Acessibilidade / Reportar erro

Trois remarques sur la traduction de"ça" pronominal vers le portugais du Brésil

Three remarks concerning the translation of the pronoun "ça" into portuguese from Brazil

Abstracts

Guided by the principles of comparative linguistics, the objective of this study is to demonstrate the gramatical versatility of 'ça' as frequently used in contemporary French language. The French pronoun 'ça' is analysed in terms of its deictic function in Portugese from Brazil. The principal characteristics of this element are elaborated in the introduction. Our interest in the subject of deictics is motivated in part, by the role of 'ça', as distinguished by near/far, and by the basic divergence between the organization of physical space in French and in Portugese, the former which makes use of a binary system, and the latter a ternary system.

Translation; deictic; French language; Portuguese language


Este artigo se insere na área de lingüística contrastiva. Aqui analisamos o pronome francês "ça" na sua função de dêitico em português do Brasil. As principais características deste elemento serão expostas na nossa introdução. O objetivo é de mostrar a versatilidade gramatical de "ça" assim como sua freqüência em francês contemporâneo. Nossa escolha de trabalhar sobre a dêixis foi motivada, de um lado, pelo papel de "ça" na distinção perto/longe, e de outro lado, pela divergência básica que há entre a organização do espaço (físico) em língua francesa e em língua portuguesa, a saber, a primeira se apóia num sistema binário enquanto que a segunda conhece um sistema ternário.

tradução; dêixis; língua francesa; língua portuguesa


Translation; deictic; French language; Portuguese language

tradução; dêixis; língua francesa; língua portuguesa

TROIS REMARQUES SUR LA TRADUCTION DE "ÇA" PRONOMINAL VERS LE PORTUGAIS DU BRÉSIL

(Three Remarks Concerning the Translation of the Pronoun "ça" into Portuguese from Brazil)

Ruth de OLIVEIRA

(ILPGA ¾ Paris III ¾ Membro Post-doctorant d'OSTERLITS. FRE 2203 du C.N.R.S.)

RESUMO: Este artigo se insere na área de lingüística contrastiva. Aqui analisamos o pronome francês "ça" na sua função de dêitico em português do Brasil. As principais características deste elemento serão expostas na nossa introdução. O objetivo é de mostrar a versatilidade gramatical de "ça" assim como sua freqüência em francês contemporâneo. Nossa escolha de trabalhar sobre a dêixis foi motivada, de um lado, pelo papel de "ça" na distinção perto/longe, e de outro lado, pela divergência básica que há entre a organização do espaço (físico) em língua francesa e em língua portuguesa, a saber, a primeira se apóia num sistema binário enquanto que a segunda conhece um sistema ternário.

PALAVRAS-CHAVE: tradução, dêixis, língua francesa, língua portuguesa.

ABSTRACT: Guided by the principles of comparative linguistics, the objective of this study is to demonstrate the gramatical versatility of 'ça' as frequently used in contemporary French language. The French pronoun 'ça' is analysed in terms of its deicticfunction in Portugese from Brazil. The principal characteristics of this element are elaborated in the introduction. Our interest in the subject of deicticsis motivated in part, by the roleof 'ça', as distinguished by near/far, and by the basic divergence between the organization of physical space in French and in Portugese, the former which makes use of a binary system, and the latter a ternary system.

KEY-WORDS: Translation, deictic, French language, Portuguese language.

0. Introduction

Ça est un pronom démonstratif traditionnellement classé parmi les neutres de la série des formes composées ceci, cela. Parce que fondamentalement associés à la catégorie de la personne, le point de repère de ces démonstratifs est la position qu'occupe le corps de l'énonciateur lors de son acte d'énonciation. On distingue toutefois ces emplois dits déictiques des emplois anaphoriques.

Il existe une opposition primitive et essentielle entre le démonstratif proche (ceci) et le démonstratif lointain (cela) même si le plus souvent, il est possible, par l'emploi de cela (composé de ce + là) de neutraliser le contraste et de marquer la localisation spatio-temporelle quelle que soit la prise en compte du degré de proximité.

La fréquence et la distribution des démonstratifs peuvent être vérifiées dans l'inventaire du "français fondamental"1 1 Voir H. Bonnard (1993 : 183). où les formes en ¾ là sont presque les seules employées oralement. Au neutre, ceci apparaît pourtant (51 emplois) à côté de cela (65), mais tous les deux sont très loin derrière ça (3.972).2 2 "Dès qu'ils ne sont pas opposés l'un à l'autre, ceci est d'un emploi bien plus restreint que cela." Sandfeld (1970 : 259).

