention spéciale de nos lectrices », confiée à la journaliste Cécile Gervais qui signait avec le pseudonyme « Lise »:

La femme a pris depuis quelques années, une place pré-pondérante dans toutes les manifestations de la vie sociale, et aussi, pour ainsi dire, nationale, que l’Almanach du Peuple se devait, depuis longtemps déjà, de lui donner dans la sphère spéciale où elle s’impose et brille avec tant d’éclat, les pages qui lui appartenaient de plein droit.58 58 Ibid., p. 64.

Malgré une certaine ouverture sur l’information internationale59 59 Celle-ci se montre surtout dans des sections « Histoire de l’année » et « Science et Invention » de l’almanach où il était e.a. question, dans l’édition de 1928, de « L’aviation commerciale en Europe » (p. 299-300) et de « L’aviation commerciale aux États-Unis » (p. 301-303). , l’almanach demeura, dans toutes ses rubriques, focalisé sur le Québec et le Canada français et sur les manifestations, dans les domaines les plus divers (clergé, politique, langue, architecture, économie, agriculture, histoire, littérature, arts), d’une identité collective canadienne-française forte et homogène. Ce fut tout particulièrement le cas dans les rubriques « Contes et nouvelles » de l’almanach où furent publiés des textes d’écrivains canadiens-français, parfois de grande renommée, comme ceux du « poète national » Louis Fréchette.60 60 Voir par exemple dans l«Almanach du Peuple pour 1928 le conte « Un Murillo » de Louis Fréchette (p. 317-329), un auteur qui est présenté dans « l’avertissement » de l’almanach comme un « de nos plus célèbres écrivains. » Dans la rubrique « variétés », l’almanach publia entre 1923 et 1930 une série de textes (en tout 40, couvrant chacun une à deux pages de l’almanach), sous le titre « Nos traditions nationales », accompagnés d’illustrations dues au célèbre illustrateur canadien-françois Edmond-Joseph Massicotte qui fut présentée en 1923 comme suit par l’écrivain canadien-français Sylva Clapin:

On sait que notre pays de Québec, ainsi qu’on continue à appeler souvent l’ancienne Nouvelle-France, et nos coutumes, mœurs et traditions nous constituent une physionomie bien à part dans l’immense Dominion du Canada, et même pourrions-nous ajouter, sur tout le continent américain.61 61 [Sylva Clapin]: « Nos traditons nationales. Dessinées spécialement pour l’Almanach du Peuple par Edmond-J. Massicotte. » Dans: Almanach du Peuple Beauchemin pour 1923, p. 258-270, ici p. 258. Voir sur ce sujet aussi Lüsebrink, Livre aimé du peuple », p. 214-222.

Publiés dans les années 1920, c’est-à-dire pendant une période de transformation profonde de la société canadienne-française marquée par l’urbanisation, l’industrialisation et, sur le plan culturel, par une américanisation croissante, ces textes illustrés intitulés « Nos traditions nationales » témoignent à la fois d’une nostalgie du passé et d’une forte volonté de mémoriser, et si possible aussi de maintenir, des traditions et coutumes ancestrales faisant partie d’une identité collective canadienne-française ouvertement revendiquée. Le texte expliquant, dans l’Almanach du Peuple pour 1928, la coutume du « Charivari », un rite accompagnant notamment des « nouveaux mariés d’âges trop éloignés » , souligne ainsi que cette tradition persiste « dans nos campagnes canadiennes » , représentant « l’une de nos coutumes les plus anciennes et les plus indéracinables. » 62 62 « Un charivari. Nos traditions nationales. » Dans: Almanach du Peuple Beauchemin pour 1928, p. 351.

