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La presse francophone d’Amérique du Nord au XIXe siècle: jalons et périodisation

A imprensa francófona da América do Norte no século XIX: marcos e periodização

RÉSUMÉ

Cet article propose une synthèse des jalons principaux de l’histoire du développement de la presse francophone en Amérique du Nord (Canada, États-Unis), des origines au XVIIIe siècle jusqu’au seuil du XXe siècle. Certaines zones sont particulièrement considérées, comme le Québec, la Louisiane et la côte Est des États-Unis (New York).

Mots-clés
Histoire de la presse; Amérique du Nord; Francophonie; XIXe siècle; Écrivains-journalistes

RESUMO

Este artigo propõe uma síntese dos principais marcos da história do desenvolvimento da imprensa francófona na América do Norte (Canadá, Estados Unidos) desde as origens no século XVIII até o limiar do século XX. Algumas zonas são particularmente consideradas, como o Quebec, a Luisiana e a costa leste dos Estados Unidos (New York).

Palavras-chave
História da imprensa; América do Norte; Francofonia; Século XIX; Escritores-jornalistas

Dans la continuité des travaux que j’ai effectués ces dernières années autour du réseau Médias 19 et dont certains résultats ont paru dans un ouvrage, je m’intéresse au système de l’information au XIXe siècle dans une perspective transnationale et intercontinentale1 1 Voir www.medias19.org et Guillaume Pinson, La culture médiatique francophone en Europe et en Amérique du Nord, de 1760 à la veille de la Première Guerre mondiale, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Cultures québécoises », 2016. . Il s’agit de décloisonner les corpus médiatiques rédigés en français ; de voir comment s’articulent les échelles locales et globales ; de prendre la mesure d’un réseau interconnecté, qui assurait la circulation des flux de communication dans les journaux des Amériques ; et d’adopter un point de vue général sur ce qui formait alors un véritable système, l’un des plus vastes de l’ère médiatique, dans lequel circulaient des textes de toutes natures et de nombreux journalistes et entrepreneurs de presse qui l’alimentaient. Ma conviction est que ces journaux francophones et leurs lecteurs, comme on les retrouve partout dans les Amériques, ne sont pas ces ilots communautaires que l’on peut imaginer, noyés dans des ensembles culturels et naturels très vastes. Les différentes communautés médiatiques francophones sont au contraire comme les constellations de l’ancienne astronomie ; les étudier permet de faire émerger des liens invisibles, des forces qui les attirent les uns les autres, des flux d’échanges, comme une sorte d’énergie qui les fait tenir et évoluer ensemble.

On connait les grandes évolutions historiques, décisives, qui vont permettre le développement du journalisme au XIXe siècle et grâce à lui la structuration et la liaison des communautés francophones : amélioration des technologies de la communication comme le télégraphe et plus tard le téléphone ; développement aussi des technologies d’impression et typographiques ; déploiement des lignes de chemins de fer et maritimes à vapeur ; efficacité accrue de la poste qui profite de ces effets d’accélération dans les transports ; et couronnant tout cela, essor foudroyant de l’imprimé périodique2 2 Dans le cas de la presse française, on se référera à la somme incontournable : Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La civilisation du journal. Histoire littéraire et culturelle de la presse française du XIX e siècle, Paris, Nouveau monde, 2011. . La culture médiatique est cet amalgame d’évolutions technologiques, qui modifient le rapport entre l’espace et le temps, et de diversification et distribution élargie des supports imprimés qui constitue pour le lecteur la partie la plus visible de toute cette chaîne de savoirs, d’innovations et d’énergies (à vapeur, électrique, à combustion, selon les époques et les machines) déployée pour lui donner un monde à lire, jour après jour.

Dans le cadre de cet article, je souhaiterais proposer quelques jalons historiques dans le développement de la presse francophone d’Amérique du Nord. Une telle histoire, qui considérerait l’ensemble du continent, n’a jamais été réalisée, sinon au sein d’un ouvrage très ancien qui portait sur la presse publiée en français aux États-Unis3 3 Alexandre Bélisle, Histoire de la presse franco-américaine, Worcester, L’Opinion publique, 1911. . Si mon propre ouvrage propose un panorama très large de ce corpus, il met l’accent sur l’histoire de la circulation transatlantique, soucieux de relier les continents européen et nord-américain pour une compréhension croisée du développement de l’ère médiatique. Dans les pages qui suivent, je souhaite donc me concentrer sur l’Amérique du Nord, dans une perspective assez large. Afin d’identifier les principales scansions qui marquent le développement de la presse publiée en français dans cette partie du monde, je proposerai pour commencer de m’attarder à quatre moments clés, quatre jalons qui peuvent permettre à mon avis de bien saisir les principales phases de cette histoire, qui débute vers la fin du XVIIIe siècle et qui s’étend jusqu’au début du XXe siècle. Je poserai ensuite certaines questions sur les façons de penser ces différents territoires francophones et les journaux qui y sont produits. Peut-on les considérer comme un ensemble, formant système ? Peut-on imaginer qu’il y ait là, par-delà les spécificités locales, un objet médiatique à étudier, dont les fondements reposeraient sur des logiques d’échanges et de circulations ? Bien que centré sur ce que l’on peut considérer comme un espace francophone, cette réflexion pourrait sans doute conduire à des approches similaires sur la presse rédigée en d’autres langues dans les Amériques, notamment en espagnol et en allemand4 4 Voir Sally M. Miller (dir.), The Ethnic Press in the United States : A Historical Analysis and Handbook, Greenwood Press, 1987. .

