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Interview with historian Michel Balard – Université Panthéon - Sorbonne (Paris 1) – France

DOSSIÊ- DESLOCAMENTOS CULTURAIS

Interview with historian Michel Balard – Université Panthéon - Sorbonne (Paris 1) – France

Susani Silveira Lemos França

Professor of Medieval History at UNESP, author of "Os reinos dos cronistas medievais" (Annablume, 2006), translator of "Viagens de Jean de Mandeville" (EDUSC, 2007) and coordinator of "Questões que incomodam o historiador" (Alameda, 2013, in production) and "As cidades no tempo" (Olho d'Água, 2005). E-mail:susanilemos@uol.com.br

In this issue of Revista História (São Paulo), which touches on themes related to cultural dislocation and how they are decisive in the construction of humanity and its habitats in various historical moments and places, it is with great pleasure that we present an interview with one of France's most renowned experts in the history of European expansion in the Orient: Michel Balard. An emeritus professor at Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1), Balard is the author of a vast and diverse body of work on spacial relations in the Mediterranean, including the Crusades, migrations, forms of colonization, commercial exchanges, rivalries and approximations between civilizations linked to the Mediterranean Sea. Among the numerous books, book chapters and articles that he has published, these are just a few of his most celebrated works: La Romanie génoise (XIIe-début du XVe siècle) (Paris: Sorbonne, 1976) Le Moyen Âge en Occident, avec Michel Rouche et Jean-Philippe Genet (Paris: Hachette Éducation, collection "HU Histoire", 5e édition, 2011); Croisades et Orient latin (XIe-XIVe siècle) (Paris: A. Colin, 2001); Les Latins en Orient XIe-XVe siècle (coll. Nouvelle Clio, Pairs: PUF, 2006); La Méditerranée médiévale: Espaces, itinéraires et comptoirs (Paris: Picard, 2006); Les Latins en Orient (XIe-XVe siècle) (Paris: PUF, 2006).

These and other works helped to define his distinguished role in the formation of new researchers and in the consolidation of studies on the role of spacial and cultural dislocation on the formation of a Europe born precisely at the crossroads of civilizations bathed by the aforementioned sea: the Latin, the Byzantine and the Islamic.

Throughout the interview, the researcher talks a little about his trajectory and his studies on Europe's eastward expansion, with an emphasis on the role of the Genoans. He also comments on current thinking, in France and other countries, on the history of European expansion in the near East, in which a certain interest in the study of mindsets, and interactions with Anthropology, has placed some crucial perspectives on medieval man into limbo; including the quotidian, productive activities and social organization. Virtualities, among others, that seem to have been the targets of a study based on the idea of a complete history of Mediterranean space - at least as a regulative goal.

Susani S. L. França - Dans la mesure où cette interview s'adresse à un public spécialisé mais non médiéviste, nous aimerions savoir ce qui, dans votre parcours intellectuel et universitaire, constitue en quelque sorte votre marque distinctive?

Michel Balard - Ce qui me paraît important de souligner c'est l'élargissement des perspectives de recherche au cours de ma carrière : j'ai commencé par explorer les archives de Gênes, parmi les plus riches des dépôts du monde méditerranéen, afin d'étudier les relations de Gênes avec l'empire byzantin, puis je me suis orienté vers une étude plus générale de l'histoire des rapports de Gênes avec la mer, ensuite de l'histoire des croisades et des relations politiques et économiques entre l'Orient et l'Occident au Moyen Age, toujours avec le souci de communiquer les résultats de mes recherches en une bonne vulgarisation.

Susani S. L. França - Les déplacements individuels et collectifs, réels et imaginaires, jouent toujours un rôle décisif dans la construction de l'idée de cosmos et d'humain partagée à une époque donnée. Vos études partent précisément des déplacements des Européens au long du Moyen Âge. Qu'est-ce qui a motivé vos premiers choix et quelles sont vos priorités en matière de recherche? Le fait d'avoir été considéré comme un historien en quête d'une « histoire totale de l'espace méditerranéen » vous paraît-il justifié?

Michel Balard - Mes premiers choix ont été déterminés par mon attrait pour l'histoire de l'Italie médiévale et par la richesse des archives de Gênes, que me signalait mon maître, Paul Lemerle, lorsque j'étais jeune professeur. Une de mes priorités a été d'explorer les archives notariales génoises, sans doute les plus riches du monde. L'élargissement de mes perspectives de recherche, tel qu'il a été signalé plus haut, m'amène effectivement à envisager une histoire totale du monde méditerranéen au bas Moyen Age (XIe-XVe siècle).

Susani S. L. França - En plus de textes spécifiques comme La Romanie génoise (XIIe-début du XVe siècle), Les Latins en Orient, etc., vous êtes l'auteur aux côtés d'historiens tels que Michel Rouche et Jean-Philippe Genet d'ouvrages d'introduction au Moyen Âge. Comment jugez-vous ce type d'ouvrages dans la trajectoire d'un historien? Quel est leur rôle dans la consolidation de certaines idées partagées sur le passé? En d'autres termes, dans quelle mesure les ouvrages généralistes remplissent-ils une fonction didactique et ont-ils plus de poids que les ouvrages spécifiques quand il est question d'un partage des connaissances sur une époque donnée?

