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Chirurgie du sympathique et troubles cérébraux d'origine ischémique

Chirurgie du sympathique et troubles cérébraux d'origine ischémique

P. WertheimerI; L. Mansuy

IProfesseur à la Faculté. Chirurgicn des Hôpitaux (Lyon, France)

Si les travaux expérimentaux ne permettent pas d'nttribuer au sympathique une action certaine sur la circulation dans les petits vaisseaux cérébraux, les constatations cliniques, elles, en maintes occasions, plaident en faveur de l'intervention d'un mécanisme vasomoteur. N'est-ce pas le spasme qui est responsable chez les athéromateux ou les hypertendus de ces hémiplégies ou de ces aphasies dont l'installation brutale evoque l'ictus mais dont la regression rapide est complete sans le moindre déficit permanent? Simple hypothèse? Peut-être, mais qui se trouve confirmée par l'examen ophtalmoscopique lorsque l'artère centrale de la rétine se trouve elle aussi intéressée. Dans un autre ordre d'idées, les neurochirurgiens ont décrit des modifications corticales ou sous-corticales manifestement liées à un dérèglement des fonctions vasomotrices: l'anémie du cortex au cours des crises épileptiques a été, souvent relatée et les poussées hypertensives brutales survenant au cours de l'acte chirurgical et determinant une augmentation rapide du volume de l'encéphale, une turgescence, voire même une rupture des petits vaisseaux se réclament d'une origine sin on exclusivement, du moins três fortement vasomotrice.

L'artériographie cérébrale apporte elle aussi son tribut à ces constatations. Le spasme des trones artériels ou de leurs branches principales y est nettement visible; il peut même, de par son intensité, simuler, pour Fobservateur non averti, l'oblitération complete. Seules des épreuves répétées à quelques jours d'intervalle permettent de lever les doutes dans les cas d'interpretation difficile.

Il est done permis de se demander puisque la circulation cérébrale pos-sède elle aussi un système vasomoteur, si celui-ci n'est pas susceptible d'influencer la sémeiologie des lésions vasculaires ischémiques de l'encéphale et si, inversement, une thérapeutique sympathique ne sei ai pas capable, là comme aux membres, d'améliorer des troubles considérés a priori comme liés à un ramollissement cérébral et par consequent définitifs. Ce sont quelques unes de ces tentatives que nous voudrions évoquer maintenant.

Elles sont déjà anciennes puisqu'une des premières interventions (sinon la première) fut faite par Leriche en 1925: il s'agissait d'une ramisection cervicale pour hémiplégie récente, le malade fut amélioré mais perdu de vue au bout de deux mois. En 1936, Leriche et Fontaine publièrent l'observation d'une malade, âgée de 58 ans, qui sept jours après une hystérectomie pour fibrome hémorragique, présenta une hémiplégie droite avec aphasie, coma et stertor. Une infiltration stellaire régularisa la respiration et fit dissiper le coma. Trois autres infiltrations, les jours suivants, entrainèrent la rétrocession pratiquement complète de l'hémiplégie et de l'aphasie.

Depuis cette date, des faits de même nature ont été publiés par divers chirurgiens. Dans un article récent Leriche1 nous apporte son bilan des interventions sympathiques dans les thromboses récentes et les embolies des vaisseaux cérébraux: il insiste sur la necessite d'agir rapidement et de façon intensive, le plus souvent par infiltrations stellaires répétées toutes les six heures dans les deux premiers jours, la plupart de ces malades ne pouvant être opérés sans danger. Une de ses observations (publiée en 1936 avec Apfeel) est particulièrement troublante: un malade atteint depuis 18 mois d'angine de poitrine présentait, en outre, un syndrôme de la fossette latérale du bulbe (syndrome de Wallenberg), se traduisant, du côté opposé à la lésion, par une hémiparésie, une hémianesthésie avec dissociation syringomyélique et des douleurs, et, du côté de la lésion, de l'ataxie, de la latero-pulsion et une paralysie des muscles du pharynx, du voile et du larynx. Le malade étant amélioré par les infiltrations stellaires, Leriche réséque le ganglion cervical moyen et l'étoilé: il obtint, outre la disparition des crises angineuses, une regression de l'ataxie et de la déficience cérébelleuse; les troubles sensitifs objectifs s'atténuèrent considérablement, seules persistèrent une hypoesthésie à la douleur dans la moitié droite du corps et une diminution de la sensibilité thermique de la main et de la face postérieure du bras; la déficience pyramidale et l'hypotonie musculaire demeurèrent par contre inchangées. En somme, des troubles déficitaires lies à une thrombose artérielle cérébrale et installés depuis plusieurs mois (ce qui permettait, semblet'il, de les considérer comme définitifs) régressèrent sous l'influence d'une intervention sympathique.