Temps 1. Canada, années 1760 et suivantes

Le premier temps de cette histoire se déroule au nord, au Canada, lieu de naissance des premiers journaux en français sur le continent, dans les années 1760, alors que l’Amérique est en période de profonde reconfiguration géopolitique. En 1763, le Traité de Paris a mis fin à la Nouvelle-France et le Canada est désormais sous domination britannique. La toute jeune presse francophone va s’y caractériser comme un vecteur essentiel de la persistance de l’expression française, tout en s’adaptant à ce nouveau contexte : là se situe l’une de ses grandes particularités et significativement les premiers journaux sont bilingues. En 1764 est lancée The Quebec Gazette / La Gazette de Québec, alors que le Québec vient juste de se doter d’une imprimerie (il n’y en avait pas sous le Régime français), fondée par deux imprimeurs américains, William Brown et Thomas Gilmore5 5 La référence incontournable pour avoir un portrait d’ensemble est Maurice Lemire (dir.), La vie littéraire au Québec, T. 1 : 1764-1805, Québec, Presses de l’Université Laval, 1991. . En 1778, la Gazette littéraire de Montréal constitue pour sa part le premier journal montréalais et le premier journal unilingue français du continent, lancé par Fleury Mesplet, originaire de Marseille6 6 Nova Doyon, présentation de la réédition de la Gazette littéraire de Montréal, annotée par Jacques Cotnam, en collaboration avec Pierre Hébert, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « L’archive littéraire », 2010. . Mesplet était aussi un imprimeur d’almanachs7 7 Hans-Jürgen Lüsebrinck, « Le livre aimé du peuple ». Les almanachs québécois de 1777 à nos jours, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Cultures québécoises », 2014 . La zone qui constitue actuellement le Québec, avec les villes de Québec et de Montréal, s’impose donc comme un endroit clé de cette histoire, avec un développement de la presse et des médias qui en fait jusqu’à aujourd’hui le pôle majeur sans aucun doute de la culture médiatique francophone d’Amérique du Nord. Au cours du XIXe siècle et parmi les journaux importants, La Minerve à Montréal et Le Canadien à Québec, accompagnent et rythment la vie sociale et politique des Canadiens français8 8 Le portrait de ce type de presse est effectué à travers le cas du Canadien dans Micheline Cambron (dir.), Le Journal Le Canadien. Littérature, espace public et utopie (1836-1845), Montréal, Fides, 1999. .

Temps 2. La Louisiane, fin du XVIIIe siècle

Autre foyer d’éclosion précoce, deuxième temps à peine décalé par rapport à la situation du Canada : la Louisiane, tout au sud des actuels États-Unis. La Louisiane constitue un espace particulièrement actif, dès la fin du XVIIIe siècle, avec le lancement du premier journal recensé à La Nouvelle-Orléans, Le Moniteur de la Louisiane, fondé en 1794 par Louis Duclot, un réfugié de Saint-Domingue9 9 Sur la presse de Louisiane, se reporter à l’étude d’ensemble sur la littérature louisianaise réalisée par Réginald Hamel : La Louisiane créole, littéraire, politique et sociale, 2 vol., Ottawa, Leméac, 1984. . Depuis la chute de la Nouvelle-France la Louisiane était sous contrôle espagnol, mais la vie sociale et quotidienne se déroulait beaucoup en français. Après l’arrivée dans les années 1760 des Acadiens déportés, la Louisiane a continué d’être une terre d’immigration pour de nombreux réfugiés créoles venus de Saint-Domingue (actuelles Haïti et République-Dominicaine), de la fin du XVIIIe siècle jusqu’au début du siècle suivant, et pour des exilés français fuyant la Révolution, puis les différents régimes politiques au XIXe siècle10 10 Caryn Cossé-Bell, Revolution, Romanticism, and the Afro-Creole Protest Tradition in Louisiana, 1718-1868, Lafayette, LSU Press, 1997. . L’hybridité culturelle caractérise donc cet état américain intégré en 1812 à l’Union. Vers 1810, on y recense déjà une dizaine de journaux francophones (souvent bilingues, parfois trilingues), dont le Courrier de la Louisiane, important support de la littérature louisianaise et francophone, lancé en 1807. En 1827, c’est à La Nouvelle-Orléans qu’est lancé le premier journal quotidien francophone des Amériques : L’Abeille de la Nouvelle-Orléans. Ce rythme quotidien de publication, adopté très tôt en Louisiane, ne surviendra que plusieurs décennies plus tard au Québec, dans les années 1860 : indice assez net que La Nouvelle-Orléans était un pôle économique important, soutenant une vitalité francophone particulièrement marquée jusqu’au tournant du XXe siècle.

Temps 3. La façade atlantique

L’histoire de la culture médiatique francophone démarre donc sur deux temporalités très proches l’une de l’autre, au sein de deux espaces distincts, situés aux extrémités nord et sud de l’Amérique du Nord, le Québec et la Louisiane, encore peu liés entre eux au tournant du siècle. Le troisième temps de cette histoire est marqué par l’émergence d’une zone mitoyenne, sur la façade atlantique, qui va jouer un rôle très important, car elle constitue au cœur du XIXe siècle le principal carrefour de liaison et de circulation de l’information en français pendant plusieurs décennies en Amérique du Nord. De façon générale il s’agit de la façade atlantique, avec des villes comme Boston, Philadelphie et surtout New York, qui occupe une place stratégique dans le réseau francophone. C’est à New York qu’est lancé en 1828 le Courrier des États-Unis, qui joue un rôle majeur dans le développement de la presse en français, sans doute le plus important du continent ; il convient donc de s’y attarder.

À l’origine organe d’intérêts bonapartistes, le Courrier des États-Unis connaît un très grand développement sous la direction de Frédéric Gaillardet, qui en prend le contrôle en 183911 11 Anthony Grolleau-Fricard, Le Courrier des États-Unis, entre France, États-Unis et Canada (1828-1851), thèse de doctorat, Paris 1, 2009, 643f. . Gaillardet est un homme d’affaires et un écrivain français qui a commencé son aventure américaine dans les années 1830 en Louisiane, où il a été correspondant pour La Presse d’Émile de Girardin. Il a aussi passé plusieurs mois au Texas et dans les Antilles, puis il s’est fixé à New York avec l’ambition de contribuer au développement des communautés francophones américaines, dont il a pu constater la vitalité au cours de ses voyages. Dans un ouvrage de souvenirs publié à la fin de sa vie, il consacre un chapitre à « La langue française à la Louisiane et au Canada », dans lequel il écrit :

Le spectacle de cette résistance patriotique, que je retrouvai à Saint-Louis-de Missouri aussi bien qu’à Québec, dans l’île de Cuba aussi bien qu’au Mexique, me décida, comme par entraînement, à m’associer à elle en créant un journal qui la soutint et la défendit. (…) Mon dessein étant arrêté, je choisis New-York comme lieu de publication de mon journal, parce que c’était la ville la plus rapprochée de l’Europe, et à distance à peu près égale des populations d’origine française, auxquelles je voulais servir de point de ralliement12 12 Frédéric Gaillardet, L’Aristocratie en Amérique, Paris, Dentu, 1883, p. 120. .

En réalité Gaillardet n’a pas fondé le Courrier des États-Unis, il l’a racheté alors qu’il vivotait, proche de la faillite. Mais il l’a relancé avec l’aide financière d’associés, et avec beaucoup de bonnes idées, notamment en se constituant un réseau très dense de distributeurs, en partie fondé sur les contacts qu’il avait établis durant ses voyages des années 1830. On évalue que le lectorat du Courrier repose sur la base d’environ 1000 abonnés au seuil des années 1840, ce qui est un chiffre élevé et pour lequel, par exemple, il n’y a pas d’équivalent au Canada français à la même époque ; vers 1855, le Courrier comptera environ 15.500 abonnés13 13 Groleau-Fricard, op. cit., p. 265. .