L’Almanach de la langue française publié entre 1915 et 1936, fut le dernier-né des almanachs francophones de large diffusion dans les Amériques, dont le déclin rapide débuta dans les années 1930. Comme son éditeur Albert Lévesque le souligna à l’occasion du vingtième anniversaire de l’almanach en 1935, celui-ci se voulait en premier lieu un organe de défense de la langue française, même s’il embrassa succcessivement, dans la perspective d’une affirmation identitaire, tous les domaines de la « vie canadienne-française » 63 63 Albert Lévesque: « Vingtième anniversaire. » Dans: Almanach de la langue française (Montréal, Éditions Albert Lévesque) 20e année, 1935, s.p. [p. 1-2, ici p. 1]. , en particulier ceux de l’éducation, de la culture, des médias et de l’économie. Contrairement à l’Almanach du Peuple, son concurrent majeur, l’Almanach de la langue française choisit une stratégie identitaire beaucoup plus agressive qui inclut certes la mémorisation des valeurs et des traditions communes, tout en allant bien au-delà. Il cibla en particulier, dans toute une série d’articles et à travers de nombreuses caricatures, le processus d’américanisation de la société canadienne-française, perçu comme une menace mortelle ayant pris une dimension neuve avec la modernisation sociale et économique du Canada francophone après la Première Guerre Mondiale. L’Almanach de la langue française confronta ainsi systématiquement, dans le double registre du texte écrit et de l’iconographie, le modèle identitaire traditionnel et sa remise en cause fondamentale par la culture anglo-américaine et anglo-canadienne. Il opposa ainsi le maintien de la langue française à « l’Anglomanie » ambiante64 64 Almanach de la langue française, 1926, p. 9. , la femme canadienne à la femme américaine,65 65 Ibid., 1926, p. 13. la grande histoire héroïque canadienne-française à « Notre indifférentisme national, » 66 66 Ibid., p. 15. « Notre richesse » au « Capital étranger » , « Nos Forces économiques » aux « Fuites de notre capital » 67 67 Ibid., p. 19. , « La paroisse » canadienne-française à « La désertion de nos campagnes » 68 68 Ibid., p. 17. ou encore le « caractère national » au « caractère de l’Empire britannique » . Une caricature, publiée dans l’Almanach de la langue française pour 1927, montre la figure de Lord Durham, auteur du fameux rapport sur le Canada français après la répression violente de la Révolte des Patriotes en 1837 / 38, un personnage que le rédacteur de l’almanach considère comme le « véritable auteur du coup de force de 1840 qui, malgré nous, nous unit politiquement au Haut-Canada. » 69 69 « Lord Durham ». Dans: Almanach de la langue française, 1927, p. 27.

Organe de presse singulier70 70 Voir sur la mise en perspective du genre de l’almanach dans l’ensemble du système d’information au sein de la culture médiatique francophone en Amérique du Nord: Guillaume Pinson: La culture médiatique francophone en Europe et en Amérique du Nprd. De 1760 à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2016; ainsi que Guillaume Pinson: « Le Québec dans le système d’information au XIXe siècle. » Dans: Voix et Images, 42(3), 2017, p. 13-24. , caractérisé par son annuité et lu de manière particulière, très attentive et répétée, parfois à voix haute, par ses lecteurs qui en faisaient souvent collection, l’almanach constitua un élément central des cultures francophones dans les sociétés prémodernes situées au seuil de la modernité, ce que montrent bien les nombreuses publicités présentes dans beaucoup d’almanachs, entre le XVIIIe et les années 30 du vingtième siècle. Encyclopédie cumulative soigneusement conservée par son public de lecteurs populaires, les almanachs remplirent de multiples fonctions dans les cultures médiatiques prémodernes des Amériques: en tant que supports essentiels de la circulation de l’information, notamment dans les milieux populaires où l’imprimé fut, pendant longtemps, cher et rare, ils remplirent une fonction sociale de tout premier plan; et constitutifs également de modèles identitaires et de formes de perception de l’Autre, ils occupèrent, plus qu’aucun autre organe de presse, des fonctions anthropologiques liées aux constructions identitaires collectives.71 À y regarder de plus près, les almanachs francophones des Amériques avaient souvent aussi une fonction plus particulièrement politique: celle d’informer sur les événements nouveaux, de même que sur les pouvoirs en place, et de susciter parfois des interrogations et des prises de distance, comme ce fut le cas lors de la Révolte des Patriotes en 1837 / 38 au Québec. Mais l’une des fonctions les plus importantes de ces almanachs fut sans doute celle de revendiquer, d’affirmer et de défendre une identité francophone devenue avec le temps de plus en plus minoritaire et souvent aussi de plus en plus menacée.

