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La science de la parente: adoption, genetique et identite parmi les adoptes au bresil

Résumé

Cet article discute la part de la science et des notions d'héritage et de génétique dans la quête des origines menées par des personnes adoptées au Brésil. Il examine comment les nouvelles technologies et découvertes de la science sont intervenues dans les domaines de la parenté et explore la façon dont leur importance grandissante pourrait expliquer la fascination pour la découverte des origines biogénétiques. Il considère donc comme essentiel de discuter de quelle manière la science est devenue un objet d'étude des sciences humaines. Cela est primordial pour comprendre l'influence des connaissances scientifiques, et particulièrement celles touchant à l'hérédité, sur nos décisions concernant la parenté et la famille. À partir des récits d'interlocuteurs, ce texte problématise les cheminements de la quête des origines au Brésil et soulève des questions sur le poids de l'argument génétique, surtout en lien à la santé, pour justifier la quête des origines.

Mots-clés
quête des origines; parenté; génétique; adoption

Este artigo tem por objetivo discutir como ciência e noções de herança e transmissão fazem parte da busca das origens de pessoas adotadas no Brasil. Para além de examinarmos como as novas tecnologias e descobertas da ciência influenciam os domínios do parentesco, buscaremos explorar como sua importância crescente poderia explicar a fascinação pelas origens biogenéticas. Acreditamos excepcional discutir de que forma conhecimentos científicos, sobretudo aqueles que versam sobre hereditariedade, influenciam nossas decisões sobre parentesco e família. A partir das narrativas de nossos interlocutores, problematizamos os caminhos da busca das origens no Brasil e buscamos questionar a influência do argumento genético, ligado à saúde, para justificar a busca das origens.

busca das origens; parentesco; genética; adoção


La science de la parenté: Adoption, génétique et identité parmi les adoptés au Brésil1 1 Cet article se base sur une recherche de terrain développée pour ma thèse de doctorat, financée par l'agence CAPES (Coordenação de Aperfeiçoamento de Pessoal de Nível Superior) que je remercie.

Depuis que Schneider (1968SCHNEIDER, David Murray. 1968. American kinship : a cultural account. Englewood Cliffs, N.J.: Prentice-Hall.) a mis l'accent sur la relation entre la parenté et les avancées scientifiques beaucoup de choses ont changé tant dans les configurations familiales que dans la place que la science y occupe. Ainsi, quand la technologie a permis de marquer les gènes et de réaliser les célèbres examens d'ADN, la preuve sociale de la paternité n'a soudainement plus suffi. La densité du sang aurait-elle changé?2 2 Abreu Filho a beaucoup exploré les dimensions et signification du sang pour la parenté au Brésil. Pour plus de détails voir : Abreu Filho, 1981 et 1982. De fait, il semblerait être devenu plus épais, lourd de nouveaux éléments - l'ADN, le gène, le génome, notre histoire, notre héritage, nos racines, notre identité et nos origines dans le sens le plus large. Cette série de développements dans le domaine moléculaire de la science, dont l'examen d'ADN, a transformé les enquêtes juridiques de paternité (Allebrandt 2007aALLEBRANDT, Débora. 2007a. "Entre trâmites: audiências, processos de investigação e negação de paternidade sob a ótica de uma investigação antropológica". In: Soraya Resende Fleischer et al.(eds.), Antropólogos em ação. Porto Alegre: Editora da UFRGS. pp. 205-220.; Fonseca 2002FONSECA, Claudia. 2002. "A vingança de Capitu: DNA, escolha e destino na famí lia brasileira contemporânea". In: Sandra Bruschini; Cristina Ubehaum (eds.), Gênero, democracia e sociedade brasileira. São Paulo: Editora 34. pp. 267-294., 2004a____. 2004a. "A certeza que pariu a dúvida: paternidade e DNA". Revista Estudos Feministas [online], 12(2): 13-34. ; Cabral 1990CABRAL, João de Pina. 1990. O homem na família. Lisboa: ICS Universidade de Lisboa.). De l'investigation sociale à l'analyse de la preuve génétique, la relation entre loi et science n'avait jamais été aussi étroite. Cependant, d'autres usages de l'examen d'ADN s'éloignent du domaine juridique pour trouver de nouvelles fonctions, sur l'Internet par exemple. Les sites d'aide à la construction d'arbres généalogiques sont populaires sur la toile depuis une dizaine d'années. Ils profitent de l'avancée de la technologie utilisant des tests d'ADN pour retrouver des maillons manquant dans la recherche généalogique (Wade 2009WADE, Peter. 2009. "Race, identité et parenté".In: Enric i Gené Porqueres (ed.),Défis contemporains de la parenté. Paris: Éditions de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales. pp. 171-196.; Legrand 2007LEGRAND, Caroline. 2007. "Internet et le gène : la généalogie à l'heure des nouvelles technologies". Enfances, Familles, Générations [online], 7:166-174., 2009____. 2009. "Génétique et recherche généalogique". In: Enric i Gené Porqueres (ed.), Défis contemporains de la parenté. Paris: Editions de l'École de Hautes Études en Sciences Sociales. pp. 133-149.). La scientificité de ces recherches peut certes être contestée, mais la décision individuelle de poursuivre la quête n'est pas critiquable en soi. Il faut se demander comment l'enquête servant à reconstruire l'arbre généalogique se différencie de celle faite par des adoptés et de personnes issues d'un don de gamètes.3 3 Cette comparaison a été développée dans d'autres travaux, notamment Allebrandt, 2013. Cela démontre combien la recherche des origines préoccupe notre société et que, aujourd'hui, cette quête passe plus par le laboratoire que par les archives.

L'application de la science aux domaines de la parenté est claire : elle devient l'outil pour connaître la "vraie" paternité et aide à avoir un enfant "vraiment" à soi. Cependant, on ne peut pas faire comme si la science était simplement un outil ou un moyen. Symboliquement, la science, soit comme preuve d'une relation génétique, soit comme rhétorique parlant de ce qui est vrai ou de ce qui appartient à la nature, fait partie d'un discours transcendant plusieurs domaines de notre société. Elle est intimement liée avec notre façon de comprendre le monde où nous vivons.

En plus d'examiner comment les nouvelles technologies et découvertes de la science sont intervenues dans les domaines de la parenté, je veux explorer en quoi leur importance grandissante pourrait expliquer la fascination pour la découverte des origines biogénétiques. Il me semble donc essentiel de discuter de quelle manière la science, et surtout ses laboratoires, est devenue un objet d'étude des sciences humaines. Je me concentrerai plus particulièrement sur les cas d'adoptés ayant décidé de retracer leurs origines pour y étudier l'influence des connaissances scientifiques, particulièrement celles touchant à l'hérédité, sur nos décisions concernant la parenté et la famille.4 4 La recherche de terrain ayant permis d'établir la base de données exploitée ici a été menée entre 2010 et 2011. Cet article fait partie de ma recherche doctorale qui comparait la quête des origines des adoptés et de personnes issues d'un don de gamètes. J'ai interviewé vingt adoptés ou parents ayant des enfants issus d'un don de gamètes sur la quête des origines, dix au Brésil et dix au Québec. Un panorama des méthodes de recherche et des défis affrontés est disponible in Allebrandt 2013.