Gaillardet est très actif. Il consolide le réseau de distribution de son journal et profite de l’efficacité générale du système postal américain. Son réseau est international et s’étend au Canada, dans les Caraïbes et en Amérique latine, notamment à Rio de Janeiro et Montevideo. Il peut compter sur de nombreux agents locaux qui assurent le suivi des abonnements et la collecte des fonds, dans certains cas la distribution des exemplaires. À Montréal, par exemple, l’important libraire Édouard Fabre, associé au libraire parisien Bossange, est l’agent du Courrier14 14 Groleau-Fricard, op. cit., p. 286. . Le succès de l’entreprise de Gaillardet se confirme au début de l’année 1843, grâce à la vogue internationale du roman-feuilleton. Le roman d’Eugène Sue, Les Mystères de Paris, publié dans le Journal des Débats en 1842-1843, atteint l’Amérique sans délai et Gaillardet a le flair de capter une partie des profits mondiaux générés par la vogue des romans de type « Mystères urbains »15 15 Voir notamment Dominique Kalifa et Marie-Ève Thérenty (dir.), Les mystères urbains au XIX e siècle : circulation, transferts, appropriations, Médias 19, 2016, en ligne : http://www.medias19.org/index.php?id=17039 ; ainsi que Catherine Nesci (dir.), American Mysterymania, Médias 19, 2018, en ligne : http://www.medias19.org/index.php?id=23807. . Soulignons en passant qu’en 1852 un franco-louisianais du nom de Charles Testut publiera Les Mystères de la Nouvelle-Orléans et qu’en 1855 ce sera au tour de Henri-Émile Chevalier de publier des Mystères de Montréal, montrant ainsi que les deux zones médiatiques francophones que nous venons d’évoquer, le Québec et la Louisiane, sont bien représentées au sein de ce système médiatique global. Mais New York est à la pointe de ces développements et Gaillardet lance dès l’hiver 1843 un supplément littéraire, La Semaine littéraire du Courrier des États-Unis, dans lequel il publie la première version complète du roman d’Eugène Sue qui circule sur le continent16 16 Voir Guillaume Pinson, « LesMystèreset le feuilleton : aux sources de la culture médiatique francophone transatlantique », dans Kalifa et Thérenty, Les mystères urbains, op. cit., Médias 19[En ligne]. .

La vogue du feuilleton constitue donc un pilier essentiel de la stratégie économique de Gaillardet. En signant des ententes avec certains journaux parisien lors d’un séjour qu’il effectue à Paris en 1845, Gaillardet souhaite même situer Paris et New-York dans une temporalité médiatique synchrone, et il affirme à ses lecteurs, dans le Courrier du 23 décembre 1845, que désormais les meilleurs feuilletons parisiens « nous serons transmis à l’avance, de façon que la publication puisse avoir lieu à New York en même temps qu’à Paris17 17 Cité par Groleau-Fricard, op. cit., p. 125. . » Gaillardet rêve d’une sorte d’instantanéité médiatique fabuleuse, d’un marché globalisé au temps unifié, qui est celui dans lequel nous vivons aujourd’hui.

Temps 4. Mouvements d’expansion intra-américains

Le Québec, La Louisiane, New York : un axe nord-sud, sur la façade atlantique de l’Amérique du Nord, est donc fermement établi. J’en arrive au quatrième élément de cette histoire, qui concerne cette fois un processus assez général sur le continent, moins localisé que les précédents, et qui lance une nouvelle phase d’expansion des journaux. Il s’agit des nombreux mouvements intra-américains de colonisation et de migrations, que l’on peut rapidement énumérer : l’expansion francophone vers le centre et l’Ouest du Canada, notamment au Manitoba, qui rejoint la confédération canadienne en 1870 ; la colonisation de certaines zones de l’Ontario et du Québec à partir des années 1850 et 1860, ainsi que du Midwest ; l’établissements de nombreux colons français sur la côte Ouest américaine et tout particulièrement à San Francisco durant les années 1850 ; et par grandes vagues successives à partir des années 1860, la migration de Canadiens français vers les pôles économiques de la Nouvelle-Angleterre18 18 Tous ces mouvements migratoires et le développement des communautés francophones sur le continent sont présentés dans Yves Frenette, Étienne Rivard Marc Saint-Hilaire (dir.), La francophonie nord-américaine, Québec, Presses de l’Université Laval, 2012. . Il faudrait aussi y ajouter le développement d’une presse francophone dans les provinces maritimes, au Nouveau-Brunswick essentiellement, qui se développe chez les Acadiens un peu plus tardivement (à la fin des années 1860) en raison d’une série de facteurs sociaux-économiques particuliers, notamment une population essentiellement rurale et dispersée19 19 Gérard Beaulieu, « Les médias en Acadie », dans Jean Daigle (dir.), L’Acadie des Maritimes. Études thématiques des débuts à nos jours, Moncton, Chaire d’études acadiennes, Université de Moncton, 1993, p. 505-542. .

Parmi tous ces mouvements d’expansion, la presse canadienne-française de Nouvelle-Angleterre est sans aucun doute le plus important, le plus massif par son ampleur20 20 Yves Roby, Les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre : rêves et réalités, Québec, Septentrion, 2000. . Autour de 1900, en raison d’un contexte économique québécois défavorable, un Canadien français sur deux est installé en Nouvelle-Angleterre, c’est-à-dire près d’un million de personnes, dans les petites villes industrielles du Maine, du New Hampshire et du Massachusetts (où les noms francophones sont encore très visibles aujourd’hui), où elles auront fondé plus de 250 journaux rédigés en français recensés à ce jour. L’essor de ces journaux est fascinant, car il montre que le système médiatique « canadien » constituait une francosphère beaucoup plus étendue et interreliée qu’on a pu l’imaginer rétrospectivement. Certains titres ont connu une grande longévité (ils sont très rarement numérisés) : L’Étoile de Lowell (1886-1957) et L’Opinion publique de Worcester, par exemple (1893-1931). Certains sont devenus quotidiens, comme L’Indépendant (1893) et le Protecteur canadien (1894).

On repère un mouvement relativement semblable dans le Midwest, bien que d’une ampleur plus modeste. Fondé en 1857, le Courrier de l’Illinois est publié jusqu’en 1864, puis relancé en 1870, jusqu’en 1903. Dans le Minnesota, un certain J. B. A. Paradis, né à L' Acadie au Québec, semble avoir été un rédacteur et un patron de presse actif. Après avoir suivi ses parents dans leur installation aux États-Unis en 1854, il est rédacteur en chef du Progrès de Minneapolis, fonde L’Étoile du Nord et collabore au Canadien de Saint Paul (1877-1883). Le journal le plus durable de la région est L’Écho de l’Ouest (1883-1929), fondé par Zéphirin Demeules. On sait aussi que le poète, journaliste et homme politique québécois Louis Fréchette a eu une activité journalistique à Chicago, de 1866 à 1871 ; il collabore à un journal éphémère, L’Observateur, et contribue à la fondation de L’Amérique (1868-1871)21 21 Sur tous ces journaux francophones américains, on peut se reporter à Bélisle, op. cit. .