Références

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  • RENAUD, H. P. J. L’origine du mot « Almanach ». Isis. International Review devoted to the history of science, v. XXXVII, n. 107-108, 1947

Notes

  • 1
    H. P. J. Renaud, L’origine du mot « Almanach » Dans : Isis. International Review devoted to the history of science, XXXVII, n° 107-108, 1947, p. 44-46, ici p. 44, 45; voir aussi Auguste Denis: recherches bibliographiques et historiques sur les almanachs de la Champagne et de la Brie, précédées d’un essai sur l’histoire de l’almanach en général, compost, calendriers, etc. Châlons-sur-Marne, Chez l’Auteur, 1880RENAUD, H. P. J. L’origine du mot « Almanach ». Isis. International Review devoted to the history of science, v. XXXVII, n. 107-108, 1947, p. 1.
  • 2
    Voir Genevève Bollème: Les almanachs populaires aux XVII e et XVIII e siècles. Essai d’histoire sociale. Paris / La Haye, Mouton, 1969BOLLÈME, Genevève. Essai d’histoire sociale. Paris / La Haye: Mouton, 1969. , p.11.
  • 3
    Ibid., p. 11.
  • 4
    Stephan Füssel: Johannes Gutenberg. Hamburg, Rowohlt, 2000FÜSSEL, Stephan. Johannes Gutenberg. Hamburg: Rowohlt, 2000., p. 55-60.
  • 5
    Bernhard Capp: English Almanacs, 1500-1800. Astrology and the Popular Press. Ithaca, N.Y., Cornell University Press, 1979CAPP, Bernhard. English Almanacs, 1500-1800. Astrology and the Popular Press. Ithaca, NY: Cornell University Press, 1979. , p. 271.
  • 6
    John Grand-Carteret: Les Almanachs français. Bibliographie - iconographie, 1600-1895. Paris, J. Alisle et &, 1896GRAND-CARTERET, John. Les Almanachs français. Bibliographie - iconographie, 1600-1895. Paris: J. Alisle, 1896. .
  • 7
    Voir sur la nécessité et les enjeux d’une approche interdisciplinaire dans le domaine de l’étude des almanachs : Claire Gaspard : « L’interdisciplinarité à l’épreuve des almanachs de la fin du siècle. » Dans : Dix-Huitième Siècle, n°30, 1998GASPARD, Claire. L’interdisciplinarité à l’épreuve des almanachs de la fin du siècle. Dix-Huitième Siècle, n. 30, p. 165-177, 1998. , p. 165-177.
  • 8
    Roger Chartier, Hans-Jürgen Lüsebrink (éds.) : Colportage et lectures populaires. Imprimés de large circulation en Europe, 16-19e siècles). Paris. IMEC Éditions, 1996CHARTIER, Roger; LÜSEBRINK, Hans-Jürgen (éds.). Colportage et lectures populaires. Imprimés de large circulation en Europe, 16-19e siècles. Paris: IMEC Éditions, 1996. .
  • 9
    Hans-Jürgen Lüsebrink, Jean-Yves Mollier, Patricia Sorel (éds.) : Les lectures du peuple em Europe et dans les Amériques (XVI e -XX e siècles). Paris, Éditions Complexe, 2003LÜSEBRINK, Hans-Jürgen; Jean-Yves, Mollier; Sorel, Patricia (éds.). Les lectures du peuple em Europe et dans les Amériques (XVIe-XXe siècles). Paris: Éditions Complexe, 2003. .