La science décryptée: le génome au cœur des études de laboratoire

Le laboratoire, vu à travers le filtre des sciences humaines, peut, et l'a effectivement fait, inspirer plusieurs études. Cette approche rompt avec la vision lointaine d'une science dure car elle l'expose à la vérité de ses propres faiblesses. Comme Bruno Latour l'a relevé, la science est le lieu de constantes disputes particulièrement dans le domaine de la nature. Or, c'est justement dans ce domaine que le projet du séquençage du génome humain (HUGO), connu populairement comme "projet génome", a inspiré des études remarquables : Bamford et Leach (2009BAMFORD, Sandra; LEACH, James. 2009. Kinship and beyond: the genealogical model reconsidered (fertility, reproduction and sexuality) [online]. New York/ Oxford: Berghahn Books.) nous rappellent que ce projet visait à comprendre qui nous sommes en tant qu'espèce et, même, qui nous sommes "vraiment". Cette idée que notre vérité absolue réside au plus profond de notre nature fait écho à l'argument de Viveiros de Castro qui croit que "perhaps biology is what we get when we start believing too much in our own ways of speaking" (Viveiros de Castro 2009: 242VIVEIROS de CASTRO, Eduardo Batalha. 2009. "The gift and the given: tree nano-essays on kinship and magic". In: Sandra Bamford and James Leach (eds.), Kinship and beyond: the genealogical model reconsidered. New York; Oxford: Berghahn Books. pp. 264-292) Autrement dit, on sait depuis longtemps que le rôle des métaphores de la science ne peut être négligé dans notre société (Keller 2003KELLER, Evelyn Fox. 2003. Making sense of life: explaining biological development with models, metaphors, and machines [online]. Boston: Harvard University Press. ).

Après la découverte de la double hélice d'ADN,5 5 La discussion de la découverte/adaptation de l'ADN à sa représentation en tant que double hélice peut être lue dans le livre "La science en action" de Latour(2005) Pour une lecture anthropologique de l'histoire de la génétique, voir Bibeau(2004) et pour le rôle de la génétique dans la santé, voir Baird (1994). les avancées de la science nous ont conduits à envisager la vie et la nature de façon de plus en plus "moléculaire". Comme carte qui nous conduirait aux réponses sur l'origine de la vie ou à la dangereuse possibilité de forger une clé pour ouvrir la boîte de Pandore, ce projet a reçu une énorme publicité et ses résultats suscitent encore bon nombre d'espoirs, de peurs et, surtout, de pouvoirs.

Foucault (1976FOUCAULT, Michel. 1976. "Droit de mort et pouvoir sur la vie". In: Histoire de la sexualité, I. La volonté de savoir. Paris: Gallimard. pp. 177-191.) a énoncé en quelques pages l'un des concepts les plus influents de notre époque : le biopouvoir. Pour lui, le pouvoir souverain de laisser vivre et faire mourir s'actualise dans la modernité : le biopouvoir représente la gestion calculatrice de la vie et de l'administration des corps.

"La vieille puissance de la mort où se symbolisait le pouvoir souverain est maintenant recouverte soigneusement par l'administration des corps et la gestion calculatrice de la vie. Développement rapide au cours de l'âge classique des disciplines diverses - écoles, collèges, casernes, ateliers ; apparition aussi, dans le champ des pratiques politiques et des observations économiques, des problèmes de natalité, de longévité, de santé publique, d'habitat, de migration; explosion, donc, de techniques diverses et nombreuses pour obtenir l'assujettissement des corps et le contrôle des populations. S'ouvre ainsi l'ère d'un "biopouvoir" (Foucault 1976: 172FOUCAULT, Michel. 1976. "Droit de mort et pouvoir sur la vie". In: Histoire de la sexualité, I. La volonté de savoir. Paris: Gallimard. pp. 177-191.).

Cet auteur affirme que la gestion calculatrice de la vie établit des enjeux transformant la vie en objet politique. Des disputes et des revendications sur le contrôle de la vie, du corps, de la santé et de la sexualité, entre autres, voient le jour. Le biopouvoir est ainsi directement impliqué dans la gestion de l'existence humaine.

Bien que ce concept se retrouve dans plusieurs autres aspects de sa théorie, Foucault a laissé plusieurs questions sans réponse dans la relation entre biopouvoir et biopolitique. Aujourd'hui, des théories affirmant que le biopouvoir est né lorsque la vie biologique en est venu à intégrer la politique, donnent du crédit à Foucault. Pour Agamben (1997AGAMBEN, Giorgio. 1997. Homo sacer. Paris: Seuil. ),6 6 Il caractérise l'état précédent comme la "vie nue", c'est-à-dire une vie sans contraintes légales. par exemple, le pouvoir sur la vie, ou biopouvoir, est aujourd'hui exercé par le juriste, le médecin, le scientifique, et même le prêtre. Autrement dit, il est aux mains d'alliés du souverain.

Pour sa part, Rabinow(1996RABINOW, Paul. 1996. Essays on the anthropology of reason. Princeton, NJ: Princeton University Press.) souligne l'importance de la biopolitique dans l'étude de grandes entreprises comme "Celera", l'un des principaux acteurs dans la course au séquençage du génome, dont le but principal était d'établir "le gène responsable" de plusieurs maladies. Cet auteur a ainsi introduit un nouveau concept conjuguant socialité et biologie : la biosocialité (biosociality)7 7 Un livre dirigé par Gibbon et Novas (2008) discute la répercussion et l'utilisation de ce concept dans les études dialoguant avec la santé et la génétique. .

Il croit que, à l'avenir, avec la nouvelle génétique, le biologique ne sera plus une métaphore du vrai et du "naturel", mais un producteur d'identités. Ainsi, la biosocialité est un nouveau mode de production, résultat du changement de représentation de la nature et de la culture. Pour lui, "Nature will be known and remade through technique and will finally become artificial, just as culture becomes natural." (Rabinow 1996: 99RABINOW, Paul. 1996. Essays on the anthropology of reason. Princeton, NJ: Princeton University Press.)

Un autre chercheur, Gilles Bibeau (2004BIBEAU, Gilles 2004. Le Québec transgénique: science, marché, humanité. Montréal: Boréal.), démontre également la liaison entre l'État et la science. Dans Le Québec Transgénique, il révèle que, lors du séquençage du génome humain, les compagnies pharmaceutiques et l'État ont uni leurs efforts pour développer un projet "nationaliste" prenant en compte les spécificités québécoises. Il examine la question de l'humanisme au sein des études génomiques en précisant que le but du décryptage du génome est, en fin de compte, d'en connaître davantage sur la condition humaine. Selon lui,

"[...] d'une part, l'humanité devra assumer, au cœur d'une civilisation devenue de plus en plus biotechnique, un rapport critique envers son savoir et ses pouvoirs sur la vie ; d'autre part, elle devra formuler un nouvel humanisme organisé autour de la notion même de vie plutôt que de celle de matière, un humanisme ancré dans les sciences de la vie, plus, ou tout autant, que dans celles de la matière, un humanisme qui devra se diffuser dans l'ensemble de la société, chez les scientifiques et chez les spécialistes des sciences dites humaines" (Bibeau 2010: 110).

Il s'agit d'un nouveau langage de délibération cherchant à analyser et mettre en relief les valeurs humaines au détriment du marché, de la loi ou des faits de science. Selon Jasanoff (2005JASANOFF, Sheila. 2005. Designs on nature : science and democracy in Europe and the United States. Princeton, N.J. ; Woodstock: Princeton University Press.), les règlements et lois visant à établir ce qui est correct et juste en termes bioéthiques sont vus par les citoyens comme responsabilité de l'État. Cependant, elle se demande "How, for example, could the law speak persuasively of human dignity or of protecting nature when the meanings of "human" and "nature" were themselves under siege ?" (Jasanoff 2005: 171JASANOFF, Sheila. 2005. Designs on nature : science and democracy in Europe and the United States. Princeton, N.J. ; Woodstock: Princeton University Press.)

Culture et science

Quand on pense à la science, il n'y a pas de place pour le sens commun. C'est pour cette raison que Latour affirme que si "les ethnosciences peuvent se rattacher pour une partie à la société et au discours, la science ne le peut pas" (Latour 1991: 16LATOUR, Bruno. 1991. Nous n'avons jamais été modernes: essai d'anthropologie symétrique. Paris: Éditions La Découverte.). C'est ce qui a conduit Malinowski (1963MALINOWSKI, Bronislaw. 1963. Les argonautes du Pacifique occidental. Paris: Gallimard.), à l'avant-garde de son époque, à dire que les peuples primitifs étaient capables d'utiliser la logique rationnelle, de la même façon qu'il y avait une place dans la société occidentale pour la pensée magique. Cependant, comme l'observe l'anthropologue Laura Nader (1996NADER, Laura. 1996. Naked science: anthropological inquiry into boundaries, power, and knowledge. Nova York e Londres: Routledge.), Malinowski n'est pas arrivé à la conclusion logique de son argument : la rationalité scientifique est aussi un produit culturel. Mais, ne faisons pas de Malinowski un bouc émissaire. L'histoire nous a montré que la science était bien protégée derrière les murs de la citadelle (Haraway 1991HARAWAY, Donna. 1991. Simians, cyborgs, and women: the reinvention of nature. New York: Routledge.).