À cette époque la frontière n’est pas du tout hermétique comme elle l’est aujourd’hui ; jusqu’à la crise économique de 1929, on va et vient très librement de part et d’autre de la frontière, comme le montre le cas exemplaire d’Honoré Beaugrand22 22 Jean-Philippe Warren, Honoré Beaugrand. La plume et l’épée (1848-1906), Montréal, Boréal, 2015. . Beaugrand est un important journaliste, patron de presse et maire de Montréal dans les années 1880, qui a commencé à faire du journalisme en Louisiane à la fin des années 1860. Installé ensuite en Nouvelle-Angleterre, il fonde L’Écho du Canada à Fall-River (au Massachussetts) en 1873, qu’il revend un peu plus tard, pour fonder ensuite La République, à Boston, qu’il déménage à plusieurs reprises : à Lowell, à Fall-River, et même quelques mois à Saint-Louis, au Missouri, dans le Midwest, avant de le ramener une dernière fois à Fall-River (tout cela se passe entre 1875 et 1878). Étonnants journalistes qui voyagent avec leurs journaux ! Enfin il fonde un important journal quotidien à Montréal, La Patrie, en 1879 ; ce sera un très grand succès et La Patrie est l’un des premiers journaux québécois à adopter les formules commerciales de la presse de masse.

* * *

Les grands jalons historiques ayant été rappelés, il s’agit maintenant de se poser la question des relations qui animent ces journaux de l’Amérique du Nord. Comment les penser comme un ensemble, comme un « système », et est-il pertinent de le faire ? Je suis assez convaincu que la réponse est positive, car si nous n’arrivons pas à comprendre, pour un tel objet de communication que la presse, les processus historiques dans leurs dynamiques d’intégration et d’échanges, le risque est élevé de ne constituer que des histoires cloisonnées, en isolant les journaux et les sous-ensembles qu’ils forment ; et avec pour résultat la construction d’objets finalement assez artificiels, dont on masque une grande partie des fonctions, des usages et des valeurs dans l’histoire du développement des communautés francophones d’Amérique du Nord. Il est certain que cette réflexion inviterait aussi à un élargissement, à une poussée vers l’Amérique du Sud notamment, mais je resterai ici centré sur le cas nord-américain.

L’élément majeur de la culture médiatique est qu’elle est au fond une culture du lien, et pour bien le percevoir il faut changer un peu la perspective. Il existe au XIXe siècle sans aucun doute un réseau international du journalisme francophone, dont le pôle incontournable a longtemps été Paris23 23 2Je me permets de renvoyer à mon ouvrage, G. Pinson, La culture médiatique francophone, op. cit. . Chacun des espaces francophones considérées s’en approprie les pratiques, certaines traditions, des poétiques et des imaginaires, mais bricole aussi des spécificités locales, et les journalistes francophones américains doivent également composer avec d’autres types d’influences, par exemple l’ensemble linguistique dominant qui les entoure. La mesure de ces tensions et de ces échanges est l’enjeux le plus difficile de cette historiographie, mais le plus stimulant aussi, car il ouvre la porte à des conceptions renouvelées du monde francophone au XIXe siècle, que l’on pourrait synthétiser en trois points.

Un réseau polycentré

Ce réseau francophone est d’abord beaucoup plus polycentré qu’on ne l’a souvent perçu. Il n’est pas constitué dans la mise à distance de l’influence européenne, qui demeure essentielle, mais il produit une très grande quantités d’autres types d’interactions, par le grand nombre de textes qui circulent, qui sont recopiés, réédités, échangés constamment au sein de ce système américain. Il s’agit d’une dynamique que l’on repère dès le XVIIIe siècle24 24 Will Slauter, « Le paragraphe mobile : circulation et transformation des informations dans le monde atlantique du xviiie siècle », Annales. Histoire, sciences sociales, v. 76, n. 2 (2012), p. 363-389. , et qui connait une expansion sans commune mesure au siècle suivant - à tel point que certains chercheurs utilisent désormais l’analogie de la « viralité » pour en rendre compte25 25 Voir Ryan Cordell, « Reprinting, Circulation, and the Network Author in Antebellum Newspapers », American Literary History, Vol. 27, Issue 3 (Fall 2015), p. 417-445. . Le projet Numapresse, dirigé par Marie-Ève Thérenty, confirme pour la France et pour le monde francophone (notamment pour le déplacement et la réimpression des textes entre la France et le Canada) que la « viralité » y est aussi très présente26 26 Voir https://numapresse.hypotheses.org. . En découle un constat que l’on commence à pouvoir affirmer avec assez de certitude : une bonne part de l’expérience quotidienne du journal, et surtout de l’importance que chaque lecteur accorde au rituel de la lecture, ne provient pas tant du fait que le lecteur cherche absolument de l’original, de la nouveauté, dans sa consommation du journal, mais presque l’inverse : en effet, le lecteur veut aussi sentir et percevoir dans le journal les signes de sa connexion à un monde dont la caractéristique est qu’il est traversé par les flux médiatiques. Dès lors, cet « effet de connexion » s’exprime à travers les procédés de la réimpression, de la reprise et la circulation incessantes de nouvelles, d’un journal à l’autre - exactement ce que Ryan Cordell étudie dans le cas de la presse américaine de langue anglaise27 27 Cordell, « Reprinting… », op. cit. . Il va de soi que ces activités de réimpression répondent aussi à la nécessité, très prosaïque, de remplir les pages des journaux d’un contenu francophone qui n’est pas toujours disponible à l’échelle locale, faute de rédactions aux tailles modestes. Mais ceci permet cela : en cherchant ailleurs ses contenus, chaque journal ouvre pour ses lecteurs l’horizon d’un monde perçu, rédigé et souvent vécu en français.