Michel Balard - Il m'est apparu nécessaire de fournir aux étudiants un manuel sur le Moyen Age envisagé dans son ensemble, afin de mettre à leur portée les problématiques essentielles de la période et de vulgariser les acquis les plus récents de la recherche, ce que réalisent les nombreuses rééditions successives de l'ouvrage. On ne peut comparer les ouvrages généralistes et les ouvrages spécialisés : ces derniers constituent la base à partir de laquelle peuvent être rédigés des ouvrages « généralistes » qui en résument l'apport.

Susani S. L. França - Il existe des livres qui rendent hommage à votre œuvre et aux chemins qu'elle a frayés dans les études sur les échanges dans l'espace méditerranéen. Comment vous reconnaissez-vous dans ces ouvrages?

Michel Balard - J'ai été heureux que dans les « Chemins d'Outre-mer » puissent se rassembler tous ceux, élèves et collègues, avec lesquels j'ai pu travailler et partager au cours de ma carrière, de sorte que ce bouquet d'études vient enrichir ce que j'ai pu écrire.

Susani S. L. França - Au Brésil, il est fréquent d'établir des parallèles entre des phénomènes semblables à des époques différentes. Quels types de comparaisons jugez-vous légitimes entre l'expansion européenne vers l'Orient et vers l'Occident? L'opposition reconnaissance/découverte est-elle appropriée pour distinguer les deux types de déplacement à des moments distincts?

Michel Balard - A la suite de certains historiens spécialistes de la fin du Moyen Age et du début de l'époque moderne, j'ai pu parler de « précédents médiévaux de la colonisation moderne », en effectuant des comparaisons entre l'expansion occidentale au Moyen Age vers l'Orient et les débuts de la colonisation moderne vers les Amériques. En ce sens je reconnais une grande pertinence à l'analyse de Leroy-Beaulieu qui a cherché à définir les critères de la colonisation que je me suis efforcé de retrouver dans l'expansion occidentale vers l'Orient médiéval.

Susani S. L. França - Dans notre pays, la tendance actuelle est aux bilans historiographiques – très souvent considérés comme une forme de légitimation du travail de l'historien. En outre, les travaux de plusieurs médiévistes brésiliens – parfois sous la justification de la rigueur de l'analyse documentaire – tendent à se structurer autour d'une source ou d'une œuvre, à partir de l'argument de la spécificité mais sans masquer le présupposé de la singularité. En France, où la diversité des recherches en histoire médiévale est beaucoup plus remarquable, la prédominance d'une tendance quelle qu'elle soit est-elle perceptible?

Michel Balard - Effectivement il y a des modes dans l'écriture de l'histoire. L'histoire économique si prisée jadis par l'École historique française est en déclin depuis plusieurs décennies et mériterait d'être revalorisée. La tendance des jeunes historiens à privilégier l'histoire des mentalités a été récemment dominante, en même temps qu'une étude des sociétés médiévales, appuyée sur l'anthropologie. Un équilibre doit être recherché afin de mettre en valeur toutes les virtualités des hommes du Moyen Age, vie quotidienne, activités, organisation sociale, mentalités et culture. Mais l'historien peut-il aujourd'hui tenir tous les fils de cette histoire globale?

Susani S. L. França - Comme on peut le voir aujourd'hui, les avancées technologiques ont facilité l'accès aux sources médiévales pour des chercheurs issus de pays où le domaine est peu développé. Qu'en pensez-vous? Comment évalueriez-vous ces nouvelles expériences en ce qui concerne l'espace méditerranéen au Moyen Âge?

Michel Balard - Les avancées technologiques permettent effectivement aux historiens éloignés des sources et de la bibliographie de commencer une recherche. Mais rien ne vaudra jamais le contact direct avec les sources d'archives, la prise en mains des registres qui, même s'ils ont été en partie numérisés, révèlent des trésors que seul le contact physique avec les écrits permet de découvrir. D'où la difficulté matérielle pour les historiens sud-américains à mener de longues enquêtes sur le Moyen Age européen, qui impliquent un long séjour en archives.

Susani S. L. França - En guise de conclusion sur vos recherches et au vu de la thématique de ce dossier – les déplacements culturels –, qu'en est-il, selon vous, du poids du facteur économique sur les liens et les oppositions entre les trois grandes civilisations méditerranéennes : byzantine, musulmane et occidentale?

Michel Balard - Vaste question. Il est certain qu'un problème passionnant est l'étude du renversement des hégémonies économiques entre les trois civilisations considérées : comment l'Occident si peu évolué de ce point de vue au haut Moyen Age, a réussi à s'ouvrir aux dimensions du monde à partir des Xe-XIe siècles et à dominer progressivement les économies byzantine et musulmane, au point que l'on a pu considérer que le sous-développement du monde musulman contemporain (à l'exception des pays producteurs de l'or noir) avait son origine dans la concurrence victorieuse des marchands italiens et catalans de la fin du Moyen Age. La question reste à étudier en détail.

  • Entrevista com o historiador Michel Balard - Université Panthéon - Sorbonne (Paris 1) - França

    Susani Silveira Lemos França
  • Publication Dates

    • Publication in this collection
      01 July 2013
    • Date of issue
      June 2013
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