Selon Nader (1996NADER, Laura. 1996. Naked science: anthropological inquiry into boundaries, power, and knowledge. Nova York e Londres: Routledge.), la relation entre science et culture n'est pas nouvelle. Elle définit donc la science comme un corpus de connaissances incorporant savoirs, empirisme et curiosité. Toutefois, en Occident, la science évoque des configurations institutionnelles établies sur des règles d'ordre et de rationalité, aussi bien que sur des personnes unies par des compétences communes.

Pour Nader, il faut remarquer que beaucoup d'assertions construites sur la science sont prises comme "vérité". En effet, ces formulations viennent du contraste entre science et superstitions ou pratiques occultes. Par son homogénéité et son autonomie par rapport à la nature, la science prend donc la relève des pratiques païennes. Pour autant qu'elle s'éloigne de la vie quotidienne, remarque Nader, elle peut être définie de différentes manières, la définition académique n'en étant qu'une parmi d'autres.

Or, c'est justement la définition/démarcation des domaines de la science qui est au cœur de ce travail. Nader affirme que si la science est faite à partir de contrastes, ceux-ci,en dernière instance, produiront des hiérarchies pouvant privilégier une forme de connaissance au détriment des autres. Ainsi, les frontières déterminant la science sont aujourd'hui "fréquemment" arbitraires, "rarement" neutres et "toujours" des enjeux de pouvoir (Nader 1996NADER, Laura. 1996. Naked science: anthropological inquiry into boundaries, power, and knowledge. Nova York e Londres: Routledge.). Nader cherche donc à s'éloigner des idées évolutionnistes plaçant une certaine version de la science au-dessus du bien et du mal, du vrai et du faux.

À partir d'inquiétudes semblables, Jasanoff utilise le concept d'"épistémologies civiques" pour "move away from a priori assumptions about what publics should know or understand of science" (Jasanoff 2005: 250JASANOFF, Sheila. 2005. Designs on nature : science and democracy in Europe and the United States. Princeton, N.J. ; Woodstock: Princeton University Press.). Aussi, dans un chapitre dédié à la compréhension des épistémologies civiques mises en pratique, cette auteure décide de sortir de l'aspect de la gouvernance et du biopouvoir pour examiner le rôle du public dans le développement de la science et de la démocratie.8 8 Jasanoff (2005) affirme que, comme au théâtre, la politique qui fait usage de la science ne pourrait exister sans le public. Ainsi, de grands projets scientifiques comme le séquençage du génome ne pourraient pas exister sans support populaire. Pour ce faire, elle commence par énoncer la distinction entre épistémologies civiques et "public understanding of science" (PUS). À travers cette notion, la science est vue comme "unproblematic, universal, and invariant, equally understandable in all places and at all times." (Jasanoff 2005: 249JASANOFF, Sheila. 2005. Designs on nature : science and democracy in Europe and the United States. Princeton, N.J. ; Woodstock: Princeton University Press.)

Du long parcours des études de la science vers une compréhension épistémologique des outils de connaissance, l'anthropologie a hérité d'un riche champ d'études. J'ai souligné dans cette brève révision l'importance de ces études pour mettre en tension la relation entre nature et culture et pour prendre la science elle-même comme objet d'étude. Ainsi les paradigmes de la science aussi bien que ses priorités d'étude et formes d'assertion sont-ils influencés par le contexte culturel dans lequel ils sont produits. Voyons maintenant comment la demande d'accès aux informations permettant d'identifier les parents biologiques des adoptés brésiliens s'est configurée en droit reconnu avec la rédaction de la nouvelle loi de protection de l'enfance en 2009.

Chercher ses origines au Brésil: découvrir et enquêter

L'intérêt pour la biologie, l'ADN et le génome comme moyen de comprendre l'homme dans la complexité et la complétude de son héritage génétique est partagé autant par les scientifiques que par les personnes en quête de leurs origines. Si la recherche de notre "vraie nature" a conduit les scientifiques au cœur du génome humain, la quête des origines biologiques des adoptés et des personnes issues d'un don de gamètes semble emprunter le même chemin (Rabinow 1996RABINOW, Paul. 1996. Essays on the anthropology of reason. Princeton, NJ: Princeton University Press.).

Au Brésil, le Statut de l'enfant et de l'adolescent (ECA) réglemente depuis les années 1990 l'adoption et tout ce qui s'y rapporte. Les changements produits par ce nouveau code ont été exhaustivement analysés par les anthropologues brésiliens. Fonseca affirme que la réponse sociale à la nouvelle législation peut être vue comme un indice de la manière particulière dont plusieurs personnes voient dans l'approbation des lois la solution à des problèmes comme la pauvreté et l'inégalité sociale. Ainsi, en garantissant le droit à la vie, à la santé, à l'éducation, à la culture, au loisir, à la liberté et à la vie de famille, entre autres, cette loi devrait changer le destin des enfants brésiliens (Fonseca 2004a____. 2004a. "A certeza que pariu a dúvida: paternidade e DNA". Revista Estudos Feministas [online], 12(2): 13-34. ). L'ECAinstitue l'attribution aux enfants du statut de sujets de droit, lequel marque la transition d'une politique de contrôle des enfants à une politique visant à les protéger, voire à garantir leurs droits. Malgré son engouement pour cette initiative brésilienne, Fonseca se penche sur les limites de son adéquation à la réalité brésilienne et sur la spécificité de l'enfance comme sujet d'une loi (Fonseca 2004b_____. 2004b. "Os direitos da criança - Dialogando com o ECA". In: Claudia Fonseca et al. (eds.), Antropologia, diversidade e direitos humanos. Diálogos interdisciplinares. Porto Alegre: Editora da UFRGS. pp. 103-116.).

Les amendements apportés à l'ECA en 2009 comportent d'importants changements. Pour les personnes adoptées, cette réécriture garantit la préservation de leur dossier et la possibilité de le consulter après l'âge de 18 ans.

"Art 48. L'adopté a le droit de connaître son origine biologique et d'avoir un accès illimité au procès ayant conduit à cette mesure dès qu'il aura 18 (dix-huit) ans.

Paragraphe unique.

L'accès à la procédure d'adoption peut également être accordé à l'enfant adopté de moins de 18 (dix-huit)ans, à sa demande, s'il est l'objet de conseils et d'une assistance juridique et psychologique." (ECA, 2010)

Il s'agit d'une grande conquête pour les adoptés désirant entreprendre une recherche sur leurs origines. Pourtant, une fois de plus, la loi brésilienne méconnaît la réalité locale, qui inclut la pratique d'adoption irrégulière connue comme "adoption à la brésilienne"consistant à élever et déclarer l'enfant de quelqu'un d'autre comme sien. Même si cette procédure, qui efface complètement l'existence d'autres parents, a beaucoup diminué avec l'augmentation du nombre de naissances en milieu hospitalier, ces dernières décennies, les personnes adoptées irrégulièrement ont beaucoup de mal à faire valoir leurs droits. En choisissant de ne pas évoquer ces cas, la loi brésilienne néglige une grande partie des adoptés et considère les enfants de "l'adoption à la brésilienne" comme des "non adoptés". Ce qui pose problème surtout quand l'adopté décide de faire une enquête.

Mes entrevues au Brésil se sont centrées sur la recherche des origines. Ceux qui ont réussi leurs retrouvailles en parlent comme d'une période d'efforts intenses accompagnés de nombreux échecs avant d'arriver à un résultat. Un des grands défis pour les adoptés ayant décidé de rechercher leurs origines est de convaincre les personnes et institutions ayant participé à l'adoption à les renseigner. Cependant, une condition importante est nécessaire avant la quête: savoir que l'on a été adopté.