En ce qui concerne l’espace francophone, les dépouillements montrent à ce jour à quel point il se fonde aussi sur des formes « internes » de circulation (propres aux corpus rédigés en français) et « exogènes » (fruits de traductions et emprunts à la presse de langue anglaise principalement, qui est sa voisine immédiate). La presse bilingue (français/anglais), très fréquente en Amérique du Nord, est un cas d’espèce, alors que sur la même page cohabitent des textes traduits, échangés, souvent repris d’un journal à l’autre. Mais il suffit de se plonger dans ces journaux francophones pour apprécier à quel point une grande partie de leur matière est reprise d’autres journaux du continent. Dans les années 1840 par exemple, le Courrier de la Louisiane publie régulièrement un « Extrait de la correspondance du Courrier des États-Unis», qu’il pige dans le journal de New York ; mais les correspondances que le journal newyorkais édite lui-même sont souvent reprises de journaux parisiens28 28 Par exemple - et pris tout à fait au hasard - le 13 septembre 1841, une colonne complète de ces correspondances ; deux colonnes le 18 juillet 1842. , et il se dessine ainsi un réseau de circulation entre La Nouvelle-Orléans, New York et Paris. En réalité ce genre de reprises et de circulations de nouvelles sont si nombreuses que seuls les outils numériques peuvent permettre de recomposer et de cartographier la densité de ces réseaux29 29 L’usage des outils numériques dans ces nouvelles lectures de la presse francophone atlantique est un axe important du projet Numapresse. . La recherche à cet égard en est à ses débuts et le phénomène est extrêmement complexe, mais il fournit une clé explicative importante de l’expérience de lecture qui était celle de ces francophones d’Amérique du Nord. Il permet aussi d’envisager une francophonie médiatique qui déconstruit les conceptions trop univoques que l’on pourrait avoir de ces réseaux ; la circulation des textes et de l’information était sans doute beaucoup plus multidirectionnelle qu’on ne l’imagine souvent.

Un monde de lecteurs

D’où découle, deuxième élément de synthèse, le constat de l’existence d’un monde relativement unifié de lecteurs francophones qui cherchent dans leurs journaux à lire et faire usage de l’actualité locale, mais aussi à prendre place au sein de ces espaces francophones reliés les uns aux autres, formant un ensemble plus ou moins net, toujours en mouvement, mais bien réel au quotidien. Une communauté francophone qui existe et qui est vivante, c’est une communauté qui s’insère dans ces flux médiatiques, qui les infléchie, qui se situe par rapport aux autres. Cela est très net avec la presse des communautés canadiennes émigrées aux États-Unis ; c’est toujours très clair aussi avec la presse des Français installés aux États-Unis, comme à New York dans le Courrier des États-Unis. Une bonne partie du contenu de ces journaux porte sur l’interaction des différents espaces francophones entre eux. Vers le milieu du siècle cet ensemble de journaux et de journalistes est si dense et il apparaît si solide, que nombre d’écrivains-journalistes croient par exemple y déceler l’avenir et même les fondements d’une nouvelle Nouvelle-France de l’ère de la communication médiatique. Henri-Émile Chevalier (l’auteur des Mystères de Montréal que j’ai évoqué un peu plus tôt) est un exilé du Second Empire qui, après avoir collaboré à New York au Courrier des États-Unis, s’installe à Montréal où il fonde La Ruche littéraire et politique. En 1859 il y signe un long article intitulé « La presse franco-américaine », dans lequel il établit la liste des grands journaux du Québec, de New York, de la Louisiane, de certaines grandes zones urbaines des États-Unis (Chicago, San Francisco, St. Louis), et même du Brésil (Rio de Janeiro). « Plaise à Dieu que ma voix soit entendue et qu’il se trouve à Montréal, à Québec, New York ou La Nouvelle-Orléans des Franco-Américains doués d’une confiance assez robuste en leur nationalité pour former une association exclusivement artistique, dont les ramifications s’étendront sur les deux Amériques »30 30 La Ruche littéraire et politique, avril 1859, p. 46. , affirme-t-il dans une vision très unifiée d’un tel espace. Ce grand réseau littéraire auquel rêve Chevalier est bien porté par la structuration du système médiatique, apte à incarner ce rêve d’union, à faire circuler la littérature et même à rendre possible l’affirmation un peu folle d’une Amérique française reconquise, qui va rester longtemps ancrée dans les esprits. Des textes comme ceux de Chevalier montrent bien que les francophones du milieu du XIXe siècle ont une conscience assez nette d’occuper un point précis du système nord-américain dont j’ai retracé les grands jalons, qu’ils en connaissent le fonctionnement et les grandes articulations, de même que sa capacité à constituer des communautés de lecteurs réunis par ces journaux en réseau.

Des aventuriers-journalistes

Je souligne enfin - un peu plus longuement - un troisième et dernier élément de synthèse, qui explique en partie cet horizon unifié que présente le système francophone nord-américain. Il s’agit de l’action des journalistes voyageurs, immergés dans une intense culture de la mobilité, pour qui la fondation de journaux est souvent une véritable aventure, une sorte de nouveau capitalisme littéraire qui peut se pratiquer à la mesure d’un continent, voire dans certains cas de plusieurs continents. Les textes circulent sans cesse, je l’ai rappelé, mais les journalistes et les patrons de presse aussi, qui sont avant tout des voyageurs : tous pratiquent un étonnant journalisme itinérant, qui me semble assez caractéristique d’un journalisme aux réseaux polycentrés. Migrants de tous types, exilés, colons, aventuriers, parfois escrocs en fuite : on trouve de tout dans ces journalistes. Les itinéraires nord-américains d’Honoré Beaugrand que j’ai évoqués tout à l’heure, de la Louisiane au Québec, en passant par la Nouvelle-Angleterre et le Midwest, sont variés et denses. Frédéric Gaillardet a lui aussi été un fameux voyageur dans les années 1830-1840 : Louisiane, Texas, Cuba, New York, Canada, plusieurs allers-retours en France.