  • 10
    Marlyse Meyer (éd.): Do Almanak aos Almanaques. São Paulo: Ateliê Editorial, 2001MIDDELANIS, Carl Hermann. Imperiale Gegenwelten. Haiti in den französischen Text und Bildmedien (1848-1870). Frankfurt / Main: Vervuert, 1996.
  • 11
    Geneviève Bollème : Les almanachs populaires au XVII e et XVIII e siècles. Essai d’histoire sociale. Paris / La Haye, Mouton, 1969. Susanne Greilich : Französischsprachige Volksalmanache des 18. Und 19. Jahrhunderts. Strukturen, Wandlungen, intertextuelle Bezüge. Heidelberg, Winter Universitätsverlag, 2004GREILICH, Susanne. Französischsprachige Volksalmanache des 18. Und 19. Jahrhunderts. Strukturen, Wandlungen, intertextuelle Bezüge. Heidelberg: Winter Universitätsverlag, 2004.; Susanne Greilich, York-Gothart Mix (éds.) : Populäre Kalender im vorindustriellen Europa : der « Hinkende Bote »/’Messager Boiteux ». Kulturwissenschaftliche Analysen und bibliographisches Repertorium. Ein Handbuch. Berlin, New York, De Gruyter, 2006GREILICH, Susanne; MIX, York-Gothart (éds.) . Populäre Kalender im vorindustriellen Europa : der « Hinkende Bote »/’Messager Boiteux ». Kulturwissenschaftliche Analysen und bibliographisches Repertorium. Ein Handbuch. Berlin, New York: De Gruyter, 2006. .
  • 12
    York-Gothart Mix: Kalender ? Ey, wie viel Kalender ! [Texte imprimé] : literarische Almanache zwischen Rokoko und Klassizismus. Ausstellung im Zeughaus der Herzog August Bibliothek Wolfenbüttel vom 15. Juni bis 5. November 1986. Katalog und Austellung, Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, 1986; York-Gothart Mix, en coll. avec Bianca Weyers et Gabriele Krieg (éds.) : Der Kalender als Fibel des Alltagswissens. Tübingen, Niemeyer, 2005 ; York-Gothart Mix : Deutsch-amerikanische Kalender des 18. Und 19. Jahrhunderts/ German-American Almanacs of the 18th and 19th centuries. Bibliographie und Kommentar/ Bibliography and Commentary. Berlin, New York, De Gruyter, 2012, 2 vols.
  • 13
    Hans-Jürgen Lüsebrink, York-Gothart Mix, en coll. avec Jan Fickert et Bianca Weyers (éds.) : Französische Almanachkultur im deutschen Sprachraum (1700-1815). Göttingen, V&R Unipress, 2013LÜSEBRINK, Hans-Jürgen. (éds.). Französische Almanachkultur im deutschen Sprachraum (1700-1815). coll. Jan Fickert et Bianca Weyers. Göttingen: V&R Unipress, 2013. .
  • 14
    Milton Drake, Almanacs of the United States, New York, The Scarecrow Press, 1962DRAKE, Milton. Almanacs of the United States. New York: The Scarecrow Press, 1962. , vol. 1, p. 271.
  • 15
    Montréal, chez Fleury Mesplet et Charles Berger, 1777. Voir sur ce sujet : Hans-Jürgen Lüsebrink : „Le livre aimé du peuple« . Les almanachs québécois de 1777 à nos jours. Québec Les Presses de l’Université Laval, 2014LÜSEBRINK, Hans-Jürgen. Les almanachs québécois de 1777 à nos jours. Québec: Les Presses de l’Université Laval, 2014.. Voir sur l’Almanach de Québec aussi : P. Penigault-Duhet : „ Colonialisme et sentiment national : L’Almanach de Québec de 1780 à 1815.« Dans : Études Canadiennes, n°9, 1980PENIGAULT-DUHET, P. Colonialisme et sentiment national : L’Almanach de Québec de 1780 à 1815. Études Canadiennes, n. 9, p. 23-30, 1980., p. 23-30.