Les données de ma recherche font croire que, au Brésil, il y a encore une forte tendance à garder le secret sur l'adoption. Dans leurs récits, les adoptés ayant répondu à l'enquête parlent de la découverte de l'adoption comme d'un événement marquant. Même si parfois l'expérience de cette découverte a été vécue comme très négative, ils disent comprendre les raisons pour lesquelles les parents adoptifs ont caché l'adoption et parlent de leur gratitude de ne pas avoir été abandonnés.

Parmi les répondants, trois personnes ont découvert qu'elles avaient été adoptées après leur vingtaine. Soulignons que cette tranche ne concerne pas les personnes nées après 1990 qui, en majorité, l'ont su dès leur petite enfance. Les données de l'enquête révèlent un lent changement de philosophie et même l'influence des théories psychologiques sur la question des origines. Cela peut être aussi le fait del'amendement de la loi qui, dans les années 1980, a institué l'égalité entre enfants adoptés et biologiques au Brésil. Toutes ces transformations démontrent le passage graduel de la compréhension de l'adoption en tant que moyen de construire une famille "comme si", reposant sur le secret, à celle d'une famille "comme les autres", garantie par l'égalité de statut des enfants naturels et adoptés.

Ne savoir que l'on a été adopté que plus tard, ou encore à l'âge adulte, peut provoquer beaucoup d'angoisse. Cependant, dans ma recherche, ceux qui ne l'ont su qu'à plus de vingt ans ne semblent pas avoir plus de difficultés que ceux qui l'ont appris pendant leur petite enfance. Silvana, une pédagogue de 45 ans l'a découvert à 20 ans. Elle comprend qu'à l'époque le secret était de rigueur.

"Quand ma mère adoptive a décidé de me raconter, j'ai ressenti une grande douleur et, en même temps, de la gratitude pour mes parents adoptifs. Tout au début, je ne voulais rien savoir de mes parents biologiques... c'est venu 10 ans après..."9 (Silvana).

Silvana raconte être passée par plusieurs émotions : la douleur d'être la dernière à savoir, la gratitude pour ses parents adoptifs, quand elle évoque des récits d'abandon, le déni de curiosité pour ses origines et, dix ans après, la volonté de faire ses retrouvailles.

Dans une autre tranche d'âge, Ieda, 34 ans, a découvert à 24 ans qu'elle avait été adoptée. Elle affirme que, bien qu'elle ne l'ait découvert que très tard, rien n'a changé dans sa vie. Elle n'était d'ailleurs pas surprise. Non pas qu'elle ait traitée différemment dans sa famille, mais, intuitivement, elle le sentait. Aujourd'hui, elle a décidé de rechercher, sans hâte, ses parents biologiques avec l'aide de ses parents adoptifs.

En l'absence de données au niveau national, pour contextualiser ma recherche, il me faut ajouter aux éléments obtenus dans mon enquête des informations publiées par l'Association des enfants adoptés du Brésil (AFAB)10 10 Au Brésil, l'AFAB a été la première organisation d'adoptés à la recherche de leurs origines. Elle a été créée en 2007. Voir : http://www.filhosadotivosdobrasil.com/index.php/historia/missao-de-resgatar-identidades et d'autres études, pour tenter de dresser un état de la recherche des origines dans ce pays. Le site Internet de l'AFAB affirme disposer d'une liste de 3 000 personnes recherchant leurs origines et avoir aidé presque 500 personnes à faire leurs retrouvailles, depuis 2007.

Dans l'histoire de l'adoption, la recherche des origines a parfois été interprétée comme le résultat d'une adoption manquée. Ceux qui décidaient de retracer leurs origines étaient vus comme des instables et des ingrats envers leurs parents adoptifs. Ils devaient affronter nombre de préjugés11 11 Le sujet des retrouvailles est fort bien travaillé par Modell(1994) et Carp(2004)dans le contexte d'adoption aux États-Unis. Pour plus de détails, voir leurs travaux. qui font de plus en plus partie du passé. Néanmoins, le fait de rechercher son origine peut encore heurter les sentiments des parents adoptifs, voire provoquer leur jalousie, ce quia donc toujours une influence sur la prise de décision. Retarder les retrouvailles ou le faire en secret est une stratégie mise en œuvre pour ménager les parents adoptifs.

"J'ai peut-être attendu si longtemps (28 ans) pour éviter que ma mère adoptive ne souffre de quelque manière que ce soit. Généralement les personnes n'ont pas le choix par rapport à leur famille. Je sais que j'ai été choisi par mes parents et j'ai donc une responsabilité beaucoup plus grande. Et ce même dans une famille formidable comme la mienne... je vois qu'il existe toutes sortes d'épreuves, de doutes et de regrets même concernant le sentiment le plus important qu'est l'amour" (Felipe).

Le récit de Felipe laisse à penser que l'épreuve la plus importante est peut-être de décider de faire ses retrouvailles. Silvana, qui n'a su qu'elle avait été adoptée que quand elle avait 20 ans, dit que, pour sa part, la peur de blesser son père, qui était très angoissé par l'idée de ces retrouvailles, était une raison suffisante pour ne pas y penser. Toutefois, sa mère abordait souvent le sujet et insistait même sur la possibilité des retrouvailles. Ce que Silvana a appris, en écoutant sa mère, explique la résistance de son père : sa mère biologique était en effet la sœur de ce dernier, sa tante paternelle.

Dans ce cas, les résistances s'expliquaient par le fait que les retrouvailles impliqueraient de reparler d'un sujet très délicat de l'histoire familiale : la grossesse hors mariage de la petite sœur de son père. À l'époque, être mère célibataire était une honte pour la famille. Pour le père de Silvana, aborder ce sujet, c'était déterrer quelque chose de très délicat que l'on préférait passer sous silence. L'adoption intrafamiliale de Silvana s'appuie sur des décisions basées sur la morale de l'époque. Le secret, en accord avec les mœurs et coutumes, préservait les apparences.

La transmission de gènes et le besoin de compenser des manques par rapport à l'idée même de famille sont des arguments qui reviennent dans les récits de mes interlocuteurs. Pour Juliana, la volonté de connaître ses origines a commencé quand elle est tombée enceinte.

"En effet, ce qui me pousse à connaître mes parents biologiques c'est le fait que je sois enceinte. J'aimerais connaître mes origines, les faits physiques et ce qui passera à mon fils. J'ai toujours évité de toucher ce sujet pour ne pas blesser ma mère... en fait, jusqu'à aujourd'hui, je ne me sentais pas vraiment incitée à les connaître..." (Juliana).

Il est important de noter que, pour elle, connaître ses origines est une façon de savoir ce qu'elle pourrait transmettre génétiquement à son fils. La transmission de cet héritage biogénétique est souvent appelée "côté/facteur médical". Pour Valérie, c'est le déclencheur.

"Mon élément déclencheur, je dirais, pour aller de l'avant, c'était mes enfants. Quand j'ai eu mes enfants, et quand ils étaient vus par un médecin, il me demandait, bon, les antécédents dans la famille. Je ne pouvais pas y répondre. Je pouvais répondre du côté du père des enfants, mais de mon côté je disais, je suis adoptée, puis je ne sais pas. Pour moi, ce n'était pas grave, mais là, je me disais, j'ai une partie du sang de mes enfants aussi. Pis ça a été vraiment mon élément déclencheur, bon, j'ai besoin de savoir mon côté médical. Qu'est-ce que moi, Valérie [dit son nom complet] je transmets à mes enfants? Qu'est-ce qu'ils vont transmettre à leurs enfants? Ça, c'était vraiment mon élément. Le côté médical. Pas parce que les enfants étaient malades, mais pas du tout. J'ai eu des enfants en bonne santé et tout, mais ça a été ça l'élément" (Valérie).