En réalité ces deux journalistes sur les chemins ne sont pas des exceptions mais plutôt la norme. Donnons encore quelques exemples. Celui pour commencer d’un certain Étienne Derbec, typographe au Journal des Débats à Paris dans les années 1840. Comme beaucoup de ses contemporains, Derbec est ébloui par la découverte de l’or en Californie à la fin de 1840. Un beau jour de 1850, il quitte la France pour San Francisco, devient mineur et correspondant du Journal des débats, dans lequel il publie des « Lettres de la Californie31 31 Voir le Journal des débats des 5 avril, 2 mai, 24 septembre et 25 novembre 1850 ; et des 15 janvier, 20 janvier, 10 mars, 26 mars et 10 juillet 1851. », racontant ses aventures de chercheur d’or. Malade, il rentre à San Francisco, où il fonde L’Écho du Pacifique le 1er juin 1852, qui passera de trois livraisons par semaine à un rythme quotidien en 1855, avant de se transformer en Courrier de San Francisco en 186532 32 Voir Annick Foucrier, Le rêve californien. Migrants français sur la côte Pacifique, XVIII e - XX e siècles, Paris, Belin, 1999, en particulier les p. 190-199; p. 305-306. L’Écho du Pacifique deviendra le Courrier de Sain Francisco en 1865. . Ces journaux vont jouer un rôle important pour la communauté francophone très présente dans les affaires et dans la vie municipale de San Francisco33 33 Claudine Chalmers, French San Francisco, Charleston, Chicago, Portsmouth and San Francisco, Arcadia Publidhing, 2007. , et ils vont contribuer au rayonnement de la communauté francophone du Pacifique. Ainsi un écrivain et chroniqueur québécois très important, Arthur Buies, s’est-il lui aussi lancé sur la route dans les années 1870, espérant aller travailler comme journaliste en Californie : il connaissait l’existence du Courrier de San Francisco et il était attiré par son succès, « un journal qui a fait gagner quelques centaines de mille dollars à son propriétaire34 34 Arthur Buies, Chroniques, T. II, édition critique par Francis Parmentier, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1991, p. 180. » écrit-il dans le récit qu’il tire de son voyage. Buies a beaucoup voyagé dans sa jeunesse et il a étudié à Paris ; le journalisme parisien l’inspire, notamment le petit journalisme contestataire, et à la fin des années 1860, avant de partir pour la Californie, il fonde à Québec une Lanterne canadienne sur le modèle de la Lanterne d’Henri Rochefort35 35 Voir la réédition de la Lanterne présentée et annotée par Jonathan Livernois et Jean-François Nadeau, La Lanterne, Montréal, LUX, 2018. . Il fait partie de ces profils nord-américains qui pratiquent un journalisme et un imaginaire médiatique sans frontière.

Autre destin étonnant, celui du Français René Masson, homme d’affaires un peu louche, qui quitte assez rapidement la France en traînant des dettes derrière lui, fonde en 1844 à New-York Le Franco-Américain, qui ne parviendra pas à surmonter la vive concurrence du Courrier des États-Unis de Frédéric Gaillardet. L’affaire newyorkaise liquidée en 1848, Masson s’installe à Mexique où il lance Le Trait d’Union en 1849, hebdomadaire puis quotidien à partir de 1856, qui n’hésite pas désormais à puiser dans les nouvelles et le réseau des correspondants du Courrier des États-Unis, tout en échangeant des nouvelles avec L’Écho du Pacifique d’Étienne Derbec36 36 Voir Jacqueline Covo-Maurice, « Un grand journaliste français au Mexique au XIXesiècle : René Masson et le Trait d’union», Caravelle, no78, 2002, p. 105-125. . On découvre que ces journalistes et ces patrons de presse communiquent entre eux d’un bout à l’autre du continent et que leurs journaux se citent les uns les autres.

Et c’est d’ailleurs en Louisiane que l’on peut terminer ce rapide panorama de quelques-uns de nos journalistes voyageurs. La Louisiane est l’un des endroits sans doute les plus mélangés culturellement de l’Amérique du Nord francophone, le plus traversé de ces flux de circulations, de transferts et d’échanges, qui paraît synthétiser à merveille la mobilité du journalisme américain. Rappelons qu’en Louisiane, la richesse et la variété de la presse est en grande partie fondée sur l’action des Créoles de couleurs, dont on sait qu’ils ont contribué au champ intellectuel local, dans un contexte - celui de l’esclavage et de la ségrégation - souvent très difficile. Louis Charles Roudanez est l’un d’eux. Médecin formé à Paris, descendant de réfugiés de Saint-Domingue, il fonde le journal L’Union à la Nouvelle-Orléans en 1862, un journal antiesclavagiste, avec la collaboration de son frère Jean-Baptiste et l’éditeur Paul Trévigne, autre descendant de réfugiés37 37 Sur ces deux journaux et les frères Roudanez, voir des articles de la revue South Atlantic Review, vol. 73, no 2, printemps 2008 : Nathalie Dessens, « Louis Charles Roudanez, A Creole of Colour of Saint-Domingue Descent : Atlantic Reinterpretations of Nineteenth-Century New Orleans », p. 26-38 ; Laura V. Rouzan, « Dr. Louis Charles Roudanez : Publisher of America’s First Black Daily Newspaper », p. 54-58 ; Caryn Cossé Bell, « The Common Wind’s Creole Visionary: Dr. Louis Charles Roudanez », South Atlantic Review, p. 10-25. Voir aussi article de Dessens pour le contexte général des réfugiés et de leurs descendants en Louisiane dans Une Amérique française, p. 89-112. . Mais avant cela il a passé plusieurs années à Paris, car souvent en effet les Créoles les plus fortunés étaient envoyés en France par leurs parents, pour leur éducation ; et donc Roudanez fait à Paris des études de médecine et il participe à la Révolution de Février 1848, un événement cardinal dans la formation de ses idées politiques. Ainsi il milite pour l’égalité des droits à son retour en Louisiane dans les années cinquante, et L’Union est fondé en pleine guerre civile. Le journal de Roudanez reçoit de nombreuses menaces, une partie de l’élite blanche esclavagiste n’apprécie guère ce journal qui la défie en pleine Nouvelle-Orléans, et il doit fermer son journal en 1864, mais pour faire surgir aussitôt un autre, à une nouvelle adresse, La Tribune de la Nouvelle-Orléans, qu’il lance cette fois avec la collaboration du belge Jean-Charles Houzeau. La Tribune pourra compter sur le soutien d’auteurs et politiciens européens importants : Victor Hugo, Alexandre Dumas, Garibaldi notamment, qui y publient des lettres de soutien.

En guise de conclusion

Tous ces journalistes en mouvement sillonnent le continent et l’Atlantique, ainsi que le contenu de ce qu’ils publient dans leurs journaux, lui-même très mobile. Les lecteurs ont ainsi accès à un monde extraordinaire ouvert, loin d’être replié sur des petites zones fractionnées et indépendantes. Pourtant, le portrait général que cet article a proposé est sans doute encore trop simplifié ; il a dû sacrifier d’autres temporalités, des vagues successives de succès et d’échecs pour ces journaux innombrables, aux destins entrecroisés. Et puis, fait majeur qu’il faudrait aussi considérer, un reflux de la francophonie médiatique s’effectue par phases, progressivement, à partir de la fin du XIXe siècle. Plusieurs des communautés francophones d’Amérique du Nord se fragilisent et peu à peu s’intègrent dans le monde anglophone qui les entoure. L’Abeille de la Nouvelle-Orléans perd le soutient de l’État de la Louisiane et elle s’éteint en 1923. Nombre de ces journaux amorcent un assez rapide déclin au XXe siècle, et le dynamisme du journalisme rédigé en français va remonter vers le nord, se concentrer au Québec, au Canada, se fragiliser ailleurs. Au Québec, des journaux comme La Patrie (1879), puis La Presse lancée à Montréal en 1883, exploiteront désormais les recettes de la presse d’information de masse, lançant une nouvelle phase de l’ère médiatique38 38 Jean de Bonville, La presse québécoise de 1884 à 1914. Genèse d’un média de masse, Québec, Presses de l’Université Laval, 1988. .