Sousa Pereira publia au Congrès International de Chirurgie (Londres, 1947) des faits analogues. Sa statistique fait état de quinze observations: trois concernaient des embolies carotidiennes avec hémiplégie et aphasie, traitées l'une 33 heures après l'accident, les autres 2 et 7 ans après, douze des thromboses cérébrales datant de 4 jours à 10 ans. Tous ces malades eurent d'abord des infiltrations stellaires d'epreuve, quatre d'entre eux ne purent être operes en raison de la gravite de leur état mais retirèrent des infiltrations répétées un profit certain, surtout en ce qui concerne le déficit moteur, l'aphasie n'etant que três légèrement améliorée.

Les onze malades restants furent opérés: sympathectomie cervicale in-férieure (résection des ganglions moyen, intermédiaire, étoilé et section du nerf vertébral) exécutée chez les cinq derniers de façon bilatérale et completes pour quatre d'entre eux par une sympathectomie périartérielle bilatérale portant sur la carótide interne et la vertébrale. Les resultats ont été variables: 7 malades avaient une hémiplégie droit uvec aphasie, 6 virent leur aphasie s'attenuer considérablement tandis que 5 seulement eurent une amelioration de leur déficit moteur; 4 avaient une hémiplégie gauche, un fut un échec presque complet (l'accident vasculaire remontait il est vrai à 10 ans), trois furent améliorés surtout pour le membre inférieur. Il ne semble pas que les sympathectomies bilatérales larges aient donné de meilleurs résultats.

Reprenant la question sous l'angle expérimental, Sousa Pereira a montré sur des artériographies que la résection de la chaine sympathique cervicale déterminait chez le chien auquel on avait lié les deux carótides internes un développement de la circulation collatérale du côté correspondant. Chez deux malades porteurs de thrombose carotidienne, l'artériographie permit de constater après sympathectomie le même développement de la circulation collatérale. Ces constatalions radiographiques confirment ce que l'examen ophtalmologique nous avait déjà montré: Pinfiltration stellaire faite par exemple pour une rétine pigmentaire ou une atrophie optique augmente de façon três nette la circulation de la papille et de la rétine.

Dans un autre ordre d'idees, Strieker a publié des observations concernant des troubles déficitaires post-traumatiques. La premiere a trait à un homme de 46 ans, chez lequel une esquille osseuse avait déchiré la duremère, blessé une veine pie-mérienne et lésé le cortex de la region pariétale droite. Deux ans après, il conservait une monoplégie brachiale gauche complete avec refroidissement de la main, perte de la sensibilité au tact, impotence absolue. Des infiltrations steüaires faites du côté paralyse (dans le but de réchauffer le membre), puis du côté de la lésion, restèrent sans effet. Les infiltrations du ganglion cervical supérieur faites du côté de la lésion cérébrale permirent la recuperation de la sensibilité puis la reprise, d'abord três faible, mais progressivement accentuée, de la motilité volontaire; elles eurent même une consequence curieuse, le réchauffement du membre paralyse, action croisée qui démontre bien l'origine centrale de ces troubles vasomoteurs des hémiplégiques. Après cinq infiltrations, le malade put reprendre son travail; quatre mois plus tard le résultat se maintenait, seuls quelques légers troubles rappelaient l'état antérieur.