Les antécédents médicaux prennent une toute autre dimension quand ils deviennent part de l'histoire des enfants. Comme le souligne Valérie, le fait que les siens étaient en bonne santé ne changeait rien à son besoin de savoir. Invoquer le "côté médical" n'est pas tant rechercher une carte génétique ou un bilan de santé, que connaître l'histoire de ceux qui nous ont engendrés, mettre une image sur le mythe, avoir un nom et une adresse.

Au Brésil, le grand nombre d'"adoptions à la brésilienne" pousse les adoptés à suivre d'autres pistes pour obtenir des informations. Cette recherche témoigne de la diversité d'approches. Comme je l'ai souligné, le caractère "irrégulier" des "adoptions à la brésilienne" est source de défis particuliers. Cependant, en ce qui concerne l'accès à l'information, les adoptions régulières ne sont pas beaucoup mieux loties.

Pour ceux qui ont été "adoptés à la brésilienne", les parents et membres de la famille restent la source première de renseignements. Ils préfèrent généralement rechercher des informations auprès d'un autre membre de la famille ou même de voisins à affronter leurs parents. Ceux qui le font rencontrent souvent des résistances, obtiennent peu d'information et produisent des récits flous (Fonseca 2009a_____. 2009a. "Family belonging and class hierarchy: secrecy, rupture and inequality as seen through the narratives of Brazilian adoptees". The Journal of Latin American and Caribbean Anthropology [online],14(1): 92-114. ). Ils peuvent aussi chercher dans les registres, les hôpitaux et sur les forums Internet. La recherche dans les registres civils est cependant une alternative coûteuse.

Parmi tous les témoignages que j'ai recueillis dans mon enquête, seule une seule personne ayant des informations incomplètes (un prénom à peine ou une date de naissance inexacte) s'est rendue à l'hôpital de sa naissance et raconte son parcours. Les hôpitaux prétendent souvent que les archives ont été détruites dans un incendie. Quoi qu'il en soit, même quand l'information existe, l'adopté aura besoin d'un ordre judiciaire pour que les archives lui soient ouvertes.

Comme le souligne Fonseca, qui a interviewé des professionnels du système juridique, l'ordre autorisant l'ouverture des dossiers dans les hôpitaux n'est pas garanti de fait. De plus, son application dépend de la bonne volonté de l'établissement qui devra chercher et fournir les informations (Fonseca 2009a_____. 2009a. "Family belonging and class hierarchy: secrecy, rupture and inequality as seen through the narratives of Brazilian adoptees". The Journal of Latin American and Caribbean Anthropology [online],14(1): 92-114. ). Il faut cependant noter que, des années 1960 aux années 1980, les hôpitaux étaient les intermédiaires des adoptions tant légales qu'illégales. À l'époque, ce genre de médiation était parfaitement normal. Dans les récits qu'elle a recueillis, Fonseca constate que seule une personne a souligné que son adoption était irrégulière. Ce manque de différenciation indique que l'"adoption à la brésilienne" n'était autre qu'une tentative de simplifier le processus bureaucratique lié à l'adoption par les voies officielles. Si l'adoption produisait un nouveau registre civil, "comme si" l'enfant avait été engendré par le couple, l'"adoption à la brésilienne" avait les mêmes effets dans la pratique. Jusqu'à récemment, avec le changement de la loi sur l'adoption, en 2009, qui permet l'accès sans restriction des adoptés à leur acte de naissance, j'oserai dire que l'"adoption à la brésilienne" offrait plus de pistes sur l'origine que l'adoption officielle. Autrement dit, dans un pays de la taille du Brésil, avoir le nom des parents naturels et le lieu de naissance ne suffisait pas pour effectivement réussir ses retrouvailles. Pour les personnes interviewées, la plus grande difficulté était de briser la barrière du silence.

Pour cette raison, la plupart de mes interlocuteurs ayant réussi leurs retrouvailles au Brésil attribuent cela au destin ou à des coïncidences. Ce serait donc le hasard et la chance qui décideraient du succès des retrouvailles. Malgré les particularités de chaque cas, la prise de décision, la motivation et les retrouvailles ont été vécues de manière très semblable par mes interlocuteurs :on obtient des réponses, on perd ses illusions, mais finalement on se sent comblé.

Anthropologie de la science : un récit des origines

Comprendre l'origine de l'homme reflète l'espoir et le succès de nos avancées techniques. Cependant, l'argument biogénétique de la quête des origines des adoptés peut être perçu comme une arme à double tranchant. Les avancées scientifiques permettant, au travers des antécédents familiaux, d'identifier d'éventuels risques pour la santé sont un argument d'importance dans la quête des origines. Mais trop insister sur cet argument oblige la personne en quête à valoriser à l'excès l'aspect biologique dans la construction de sa famille. Toutefois, ne pas mentionner le "coté médical" et argumenter que la quête des origines n'est qu'une question identitaire est tout autant empreint de préjugés, puisque ces personnes sont considérées comme ingrates envers leurs familles adoptives.

Tous mes interlocuteurs font mention de l'importance de connaître les antécédents médicaux de leurs parents, ce qui est d'ailleurs souvent le déclencheur de la quête des origines. Curieusement, il ne s'agit que d'une "mention" puisque l'histoire de santé n'est ni analysée ni problématisée. Pourtant, le côté médical figure parmi les faits que l'on ne saurait ignorer (Fonseca 2009b____. 2009b. "Pertencimento de famí lia e hierarquia de classe: segredo, ruptura e desigualdade vistos pelas narrativas de adotados brasileiros". Journal of Latin America and Caribean Anthropology,14(1): 92-114.; Strathern 1995STRATHERN, Marilyn. 1995. "Displacing knowledge". In: R. Rapp and F. D. Ginsburg (eds.), Conceiving the New World Order: the global politics of reproduction. Berkeley: University of California Press. pp. 343-363.). Un seul de mes interlocuteurs rapporte une expérience où avoir mieux connaître ses antécédents familiaux aurait pu "changer" son avenir. Philippe, un avocat de 53 ans, raconte qu'il était en pleine santé quand, à 46 ans, il a fait un infarctus.12 12 Comme Philippe estquébécois, son cheminement ne fait pas partie des adoptés au Brésil. Son histoire unique nous aide toutefois à situer l'importance de la génétique dans la recherche des origines. À l'époque, bien qu'ayant fait des démarches pour obtenir un résumé de ses antécédents sociobiologiques, il ne pensait pas avoir de prédispositions à un accident cardiovasculaire.

Il a su très tôt qu'il avait été adopté et, pour lui, c'était plutôt réaliser sa chance.

"[J'ai su que j'étais adopté] très tôt. Mes souvenirs sont très lointains... je me rappelle que je devais avoir cinq, six ans. Et ma mère m'avait dit qu'elle ne pouvait pas elle-même avoir d'enfants, et que mon père adoptif et elle voulait vraiment avoir des enfants pis ils sont allés voir un organisme pis justement, ils ont pris un enfant qui était mis en adoption... C'était comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. Moi, en apprenant ça, je n'ai pas eu de problème. Au contraire, comme ça m'a été présenté, dans le fond je me suis dit que j'étais chanceux"

Comme il s'est heurté à une clause de confidentialité qui l'a poussé à chercher des voies alternatives, sa perception est diamétralement opposée. Mais aucune n'a répondu à ses attentes. Il évalue les informations qui lui ont été fournies.

"[Dans mon dossier] il y avait quelques informations sur la personnalité de mes parents naturels... Je me rappelle que mon père était un commis de bureau et ma mère naturelle, elle était la fille d'un cultivateur, donc ils se sont rencontrés jeunes, ils m'ont eu et pis... ils m'ont confié en adoption. Ce qui est assez, quand même, étonnant au niveau du père, au niveau de sa personnalité, de ses intérêts ça ne ressemble à rien. Par contre au niveau de la mère, il disait que c'était une personne qui était très, très sociale, qui aimait les gens, qui aimait aller à la rencontre de gens, qui aimait beaucoup la musique, et je suis pareil..." (Philippe).