  • 16
    San Francisco, L. Grégoire et Cie., 1876 suiv.
  • 17
    Un exemplaire pour l’année 1850 se trouve à la Bibl. Nationale de France sous la cote 8°-V-529 (26).
  • 18
    San Francisco, George Lanson, 1920-25.
  • 19
    Étrennes historiques et intéressantes contenant l’Abrégé géographique du royaume de France, avec un mélange curieux d’anecdotes, d’événements remarquables, &c. &c. pour l’année de grâce 1786. Boston, chez l’imprimeur des États-Unis d’Amérique, 1786, 36 feuilles in-32°. Bibl. Nationale de France RES 8°Z.Adler 722.
  • 20
    Ibid., feuille 26 recto et verso.
  • 21
    Un exemplaire de cet almanach pour l’année 1870 est conservé à la Bibl. Nationale de France sous la cote 8-Q-10.
  • 22
    « Préface » . Dans: Almanach de la Renaissance, pour 1869 (Nouvelle Orléans, 1868), s.p.
  • 23
    L’almanach porte le titre complet: l’Almanach de Cayenne pour l’année 1790, dans lequel on trouve l’heure de la haute mer, matin & soir, pour tous les jours de l’Année, la force qu’auront les marées, des nouvelles & des pleines Lune, & une instruction nautique pour les Navigateurs qui veulent atterrir sur les côtes de la Guiane Française. Cayenne, Imprimerie du Roi, [1789], 60 p.
  • 24
    Fort-Royal, puis Fort-de-France, 1837 suiv. L’almanach fut remplacé en 1860 par l’Annuaire de la Martinique.
  • 25
    Basse-Terre, 1844 suiv.
  • 26
    Voir aussi sur ce sujet Hans-Jürgen Lüsebrink: « Transferts culturels et légitimation postcoloniale du pouvoir - l’émergence de la presse et de la littérature haïtienne pendant le règne du Roi Christophe en Haïti. » Dans: Ottmar Ette/ Gesine Müller (éds.)ETTE, Ottmar; MÜLLER, Gesine (éds.). Kaléidoscopes coloniaux. Transferts culturels dans les Caraïbes au XIXe siècle. Madrid: Iberoamericana; Frankfurt / Main: Vervuert, 2010.: Caleidoscopios coloniales. Transferencias culturales en el Caribe del siglo XIX. Kaléidoscopes coloniaux. Transferts culturels dans les Caraïbes au XIX e siècle. Madrid / Frankfurt M., Iberoamericana / Vervuert, 2010, p. 305-325
  • 27
    Almanach Républicain d« Haiti (Port-au-Prince, 1818, p. 28.
  • 28
    Le Censeur européen, ou Examen de diverses questions du droit public, et de divers ouvrages littéraires et scientifiques, considérés dans leurs rapports avec les progrès de la civilisation, par MM. Comte et Dunoyer. Paris, Bureau du Censeur Européen, 1818, p. 317.
  • 29
    (Jean-Baptiste G.) Wallez : Précis historique des négociations entre la France et Saint-Domingue, suivi de pièces justificatives et d’une notice biographique sur le général Boyer, président de la République d’Haiti. Paris, Ponthieu, Peytieux, Treuttel&Würtz, 1826, p. 344.