Dans son évolution, la forme ça s'est répandue à la fois dans la langue des gens distingués ¾ qui prononçaient ça mais écrivaient cela ¾ et dans la langue populaire. Mais comme on le sait, depuis que ça concurrence cela les deux formes sont, du point de vue syntaxique, presque toujours interchangeables. L'usage de ça n'a jamais été réduit à l'oralité: dès le XVIIème ça apparaît dans les textes3 3 "Il serait exagéré pourtant de considérer que, dans l'écrit, ça n'apparaît que là où l'auteur fait parler un personnage." Grevisse (1988 : 1061)où l'on trouve des exemples pertinents à l'appui de cette affirmation. .

Populaire ou familier, ça pronominal s'est imposé toujours davantage. Dans la langue d'aujourd'hui il s'est installé de manière définitive aussi bien dans le langage courant à usage public et oral que dans le langage écrit. Toutefois, d'après les ouvrages grammaticaux de base, malgré son expansion, ça reste un élément marginal.

Il serait finalement réducteur de limiter la valeur de ça à celle de simple variante de cela (ceci). Comme le remarque M. Maillard (1989 : 12), ça "peut occuper toutes les positions dans la phrase et assumer toutes les fonctions ¾ sujet, objet direct, objet indirect, attribut, complément de nom etc. ¾ Peu de verbes le refusent comme régisseur et très peu comme régime. De surcroît, à lui tout seul, il peut être une question, une réponse, une exclamation, bref servir de "mot phrase". En fonction de substitution, au-delà de sa participation à la neutralisation proximité / éloignement, ça remplace souvent les pronoms de la troisième personne en fonction de sujet ou de complément, neutralisant ainsi la distinction entre animé, masculin ou féminin, et inanimé4 4 Albert Henry (1977 : 93) oppose l'assurance, ça me connaît / La fille, elle me connaît. .

N'ayant pas ici le loisir de traiter une telle diversité d'emplois, nous proposons d'aborder sa valeur déictique en rapport avec l'espace5 5 Les déictiques spatiaux sont des morphèmes par lesquels chaque langue exprime la façon dont elle organise l'espace. Ce sont les "démonstratifs" et les "adverbes de lieu" dans la terminologie traditionnelle. (cf. : Teyssier ; 1990). . De ce fait, dans notre étude, nous prendrons en compte le principe suivant : par son origine adverbiale, ça démonstratif déictique6 6 "On le rencontre encore au XVIIème siècle avec le verbe venir (ex. : venez çà, vous, dites-moi un peu quelle est la cause )" Henry (1977 : 75) prend la place de cela (ceci) neutralisant ainsi la distinction proche / éloigné et permet de désigner en montrant (par un geste, un regard, une attitude etc) ce qui est présent, visible dans l'environnement des interlocuteurs.

Le choix de notre approche, axé sur la valeur déictique de ça, trouve sa motivation dans la divergence de base concernant l'organisation de l'espace en langue française et en langue portugaise. La première, on l'a souligné plus haut, se fonde sur un système binaire, la seconde sur un système ternaire.

Nous formulerons trois remarques à propos de la traduction de ça vers le portugais du Brésil. Tout d'abord, il sera question d'analyser la division spatiale dans la langue d'arrivée. Ensuite nous nous intéresserons à l'interprétation des effets expressifs produits par ça. Notre dernière remarque, basée sur l'analyse grammaticale, portera sur la reprise pronominale dans les constructions à redoublement.

Pour ce faire, imaginons l'emploi de ça dans la situation suivante. Un passager (B) débarque à l'aéroport. Il porte un sac à main et une serviette. Au comptoir de la douane, après avoir vérifié son passeport, le douanier (A) l'interroge sur le contenu de ses bagages. Il lui demande de poser la serviette sur le comptoir.

1) A: ¾ Et ça qu'est-ce que c'est ?

B : ¾ Ça c'est un ordinateur portable.

2) A: ¾ Et ça dans votre sac?

B: ¾ Ça c'est un manuscrit.

3) A: ¾ Et derrière vous, c'est quoi ça?

B: ¾ Ça je ne sais pas, ce n'est pas à moi.

La même situation à la douane au Brésil.

1) E isto, o que é?

Isso é um lap-top.

2) E isso, na sua bolsa?

Isto é um manuscrito.

3) E atrás da senhora, o que é aquilo?

Aquilo eu não sei, não é meu.