Une seconde observation concerne un malade qui, six jours après un traumatisme de la region pariétale gauche, conservait une aphasie. Celleci disparut définitivement le lendemain d'une infiltration du ganglion cervical supérieur gauche.

De ces deux observations, nous pouvons rapprocher celle d'un homme de 28 ans que nous avons suivi personnellement. II conservait six ans après son traumatisme une hémiplégie droite avec dysarthrie. Une artériographie nous montra l'intégrité du système carotidien. Il eut une resection du ganglion cervical supérieur et de la partie haute de la chaine cervicale. Mais son indocilité nous empêcha de le suivre et de verifier par une nouvelle artériographie le résultat obtenu. Deux ans plus tard nous avons eu des nouvelles par telephone: il se déclarait enchanté du résultat et semblait s'exprimer avec facilite, malheureusement nous n'avons pu apprécier l'évolution de son hémiplégie.

Les interventions sympathiques peuvent agir non seulement sur les déficits moteurs ou les troubles vasomoteurs, mais également sur les douleurs. Strieker, par une seule infiltration du ganglion cervical supérieur, chez une malade de 66 ans ayant eu le mois auparavant un ictus et qui conservait une monoplégie brachiale avec des douleurs rebelles depuis 2 mois, vit en quelques minutes les douleurs disparaitre et les mouvements redevenir possibles.

À ces faits, il convient d'ajouter les constatations faites par Leriche chez deux blesses de guerre porteurs de lesions traumatiques de la carótide primitive. Chez l'un, opéré un an et demi après sa blessure, la resection de la carótide primitive, thrombosée sur presque tout son segment cervical, fit disparaitre des douleurs ressenties dans le cou et l'épaule et améliora dans une proportion três notable une hémiparésie et surtout une dysarthrie importante. Sept ans plus tard le blessé avait pu reprendre un travail de cultivateur et parlait presque normalement.

Chez un autre, blessé depuis huit mois, la carótide n'etait pas thrombosée mais englobée dans une gangue scléreuse cicatricielle. La liberation de l'artere et la resection de l'adventice accentuèrent les résultats déjà obte-nus par des infiltrations stellaires, e'est-a-dire améliorèrent l'hémiplégie et firent disparaitre une dysarthrie três accentuée. Ce malade, un prêtre, présentait en outre des troubles de la mémoire, une lenteur considerable de l'idéation et ne pouvait pratiquement plus lire. Après Tintervention il put reprendre ses études au séminaire; revu huit ans plus tard, il exerçait son ministère sans trop de peine.

Ces faits que nous venons de résumer brièvement ne sauraient constituer une statistique, car ils ont été choisis à titre d'exemple parmi les plus favorables; la thérapeutique sympathique ne saurait prétendre influencer toutes les hémiplégies, ni effacer les dégats consécutifs aux embolies ou aux thromboses cérébrales: les échees y sont beaucoup plus frequents que les succès. Il nous apparait cependant que, si incomplets qu'ils soient, ces premiers résultats sont riches d'enseignement et nous laissent entrevoir de multiples possibilites.

Sans méconnaitre la valeur thérapeutique de cette chirurgie, valeur qui justifie toute tentative, si fragile que soit l'espoir d'un succès, nous voudrions mettre l'accent sur quelques deductions d'ordre plus general. La réalité de perturbations vasomotrices et la possibilite de les traiter par des interventions sympathiques, ne sauraient être mises en doute; pour l'encephale, comme pour les membres, la lesion vasculaire initiale, thrombose ou embolie, ne reste pas isolée; elle s'accompagne d'un cortege de reactions vasomotrices qui vont aggraver la scene clinique déficitaire. Le champ d'aclion de ces modifications secondaires est parfois três étendu, débordant largement le territoire tributaire de l'artère lésée et la disproportion entre la lesion initiale minime et ses consequences vasomotrices est três nette. Il ne s'agit pas là, certes, d'idees nouvelles puisque maints auteurs dont Strieker les avaient mentionnées dans leurs études sur l'hémorragie cérébrale; mais elles étaient restées dans le cadre de speculations théoriques, alors que les faits chirurgicaux leur apportent une confirmation pratique indéniable.