  • 30
    Voir sur ce sujet Carl Hermann Middelanis : Imperiale Gegenwelten. Haiti in den französischen Text - und Bildmedien (1848-1870). Frankfurt / Main, Vervuert, 1996MIDDELANIS, Carl Hermann. Imperiale Gegenwelten. Haiti in den französischen Text und Bildmedien (1848-1870). Frankfurt / Main: Vervuert, 1996; John E. Baur : « Faustin Soulouque, Emperor of Haiti. His Character and His Reign. » Dans : The Americas, vol. 6, n°2, october 1949BAUR, John E. Faustin Soulouque, Emperor of Haiti. His Character and His Reign. The Americas, v. 6, n. 2, 1949, p. 131-166. , p. 131-166.
  • 31
    Voir sur Fleury Mesplet: Jean-Paul De Lagrave: Fleury Mesplet (1734-1794). Diffuseur des Lumières au Québec. Montréal: Patenaude, 1968DE LAGRAVE, Jean-Paul. Fleury Mesplet (1734-1794). Diffuseur des Lumières au Québec. Montréal: Patenaude, 1968.; réedition sous le titre: L’Époque de Voltaire au Canada. Biographie politique de Fleury Mesplet (1734-1794). Montréal: L’Étincelle Éditeur, 1993DE LAGRAVE, Jean-Paul. L’Époque de Voltaire au Canada. Biographie politique de Fleury Mesplet (1734-1794). Montréal: L’Étincelle Éditeur, 1993..
  • 32
    Voir sur cet almanach : Hans-Jürgen Lüsebrink, Annika Haß : « L’Almanach des Dames (1801-1840) als Medium weiblicher Geschmacksbildung und Forum ‚feministischer Debatten ». » Dans: Hans-Jürgen Lüsebrink/ York-Gothart Mix, en collaboration avec Jan Fickert und Bianca Weyers (éds.): Französische Almanachkultur im deutschen Sprachraum (1700-1815). Gattungsstrukturen, komparatistische Aspekte, Diskursformen. Göttingen, V & R unipress, 2013 (Coll. « Deutschland und Frankreich im wissenschaftlichen Dialog / Le dialogue scientifique franco-allemand » , vol. 3), p. 279-307
  • 33
    Voir sur cette l’approche des transferts culturels et la terminologie utilisée, l’article cité de Lüsebrink, « Transferts culturels » (2014).
  • 34
    Voir sur cet almanach : Anne Dondermann : Anthony Henry, « « Lilius », and the Nova-Scotia Calendar. » Dans : Papers of the Bibliographical Society of Canada, vol. 29,2, automne 1991, p. 32-50.
  • 35
    Voir sur ce type d’almanach la thèse en co-tutelle (Montréal-Saarbrücken, soutenance en 2017, en voie de publication) de Simon Dagenais: L’Almanach de « Mathieu Laensbergh» : l’émergence d’une marque.
  • 36
    « Prédictions de Mathieu Laensbergh pour 1836. » Dans: Le Guide du Cultivateur pour 1836. Montréal, Ludger Duvernay, [1835], s.p. [p. 2]. Nous avons respecté l’orthographe du texte original qui indique « ont rué sur » à la place de « se sont rués sur. »
  • 37
    Nous suivons ici la terminologie développée dans Hans-Jürgen Lüsebrink: « Les transferts culturels: théorie, méthodes d’approche, questionnements. » Dans: Pascal Gin, Nicolas Goyer, Walter Moser (éds.): Transfert: exploration d’un champ conceptuel. Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2014 GIN, Pascal; GOYER, Nicolas; MOSER, Walter (éds.). Transfert: exploration d’un champ conceptuel. Ottawa: Presses de l’Université d’Ottawa, 2014. (Coll. « Transferts culturels »), p. 25-48.
  • 38
    John Hare, Jean-Pierre Wallott: Les imprimés dans le Bas-Canada, 1801-1840. Bibliographie analytique. Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1967HARE, John; WALLOTT, Jean-Pierre. Les imprimés dans le Bas-Canada, 1801-1840. Bibliographie analytique. Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal, 1967, t. 1, 1801-1810, p. 98.