La notion d'identification est toujours présente. L'absence de certaines informations fait ainsi ressortir l'importance de combler ces lacunes.

"Mais ça ce n'est vraiment pas satisfaisant... Quand je suis né, j'ai fait une jaunisse à peu près tout ce qui a là dedans, et je n'ai même pas le type sanguin de mes parents... je n'ai rien... sur le plan médical j'trouve ça aberrant... moi-même, à 46 ans j'ai fait un infarctus et pourtant j'étais bien en forme, je faisais attention à mon alimentation, je fais du sport, et comment ça? Probablement j'avais une prédisposition à faire ça. Heureusement, je suis resté sans séquelle, comme j'étais en forme, pis du fait que j'ai récupéré visiblement sans dégât, ils m'ont fait une angioplastie... mais avoir été au courant en fait que mon père naturel lui, l'avoir su peut-être j'aurais pu rencontrer un médecin et pis j'aurai été suivi sur ça... là, encore là, c'est aberrant de ne pas savoir ça... mes parents sont plus vieux que ça, ils m'ont eu très jeunes, mes parents naturels m'ont eu très jeunes... encore là ma mère elle avait 18 ans, elle n'a même pas 78... Mon père il a peut-être une couple d'années de plus, pis il doit avoir... quand on regarde ça, c'est de l'information qui pourrait avoir de l'influence, qui me permettrait d'éviter des actions un peu plus, je pourrais peut-être être un peu en santé, et ça, ça c'est en partie frustrant..."

Philippe poursuit ses arguments en revenant sur la génétique. Pour lui, au-delà des problèmes de santé qui pourraient être expliqués par son héritage génétique, la personnalité elle-même peut être clairement reliée aux gènes. Il l'a compris grâce aux "petites notes sur ma mère naturelle, qui aimait danser, qui aimait la musique, qui était sociable...". Il affirme :

"En tout cas c'est ça... la connexion était amputée par le fait que tout le bagage des parents naturels, comme je suis, une grosse partie de ce bagage-là, ce qu'on a vécu, j'ai aucune idée et que je n'ai pas accès à ça, honnêtement, ça m'a manqué. [...] et pis, moi cette carence là, je l'ai eu mais par rapport au fait que je n'ai pas pu bénéficier de tout le bagage de mes parents naturels."

Philippe voulait faire ses retrouvailles, mais il s'est heurté à une clause de confidentialité. Il pense que les informations qui figuraient dans son dossier étaient incomplètes. Cependant, celles qu'il souhaitait obtenir ne sont pas identifiables sur une carte génétique.

Cependant, il existe tout un marché destiné à offrir ces "cartes génétiques". Caroline Legrand s'est intéressée au marché des généalogies. Selon elle, "[...] l'acte généalogique invite l'anthropologue à penser les choix électifs et autres sélections à l'œuvre dans le processus d'apparentement" (Legrand 2009: 133____. 2009. "Génétique et recherche généalogique". In: Enric i Gené Porqueres (ed.), Défis contemporains de la parenté. Paris: Editions de l'École de Hautes Études en Sciences Sociales. pp. 133-149.). Sa recherche concernait les Irlandais, "quêteurs de parenté" et elle a étudié la commercialisation du savoir de parenté et la possibilité de redéfinition du réseau d'appartenance.

Elle montre que, pour les experts en biologie moléculaire effectuant des analyses ADN, l'idée de preuve est d'"attester" les liens de parenté non seulement parmi les faits de la nature, mais aussi parmi les données vérifiables scientifiquement. Par conséquent, ils valident la technologie et produisent un faisceau de croyances plus qu'ils n'identifient. Legrand souligne que cette croyance en la généalogie comme preuve ultime est tellement importante qu'une remarque dans les brochures avertit que "les testeurs doivent être conscients que certaines certitudes peuvent être invalidées par nos services." (Legrand 2009: 142____. 2009. "Génétique et recherche généalogique". In: Enric i Gené Porqueres (ed.), Défis contemporains de la parenté. Paris: Editions de l'École de Hautes Études en Sciences Sociales. pp. 133-149.)

Finkler affirme que la notion d'"héritage génétique" utilisée aujourd'hui est en vogue depuis quatre décennies et devient plus populaire avec les avancées de la biologie moléculaire. C'est justement la manière dont ces notions sont de plus en plus employées pour expliquer le comportement humain de façon plus générale qui inspire le travail de cette auteure (Finkler 2001FINKLER, Kaja. 2001. "The kin in the gene: the medicalization of family and kinship in America". Current Anthropology, 42(2): 235-263.). Pour elle, l'accent de la biomédecine sur la génétique comme base de la famille va à l'encontre des changements majeurs que représente la famille de choix. Autrement dit, si, socialement, nous sommes en train d'élargir et de privilégier la famille basée sur des relations d'affinité, la biomédecine veut en comprendre les liens et agencements sur la base du sang et de la génétique.

Finkler examine comment les connaissances génétiques sont appliquées dans le domaine de la biomédecine. Cette relation, qu'elle appelle la médicalisation de la parenté, privilégie une forme de parenté biologique. L'auteure est particulièrement critique par rapport à la relation entre santé et génétique, d'autant que même les notions de causalité et de risque en viennent à être expliquées par la génétique. Elle donne ainsi l'exemple de quelques interlocuteurs ayant une histoire familiale de cancer pour qui la question n'était plus de se demander "si" ils allaient avoir un cancer, mais "quand".13 13 Dialogue avec le travail de Finkler les études de Gibbon (2009; 2002) sur le rôle de la génétique sur la santé et la parenté. Ce genre de "certitude", issu de la connaissance généalogique, place l'ADN comme dépositaire de notre histoire et en fait une mémoire implacable

Un autre volet de sa recherche mettant en relief la quête des origines des adoptés révèle que la médicalisation de la parenté incite les adoptés à chercher leurs origines biogénétiques même si plusieurs de ses interlocuteurs se sentaient en conflit par solidarité envers leur famille adoptive. Pourtant, Finkler souligne comment la médicalisation de la parenté s'est développée au début du XXIe siècle.

"[...] the fact that American kinship builds on a biogenetic template facilitates the wide popular acceptance of the belief in genetic inheritance and also explains, along with the powerful authority that science possesses in contemporary society, the lack of resistance to and even ready acceptance of the medicalization of family and kinship. Folk notions of family as a biogenetic entity allow for an effortless embrace of the scientific and biomedical notion of genetic determinism precisely because it mimics cultural conceptualizations of the biogenetic foundations of kinship" (Finkler 2001: 247).

Pour elle, l'acceptation de la médicalisation de la parenté s'explique par le fait que la génétique base ses "inventions"14 14 Finkler s'appuie sur Bowler(1989) pour affirmer que les découvertes scientifiques ne sont pas seulement forgées socialement, historiquement et culturellement mais avant tout un produit de notre création. Elle affirme donc que les théories sont inventées et non découvertes. sur les mêmes principes de transmission et d'hérédité que les configurations culturelles. Autrement dit, le déterminisme génétique serait en réalité en mimétisme avec les conceptions culturelles et les fondements de la parenté. Toutefois, elle affirme qu'un des résultats de cette médicalisation de la parenté est de fragmenter la vie en deux mondes dont les relations se basent sur le sang, pour l'un, et sur le partage des relations affectives, pour l'autre.

Cependant, cette vision assez catastrophique de la relation entre parenté, santé et génétique affirmée par Finkler ne trouve pas de correspondances dans les récits de mes interlocuteurs, ce qui ne signifie pas que leurs préoccupations pour leur santé et l'importance de connaitre leur héritage génétique soit volatile. Au contraire, obtenir ces informations leur permet de reformuler toute une identité, ce qui peut produire de nouvelles identifications sans que cela ne produise nécessairement une fragmentation, car les retrouvailles révèlent une addition sur une voie de continuité.