Leur méconnaissance tient surtout à l'impossibilité dans laquelle se trouve le clinicien d'en faire la discrimination. Leur traduction par un syndrome déficitaire d'installation souvent brutale et qui d'emblee atteint son maximum n'offre ancune place à l'analyse. Si revolution partiellement regressive permet parfois de soupçonner l'intrication des deux processus, au-cun element ne nous guide pour prévoir l'importance de la recuperation et partant pour préciser le pronostic. C'est un des mérites, et non le moindre, de cette chirurgie du sympathique, que de permettre, comme l'a souligné Leríche, l'analyse de ces phénomènes et de dissocier ainsi de l'élément fixe, consequence de la lésion anatomique, l'élément labile, en rapport avec l'inhibition des fonctions cérébrales, veritable "arret fonctionnel" du eerveau, pour reprendre l'expression de Strieker.

Cette étude met en évidence un fait qui heurte nos conceptions habituel-les. Instruits dans l'idée de la fragilité du trone nerveux vis-à-vis de l'ischémie, nous avons tendance à considérer que tout déficit cerebral d'origine vasculaire releve de la destruction definitive des elements nobles, fibres et cellules, et qu'il sera de ce fait durable, toute suppléance paraissant aléatoire. La transformation brutale de la scene clinique réalisée par la sympathectomie nous oblige à reviser cette conception. Qu'un trouble cerebral, stabilise depüis plus d'un an et qui à ce titre ne nous paraissait plus reversible, puisse s'attenuer en quelques jours, voilà qui suffit à nous prouver combien nous connaissons mal le mécanisme de ces perturbations vasomotrices. Nous pouvons imaginer qu'a côté de la necrose cellulaire consequence de la carence de la circulation vitale, la carence d'une circulation fonctionnelle laisse intacte l'architecture cellulaire et tissulaire mais inhibe son fonctionnement physiologique.

Il se produit là des phénomènes en tous points comparables à ceux que l'on observe au membre inférieur: à la gangrene par arret de la circulation vitale s'oppose la claudication intermittent par insuffisance de la circulation fonctionnelle des muscles.

On ne saurait pousser plus loin cette assimilation qui reste un peu simpliste. Il est probable que l'angle vasomoteur sous lequel nous avons envisage la sympathectomie n'est qu'un des elements de son action. L'un de nous, étudiant les blessures des nerfs périphériques ou les paralysies faciales traumatiques, a insiste sur le caractère complexe des relations entre les elements nerveux, leur vascularisation et le système sympatique. Il est vraisemblable que pour le tissu cerebral il en est de même.

Mais si nous voulons apporter une conclusion pratique à ces quelques reflexions, il nous faut souligner ce fait qu'a côté de la pathologie nerveuse conforme aux enseignements de la doctrine anatomo-clinique, il existe une pathologie fonctionnelle qui nous demeure encore pratiquement inconnue. Le seul but de notre travail était d'evoquer les problèmes que soulève son etude, sans aucune pretention à les résoudre.

BIBLIOGRAPHIE

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Stricker - Arrêts fonctionnels d'origine cérébrale. Lyon Chir., 44:264-270, 1949. Wertheimer, P. - À propos de la communication de Stricker. Lyon Chir., 44:254-255, 1949.

Wertheimer, P. - Effets des lésions vasculaires sur les lésions nerveuses périphériques. Lyon Chir., 41:385-388, 1946.

Wertheimer, P., Sautot J. et Durand, L. - Le traitement des paralysies faciales traumatiques par les infiltrations sympathiques. Rev. de Chir., 87:129-134, 1949.

41, Avenue de Saxe - Lyon, France.

  • Leriche, R. - Infiltrations stellaires, sympathectomies et artériectomie dans les embolies et thromboses des artères cérébrales et après les blessures carotidiennes. Lyon Chir., 44:257-263, 1949.
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Publication Dates

  • Publication in this collection
    10 Feb 2015
  • Date of issue
    Sept 1950
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