  • 39
    « Epître consolatrice à Mr. L... qui se plaignait que ses talens & ses vues n’étaient pas récompensés par le Gouvernement. » Dans: Almanach des Dames pour l’année 1807. Par un jeune Canadien. Québec, Imprimé à la Nouvelle-Imprimerie, [1806], 64 pages, ici p. 20-32, ici p. 23-24.
  • 40
    L’Almanach Franco-Américain / French American Directory, pour l’année 1928, New York, p. 321-325
  • 41
    ibid., p. 312-316, ici p. 312.
  • 42
    Almanach et Directoire Français des États-Unis pour 1866 ,à l’usage des populations françaises de l’Amérique du Nord. New York, par le Docteur J.D.L. Zender [1864], p. 81.
  • 43
    Almanach et Directorium Français des États-Unis pour l’année 1857. À l’usage des populations françaises. New York, 1856, p. 119-124 et 124-147.
  • 44
    Voir sur ce sujet: Margareth Brandini Park: Histórias e Leituras de Almanaques no Brasil. Campinas, SP, Mercado de Letras, 1999PARK, Margareth Brandini. Histórias e Leituras de Almanaques no Brasil. Campinas, SP: Mercado de Letras, 1999.; Marlyse Meyer (éd.): Do Almanak aos Almanaques. São Paulo, Ateliê Editorial, 2001MEYER, Marlyse. Do Almanak aos Almanaques. São Paulo, Ateliê Editorial, 2001., p. 127-140 (« Almanaques de Farmácia »).
  • 45
    « Note de l’éditeur. » Dans : l’Almanach Américain, de Dr. Ayer, à l’usage des fermiers, planteurs, artisans, et des familles en général. Lowell, Ayer and Company, 1858, p. 1.
  • 46
    Antonio Pace : Benjamin Franklin and Italy. Philadelphia, American Philosophical Society, 1958PACE, Antonio. Benjamin Franklin and Italy. Philadelphia: American Philosophical Society, 1958., p. 209.
  • 47
    Almanach du Peuple pour 1882 (Montréal, Beauchemin), p. 37-62, ici p. 37.
  • 48
    Hans-Jürgen Lüsebrink: „Transferts culturels transatlantiques et circulation des savoirs dans les cultures populaires - le cas des almanachs de Benjamin Franklin.« Dans: Tangence (Université du Québec à Rimouski), n° 72, été 2003LÜSEBRINK, Hans-Jürgen. Transferts culturels transatlantiques et circulation des savoirs dans les cultures populaires - le cas des almanachs de Benjamin Franklin. Tangence (Université du Québec à Rimouski), n. 72, p. 27-40, 2003. , p. 27-40.
  • 49
    Voir sur cet almanach et son prédécesseur, l’Almanach français de la province ecclésiastique de Saint-Boniface (1912-14), le bref article d’Annette Saint-Pierre : « Almanach français du Manitoba. » Dans : Bulletin du Centre d’Études Canadiennes de l’Ouest, n. 15, octobre 1999, p. 18-19.
  • 50
    Octave Crémazie: « Saint-Jean-Baptiste, fête nationale (24 juin). » Dans : Almanach Français du Manitoba (Winnipeg, West Canada Publishing Co., 1923), p. 80.
  • 51
    Louis Veuillot: « La chambre nuptiale. » Dans: Almanach Français du Manitoba (Winnipeg, West Canada Publishing Co., 1923), p. 84-85.
  • 52
    Henri Bourassa: « Au pays du blé. » Dans: Almanach Français du Manitoba (Winnipeg, West Canada Publishing Co., 1923), p. 90-93. Voir l’introduction rédigée par la rédaction de l’almanach du récit : « En juin 1913 M. Henri Bourassa fit un voyage dans l’Ouest et à son retour publia dans son journal, Le Devoir, une série d’articles fort intéressants. Nous reproduisons ici deux de ses articles remplis de grands aperçus sur nos provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta.