Malgré la complexité de cette histoire, malgré l’entrecroisement des destins de ses artisans et des textes qui sillonnent le continent, la presse francophone d’Amérique du Nord est, au XIXe siècle, un objet cohérent, entier, qui répond à des processus intégrés de développement et de relations. Des représentations et des imaginaires collectifs soudent au quotidien ces communautés, qu’il faudrait maintenant considérer aussi dans une plus large intégration. Au cœur du XIXe siècle, du nord du Canada jusqu’au Brésil, nous voyons émerger et vivre des journaux francophones, témoins actifs de leurs communautés39 39 Laurent Vidal et Tania Regina de Luca, Les Français du Brésil, XIX e -XX e siècles, Paris, Les Indes savantes, 2011 (réédition 2016). .

Références

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  • SLAUTER, Will. « Le paragraphe mobile : circulation et transformation des informations dans le monde atlantique du xviiie siècle». Annales. Histoire, sciences sociales, vol. 76, no 2 (2012), p. 363-389.
  • WARREN, Jean-Philippe. Honoré Beaugrand. La plume et l’épée (1848-1906) Montréal: Boréal, 2015.

Notes

  • 1
    Voir www.medias19.org et Guillaume Pinson, La culture médiatique francophone en Europe et en Amérique du Nord, de 1760 à la veille de la Première Guerre mondiale, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Cultures québécoises », 2016PINSON, Guillaume. La culture médiatique francophone en Europe et en Amérique du Nord, de 1760 à la veille de la Première Guerre mondiale. Québec: Presses de l’Université Laval , 2016..
  • 2
    Dans le cas de la presse française, on se référera à la somme incontournable : Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La civilisation du journal. Histoire littéraire et culturelle de la presse française du XIX e siècle, Paris, Nouveau monde, 2011KALIFA, Dominique; RÉGNIER, Philippe; THÉRENTY, Marie-Ève et VAILLANT, Alain (dir.). La civilisation du journal. Histoire littéraire et culturelle de la presse française du XIXe siècle. Paris: Nouveau Monde, 2011..
  • 3
    Alexandre Bélisle, Histoire de la presse franco-américaine, Worcester, L’Opinion publique, 1911BÉLISLE, Alexandre. Histoire de la presse franco-américaine. Worcester: L’Opinion publique, 1911..
  • 4
    Voir Sally M. Miller (dir.), The Ethnic Press in the United States : A Historical Analysis and Handbook, Greenwood Press, 1987MILLER, Sally M. (dir.). The Ethnic Press in the United States : A Historical Analysis and Handbook. Greenwood Press, 1987..
  • 5
    La référence incontournable pour avoir un portrait d’ensemble est Maurice Lemire (dir.), La vie littéraire au Québec, T. 1 : 1764-1805, Québec, Presses de l’Université Laval, 1991LEMIRE, Maurice (dir.). La vie littéraire au Québec, T. 1 : 1764-1805. Québec: Presses de l’Université Laval , 1991..
  • 6
    Nova Doyon, présentation de la réédition de la Gazette littéraire de Montréal, annotée par Jacques Cotnam, en collaboration avec Pierre Hébert, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « L’archive littéraire », 2010DOYON, Nova. Présentation de la réédition de la Gazette littéraire de Montréal, annotée par Jacques Cotnam, en collaboration avec Pierre Hébert. Québec: Presses de l’Université Laval, 2010. .
  • 7
    Hans-Jürgen Lüsebrinck, « Le livre aimé du peuple ». Les almanachs québécois de 1777 à nos jours, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Cultures québécoises », 2014LÜSEBRINCK, Hans-Jürgen. « Le livre aimé du peuple ». Les almanachs québécois de 1777 à nos jours. Québec: Presses de l’Université Laval , 2014.
  • 8
    Le portrait de ce type de presse est effectué à travers le cas du Canadien dans Micheline Cambron (dir.), Le Journal Le Canadien. Littérature, espace public et utopie (1836-1845), Montréal, Fides, 1999CAMBRON, Micheline (dir.). Le Journal Le Canadien. Littérature, espace public et utopie (1836-1845). Montréal: Fides, 1999..
  • 9
    Sur la presse de Louisiane, se reporter à l’étude d’ensemble sur la littérature louisianaise réalisée par Réginald Hamel : La Louisiane créole, littéraire, politique et sociale, 2 vol., Ottawa, Leméac, 1984HAMEL, Réginald. La Louisiane créole, littéraire, politique et sociale. 2 vol. Ottawa: Leméac, 1984..
  • 10
    Caryn Cossé-Bell, Revolution, Romanticism, and the Afro-Creole Protest Tradition in Louisiana, 1718-1868, Lafayette, LSU Press, 1997COSSÉ-BELL, Caryn. Revolution, Romanticism, and the Afro-Creole Protest Tradition in Louisiana, 1718-1868. Lafayette: LSU Press, 1997..
  • 11
    Anthony Grolleau-Fricard, Le Courrier des États-Unis, entre France, États-Unis et Canada (1828-1851), thèse de doctorat, Paris 1, 2009GROLLEAU-FRICARD, Anthony. Le Courrier des États-Unis, entre France, États-Unis et Canada (1828-1851). Thèse de doctorat, Paris 1, 2009. 643f., 643f.
  • 12
    Frédéric Gaillardet, L’Aristocratie en Amérique, Paris, Dentu, 1883GAILLARDET, Frédéric. L’Aristocratie en Amérique. Paris: Dentu, 1883., p. 120.
  • 13
    Groleau-Fricard, op. cit., p. 265.
  • 14
    Groleau-Fricard, op. cit., p. 286.
  • 15
    Voir notamment Dominique Kalifa et Marie-Ève Thérenty (dir.), Les mystères urbains au XIX e siècle : circulation, transferts, appropriations, Médias 19, 2016, en ligne : http://www.medias19.org/index.php?id=17039 ; ainsi que Catherine Nesci (dir.), American Mysterymania, Médias 19, 2018NESCI, Catherine (dir.). American Mysterymania. Médias 19, 2018. En ligne : http://www.medias19.org/index.php?id=23807.
    http://www.medias19.org/index.php?id=238...
    , en ligne : http://www.medias19.org/index.php?id=23807.
  • 16
    Voir Guillaume Pinson, « LesMystèreset le feuilleton : aux sources de la culture médiatique francophone transatlantique », dans Kalifa et ThérentyKALIFA, Dominique; THÉRENTY, Marie-Ève(dir.). Les mystères urbains au XIX e siècle : circulation, transferts, appropriations. Médias 19, 2016. En ligne : http://www.medias19.org/index.php?id=17039