Un autre usage de la connaissance généalogique est souligné par Turney qui travaille sur les tests d'ADN pour obtenir l'identité du donneur de gamètes,15 15 Le sujet de l'anonymat du don de gamètes au Brésil a été bien exploité dans les travaux d'Allebrandt(2007b) et Salem (1995). dans le contexte de la politique d'accès aux origines de personnes issues d'un don de gamètes à Victoria (Australie). Ce test est utilisé comme preuve dans plusieurs contextes.

"Biological paternity is now fixed and certain and provides definitive knowledge about paternal status that has raised new issues for regulatory bodies around the world who deal with issues of parentage or family connectedness (such as child support, immigration, repatriation and new reproductive technologies [NRTs])" (Turney 2010: 401).

Turney affirme que la différence entre les pères biologique, le géniteur, et socio-affectif, le pater, n'a été jamais aussi marquée, développée et, en même temps, validée. Elle trouve dans l'historique du changement de la loi permettant aux issus d'un don de gamètes de connaître l'identité du donneur quelques pistes pour saisir les changements dans la compréhension de la paternité.

Cet amendement de la loi a inquiété l'Infertity Treatment Autority (ITA) - Victoria, Australie - pour ce qui est des couples entrant dans la catégorie "subfertilité", dont le pater pouvait aussi être le géniteur. Comme la fidélité des femmes était mise en doute, des tests ADN ont également étéprévus. Cela, affirme l'auteure, a provoqué un changement dans la dynamique des retrouvailles."However, the imperative to confirm paternity in this way itself created new ethical complexities, not the least of which would be that the first contact between the genitor and donor conceived person would, by default, be a request for a paternity test" (Turney 2010: 403TURNEY, L. 2010. "The making and breaking of paternity secrets in donor insemination". Journal of Medical Ethics [online], 36(7): 401-6. ). Ces modifications ont redéfini l'identité et, plus largement, la nouvelle place que la biologie et la biogénétique occupent désormais dans notre vie:

"With the democratisation of genomic knowledge through the print and electronic media, particularly the Internet, genes have become central to 'real' or legitimate identity and important determinants of health and behaviour. Genetic medicine and the promise of finding, curing and eradicating disease and its causes have placed a pervasive new emphasis on biological relationships." (Turney 2010: 403)

L'auteure en conclut que, dans ce contexte, connaître ses origines devient un impératif, puisque dans cette interprétation de la génétique, la transmission de ce que nous sommes "vraiment" passe par l'ADN. Dans ce nouveau contexte, garder le secret ne pourrait que frustrer les attentes et serait préjudiciable à la relation parents-enfants. En accord avec cette perspective, le gouvernement a créé une campagne pour inciter les parents à évoquer l'existence d'un tiers donneur dans l'engendrement de l'enfant. En dépit de cette emphase sur le rôle de la génétique, les données de Turney montrent que, dans la pratique, le géniteur ne modifie pas le rôle du pater. Ainsi, dans ce contexte où la paternité génétique semblait avoir besoin d'êtreconfirmée l'auteure recommande que le statut de pater, indépendant du lien biologique, soit validé et respecté.16 16 Fonseca, qui a analysé l'utilisation de tests d'ADN dans le contexte juridique brésilien pour l'investigation de la paternité, avoue craindre que cela puisse transformer les relations sociales de paternité et même entraîner une vague de contestation de paternité. (Fonseca 2002, 2004). Son étude, entre d'autres, a montré que, finalement, la preuve ADN est utilisée pour réaffirmer le fait social et peut être ignorée au bénéfice de la paternité affective (Allebrandt 2007a). Les débats sur la parenté se polarisent aujourd'hui entre un biologisme extrême et une survalorisation des liens socio-affectifs.

Enfants de la science? Parenté, droit et science

La signification et l'importance que la connaissance des antécédents biogénétiques prend aujourd'hui doivent être comprises comme un reflet de la négociation entre trois catégories : parenté, droit et science. La quête des origines implique ces trois domaines. Dès le début de cet article, je me suis demandé si cette quête des origines mettait l'accent sur l'aspect biologique de la parenté. Le poids de la science sur la parenté a-t-il produit une nouvelle forme de filiation ?

La génétique liée à la famille et à la santé, surtout dans le contexte des adoptés, peut susciter des positions opposées. Je reconnais que, dans ce débat, il est important de souligner le rôle exceptionnel que la science, en tant que source de "vérités", peut aujourd'hui jouer dans la connaissance de notre arbre généalogique et de nos origines. La force de l'argument génétique saurait être ignorée. De même, on ne peut pas fermer les yeux sur la place de plus en plus importante que la génétique et ses métaphores prennent dans notre culture. Autrement dit, même si la quête des origines est, en dernière instance, une décision individuelle, il s'agit d'une expérience qui doit être précisée au sein de la famille. Avoir un espace de dialogue pour partager la décision et les retrouvailles semble un élément indispensable de cette équation. Pour mes interlocuteurs, découvrir précocement le fait d'avoir été adopté était aussi important que de pouvoir parler avec leurs parents adoptifs d'une possible quête de leurs origines biologiques.

Au Brésil, l'ECA a été modifié en 2009 pour répondre plus efficacement aux placements d'enfants. Il a dès lors garanti aux adoptés un accès à leur dossier d'adoption. Je partage l'avis de Fonseca quand elle affirme que, malgré l'avant-gardisme de cette loi, rien n'assure son application, car plusieurs aspects sont laissés à l'interprétation et à la discrétion du juge. En outre, après lecture de la loi, quelques questions subsistent : cette mesure est-elle rétroactive ? Les adoptés et parents d'origine bénéficieront-ils d'une assistance ? Dans un pays de la taille du Brésil, avoir un dossier en main ne signifie pas nécessairement avoir accès aux informations, voire établir un contact avec la personne concernée.

Si l'on ne peut nier l'importance de ces changements, qui affirment le droit aux origines dans la loi, mes données permettent d'affirmer que l'accès au dossier d'adoption ne bénéficiera qu'une partie des adoptés. De fait, les adoptés "à la brésilienne" n'auront toujours pas d'informations sur leurs origines et ne pourront donc pas en apprendre plus sur leur histoire.

L'identité est un concept qui a été approché de diverses manières. La place de l'identité et de l'appartenance dans les récits des adoptés et issus d'un don mettent en relief l'identité civile, le sentiment de soi, et les identités collectives. La ressemblance est un point qui revient toujours dans leurs histoires. Le manque de ressemblance avec leurs parents adoptifs, leur recherche incessante sur le visage d'étrangers qu'ils croisent et l'identification dans la rencontre avec les parents naturels sont autant d'exemples traduisant l'importance de cette problématique. Le fait de chercher des ressemblances peut exister dans n'importe quelle famille, mais ces dernières peuvent être forgées sans le besoin d'un lien biogénétique (Marre & Howell 2009MARRE, Diana and HOWELL, Signe. 2009. "Discours sur la destinée et adoption internationale". In: Enric i Gené Porqueres (ed.), Défis contemporains de la parenté. Paris: Editions de l'École de Hautes Études en Sciences Sociales. pp. 197-222.). Cette pratique chez les adoptés et les issus d'un don de gamète met en évidence, dans une famille, le "significant same" (Finkler 2001FINKLER, Kaja. 2001. "The kin in the gene: the medicalization of family and kinship in America". Current Anthropology, 42(2): 235-263.). Cependant, la popularisation des recherches généalogiques fait ressortir l'importance d'une identité génétique comme source de mémoire et de descendance. La fascination pour ces liens perdus et le besoin toujours plus légitimé par la biomédecine de connaître nos origines génétiques soulèvent des questions comme celles d'Edwards et Strathern(2000EDWARDS, Jeanette; STRATHERN, Marilyn 2000. "Including our own". In: J. Carsten (ed.), Cultures of relatedness: new approaches to the study of kinship. Cambridge: Cambridge University Press. pp. 149-166.), qui se demandent pourquoi les connexions sont toujours vues comme positives. Je ne peux pas donner de réponse définitive à cette question. Ce que je veux mettre en relief, en reprenant la question de ces auteures, c'est que nous valorisons vraiment les connexions. Je crois que les raisons incitant les personnes à rechercher ou non leurs origines pourraient donner des pistes pour expliquer ce processus.