1. La deixis à trois places

Notre première remarque concerne la réception de ça dans la deixis portugaise à trois places.

Comme nous venons de le voir, en portugais la localisation du référent se fait à travers un système ternaire7 7 Voir Teyssier (1984 : 108 à 114). qui repose sur une division partagée en trois domaines correspondant aux trois personnes verbales :

¾ le domaine du moi, nous: este(s) / esta(s); isto ;

¾ le domaine du toi, vous : esse(s) / essa(s); isso;

¾ le domaine du lui, elle, eux: aquele(s) / aquela(s); aquilo;

La division spatio-temporelle que nous venons de voir s'applique aussi bien dans l'environnement extralinguistique (fonction déictique) que dans l'environnement discursif (fonction anaphorique / cataphorique).

Cette division, en principe rigide, n'est toutefois pas toujours respectée. En effet, en portugais on confond les formes relatives aux deux premières personnes, en l'occurrence isto et isso. Cette dernière l'emporte dans l'usage, certainement pour des raisons phoniques : le son "s" se prononçant plus facilement que le son "t". Quoi qu'il en soit, du point de vue de la Norme, la distinction proximité / éloignement proche est neutralisée.

La forme aquilo, en revanche, indique l'éloignement lointain de façon indubitable, ce qui n'est pas le cas en français lors des emplois de ceci (isso) / cela (aquilo). A ce propos, D. Maingueneau parle d'une déficience du système qui a "par ailleurs obligé la langue à utiliser là-bas (auparavant antonyme de là-haut) pour signifier l'éloignement, ou encore recourir à des formes parlées redondantes : celui-là-là."8 8 Maingueneau (1991 : 28). . Ainsi, si l'on reconsidère l'exemple 3 :

3 ¾ Et derrière vous, c'est quoi ça par terre?

Ça je ne sais pas, ce n'est pas à moi.

On vérifie la possibilité de renforcer le démonstratif par la particule adverbiale , renforcée ou non à son tour par bas.

3 ¾ Et derrière vous, c'est quoi ça là (bas) par terre?

Ça là (bas) je ne sais pas, ce n'est pas à moi.

Mais, contrairement à d'autres pronoms, à l'exemple de celui donné par D. Maingueneau, tout porte à croire que ça suffise à lui seul dans la représentation et dans la désignation spatiale d'un référent donné.

2. La combinaison : démonstratif + adverbe

En portugais en revanche, et là nous aborderons notre seconde remarque, le renfort du démonstratif par l'adverbe correspondant, respectivement aqui, aí, ali (parfois ) est très courant. Si l'on reconsidère les exemples cités, on peut sentir comment cela se produit :

E isso (aqui), o que é?

Isso (ai) é um portátil

E isso (ai), na sua bolsa?

Isto (aqui) é um manuscrito.

E atrás da senhora, o que é aquilo ali?

Aquilo (ali) eu não sei, não é meu.

Soulignons que si dans cette langue, ces combinaisons sont généralement considérées comme emphatiques, le procédé permet aussi de lever toute ambiguïté vis-à-vis de la localisation du référent ainsi représenté. Cette remarque concerne particulièrement l'emploi de la forme isso à la place de isto. Cela dit, si la distinction entre proximité/éloignement proche est naturellement neutralisée, cela n'est pas le cas en ce qui concerne la distinction adverbiale entre aqui, aí, ali.

3. La répétition pronominale

Notre dernière remarque, bien que d'ordre général, permet de relever une autre particularité de l'usage de ça.

En français, comme on le sait, la personne verbale ne peut pas faire défaut. Dans une construction avec reprise du sujet, la répétition pronominale est obligatoire. La séquence :

* 3 ¾ Et derrière vous, c'est quoi ça par terre?

*Ça je ne sais pas, [ ] n'est pas à moi.

n'est pas acceptable.

Par ailleurs, dans des tels contextes, le locuteur peut faire commuter les formes démonstratives. La commutation se fait cependant plus naturellement par la postposition de ça à ce, par exemple :

Ça je ne sais pas, ce n'est pas à moi.

que par sa postposition à cela :

Ça je ne sais pas, cela n'est pas à moi.

Dans ce cas, l'ordre opposé est tout à fait courant car spontané :

Cela je ne sais pas, ça n'est pas à moi9 9 A ce propos, voir, entre autres, les travaux de C. Blanche-Benveniste et ceux du GARS de l'Université d'Aix-en-Provence. .