    http://www.medias19.org/index.php?id=170...
    , Les mystères urbains, op. cit., Médias 19[En ligne].
  • 17
    Cité par Groleau-Fricard, op. cit., p. 125.
  • 18
    Tous ces mouvements migratoires et le développement des communautés francophones sur le continent sont présentés dans Yves Frenette, Étienne Rivard Marc Saint-Hilaire (dir.), La francophonie nord-américaine, Québec, Presses de l’Université Laval, 2012FRENETTE, Yves; SAINT-HILAIRE, Étienne Rivard Marc (dir.). La francophonie nord-américaine. Québec: Presses de l’Université Laval , 2012..
  • 19
    Gérard Beaulieu, « Les médias en Acadie », dans Jean Daigle (dir.), L’Acadie des Maritimes. Études thématiques des débuts à nos jours, Moncton, Chaire d’études acadiennes, Université de Moncton, 1993BEAULIEU, Gérard. « Les médias en Acadie », dans Jean Daigle (dir.). L’Acadie des Maritimes. Études thématiques des débuts à nos jours. Moncton: Chaire d’études acadiennes, Université de Moncton, 1993, p. 505-542., p. 505-542.
  • 20
    Yves Roby, Les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre : rêves et réalités, Québec, Septentrion, 2000ROBY, Yves. Les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre : rêves et réalités. Québec: Septentrion, 2000..
  • 21
    Sur tous ces journaux francophones américains, on peut se reporter à Bélisle, op. cit.
  • 22
    Jean-Philippe Warren, Honoré Beaugrand. La plume et l’épée (1848-1906), Montréal, Boréal, 2015WARREN, Jean-Philippe. Honoré Beaugrand. La plume et l’épée (1848-1906). Montréal: Boréal, 2015..
  • 23
    2Je me permets de renvoyer à mon ouvrage, G. Pinson, La culture médiatique francophone, op. cit.
  • 24
    Will Slauter, « Le paragraphe mobile : circulation et transformation des informations dans le monde atlantique du xviiie siècle », Annales. Histoire, sciences sociales, v. 76, n. 2 (2012SLAUTER, Will. « Le paragraphe mobile : circulation et transformation des informations dans le monde atlantique du xviiie siècle». Annales. Histoire, sciences sociales, vol. 76, no 2 (2012), p. 363-389.), p. 363-389.
  • 25
    Voir Ryan Cordell, « Reprinting, Circulation, and the Network Author in Antebellum Newspapers », American Literary History, Vol. 27, Issue 3 (Fall 2015CORDELL, Ryan. « Reprinting, Circulation, and the Network Author in Antebellum Newspapers ». American Literary History, v. 27, n. 3 (Fall 2015), p. 417-445.), p. 417-445.
  • 26
    Voir https://numapresse.hypotheses.org.
  • 27
    Cordell, « Reprinting… », op. cit.
  • 28
    Par exemple - et pris tout à fait au hasard - le 13 septembre 1841, une colonne complète de ces correspondances ; deux colonnes le 18 juillet 1842.
  • 29
    L’usage des outils numériques dans ces nouvelles lectures de la presse francophone atlantique est un axe important du projet Numapresse.
  • 30
    La Ruche littéraire et politique, avril 1859, p. 46.
  • 31
    Voir le Journal des débats des 5 avril, 2 mai, 24 septembre et 25 novembre 1850 ; et des 15 janvier, 20 janvier, 10 mars, 26 mars et 10 juillet 1851.
  • 32
    Voir Annick Foucrier, Le rêve californien. Migrants français sur la côte Pacifique, XVIII e - XX e siècles, Paris, Belin, 1999FOUCRIER, Annick. Le rêve californien. Migrants français sur la côte Pacifique, XVIIIe-XXe siècles, Paris, Belin, 1999, p. 190-306., en particulier les p. 190-199; p. 305-306. L’Écho du Pacifique deviendra le Courrier de Sain Francisco en 1865.
  • 33
    Claudine Chalmers, French San Francisco, Charleston, Chicago, Portsmouth and San Francisco, Arcadia Publidhing, 2007CHALMERS, Claudine. French San Francisco, Charleston, Chicago, Portsmouth and San Francisco, Arcadia Publidhing, 2007..
  • 34
    Arthur Buies, Chroniques, T. II, édition critique par Francis Parmentier, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1991BUIES, Arthur. Chroniques, T. II, édition critique par Francis Parmentier. Montréal: Presses de l’Université de Montréal, 1991, p. 180., p. 180.
  • 35
    Voir la réédition de la Lanterne présentée et annotée par Jonathan Livernois et Jean-François Nadeau, La Lanterne, Montréal, LUX, 2018LIVERNOIS, Jonathan ; NADEAU, Jean-François. La Lanterne. Montréal: LUX, 2018..
  • 36
    Voir Jacqueline Covo-MauriceCOVO-MAURICE, Jacqueline. « Un grand journaliste français au Mexique au XIXe siècle : René Masson et le Trait d’union ». Caravelle, n. 78, 2002, p. 105-125., « Un grand journaliste français au Mexique au XIXesiècle : René Masson et le Trait d’union», Caravelle, no78, 2002, p. 105-125.
  • 37
    Sur ces deux journaux et les frères Roudanez, voir des articles de la revue South Atlantic Review, vol. 73, no 2, printemps 2008 : Nathalie Dessens, « Louis Charles Roudanez, A Creole of Colour of Saint-Domingue Descent : Atlantic Reinterpretations of Nineteenth-Century New Orleans », p. 26-38 ; Laura V. Rouzan, « Dr. Louis Charles Roudanez : Publisher of America’s First Black Daily Newspaper », p. 54-58 ; Caryn Cossé Bell, « The Common Wind’s Creole Visionary: Dr. Louis Charles Roudanez », South Atlantic Review, p. 10-25. Voir aussi article de Dessens pour le contexte général des réfugiés et de leurs descendants en Louisiane dans Une Amérique française, p. 89-112.
  • 38
    Jean de Bonville, La presse québécoise de 1884 à 1914. Genèse d’un média de masse, Québec, Presses de l’Université Laval, 1988.
  • 39
    Laurent Vidal et Tania Regina de Luca, Les Français du Brésil, XIX e -XX e siècles, Paris, Les Indes savantes, 2011 (réédition 2016).

Publication Dates

  • Publication in this collection
    9 Sept 2019
  • Date of issue
    2019

History

  • Received
    05 July 2018
  • Accepted
    10 June 2019
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