L'identité civile, l'identité personnelle et l'identité collective sont des "informations constitutives", donc capables de redéfinir les règles du jeu (Strathern 1999 p. 75____. 1999. Property, substance and effect: anthropological essays on persons and things. London: Athlone Press.). En ce sens, les informations sur les parents d'origine dans l'adoption font partie de l'identité des sujets. La quête des origines dépasse les domaines locaux, familiaux, politiques, et même les frontières nationales, car elle touche, sans doute plus profondément, à l'identité personnelle et collective. Elle révèle surtout le désir de comprendre les liaisons et différentes formes de connexion.

Révision de Didier Delfolie-Noulin.

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  • 1
    Cet article se base sur une recherche de terrain développée pour ma thèse de doctorat, financée par l'agence CAPES (Coordenação de Aperfeiçoamento de Pessoal de Nível Superior) que je remercie.
  • 2
    Abreu Filho a beaucoup exploré les dimensions et signification du sang pour la parenté au Brésil. Pour plus de détails voir : Abreu Filho, 1981ABREU FILHO, Ovídio de. 1981. "O parentesco como sistema de representações: um estudo de caso". In: Figueira & Gilberto Velho (orgs.), Família, psicologia e sociedade. Rio de Janeiro: Campus. pp. 133-150. et 1982____. 1982. "Parentesco e identidade social". Anuário Antropológico/80. Fortaleza e Rio de Janeiro: Universidade Federal do Ceará & Tempo Brasileiro. pp. 95-118. .
  • 3
    Cette comparaison a été développée dans d'autres travaux, notamment Allebrandt, 2013_____. 2013. "Parenté fluide: la quête des origines au Brésil et au Québec. Dialogue entre parenté, droit et science". Available from: http://hdl.handle.net/1866/10210.
    http://hdl.handle.net/1866/10210...
    .
  • 4
    La recherche de terrain ayant permis d'établir la base de données exploitée ici a été menée entre 2010 et 2011. Cet article fait partie de ma recherche doctorale qui comparait la quête des origines des adoptés et de personnes issues d'un don de gamètes. J'ai interviewé vingt adoptés ou parents ayant des enfants issus d'un don de gamètes sur la quête des origines, dix au Brésil et dix au Québec. Un panorama des méthodes de recherche et des défis affrontés est disponible in Allebrandt 2013_____. 2013. "Parenté fluide: la quête des origines au Brésil et au Québec. Dialogue entre parenté, droit et science". Available from: http://hdl.handle.net/1866/10210.
    http://hdl.handle.net/1866/10210...
    .
  • 5
    La discussion de la découverte/adaptation de l'ADN à sa représentation en tant que double hélice peut être lue dans le livre "La science en action" de Latour(2005_____. 2005. La science en action: introduction à la sociologie des sciences. Paris: La Découverte/ Poche.) Pour une lecture anthropologique de l'histoire de la génétique, voir Bibeau(2004BIBEAU, Gilles 2004. Le Québec transgénique: science, marché, humanité. Montréal: Boréal.) et pour le rôle de la génétique dans la santé, voir Baird (1994BAIRD, Patricia. 1994. "The role of genetics in population health". In: Timoty Evans et al. (eds),Why are some people healthy and others not? The determinants of health od populations. New York: Aldine de Gruyter. pp.133-154.).
  • 6
    Il caractérise l'état précédent comme la "vie nue", c'est-à-dire une vie sans contraintes légales.
  • 7
    Un livre dirigé par Gibbon et Novas (2008____.; NOVAS, C. (eds.). 2008. Biosocialities, genetics and the social sciences. New York: Routledge.) discute la répercussion et l'utilisation de ce concept dans les études dialoguant avec la santé et la génétique.
  • 8
    Jasanoff (2005JASANOFF, Sheila. 2005. Designs on nature : science and democracy in Europe and the United States. Princeton, N.J. ; Woodstock: Princeton University Press.) affirme que, comme au théâtre, la politique qui fait usage de la science ne pourrait exister sans le public. Ainsi, de grands projets scientifiques comme le séquençage du génome ne pourraient pas exister sans support populaire.
  • 9
    Toutes les traductions du portugais ont été faites par l'auteure.
  • 10
    Au Brésil, l'AFAB a été la première organisation d'adoptés à la recherche de leurs origines. Elle a été créée en 2007. Voir : http://www.filhosadotivosdobrasil.com/index.php/historia/missao-de-resgatar-identidades
  • 11
    Le sujet des retrouvailles est fort bien travaillé par Modell(1994MODELL, Judith. 1994. Kinship with strangers : adoption and interpretations of kinship in American culture. Berkeley: University of California Press.) et Carp(2004CARP, Edward Wayne. 2004. Adoption politics: bastard nation and ballot initiative 58; [online]. Kansas City: University Press of Kansas. )dans le contexte d'adoption aux États-Unis. Pour plus de détails, voir leurs travaux.
  • 12
    Comme Philippe estquébécois, son cheminement ne fait pas partie des adoptés au Brésil. Son histoire unique nous aide toutefois à situer l'importance de la génétique dans la recherche des origines.
  • 13
    Dialogue avec le travail de Finkler les études de Gibbon (2009GIBBON, Sahra. 2009. "Genomics as public health? Community genetics and the challenge of personalised medicine in Cuba". Anthropology & Medicine [online], 16(2): 131-146. ; 2002____. 2002. "Re-examining geneticization: family trees in breast cancer genetics". Science as Culture [online], 11(4): 429-57.) sur le rôle de la génétique sur la santé et la parenté.
  • 14
    Finkler s'appuie sur Bowler(1989BOWLER, Peter. 1989. The Mendelian revolution. Baltimore: Johns Hopkins University Press.) pour affirmer que les découvertes scientifiques ne sont pas seulement forgées socialement, historiquement et culturellement mais avant tout un produit de notre création. Elle affirme donc que les théories sont inventées et non découvertes.
  • 15
    Le sujet de l'anonymat du don de gamètes au Brésil a été bien exploité dans les travaux d'Allebrandt(2007b_____. 2007b. "Família, anonimato de doadores e adoção: diálogos e concepções"In: Débora Allebrandt and Juliana Lopes de Macedo (eds.), Fabricando a vida: implicações éticas, políticas e sociais sobre o uso de novas tecnologias reprodutivas. Porto Alegre: Metrópole. pp. 67-80.) et Salem (1995SALEM, Tânia. 1995. "O princípio do anonimato na inseminação artificial com doador (IAD): das tensões entre natureza e cultura". Physis Revista de Saude Coletiva [online], 5(1): 33-68. ).
  • 16
    Fonseca, qui a analysé l'utilisation de tests d'ADN dans le contexte juridique brésilien pour l'investigation de la paternité, avoue craindre que cela puisse transformer les relations sociales de paternité et même entraîner une vague de contestation de paternité. (Fonseca 2002FONSECA, Claudia. 2002. "A vingança de Capitu: DNA, escolha e destino na famí lia brasileira contemporânea". In: Sandra Bruschini; Cristina Ubehaum (eds.), Gênero, democracia e sociedade brasileira. São Paulo: Editora 34. pp. 267-294., 2004____. 2004a. "A certeza que pariu a dúvida: paternidade e DNA". Revista Estudos Feministas [online], 12(2): 13-34. ). Son étude, entre d'autres, a montré que, finalement, la preuve ADN est utilisée pour réaffirmer le fait social et peut être ignorée au bénéfice de la paternité affective (Allebrandt 2007aALLEBRANDT, Débora. 2007a. "Entre trâmites: audiências, processos de investigação e negação de paternidade sob a ótica de uma investigação antropológica". In: Soraya Resende Fleischer et al.(eds.), Antropólogos em ação. Porto Alegre: Editora da UFRGS. pp. 205-220.).

Publication Dates

  • Publication in this collection
    June 2015

History

  • Received
    30 July 2014
  • Accepted
    28 Jan 2015
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