  • 53
    « Combien vous faudra-t-il de fil de fer barbelé si vous voulez clôturer vos champs. » Dans: Almanach Français du Manitoba (Winnipeg, West Canada Publishing Co., 1923), p. 102.
  • 54
    Dans: Almanach Français du Manitoba (Winnipeg, West Canada Publishing Co., 1923), p. 105-106.
  • 55
    « A nos lecteurs » . Dans: Almanach Français du Manitoba (Winnipeg, West Canada Publishing Co., 1923), p. 1.
  • 56
    Voir Lüsebrink, « Livre aimé du peuple », p. 32-33.
  • 57
    Dans « l’Avertissement » de l’Almanach du Peuple Beauchemin pour 1928 (Montréal, Beauchemin, 1927), p. 64, on pouvait ainsi lire à propos des fêtes de commémoration du soixantième anniversaire de la Confédération canadienne: « (…) nous prenons ici surtout grand plaisir à rappeler la part éminente prise par plusieurs des nôtres en ces divers événements, qui ont ajouté, durant l’année écoulée, un tel renom au Dominion du Canada. »
  • 58
    Ibid., p. 64.
  • 59
    Celle-ci se montre surtout dans des sections « Histoire de l’année » et « Science et Invention » de l’almanach où il était e.a. question, dans l’édition de 1928, de « L’aviation commerciale en Europe » (p. 299-300) et de « L’aviation commerciale aux États-Unis » (p. 301-303).
  • 60
    Voir par exemple dans l«Almanach du Peuple pour 1928 le conte « Un Murillo » de Louis Fréchette (p. 317-329), un auteur qui est présenté dans « l’avertissement » de l’almanach comme un « de nos plus célèbres écrivains. »
  • 61
    [Sylva Clapin]: « Nos traditons nationales. Dessinées spécialement pour l’Almanach du Peuple par Edmond-J. Massicotte. » Dans: Almanach du Peuple Beauchemin pour 1923, p. 258-270, ici p. 258. Voir sur ce sujet aussi Lüsebrink, Livre aimé du peuple », p. 214-222.
  • 62
    « Un charivari. Nos traditions nationales. » Dans: Almanach du Peuple Beauchemin pour 1928, p. 351.
  • 63
    Albert Lévesque: « Vingtième anniversaire. » Dans: Almanach de la langue française (Montréal, Éditions Albert Lévesque) 20e année, 1935, s.p. [p. 1-2, ici p. 1].
  • 64
    Almanach de la langue française, 1926, p. 9.
  • 65
    Ibid., 1926, p. 13.
  • 66
    Ibid., p. 15.
  • 67
    Ibid., p. 19.
  • 68
    Ibid., p. 17.
  • 69
    « Lord Durham ». Dans: Almanach de la langue française, 1927, p. 27.
  • 70
    Voir sur la mise en perspective du genre de l’almanach dans l’ensemble du système d’information au sein de la culture médiatique francophone en Amérique du Nord: Guillaume Pinson: La culture médiatique francophone en Europe et en Amérique du Nprd. De 1760 à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2016; ainsi que Guillaume Pinson: « Le Québec dans le système d’information au XIXe siècle. » Dans: Voix et Images, 42(3), 2017, p. 13-24.
  • 71
    Voir sur ce point aussi : Hans-Jürgen Lüsebrink : « La littérature des almanachs : Réflexions sur l’anthropologie du fait littéraire. » Dans : Études françaises, n. 36(3), 2000, p. 47-64 ; Hans-Jürgen Lüsebrink : « L’Amérindien de la tradition populaire dans les almanachs canadiens-français. » Dans : Tangence (Université du Québec à Rimouski), n. 85, 2007, p. 47-76.

Publication Dates

  • Publication in this collection
    9 Sept 2019
  • Date of issue
    2019

History

  • Received
    07 Dec 2018
  • Accepted
    21 Mar 2019
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