Encore que, dans les énoncés où la forme verbale commence par une voyelle, la variante c' < ce reste d'un emploi plus fréquente que ça.

Cela je ne sais pas, ce n'est pas à moi.

Notons enfin qu'en français la négation se simplifie dans des constructions avec des verbes tels que savoir, pouvoir, voir etc. De ce fait, l'ordre :

Ça je sais pas, c'est pas à moi.

est sans doute le plus spontané parmi ceux précités.

En ce qui concerne les constructions avec reprise du sujet, la répétition pronominale n'est pas nécessaire en portugais. En effet, dans cette langue, d'ordinaire, les terminaisons verbales suffisent dans l'identification du sujet. Pour traduire le ça de (3) on se contentera d'une première reprise à valeur emphatique :

E atrás da senhora, o que é aquilo ali?

Aquilo (ali) eu não sei, não é meu.

Une double reprise :

*Aquilo (ali) eu não sei, aquilo (ali) não é meu.

ne serait pas acceptable ici. Cet emploi est toutefois possible lorsque l'on souhaite vraiment insister sur le nom concerné par cette représentation. La double reprise correspond en français à :

Ça je ne sais pas, ça ce n'est pas à moi.

4. Conclusion

En conclusion, dans la traduction de ça pronom déictique spatial vers le portugais du Brésil, il ne faut pas perdre de vue la régularité de répartition des formes démonstratives portugaises. Du point de vue expressif, la combinaison du démonstratif + adverbe semble suppléer parfaitement l'effet désignatif presque visuel produit par ça. De plus, cette combinaison assure la distinction éloignement proche / éloignement lointain là où les formes démonstratives isto / isso se neutralisent. En ce qui concerne la reprise pronominale, elle est de rigueur en français alors qu'en portugais elle est dans la plupart des cas un procédé essentiellement emphatique.

  • BONNARD, H. (1993) Code du français courant Paris: Magnard.
  • GREVISSE, M. (1988) Le Bon Usage 12éme édition. Paris: Duculot.
  • MAILLARD, M. (1989) Comment ça fonctionne ou l'étude du fonctionnement de ça en français moderne dans la perspective d'une linguistique générale. Lille : Doctorat d'Etat : Sciences du langage.
  • MAINGUENEAU, D. (1991) L'énonciation en linguistique française Paris : Hachette.
  • SANDFELD, C. (1970) Syntaxe du français contemporain. I. Les pronoms. Paris: H. Champion.
  • TEYSSIER, P. (1984) Manuel de langue portugaise (Portugal ž Brésil) Paris: éd. Klincksieck.
  • ¾¾¾¾¾¾¾¾ (1990) Etudes de littérature et de linguistique Paris: Fundação Calouste Gulbenkian, Centro Cultural Português.
  • 1
    Voir H. Bonnard (1993 : 183).
  • 2
    "Dès qu'ils ne sont pas opposés l'un à l'autre,
    ceci est d'un emploi bien plus restreint que
    cela." Sandfeld (1970 : 259).
  • 3
    "Il serait exagéré pourtant de considérer que, dans l'écrit,
    ça n'apparaît que là où l'auteur fait parler un personnage." Grevisse (1988 : 1061)où l'on trouve des exemples pertinents à l'appui de cette affirmation.
  • 4
    Albert Henry (1977 : 93) oppose
    l'assurance, ça me connaît /
    La fille, elle me connaît.
  • 5
    Les déictiques spatiaux sont des morphèmes par lesquels chaque langue exprime la façon dont elle organise l'espace. Ce sont les "démonstratifs" et les "adverbes de lieu" dans la terminologie traditionnelle. (cf. : Teyssier ; 1990).
  • 6
    "On le rencontre encore au XVIIème siècle avec le verbe venir (ex. : venez çà, vous, dites-moi un peu quelle est la cause )" Henry (1977 : 75)
  • 7
    Voir Teyssier (1984 : 108 à 114).
  • 8
    Maingueneau (1991 : 28).
  • 9
    A ce propos, voir, entre autres, les travaux de C. Blanche-Benveniste et ceux du GARS de l'Université d'Aix-en-Provence.
  • Publication Dates

    • Publication in this collection
      02 May 2002
    • Date of issue
      2001
    Pontifícia Universidade Católica de São Paulo - PUC-SP PUC-SP - LAEL, Rua Monte Alegre 984, 4B-02, São Paulo, SP 05014-001, Brasil, Tel.: +55 11 3670-8374 - São Paulo - SP - Brazil
    E-mail: delta@pucsp.br